A-457-82
Neil A. Fraser (requérant)
c.
La Commission des relations de travail dans la
Fonction publique (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Pratte
et Ryan—Ottawa, 19 octobre; 23 novembre 1982.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Fonction
publique — Droit du fonctionnaire de critiquer les politiques
du gouvernement — Demande d'examen et d'annulation de la
décision par laquelle un arbitre a rejeté des griefs formés à la
suite de la décision de l'employeur de suspendre et puis de
congédier un fonctionnaire pour prétendue inconduite parce
qu'il avait critiqué des politiques du gouvernement — On a
constaté que le requérant avait critiqué le Premier ministre,
des politiques du gouvernement qui ne se rapportent pas à son
travail et la décision de sévir contre lui — L'arbitre a décidé
qu'un fonctionnaire peut, publiquement, critiquer la politique
du gouvernement, mais il a jugé que le requérant avait dimi-
nué son efficacité en tant que fonctionnaire — La Cour d'appel
a rejeté la demande fondée sur l'art. 28, repoussant ainsi les
prétentions qu'un fonctionnaire jouit de la liberté d'expression
pour critiquer les politiques du gouvernement qui ne concer-
nent pas son travail, que c'est à tort que l'arbitre a tiré des
conclusions de fait sans tenir compte des documents, et que la
directive selon laquelle le requérant devait s'abstenir de toute
critique publique était illégale — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28 — Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique. S.R.C. 1970,
chap. P-35, art. 2, 91, 96 — Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 32 — Charte cana-
dienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 2b) — Déclaration cana-
dienne des droits, S.C. 1960, chap. 44 JS.R.C. 1970, Appendice
IIIJ — Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction
publique, DORS/67-118, art. 106.
Le requérant était membre de la Fonction publique du
Canada. Il a, en public, critiqué des politiques du gouvernement
qui ne se rapportent pas à son travail au ministère du Revenu
national. On l'a suspendu et on lui a interdit de faire des
critiques publiques à l'égard du gouvernement. Le requérant a
contesté cette directive, critiqué de nouveau le Premier ministre
et le gouvernement, et il a affirmé que celui-ci n'était pas en
droit de brimer sa liberté d'expression. A la suite d'une seconde
suspension et d'un second ordre de s'abstenir de critiquer le
gouvernement, il a multiplié ses interventions publiques contre
le Premier ministre et le gouvernement; il a été congédié pour
inconduite.
Un arbitre, agissant en vertu de l'article 91 de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique, a décidé qu'un
fonctionnaire peut critiquer publiquement une politique du
gouvernement en faisant preuve de modération. La première
suspension a ainsi été révoquée. Toutefois, la suspension et le
congédiement ultérieurs ont été confirmés, le requérant ayant
critiqué publiquement le Premier ministre et certaines politi-
ques du gouvernement, comportement qui avait effectivement
diminué son efficacité en qualité de fonctionnaire, et qui consti-
tuait une inconduite justifiant le congédiement. Une demande
fondée sur l'article 28 a été introduite pour contester cette
décision. Le requérant prétend qu'un fonctionnaire a, dans
l'exercice de sa liberté d'expression, toute liberté de critiquer le
gouvernement et ses politiques à condition que ces politiques ne
soient reliées ni à son travail ni aux attributions du Ministère
où il travaille, que l'arbitre ne dispose d'aucun élément de
preuve concernant la «perception publique» du comportement
du requérant, et que, finalement, l'arbitre a commis une erreur
en ne considérant pas que la directive interdisant toutes nouvel-
les critiques du gouvernement était illégale.
Arrêt: la demande est rejetée. L'arbitre n'a commis aucune
erreur de droit en répondant à la question de droit qui lui était
soumise: le comportement du requérant constituait-il une incon-
duite? Il a examiné soigneusement la nature et les fonctions du
poste de l'employé ainsi que l'effet de la conduite qu'on lui
reprochait sur son efficacité dans l'exercice de ses fonctions. La
Cour d'appel a donc conclu que la décision de l'arbitre pouvait
raisonnablement se justifier. La décision de l'arbitre selon
laquelle un fonctionnaire peut critiquer publiquement la politi-
que du gouvernement en faisant preuve de modération n'a pas
été contestée.
Le juge en chef Thurlow: Il n'est pas question en l'espèce de
droits civils, de leurs limites ou de leur étendue: la liberté
d'expression n'est pas en cause. L'arbitre devait trancher la
question de droit qui lui était soumise: la conduite du requérant
était-elle de nature à porter atteinte à ses relations avec son
employeur et à diminuer son efficacité? Compte tenu des faits,
l'arbitre a conclu que cette conduite avait dépassé les limites
acceptables et diminué son efficacité en tant que fonctionnaire.
Cette question, comme celle de savoir si les mesures disciplinai-
res imposées sont appropriées, est une question de fait. Les
documents étayent les conclusions de l'arbitre. Même si on
acceptait qu'il existe une distinction entre les critiques faites
contre le gouvernement en tant que gouvernement et celles
dirigées contre le gouvernement en tant qu'employeur, il ne
s'agit que d'un des aspects de la conduite qu'un arbitre pourrait
juger utile d'examiner. Cette distinction ne soulève aucune
question de droit et à la lumière des faits, cette distinction ne
peut être retenue, car le requérant a vertement critiqué son
employeur pour avoir sévi contre lui.
Le juge Pratte: Un fonctionnaire peut diminuer son efficacité
en critiquant des politiques du gouvernement qui ne concernent
pas son Ministère, et la question de savoir si le comportement
d'un fonctionnaire est de nature à constituer une inconduite et à
justifier sa suspension ou son congédiement est une question de
fait qui relève de la compétence de l'arbitre. Pour que l'arbitre
conclue à une inconduite, il n'est pas nécessaire de faire la
preuve d'une diminution d'efficacité; il suffit que l'arbitre soit
convaincu que la conduite du fonctionnaire est de nature à
diminuer son efficacité. Même si la directive du supérieur
interdisant au requérant de critiquer de nouveau le gouverne-
ment en public était libellée en termes trop généraux, cela
n'excuse pas la conduite du requérant.
Le juge Ryan: Il n'est pas contesté que les fonctions et
responsabilités d'un fonctionnaire peuvent être de nature à
limiter son droit de se livrer à des critiques lorsque celles-ci
risquent de nuire à l'exercice de ses fonctions. Il existe une zone
grise entre le cas où une critique faite publiquement par un
fonctionnaire à l'encontre d'une politique diminuerait claire-
ment son efficacité dans l'exercice de ses fonctions et le cas où
une critique ne produirait pas un tel effet. L'arbitre a examiné
l'ensemble de la conduite et porté son attention sur cette zone
grise et, en le faisant, il n'a pas commis d'erreur. Il se peut que
la directive enjoignant au requérant de cesser ses critiques en
public ait été trop générale, mais cette directive ne saurait
justifier sa réaction qui constituait en soi une inconduite.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Stewart c. La Commission des relations de travail dans
la Fonction publique, [1978] 1 C.F. 133 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
Reference re Alberta Statutes, (1938] R.C.S. 100.
AVOCATS:
Maurice W. Wright, c.r. et Andrew J. Raven
pour le requérant.
Personne n'a comparu au nom de l'intimée.
Graham R. Garton pour le procureur général
du Canada.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour le requérant.
Contentieux, Commission des relations de
travail dans la Fonction publique, Ottawa,
pour l'intimée.
Le sous-procureur général du Canada pour le
procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je souscris aux
motifs fournis par le juge Pratte et suis d'avis de
rejeter la demande. J'aimerais cependant ajouter
quelques observations.
Selon moi, il n'est pas question en l'espèce de
droits civils, de leurs limites ou de leur étendue. Le
droit indiscutable du requérant à la liberté d'ex-
pression, que ce droit lui soit reconnu par la
common law, la Déclaration canadienne des
droits, S.C. 1960, chap. 44 [S.R.C. 1970, Appen-
dice III], ou la Charte canadienne des droits et
libertés, qui constitue la Partie I de la Loi consti-
tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), n'est pas et n'a
jamais été en cause dans la présente affaire. Il
s'agissait pour la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique de décider si la
conduite du requérant en l'espèce, soit critiquer et
dénoncer publiquement les politiques du gouverne-
ment canadien et sa gestion des affaires publiques,
était compatible avec sa relation avec son
employeur, diminuait son efficacité en tant que
fonctionnaire fédéral et justifiait ainsi les mesures
disciplinaires prises contre lui.
En l'espèce, il s'agit pour la Cour de déterminer
si la décision de la Commission constitue une
erreur de droit ou si elle est juridiquement défen-
dable, compte tenu de la preuve soumise à la
Commission. Il n'appartient pas à la Cour de juger
l'affaire à nouveau car elle n'a pas la compétence
voulue pour le faire dans une cause de ce genre.
Lorsqu'une personne accepte un emploi, elle
renonce nécessairement, dans la mesure où celui-ci
l'y oblige, à certains droits ou libertés qu'elle
pourrait autrement exercer. Elle renonce alors à sa
liberté de se livrer à d'autres activités qu'elle pour-
rait préférer exercer pendant les heures de travail.
Elle renonce également à ce droit dans la mesure
où cela peut s'avérer nécessaire pour lui permettre
d'accomplir son travail de façon satisfaisante. Elle
a sans aucun doute la liberté de veiller toute la nuit
mais elle peut devoir y renoncer à cause du travail
qu'elle doit accomplir le lendemain. Si elle ne le
fait pas et si son travail en souffre, son employeur
est susceptible de lui imposer des mesures discipli-
naires. De même, une personne qui accepte un
emploi renonce à sa liberté d'expression dans la
mesure où son travail peut l'y obliger afin de ne
pas diminuer son efficacité.
S'il arrive qu'un employé soit désenchanté et
n'accepte plus de renoncer à ses libertés et droits
fondamentaux pour satisfaire aux exigences de son
emploi, il peut, bien sûr, faire valoir et exercer ces
droits et libertés. Cependant, lorsque cela est
incompatible avec les fonctions qu'il exerce et
diminue son efficacité au travail, il doit ou bien
quitter son emploi ou accepter les mesures discipli-
naires qu'on lui impose.
La question de savoir si la conduite d'un
employé qui est frappée d'une mesure disciplinaire
détruit ou diminue son efficacité et celle de savoir
si les mesures disciplinaires imposées par l'em-
ployeur sont appropriées ne sont pas des questions
de droit. Il s'agit de questions de fait qu'il appar-
tient à la Commission de trancher conformément à
la Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, chap. P-35. Ni cette Loi ni
la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), chap. 10, ne permet à cette Cour de con-
naître de ces questions.
Il ressort des faits en l'espèce qu'il existait une
grande divergence de vues entre l'employeur et le
requérant quant à la conduite normale d'un fonc-
tionnaire. Il y a, d'une part, la position de l'em-
ployeur, telle qu'elle se traduit par les deux directi
ves données au requérant [TRADUCTION] «de
s'abstenir désormais de critiquer publiquement les
ministères, les organismes publics, les règlements
et les dirigeants de l'État». Et d'autre part, la
position du requérant qui, mises à part des criti
ques dirigées contre le Ministère pour lequel il
travaillait, prétendait qu'il avait toute liberté pour
critiquer publiquement le gouvernement, ses politi-
ques et sa gestion des affaires publiques. Manifes-
tement, l'arbitre a jugé qu'il s'agissait de deux
points de vue extrêmes et il n'a souscrit à aucun
d'eux. Il lui fallait décider si la conduite du requé-
rant était de nature à porter atteinte à ses relations
avec son employeur et à diminuer son efficacité et,
selon moi, c'est précisément la question qu'il a
examinée et tranchée. Ce faisant, il ne lui était pas
nécessaire d'élaborer davantage sur les critères
qu'il allait appliquer et les motifs pour lesquels il a
conclu qu'à la lumière des faits, la conduite du
requérant avait dépassé les limites, acceptables et
diminué son efficacité en tant que fonctionnaire.
L'avocat du requérant a insisté sur la distinction
qui, d'après lui, existe entre les critiques faites en
public par un fonctionnaire contre le gouverne-
ment du Canada en tant que gouvernement du
pays et les critiques que l'on pourrait considérer
comme étant dirigées contre le gouvernement du
Canada en tant qu'employeur. Si je comprends
bien cet argument, l'avocat a tenté de convaincre
le tribunal que la conduite du requérant devait être
considérée comme étant de la première catégorie
et non comme une critique à l'endroit de son
employeur en tant que tel. A partir de là, il conclut
que la conduite du requérant n'aurait dû avoir
aucun effet néfaste sur la relation harmonieuse
qu'il entretenait avec son employeur ni sur son
efficacité dans l'exercice de ses fonctions. A mon
avis, même si on acceptait cette distinction, il ne
s'agit que d'un des aspects de la conduite qu'un
arbitre pourrait juger utile d'examiner pour déter-
miner quel effet la conduite en question a eu sur la
relation employé-employeur et pour déterminer si
cette conduite visait à diminuer ou a effectivement
diminué l'efficacité de l'employé en tant qu'em-
ployé. A mon avis, cette distinction ne soulève
aucune question de droit.
A la lumière des faits, il est manifeste que cette
distinction ne peut être retenue. Le paragraphe 15
de la décision révèle que, dans son allocution publi-
que en date du 1e" février 1982, le requérant a
vertement critiqué son employeur pour avoir sévi
contre lui à la suite de ce qui était survenu aupara-
vant. La décision montre en outre que le requérant
a discuté publiquement de sa relation avec son
employeur au cours d'un ou de plusieurs program
mes de radio auxquels il a participé. Les pièces
aussi contiennent une abondance d'indications
selon lesquelles le requérant a discuté publique-
ment de la situation qui existait entre lui et son
employeur à la suite de ses critiques. L'arbitre a
bien tenu compte de tout cela, tel qu'il ressort de la
dernière partie du paragraphe 52 de sa décision:
Comme le révèle la preuve, ce ne sont pas les critiques de M.
Fraser contre la conversion au système métrique qui lui ont
fourni sa «plate-forme»; c'est plutôt le fait qu'il a passé outre
aux restrictions dont il faisait l'objet à titre de fonctionnaire qui
a retenu l'attention des médias.
A mon avis, l'arbitre a bien compris quel était
son rôle, ses conclusions sont défendables compte
tenu des documents qui lui ont été soumis et sa
décision ne constitue pas une erreur de droit.
Je rejetterais la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'une demande
fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, qui vise à faire examiner et annuler une
décision rendue par un arbitre en application de la
Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique. Cette décision tranchait trois griefs pré-
sentés par le requérant à la suite de mesures
disciplinaires (y compris son congédiement) qui
ont été prises contre lui par son employeur, Sa
Majesté la Reine.
Le requérant était un employé de la Fonction
publique du Canada. Il travaillait au bureau du
ministère du Revenu national du district de Kings-
ton où il occupait le poste de chef de groupe de la
Division de la vérification des dossiers d'entrepri-
ses. Cette Division a pour mission de «vérifier les
états financiers des grandes entreprises pour voir
au respect de la fiscalité.»' Le requérant «était
chargé de sélectionner les dossiers et d'en confier
la vérification à ses subalternes.» Avant d'être
congédié, il avait «passé dix années à Revenu
Canada dont les cinq dernières comme chef de
groupe.» Son rendement a toujours été satisfaisant
et avant les événements qui ont donné lieu à la
présente affaire, il n'avait jamais fait l'objet de
mesures disciplinaires. Ces événements sont relatés
en détail dans la décision contestée; aux fins des
présents motifs, je ne ferai que les résumer.
Le 18 janvier 1982, le journal The Whig-
Standard (Kingston) a publié, sous la signature du
requérant, une lettre qui critiquait la politique du
gouvernement concernant la conversion au système
métrique. Quelques jours plus tard, soit le 25
janvier, le requérant a assisté, en compagnie d'un
groupe opposé à la conversion au système métri-
que, à une réunion du Conseil municipal de Kings-
ton où on devait débattre une motion contestant la
politique du gouvernement en cette matière. Le
lendemain, dans The Whig-Standard (Kingston),
un compte rendu de cette réunion mentionnait que
Fraser était employé de Revenu Canada; l'article
était accompagné d'une photographie du requérant
tenant une pancarte sur laquelle était écrite un
slogan critiquant la conversion au système
métrique.
Après avoir pris connaissance de ces événe-
ments, Lowe, surveillant du requérant, a conclu,
après avoir consulté ses supérieurs, que les déclara-
tions publiques du requérant contre une politique
et une agence du gouvernement constituaient une
inconduite qui justifiait une mesure disciplinaire.
Il a donc suspendu le requérant pour une période
de trois jours et lui a ordonné de s'abstenir désor-
mais de critiquer publiquement les ministères, les
Les citations non identifiées qui font partie des présents
motifs sont extraites de la décision de l'arbitre.
organismes publics, les règlements et les dirigeants
de l'État.
Le requérant, fort choqué de cette directive qui
lui interdisait de critiquer publiquement le gouver-
nement, a décidé de la contester et d'exposer son
grief en public.
Le 1" février 1982, le requérant a pris la parole
à une réunion du Conseil municipal de Kingston:
après avoir déclaré que le gouvernement n'avait
pas le droit de brimer sa liberté d'expression, il a
critiqué la façon dont le Premier ministre et son
gouvernement dirigeaient le pays. Ses critiques
s'adressaient plus précisément au programme de
conversion au système métrique et à la Charte des
droits incorporée au projet de Loi constitution-
nelle. Cette allocution a fait l'objet d'une publicité
tapageuse dans la presse et les autres médias. Le
requérant «a cultivé cette attention des médias en
accordant des interviews» et en participant à des
tribunes téléphoniques, profitant de ces occasions
pour exposer son grief et critiquer le Premier
ministre et le gouvernement.
Ces événements étant, une fois de plus, venus à
sa connaissance, Lowe a décidé que, pour une
seconde fois, le comportement du requérant consti-
tuait une inconduite qui justifiait une mesure disci-
plinaire. Il l'a suspendu pour une période de dix
jours et lui a ordonné de nouveau de s'abstenir
désormais de critiquer publiquement les ministè-
res, les organismes publics, les règlements et les
dirigeants de l'État.
Cette seconde suspension n'a pas incité le requé-
rant à modifier son attitude. Il a au contraire
multiplié ses interventions publiques contre le Pre
mier ministre, le gouvernement et le projet de
Charte des droits. C'est pourquoi Lowe lui a écrit
le 22 février 1982 pour lui dire que son emploi au
sein de la Fonction publique prenait fin le 23
février 1982.
Le requérant a protesté contre ses deux suspen
sions et son congédiement en présentant des griefs
qui ont été renvoyés à l'arbitrage et qui ont fait
l'objet de la décision visée par la présente demande
fondée sur l'article 28.
L'arbitre a décidé que le grief du requérant
contre sa première suspension était bien fondé. A
son avis, le fait que le requérant ait envoyé au
rédacteur en chef de The Whig-Standard (Kings-
ton) une lettre critiquant la politique du gouverne-
ment concernant la conversion au système métri-
que et le fait qu'il ait participé à une manifestation
publique contre cette politique ne diminuaient en
rien son efficacité en sa qualité de fonctionnaire et,
pour cette raison, il ne s'était pas rendu coupable
d'inconduite. En conséquence, il ordonna qu'une
indemnité soit versée au requérant parce qu'il avait
été suspendu illégalement.
L'arbitre a jugé différemment la conduite du
requérant après la première suspension. Voici com
ment il a décrit cette conduite:
Après sa première suspension, M. Fraser a conclu que ses
critiques contre la conversion au système métrique lui avaient
donné une «plate-forme» pour réaliser son véritable projet,
c'est-à-dire étaler sur la place publique son opposition à la
Constitution. Il a accordé des interviews aux journalistes, il est
apparu à la télévision et a participé à des tribunes téléphoni-
ques. Il était devenu une vedette. Pendant que sa popularité
montait en flèche, le tribun qui l'habitait alors cultivait une
rhétorique orchestrée et tapageuse. Les médias se sont intéres-
sés à lui encore plus. Non seulement M. Fraser critiquait les
politiques du gouvernement, mais encore il dénonçait la
manière dont les dirigeants de l'État administraient les affaires
publiques.
L'arbitre a conclu qu'en critiquant publiquement
le Premier ministre, le gouvernement et certaines
de ses politiques, le requérant avait foulé aux pieds
toutes les convenances et que sa seconde suspen
sion et son congédiement étaient justifiés. Si je
comprends bien la décision, l'arbitre a décidé que
la conduite du requérant après sa première suspen
sion avait effectivement diminué son efficacité en
qualité de fonctionnaire.
L'avocat du requérant a contesté cette décision
pour plusieurs raisons. Il a d'abord prétendu que
l'arbitre a eu tort de rejeter son allégation selon
laquelle un fonctionnaire a toute liberté pour criti-
quer le gouvernement et ses politiques à la condi
tion que ces critiques ne portent pas sur son tra
vail, son ministère ou ses supérieurs au sein du
ministère. Je crois que cet argument est indéfenda-
ble. A mon avis, l'arbitre a eu tout à fait raison de
dire tout d'abord qu'un fonctionnaire se rendait
coupable d'inconduite s'il agissait de façon à dimi-
nuer ou risquer de diminuer son efficacité en tant
que fonctionnaire et, en second lieu, qu'il pouvait
diminuer son efficacité en critiquant les politiques
du gouvernement qui ne concernaient pas son
ministère. J'ajoute que la question de savoir si dans
un cas donné, le comportement d'un fonctionnaire
est de nature à constituer une inconduite et à
justifier sa suspension ou son congédiement est, à
mon avis, une question de fait qui doit être laissée
à l'appréciation des arbitres.
L'avocat du requérant a en outre soutenu que
l'arbitre a commis une erreur de droit en faisant
mention de la «perception publique» de la conduite
du requérant alors qu'on ne lui a pas fait la preuve
de cette perception. Si je comprends bien cet argu
ment, l'arbitre a conclu que le requérant a, par sa
conduite, diminué son efficacité en tant que fonc-
tionnaire bien qu'il n'y ait eu aucune preuve à cet
effet. On peut répondre à cet argument en invo-
quant la décision rendue par cette Cour dans
l'affaire Stewart c. La Commission des relations
de travail dans la Fonction publique 2 . Pour qu'un
arbitre conclue qu'un fonctionnaire s'est rendu
coupable d'inconduite en agissant de façon à dimi-
nuer son efficacité en tant que fonctionnaire, il
n'est pas nécessaire de faire la preuve de cette
incidence néfaste; il suffit que l'arbitre soit con-
vaincu que la conduite du fonctionnaire est de
nature à diminuer son efficacité.
Suivant un autre argument présenté au nom du
requérant, l'arbitre a commis une erreur de droit
en mettant l'accent sur les responsabilités du
requérant sans tenir compte de ses droits et de sa
liberté d'expression. Cet argument est mal fondé.
En vérité, l'arbitre a refusé de rédiger un traité sur
tous les aspects de la liberté d'expression du fonc-
tionnaire et s'est limité à répondre à la question de
droit qui lui était soumise: le comportement du
requérant était-il de nature à constituer une incon-
duite justifiant sa suspension et son congédiement?
Ce faisant, l'arbitre a, à mon avis, agi conformé-
ment au droit et à la raison.
L'avocat du requérant prétend enfin que l'arbi-
tre a commis une erreur de droit en ne tenant pas
compte de l'illégalité de la directive donnée au
requérant par son supérieur, laquelle lui interdisait
de critiquer de nouveau le gouvernement en public.
Je n'accorde aucune valeur à cet argument. Même
si cette directive était libellée en termes trop géné-
raux (cette question ne faisant pas l'objet du pré-
2 [1978] 1 C.F. 133 (C.A.).
sent débat), cela n'excuse pas la conduite du
requérant. Le recours auquel il pouvait avoir droit
était le grief.
Je rejetterais la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il s'agit d'une demande fondée
sur l'article 28 3 et visant à obtenir l'examen et
l'annulation d'une décision du président suppléant
de la Commission des relations de travail dans la
Fonction publique («l'arbitre») à l'issue du renvoi à
l'arbitrage de trois griefs présentés par le requé-
rant Fraser en vertu de l'article 91 de la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique 4 .
3 Le paragraphe 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale est
ainsi rédigé:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute
autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et
juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision
ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de
nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office,
une commission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion
de procédures devant un office, une commission ou un autre
tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le
tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a
autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une
erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du
dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclu
sion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou
sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
4 Le paragraphe 91(1) de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique est ainsi conçu:
91. (I) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au
dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive-
ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le
concerne, d'une disposition d'une convention collective ou
d'une décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement,
la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante
pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
Le paragraphe 96(2) de la Loi sur les relations de travail dans
la Fonction publique prévoit notamment ce qui suit:
96....
(2) Après avoir étudié le grief, l'arbitre doit rendre une
décision à son sujet ...
L'un d'eux portait sur une suspension pour une
période de trois jours, l'autre, sur une suspension
d'une durée de dix jours et le troisième, le plus
important bien sûr, sur son congédiement. L'arbi-
tre a fait droit au premier grief mais il a rejeté les
autres. Les suspensions et le congédiement ont été
imposés en raison d'une prétendue inconduite.
Fraser aurait notamment critiqué les politiques
que suivait, selon lui, le gouvernement du Canada
relativement à l'adoption du système métrique et à
la modification de la Constitution. Mais ce n'est
pas uniquement pour avoir critiqué les politiques
du gouvernement que le requérant a fait l'objet de
mesures disciplinaires. Le juge Pratte en fait le
résumé dans ses motifs de jugement.
Dans son mémoire, l'avocat du requérant sou-
tient que la question fondamentale est de savoir si
l'arbitre a commis une erreur en confirmant le
congédiement de Fraser, compte tenu du fait
(comme on le prétend) que celui-ci a publiquement
critiqué le gouvernement concernant des questions
qui n'avaient aucun rapport avec son travail ni
avec les fonctions du Ministère où il travaillait. Si
je comprends bien cet argument, il dit que la
conduite de Fraser ne constituait pas et ne pouvait
constituer une «inconduite» pouvant faire l'objet de
mesures disciplinaires. Cet argument voudrait
donc dire, essentiellement, que l'arbitre a commis
une erreur de droit en décidant que le comporte-
ment de Fraser constituait une inconduite.
L'avocat a présenté plusieurs autres arguments.
Il a soutenu qu'en décidant que Fraser s'était
rendu coupable d'inconduite, l'arbitre a examiné
les fonctions et responsabilités du poste de Fraser
sans tenir compte de la question de savoir si un
fonctionnaire a le droit de critiquer le gouverne-
ment; il a en outre déclaré que la directive donnée
à Fraser par son supérieur de cesser ses critiques
en public était illégale et que la mention dans les
motifs de la décision de l'arbitre de la perception
publique de la conduite de Fraser ne reposait sur
aucun élément de preuve.
L'intimée a soutenu essentiellement que la déci-
sion de l'arbitre reposait sur des faits et que
celui-ci n'a commis aucune erreur de droit en
rendant cette décision.
Fraser a été congédié par le sous-ministre
adjoint du Revenu national qui a déclaré dans sa
lettre de congédiement qu'il agissait en vertu du
pouvoir délégué que lui conférait l'article 106 du
Règlement sur les conditions d'emploi dans la
Fonction publique, DORS/67-118, («le Règle-
ment») 5 . L'avocat du requérant a admis que le
sous-ministre adjoint était habilité à exercer, au
nom du sous-ministre, le pouvoir conféré à ce
dernier par cet article. Il a également admis que
Lowe, le supérieur de Fraser, avait le pouvoir
d'imposer une suspension pour une période de dix
jours.
Le sous-ministre adjoint a congédié Fraser pour
cause «d'inconduite».
Au moment de son congédiement, Fraser occu-
pait le poste de chef de groupe (AU-3) dans la
Division de la vérification des dossiers d'entrepri-
ses. Il travaillait au bureau de district de Kingston
de Revenu Canada. Il a été au service du Minis-
tère pendant environ dix ans et il a occupé le poste
de chef de groupe pendant environ cinq ans. Pen
dant la durée de son emploi, son travail a été coté
de [TRADUCTION] «satisfaisant à très satisfaisant».
Il est bien établi que les fonctions exercées par le
requérant ne concernaient pas directement les poli-
tiques qu'il a critiquées et que ces critiques qui luj
ont valu d'être puni, n'ont pas été faites à son lieu
de travail ni durant ses heures de travail.
Suivant le principal argument de l'avocat de
Fraser, celui-ci était un fonctionnaire et un citoyen
canadien et son droit à la liberté d'expression ne
pouvait être limité que dans la mesure où l'exer-
cice de ce droit nuisait à l'exécution efficace des
fonctions de son poste. Je ferai remarquer que
Fraser était un employé de Sa Majesté du chef du
5 L'article 106 du Règlement prévoit notamment*:
106. Sous réserve de tout édit du Conseil du Trésor, un
sous-chef peut
(a) fixer les normes de discipline pour
(i) les employés,
(b) prescrire, imposer, modifier ou abroger, en totalité ou
en partie, des pénalités financières et autres, y compris la
suspension et le congédiement, qui peuvent s'appliquer
dans le cas d'infraction à la discipline d'inconduite de la
part des personnes mentionnées à l'alinéa (a).
* [Voir le Manuel de gestion du personnel, Vol. 8, .Rémuné-
ration», Appendice A, CT 665757, émis par le Conseil du
Trésor du Canada le 2 mars 1967—l'arrêtiste.]
Canada 6 et non, à proprement parler, un employé
du gouvernement en place. Il a cependant été
admis que le fait pour un fonctionnaire de criti-
quer publiquement une politique du gouvernement
pouvait nuire à l'exercice des fonctions de son
poste. Il pourrait, par exemple, y avoir, entre un
haut fonctionnaire et le gouvernement ou certains
de ses membres, une relation fondée sur la con-
fiance. Il se pourrait en outre que le fait pour un
fonctionnaire de critiquer publiquement une politi-
que dont il est responsable soit de nature à dimi-
nuer son efficacité. Il faut admettre toutefois—ce
que l'avocat du requérant a fait valoir—que les
politiques poursuivies par un gouvernement soient
des sujets on ne peut plus appropriés de débat et de
critique par les citoyens canadiens et d'autres per-
sonnes, et Fraser est, lui aussi, un citoyen. Il me
semble cependant (et je ne pense pas que cela soit
contesté) que les fonctions et responsabilités d'un
fonctionnaire puissent être de nature à limiter son
droit de se livrer à des critiques lorsque celles-ci
risquent de nuire à l'exercice de ses fonctions. La
restriction imposée par l'article 32 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-32, concernant les activités politiques en
est un exemple frappant. Cette restriction permet
néanmoins, dans certains cas, d'exercer de telles
activités: un fonctionnaire peut notamment bénéfi-
cier d'un congé pour se présenter comme candidat
à une élection si la Commission de la Fonction
publique est «... d'avis que, par rapport à la
Fonction publique, l'efficacité de l'employé, dans
le poste qu'il occupe alors, n'aura pas à souffrir du
fait qu'il aura été candidat à une élection ...».
J'estime que le critère établi par cet article est
utile dans la présente affaire même s'il n'est pas
directement applicable. Personne, bien sûr, ne pré-
tend que Fraser a enfreint l'article 32.
Il doit, de toute évidence, y avoir une zone grise
entre le cas où une critique faite publiquement par
un fonctionnaire à l'encontre d'une politique dimi-
6 L'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique définit aux fins de la Loi le mot «employeur»
comme suit:
2...
«employeur» désigne Sa Majesté du chef du Canada
représentée,
a) dans le cas de tout élément de la fonction publique du
Canada que spécifie la Partie I de l'annexe 1, par le conseil
du Trésor, ...
fluerait clairement son efficacité dans l'exercice de
ses fonctions et le cas où une critique ne produirait
pas un tel effet. Il peut arriver qu'un fonctionnaire
qui agit ainsi fasse l'objet de mesures disciplinai-
res. Dans ce cas, l'employé peut présenter un grief
et le soumettre à l'arbitrage. Suivant la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique, le
grief est tranché en dernier ressort par un arbitre
qui examinera, comme l'a fait l'arbitre dans la
présente affaire, les arguments des parties: l'em-
ployé qui prétend avoir exercé son droit à la liberté
d'expression d'une manière qui n'était pas incom
patible avec les fonctions de son poste et l'autorité
qui a sévi suivant laquelle la conduite du requé-
rant, notamment son allocution, a diminué son
efficacité'. Il se peut fort bien que cela comporte,
l'examen attentif, par l'arbitre, de la nature et des
fonctions du poste de l'employé ainsi que de l'effet
de la conduite qu'on lui reproche sur son efficacité.
dans l'exercice de ses fonctions. La décision de
l'arbitre est, bien sûr, susceptible d'examen judi-
ciaire mais uniquement pour les motifs énoncés à
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Je comprends mal l'explication par l'avocat du
requérant de la question qui est au centre du
présent débat. La décision actuellement examinée
est celle par laquelle l'arbitre a rejeté deux des
griefs présentés par Fraser. Le fondement de sa
conclusion selon laquelle la suspension et le congé-
diement étaient justifiés se trouvent dans sa déci-
sion et dans ses motifs. Cette décision ne se fondait
pas uniquement sur les critiques faites par Fraser à
l'encontre des politiques du gouvernement relatives
à l'adoption du système métrique et des change-
ments constitutionnels mais sur l'ensemble de la
conduite de ce dernier à la suite de sa première
suspension. Dans ses motifs, l'arbitre décrit en
détail les événements qui, à son avis, justifiaient
l'imposition de mesures disciplinaires.
L'arbitre n'a pas jugé que les critiques de la
politique gouvernementale faites en public justi-
fiaient en soi des mesures disciplinaires. Il a fait
droit au premier grief même si Fraser avait été
suspendu pour avoir critiqué publiquement le pro
' Le droit à la liberté d'expression n'est pas simplement une
question d'intérêt privé ou individuel. La liberté d'expression
ainsi que l'existence d'une fonction publique efficace et impar-
tiale sont des questions importantes d'intérêt public: voir, par
exemple, les notes du juge en chef Duff aux pp. 132 et 133 dans
Reference re Alberta Statutes, [ 1938] R.C.S. 100.
gramme de conversion au système métrique. Voic.
un important passage que l'on trouve à la page 31
de ses motifs:
M' Newman a invoqué ces observations ... pour laisse]
entendre carrément qu'à moins d'être protégé par l'immuniti
syndicale, un fonctionnaire n'avait le droit de faire aucun(
déclaration publique contre la politique du gouvernement. Ce
argument ne tient pas, à mon sens. M° Jolliffe, selon moi, di
qu'un fonctionnaire se doit de faire preuve de modération; il m
dit pas qu'il doit se tenir coi ....
Les principes qu'«a invoqué[s]» Me Newman (qui
représentait le Conseil du Trésor au moment de
l'arbitrage) ont été énoncés par l'arbitre dans l'af-
faire Stewart qui a été soumise à cette Cour 8 .
Il ressort de cet extrait des motifs de l'arbitre
qu'un fonctionnaire peut critiquer publiquement
une politique gouvernementale en faisant preuve
de modération. Je constate, en lisant ses motifs.
qu'il a tenu compte de ce droit en décidant si la
conduite de Fraser constituait, dans l'ensemble.
une inconduite.
L'arbitre a reconnu, me semble-t-il, qu'il se
trouvait dans la zone grise dont j'ai fait mention;
et si je garde à l'esprit tous les éléments dont il a
tenu compte, je ne peux dire que sa décision ne
peut se justifier. Il m'apparaît en outre qu'il a
conclu implicitement que, tout bien considéré, la
conduite de Fraser était de nature à diminuer son
efficacité aux fins du poste qu'il occupait au sein
de la Fonction publique. La question de savoir si sa
conclusion était bien ou mal fondée ne peut, en soi,
faire l'objet d'une demande fondée sur l'article 28.
Je concluerai en examinant les autres arguments
de l'avocat du requérant.
L'arbitre a examiné la question de savoir si un
fonctionnaire a le droit de critiquer le gouverne-
ment et on ne m'a pas convaincu qu'il a commis
une erreur de droit en procédant comme il l'a fait.
Il se peut que la directive donnée à Fraser en
même temps que sa première suspension, et l'enjoi-
gnant de cesser ses critiques en public, ait été trop
générale ou discutable. Je pense cependant, à l'ins-
tar du juge Pratte, que cette directive ne pouvait
8 Stewart c. La Commission des relations de travail dans la
Fonction publique, [1978] 1 C.F. 133 (C.A.).
justifier sa réaction si, comme l'a décidé l'arbitre,
celle-ci constituait une inconduite. L'avocat n'a
pas invoqué l'alinéa 2b) de la Charte canadienne
des droits et libertés à ce sujet ou au sujet d'autres
aspects de cette affaire, peut-être parce que la
conduite en cause, les mesures disciplinaires, la
présentation des griefs et le renvoi à l'arbitrage
sont tous antérieurs à la proclamation de la
Charte. Il n'est donc nullement question de l'alinéa
2b) de la Charte dans la présente affaire.
Je répondrai comme l'a fait le juge Pratte à
l'argument selon lequel l'appréciation, par l'arbi-
tre, de la perception publique du comportement de
Fraser ne reposait sur aucun élément de preuve.
On n'a pas fait valoir que l'arbitre avait outre-
passé ses pouvoirs ou qu'il avait commis un déni de
justice naturelle à l'endroit de Fraser. On ne m'a
pas convaincu que l'arbitre a commis une erreur de
droit. Je rejetterais, par conséquent, la demande
fondée sur l'article 28.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.