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A-20-82
Le procureur général du Canada (requérant)
c.
William Cole (intimé)
Division d'appel, juge en chef Thurlow, juges sup
pléants Cowan et Lalande—Toronto, 21 septem- bre 1982.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Assurance- chômage La demande fondée sur l'art. 28 tend à l'examen et à l'annulation de la décision par laquelle un juge-arbitre a accueilli un appel formé contre la décision d'un Conseil arbi- tral jugeant que l'intimé n'avait pas droit au bénéfice des prestations au motif qu'en vertu de l'art. 41(1) de la Loi sur l'assurance-chômage, un prestataire est exclu des prestations s'il quitte son emploi sans justification L'intimé avait volontairement pris sa retraite anticipée à la suite d'un accord entre lui-même et son employeur Le juge-arbitre a infirmé la décision du Conseil sur la base d'une vue différente des faits et au motif que dans des cas semblables, le Conseil avait décidé que les prestataires avaient droit à des prestations Portée de l'appel formé devant le juge-arbitre en vertu de l'art. 95 de la Loi En vertu de l'art. 95, le juge-arbitre n'a pas le droit de substituer sa propre vue des faits d'une cause à celle du Conseil, et ne peut intervenir que lorsque la conclusion du Conseil n'est pas soutenable compte tenu de la preuve dont disposait ce dernier Il faut tenir compte aussi du fait que puisque les autres décisions que le juge-arbitre a mentionnées avaient été rendues après la décision dont s'agit, par des Conseils dont la formation était différente, et qu'elles por- taient sur les faits particuliers de chaque cas, elles ne sont pas pertinentes à la question à trancher et ne sauraient permettre de conclure que la décision en question a été rendue de façon arbitraire Demande accueillie Loi de 1971 sur l'assu- rance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 41(1), 43(1) (abrogé par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 16), 95 (abrogé par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.). chap. 10, art. 28.
AVOCAT:
R. Levine pour le requérant.
A COMPARU:
W. Cole pour son propre compte.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
L'INTIMÉ POUR SON PROPRE COMPTE: W. Cole, Brantford.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation de la décision par laquelle un juge-arbitre, nommé en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970- 71-72, chap. 48, a accueilli un appel formé par l'intimé contre la décision d'un Conseil arbitral, et a jugé que c'est avec justification que l'intimé avait quitté son emploi chez Massey-Ferguson Indus tries Ltd. en prenant volontairement sa retraite à la suite d'un accord entre lui et son employeur. Au moment de sa retraite, l'intimé était âgé de 50 ans et avait travaillé pour la société pendant quelque 33 ans.
En vertu du paragraphe 41(1)' de la Loi, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations d'assurance-chômage pour une période qui, en application du paragraphe 43(1) [abrogé par S.C. 1974-75-76, chap. 80, art. 161 2 , ne peut dépasser six semaines s'il quitte volontairement son emploi sans justification.
La décision du Conseil est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] Le Conseil a examiné les éléments de preuve disponibles et est unanime à reconnaître que le prestataire a quitté son emploi chez Massey-Ferguson Industries Ltd. sans justification.
Étant donné les éléments de preuve produits et la décision contenue dans CUBS 5534 et 5535, le Conseil est convaincu que l'acceptation par le prestataire d'une retraite anticipée sans pression aucune de la part de cette société ne constituait pas une justification de départ au sens de la Loi.
Bien que le prestataire ait peut-être pressenti la possibilité d'une cessation d'emploi ultérieure, cela ne saurait être jugé assez certain pour constituer une justification.
En infirmant cette décision, le juge-arbitre, après avoir examiné, entre autres, les faits ressor- tant des motifs prononcés par le Conseil dans le cas de trois autres employés de Massey-Ferguson qui avaient quitté leur emploi dans des conditions
1 41. (1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations servies en vertu de la présente Partie s'il perd son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son emploi sans justification.
2 43. (1) Lorsqu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 40 ou 41, il l'est pour un nombre de semaines qui suivent le délai de carence et pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. Ces semai- nes sont déterminées par la Commission et leur nombre ne doit pas dépasser six.
semblables, du moins à certains égards, à celles du cas de l'intimée, dit ceci:
Le fait que d'autres personnes, dans des circonstances sembla- bles, aient touché des prestations, et que ces décisions n'aient pas été portées en appel par la Commission auprès d'un juge- arbitre, suffirait à me faire accueillir le présent appel. Je vais l'accueillir en me fondant plutôt sur le fait que M. Cole, dans ces circonstances, avait raison de prendre une retraite anticipée.
J'estime qu'un employé qui travaille dans une entreprise qui licencie du personnel ou risque de fermer ses portes a toutes les raisons voulues de prendre une retraite anticipée, à condition bien sûr qu'il démontre son intention de réintégrer la popula tion active au service d'un autre employeur.
L'appel à un juge-arbitre prévu à l'article 95 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [abrogé par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56] se limite à l'appel formé
95.... au motif que
a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Comme le texte qui définit ces motifs suit de très près celui du paragraphe 28(1) 3 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, la détermination de la portée des motifs d'ap- pel devant le juge-arbitre peut s'inspirer de la jurisprudence abondante, qui a été publiée, sur l'admissibilité à l'examen prévu à l'article 28. Il a été fermement établi par cette jurisprudence que la Cour n'a pas le droit de substituer sa vue des faits
3 28. (I) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu- res devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
d'une cause à celle du tribunal dont la décision fait l'objet d'un examen, et qu'à l'égard des conclusions de fait du tribunal, la Cour n'intervient que lors- que la conclusion n'est pas soutenable compte tenu de la preuve dont disposait le tribunal.
En l'espèce, le juge-arbitre semble avoir consi- déré qu'il aurait été fondé à annuler la décision du Conseil pour la seule raison que d'autres décisions la solution contraire a été adoptée n'ont pas été portées en appel par la Commission. Toutefois, ces décisions sont plus récentes que la décision dont s'agit. Ces décisions ont été rendues par des Con- seils dont la formation était différente et portaient sur les faits particuliers de chaque cas. Nous ne pensons pas que les décisions rendues dans ces cas permettent de conclure que la décision dont s'agit a été rendue de façon arbitraire, ou qu'elles soient pertinentes en l'espèce. À notre avis, rien dans ces décisions, prises séparément ou collectivement, ne permet au juge-arbitre d'accueillir l'appel de l'intimé.
Nous estimons aussi que la preuve dont disposait le Conseil justifie la décision de ce dernier, savoir que l'intimé a quitté son emploi sans justification, et que le juge-arbitre a commis une erreur de droit en infirmant cette décision et en y substituant sa propre opinion.
La décision est annulée, et l'affaire renvoyée au juge-arbitre pour qu'il statue sur l'appel de l'in- timé en partant du principe que ce dernier a quitté son emploi sans «justification» au sens du paragra- phe 41(1) de la Loi.
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