T-8251-82
Association nationale des employés et techniciens
en radiodiffusion (NABET) (requérante)
c.
Inland Broadcasters and Twin Cities Radio Ltd.
(intimée)
Division de première instance, juge Marceau—
Vancouver, 8 et 9 novembre 1982.
Relations du travail — Requête en vertu de la Règle 1909
visant à la suspension d'exécution d'une sentence arbitrale
déposée en Cour en application de l'art. 159(1) du Code
canadien du travail — La Division de première instance a-
t-elle le pouvoir de suspendre l'exécution d'une ordonnance?
— Requête rejetée — Application de l'arrêt Nauss et autre c.
La Section 269 de l'Association internationale des débardeurs
dans lequel on a statué que la Division de première instance
n'a pas compétence pour suspendre l'exécution d'une ordon-
nance du Conseil des relations du travail déposée en applica
tion de l'art. 123 du Code parce que cet article ne fait que
prévoir un moyen d'exécution des ordonnances du Conseil et ne
fait pas de l'ordonnance du Conseil une ordonnance de la Cour
— En l'espèce, l'art. 159, qui prévoit le dépôt d'une sentence
arbitrale à la Cour, est essentiellement le même que l'art. 123
— De plus, l'art. 156 indique clairement que le législateur a
voulu que la décision d'un arbitre soit encore plus définitive et
incontestable que celles du Conseil qui, en vertu des art. 119 et
122, sont définitives et ne peuvent être modifiées, mises en
question, révisées ou restreintes si ce n'est conformément à la
manière qui y est prévue — L'ordonnance demandée n'est pas
de la compétence de la Cour — Code canadien du travail,
S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 119 (mod. par S.C. 1972, chap.
18, art. 1), 122, 123 (mod. idem; S.C. 1977-78, chap. 27, art.
43), 156 (mod. idem, art. 53), 159 (mod. idem, art. 57) —
Règle 1909 de la Cour fédérale.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Nauss et autre c. La Section 269 de l'Association inter-
nationale des débardeurs, [1982] 1 C.F. 114 (C.A.).
AVOCATS:
I. Donald pour la requérante.
M. Hunter pour l'intimée.
PROCUREURS:
Rankin & Company, Vancouver, pour la
requérante.
Russell & DuMoulin, Vancouver, pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARCEAU: La présente requête solli-
cite une ordonnance [TRADUCTION] «aux fins de
suspendre, en application de la Règle 1909, l'exé-
cution de la sentence arbitrale de Clive McKee,
rendue le 28 septembre 1982 et déposée en cette
Cour conformément au paragraphe 159(1) du
Code canadien du travail vers le 20 octobre 1982
jusqu'à la délivrance d'une autre ordonnance de la
Cour, ou jusqu'au terme des procédures intentées
en Cour suprême de la Colombie-Britannique pour
faire annuler ladite sentence arbitrale».
Dans l'arrêt Nauss et autre c. La Section 269 de
l'Association internationale des débardeurs,
[1982] 1 C.F. 114 (C.A.), la Cour d'appel fédérale
a statué que la Division de première instance
n'était pas compétente pour suspendre l'exécution
d'une ordonnance du Conseil canadien des rela
tions du travail qui a été déposée à la Cour en
application de l'article 123' du Code canadien du
travail, S.R.C. 1970, chap. L-1. A mon avis, la
décision est fondée sur deux propositions fonda-
mentales: d'abord l'article 123 du Code ne fait que
prévoir un moyen d'exécution des ordonnances du
Conseil, il ne fait pas de l'ordonnance du Conseil
une ordonnance de la Cour; puis les articles 119 et
122 du Codez disent clairement que les décisions
1 123. (1) Le Conseil doit, sur demande écrite de toute
personne ou organisme concerné par une décision ou une
ordonnance du Conseil, déposer à la Cour fédérale du Canada
une copie du dispositif de la décision ou de l'ordonnance en
question, à moins qu'à son avis,
a) rien ne permette de croire à l'inobservation actuelle ou
prévisible de l'ordonnance ou de la décision, ou
b) il existe d'autres bonnes raisons pour lesquelles le dépôt de
l'ordonnance ou de la décision à la Cour fédérale ne servirait
aucune fin utile.
2 119. Le Conseil peut reviser, annuler ou modifier toute
décision ou ordonnance rendue par lui et peut entendre à
nouveau toute demande avant de rendre une ordonnance rela
tive à cette dernière.
122. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente
Partie, toute ordonnance ou décision du Conseil est définitive et
ne peut être remise en question devant un tribunal ni revisée
par un tribunal, si ce n'est conformément à l'alinéa 28(1)a) de
la Loi sur la Cour fédérale.
(2) Sauf dans la mesure où le paragraphe (1) le permet,
aucune ordonnance, décision ou procédure du Conseil faite ou
(Suite à la page suivante)
du Conseil doivent être définitives et ne peuvent
être modifiées, mises en question, révisées ou res-
treintes, si ce n'est conformément à la manière qui
y est prévue. Il s'ensuit que la Division de première
instance ne pouvait s'arroger le pouvoir de suspen-
dre l'exécution de l'ordonnance du Conseil comme
s'il s'était agi de sa propre ordonnance (tel que le
permet la Règle 1909), et qu'elle ne pouvait pas le
faire non plus en s'appuyant sur quelque disposi
tion précise de la loi.
À mon avis, cet arrêt s'applique manifestement
à l'espèce. L'article 159 du Code 3 , qui prévoit le
dépôt d'une sentence arbitrale à la Cour, est essen-
tiellement le même que l'article 123 et il n'y a pas
de doute, à cause de l'article 156 4 , que le législa-
teur a voulu que la décision d'un arbitre soit
encore plus «définitive» et «incontestable» que la
(Suite de la page précédente)
prise en vertu de l'autorité réelle ou présumée des dispositions
de la présente Partie
a) ne peuvent être mises en question, revisées, interdites ou
restreintes, ou
b) ne peuvent faire l'objet de procédures devant un tribunal
soit sous la forme d'injonction, certiorari, prohibition ou quo
warranto, soit autrement,
pour quelque motif y compris celui qu'elles outrepassent la
juridiction du Conseil ou qu'au cours des procédures le Conseil
a outrepassé ou perdu sa juridiction.
3 159. (1) Une personne ou association concernée par l'ordon-
nance ou la décision d'un arbitre ou d'un conseil d'arbitrage
peut, après l'expiration d'un délai de quatorze jours à partir de
la date de l'ordonnance ou de la décision ou de la date
d'exécution qui y est fixée, si celle-ci est postérieure, déposer à
la Cour fédérale du Canada une copie du dispositif de l'ordon-
nance ou de la décision.
(2) Dès son dépôt à la Cour fédérale du Canada effectué en
vertu du paragraphe (1), une ordonnance ou une décision d'un
arbitre ou d'un conseil d'arbitrage doit être enregistrée à la
Cour et cet enregistrement lui confère la même force et le
même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de la
Cour et toutes les procédures y faisant suite peuvent dès lors
être engagées en conséquence.
^ 156. (1) Toute ordonnance ou décision rendue par un
conseil d'arbitrage ou par un arbitre est définitive et ne peut
être mise en question devant un tribunal ni revisée par un
tribunal.
(2) Aucune ordonnance ne peut être rendue, aucun bref ne
peut être décerné ni aucune procédure ne peut être engagée, par
ou devant un tribunal, soit sous forme d'injonction, certiorari,
prohibition ou quo warranto, soit autrement, pour mettre en
question, reviser, interdire ou restreindre une activité exercée en
vertu de la présente Partie par un arbitre ou un conseil
d'arbitrage.
décision du Conseil. Cette conclusion peut paraître
plus regrettable en l'espèce qu'elle ne l'était dans
l'arrêt Nauss, puisqu'elle signifie, à toutes fins
utiles, l'impossibilité absolue d'obtenir la suspen
sion de l'exécution d'une sentence arbitrale. Il
m'apparaît évident cependant que le simple fait
que la conclusion soit particulièrement regrettable
ne peut justifier le refus d'appliquer le raisonne-
ment de la Cour d'appel et, de toute façon, ce fait
ne justifie certainement pas cette Cour, créée par
une loi, d'exercer une compétence qui ne lui a pas
été attribuée.
L'ordonnance demandée n'est pas de la compé-
tence de la Cour. La requête est irrecevable.
ORDONNANCE
La requête est rejetée avec dépens.
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