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A-457-82
Neil A. Fraser (requérant)
c.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique (intimée)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Pratte et Ryan—Ottawa, 19 octobre; 23 novembre 1982.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Fonction publique Droit du fonctionnaire de critiquer les politiques du gouvernement Demande d'examen et d'annulation de la décision par laquelle un arbitre a rejeté des griefs formés à la suite de la décision de l'employeur de suspendre et puis de congédier un fonctionnaire pour prétendue inconduite parce qu'il avait critiqué des politiques du gouvernement On a constaté que le requérant avait critiqué le Premier ministre, des politiques du gouvernement qui ne se rapportent pas à son travail et la décision de sévir contre lui L'arbitre a décidé qu'un fonctionnaire peut, publiquement, critiquer la politique du gouvernement, mais il a jugé que le requérant avait dimi- nué son efficacité en tant que fonctionnaire La Cour d'appel a rejeté la demande fondée sur l'art. 28, repoussant ainsi les prétentions qu'un fonctionnaire jouit de la liberté d'expression pour critiquer les politiques du gouvernement qui ne concer- nent pas son travail, que c'est à tort que l'arbitre a tiré des conclusions de fait sans tenir compte des documents, et que la directive selon laquelle le requérant devait s'abstenir de toute critique publique était illégale Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28 Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 2, 91, 96 Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 32 Charte cana- dienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 2b) Déclaration cana- dienne des droits, S.C. 1960, chap. 44 JS.R.C. 1970, Appendice IIIJ Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique, DORS/67-118, art. 106.
Le requérant était membre de la Fonction publique du Canada. Il a, en public, critiqué des politiques du gouvernement qui ne se rapportent pas à son travail au ministère du Revenu national. On l'a suspendu et on lui a interdit de faire des critiques publiques à l'égard du gouvernement. Le requérant a contesté cette directive, critiqué de nouveau le Premier ministre et le gouvernement, et il a affirmé que celui-ci n'était pas en droit de brimer sa liberté d'expression. A la suite d'une seconde suspension et d'un second ordre de s'abstenir de critiquer le gouvernement, il a multiplié ses interventions publiques contre le Premier ministre et le gouvernement; il a été congédié pour inconduite.
Un arbitre, agissant en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, a décidé qu'un fonctionnaire peut critiquer publiquement une politique du gouvernement en faisant preuve de modération. La première suspension a ainsi été révoquée. Toutefois, la suspension et le congédiement ultérieurs ont été confirmés, le requérant ayant critiqué publiquement le Premier ministre et certaines politi-
ques du gouvernement, comportement qui avait effectivement diminué son efficacité en qualité de fonctionnaire, et qui consti- tuait une inconduite justifiant le congédiement. Une demande fondée sur l'article 28 a été introduite pour contester cette décision. Le requérant prétend qu'un fonctionnaire a, dans l'exercice de sa liberté d'expression, toute liberté de critiquer le gouvernement et ses politiques à condition que ces politiques ne soient reliées ni à son travail ni aux attributions du Ministère il travaille, que l'arbitre ne dispose d'aucun élément de preuve concernant la «perception publique» du comportement du requérant, et que, finalement, l'arbitre a commis une erreur en ne considérant pas que la directive interdisant toutes nouvel- les critiques du gouvernement était illégale.
Arrêt: la demande est rejetée. L'arbitre n'a commis aucune erreur de droit en répondant à la question de droit qui lui était soumise: le comportement du requérant constituait-il une incon- duite? Il a examiné soigneusement la nature et les fonctions du poste de l'employé ainsi que l'effet de la conduite qu'on lui reprochait sur son efficacité dans l'exercice de ses fonctions. La Cour d'appel a donc conclu que la décision de l'arbitre pouvait raisonnablement se justifier. La décision de l'arbitre selon laquelle un fonctionnaire peut critiquer publiquement la politi- que du gouvernement en faisant preuve de modération n'a pas été contestée.
Le juge en chef Thurlow: Il n'est pas question en l'espèce de droits civils, de leurs limites ou de leur étendue: la liberté d'expression n'est pas en cause. L'arbitre devait trancher la question de droit qui lui était soumise: la conduite du requérant était-elle de nature à porter atteinte à ses relations avec son employeur et à diminuer son efficacité? Compte tenu des faits, l'arbitre a conclu que cette conduite avait dépassé les limites acceptables et diminué son efficacité en tant que fonctionnaire. Cette question, comme celle de savoir si les mesures disciplinai- res imposées sont appropriées, est une question de fait. Les documents étayent les conclusions de l'arbitre. Même si on acceptait qu'il existe une distinction entre les critiques faites contre le gouvernement en tant que gouvernement et celles dirigées contre le gouvernement en tant qu'employeur, il ne s'agit que d'un des aspects de la conduite qu'un arbitre pourrait juger utile d'examiner. Cette distinction ne soulève aucune question de droit et à la lumière des faits, cette distinction ne peut être retenue, car le requérant a vertement critiqué son employeur pour avoir sévi contre lui.
Le juge Pratte: Un fonctionnaire peut diminuer son efficacité en critiquant des politiques du gouvernement qui ne concernent pas son Ministère, et la question de savoir si le comportement d'un fonctionnaire est de nature à constituer une inconduite et à justifier sa suspension ou son congédiement est une question de fait qui relève de la compétence de l'arbitre. Pour que l'arbitre conclue à une inconduite, il n'est pas nécessaire de faire la preuve d'une diminution d'efficacité; il suffit que l'arbitre soit convaincu que la conduite du fonctionnaire est de nature à diminuer son efficacité. Même si la directive du supérieur interdisant au requérant de critiquer de nouveau le gouverne- ment en public était libellée en termes trop généraux, cela n'excuse pas la conduite du requérant.
Le juge Ryan: Il n'est pas contesté que les fonctions et responsabilités d'un fonctionnaire peuvent être de nature à limiter son droit de se livrer à des critiques lorsque celles-ci risquent de nuire à l'exercice de ses fonctions. Il existe une zone
grise entre le cas une critique faite publiquement par un fonctionnaire à l'encontre d'une politique diminuerait claire- ment son efficacité dans l'exercice de ses fonctions et le cas une critique ne produirait pas un tel effet. L'arbitre a examiné l'ensemble de la conduite et porté son attention sur cette zone grise et, en le faisant, il n'a pas commis d'erreur. Il se peut que la directive enjoignant au requérant de cesser ses critiques en public ait été trop générale, mais cette directive ne saurait justifier sa réaction qui constituait en soi une inconduite.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Stewart c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique, [1978] 1 C.F. 133 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
Reference re Alberta Statutes, (1938] R.C.S. 100. AVOCATS:
Maurice W. Wright, c.r. et Andrew J. Raven pour le requérant.
Personne n'a comparu au nom de l'intimée. Graham R. Garton pour le procureur général du Canada.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour le requérant. Contentieux, Commission des relations de travail dans la Fonction publique, Ottawa, pour l'intimée.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je souscris aux motifs fournis par le juge Pratte et suis d'avis de rejeter la demande. J'aimerais cependant ajouter quelques observations.
Selon moi, il n'est pas question en l'espèce de droits civils, de leurs limites ou de leur étendue. Le droit indiscutable du requérant à la liberté d'ex- pression, que ce droit lui soit reconnu par la common law, la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, chap. 44 [S.R.C. 1970, Appen- dice III], ou la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi consti- tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), n'est pas et n'a jamais été en cause dans la présente affaire. Il s'agissait pour la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique de décider si la conduite du requérant en l'espèce, soit critiquer et dénoncer publiquement les politiques du gouverne- ment canadien et sa gestion des affaires publiques, était compatible avec sa relation avec son employeur, diminuait son efficacité en tant que fonctionnaire fédéral et justifiait ainsi les mesures disciplinaires prises contre lui.
En l'espèce, il s'agit pour la Cour de déterminer si la décision de la Commission constitue une erreur de droit ou si elle est juridiquement défen- dable, compte tenu de la preuve soumise à la Commission. Il n'appartient pas à la Cour de juger l'affaire à nouveau car elle n'a pas la compétence voulue pour le faire dans une cause de ce genre.
Lorsqu'une personne accepte un emploi, elle renonce nécessairement, dans la mesure celui-ci l'y oblige, à certains droits ou libertés qu'elle pourrait autrement exercer. Elle renonce alors à sa liberté de se livrer à d'autres activités qu'elle pour- rait préférer exercer pendant les heures de travail. Elle renonce également à ce droit dans la mesure cela peut s'avérer nécessaire pour lui permettre d'accomplir son travail de façon satisfaisante. Elle a sans aucun doute la liberté de veiller toute la nuit mais elle peut devoir y renoncer à cause du travail qu'elle doit accomplir le lendemain. Si elle ne le fait pas et si son travail en souffre, son employeur est susceptible de lui imposer des mesures discipli- naires. De même, une personne qui accepte un emploi renonce à sa liberté d'expression dans la mesure son travail peut l'y obliger afin de ne pas diminuer son efficacité.
S'il arrive qu'un employé soit désenchanté et n'accepte plus de renoncer à ses libertés et droits fondamentaux pour satisfaire aux exigences de son emploi, il peut, bien sûr, faire valoir et exercer ces droits et libertés. Cependant, lorsque cela est incompatible avec les fonctions qu'il exerce et diminue son efficacité au travail, il doit ou bien quitter son emploi ou accepter les mesures discipli- naires qu'on lui impose.
La question de savoir si la conduite d'un employé qui est frappée d'une mesure disciplinaire détruit ou diminue son efficacité et celle de savoir si les mesures disciplinaires imposées par l'em- ployeur sont appropriées ne sont pas des questions de droit. Il s'agit de questions de fait qu'il appar-
tient à la Commission de trancher conformément à la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35. Ni cette Loi ni la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, ne permet à cette Cour de con- naître de ces questions.
Il ressort des faits en l'espèce qu'il existait une grande divergence de vues entre l'employeur et le requérant quant à la conduite normale d'un fonc- tionnaire. Il y a, d'une part, la position de l'em- ployeur, telle qu'elle se traduit par les deux directi ves données au requérant [TRADUCTION] «de s'abstenir désormais de critiquer publiquement les ministères, les organismes publics, les règlements et les dirigeants de l'État». Et d'autre part, la position du requérant qui, mises à part des criti ques dirigées contre le Ministère pour lequel il travaillait, prétendait qu'il avait toute liberté pour critiquer publiquement le gouvernement, ses politi- ques et sa gestion des affaires publiques. Manifes- tement, l'arbitre a jugé qu'il s'agissait de deux points de vue extrêmes et il n'a souscrit à aucun d'eux. Il lui fallait décider si la conduite du requé- rant était de nature à porter atteinte à ses relations avec son employeur et à diminuer son efficacité et, selon moi, c'est précisément la question qu'il a examinée et tranchée. Ce faisant, il ne lui était pas nécessaire d'élaborer davantage sur les critères qu'il allait appliquer et les motifs pour lesquels il a conclu qu'à la lumière des faits, la conduite du requérant avait dépassé les limites, acceptables et diminué son efficacité en tant que fonctionnaire.
L'avocat du requérant a insisté sur la distinction qui, d'après lui, existe entre les critiques faites en public par un fonctionnaire contre le gouverne- ment du Canada en tant que gouvernement du pays et les critiques que l'on pourrait considérer comme étant dirigées contre le gouvernement du Canada en tant qu'employeur. Si je comprends bien cet argument, l'avocat a tenté de convaincre le tribunal que la conduite du requérant devait être considérée comme étant de la première catégorie et non comme une critique à l'endroit de son employeur en tant que tel. A partir de là, il conclut que la conduite du requérant n'aurait avoir aucun effet néfaste sur la relation harmonieuse qu'il entretenait avec son employeur ni sur son efficacité dans l'exercice de ses fonctions. A mon avis, même si on acceptait cette distinction, il ne
s'agit que d'un des aspects de la conduite qu'un arbitre pourrait juger utile d'examiner pour déter- miner quel effet la conduite en question a eu sur la relation employé-employeur et pour déterminer si cette conduite visait à diminuer ou a effectivement diminué l'efficacité de l'employé en tant qu'em- ployé. A mon avis, cette distinction ne soulève aucune question de droit.
A la lumière des faits, il est manifeste que cette distinction ne peut être retenue. Le paragraphe 15 de la décision révèle que, dans son allocution publi- que en date du 1e" février 1982, le requérant a vertement critiqué son employeur pour avoir sévi contre lui à la suite de ce qui était survenu aupara- vant. La décision montre en outre que le requérant a discuté publiquement de sa relation avec son employeur au cours d'un ou de plusieurs program mes de radio auxquels il a participé. Les pièces aussi contiennent une abondance d'indications selon lesquelles le requérant a discuté publique- ment de la situation qui existait entre lui et son employeur à la suite de ses critiques. L'arbitre a bien tenu compte de tout cela, tel qu'il ressort de la dernière partie du paragraphe 52 de sa décision:
Comme le révèle la preuve, ce ne sont pas les critiques de M. Fraser contre la conversion au système métrique qui lui ont fourni sa «plate-forme»; c'est plutôt le fait qu'il a passé outre aux restrictions dont il faisait l'objet à titre de fonctionnaire qui a retenu l'attention des médias.
A mon avis, l'arbitre a bien compris quel était son rôle, ses conclusions sont défendables compte tenu des documents qui lui ont été soumis et sa décision ne constitue pas une erreur de droit.
Je rejetterais la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, qui vise à faire examiner et annuler une décision rendue par un arbitre en application de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. Cette décision tranchait trois griefs pré- sentés par le requérant à la suite de mesures disciplinaires (y compris son congédiement) qui ont été prises contre lui par son employeur, Sa Majesté la Reine.
Le requérant était un employé de la Fonction publique du Canada. Il travaillait au bureau du ministère du Revenu national du district de Kings- ton il occupait le poste de chef de groupe de la Division de la vérification des dossiers d'entrepri- ses. Cette Division a pour mission de «vérifier les états financiers des grandes entreprises pour voir au respect de la fiscalité.»' Le requérant «était chargé de sélectionner les dossiers et d'en confier la vérification à ses subalternes.» Avant d'être congédié, il avait «passé dix années à Revenu Canada dont les cinq dernières comme chef de groupe.» Son rendement a toujours été satisfaisant et avant les événements qui ont donné lieu à la présente affaire, il n'avait jamais fait l'objet de mesures disciplinaires. Ces événements sont relatés en détail dans la décision contestée; aux fins des présents motifs, je ne ferai que les résumer.
Le 18 janvier 1982, le journal The Whig- Standard (Kingston) a publié, sous la signature du requérant, une lettre qui critiquait la politique du gouvernement concernant la conversion au système métrique. Quelques jours plus tard, soit le 25 janvier, le requérant a assisté, en compagnie d'un groupe opposé à la conversion au système métri- que, à une réunion du Conseil municipal de Kings- ton on devait débattre une motion contestant la politique du gouvernement en cette matière. Le lendemain, dans The Whig-Standard (Kingston), un compte rendu de cette réunion mentionnait que Fraser était employé de Revenu Canada; l'article était accompagné d'une photographie du requérant tenant une pancarte sur laquelle était écrite un slogan critiquant la conversion au système métrique.
Après avoir pris connaissance de ces événe- ments, Lowe, surveillant du requérant, a conclu, après avoir consulté ses supérieurs, que les déclara- tions publiques du requérant contre une politique et une agence du gouvernement constituaient une inconduite qui justifiait une mesure disciplinaire. Il a donc suspendu le requérant pour une période de trois jours et lui a ordonné de s'abstenir désor- mais de critiquer publiquement les ministères, les
Les citations non identifiées qui font partie des présents motifs sont extraites de la décision de l'arbitre.
organismes publics, les règlements et les dirigeants de l'État.
Le requérant, fort choqué de cette directive qui lui interdisait de critiquer publiquement le gouver- nement, a décidé de la contester et d'exposer son grief en public.
Le 1" février 1982, le requérant a pris la parole à une réunion du Conseil municipal de Kingston: après avoir déclaré que le gouvernement n'avait pas le droit de brimer sa liberté d'expression, il a critiqué la façon dont le Premier ministre et son gouvernement dirigeaient le pays. Ses critiques s'adressaient plus précisément au programme de conversion au système métrique et à la Charte des droits incorporée au projet de Loi constitution- nelle. Cette allocution a fait l'objet d'une publicité tapageuse dans la presse et les autres médias. Le requérant «a cultivé cette attention des médias en accordant des interviews» et en participant à des tribunes téléphoniques, profitant de ces occasions pour exposer son grief et critiquer le Premier ministre et le gouvernement.
Ces événements étant, une fois de plus, venus à sa connaissance, Lowe a décidé que, pour une seconde fois, le comportement du requérant consti- tuait une inconduite qui justifiait une mesure disci- plinaire. Il l'a suspendu pour une période de dix jours et lui a ordonné de nouveau de s'abstenir désormais de critiquer publiquement les ministè- res, les organismes publics, les règlements et les dirigeants de l'État.
Cette seconde suspension n'a pas incité le requé- rant à modifier son attitude. Il a au contraire multiplié ses interventions publiques contre le Pre mier ministre, le gouvernement et le projet de Charte des droits. C'est pourquoi Lowe lui a écrit le 22 février 1982 pour lui dire que son emploi au sein de la Fonction publique prenait fin le 23 février 1982.
Le requérant a protesté contre ses deux suspen sions et son congédiement en présentant des griefs qui ont été renvoyés à l'arbitrage et qui ont fait l'objet de la décision visée par la présente demande fondée sur l'article 28.
L'arbitre a décidé que le grief du requérant contre sa première suspension était bien fondé. A son avis, le fait que le requérant ait envoyé au
rédacteur en chef de The Whig-Standard (Kings- ton) une lettre critiquant la politique du gouverne- ment concernant la conversion au système métri- que et le fait qu'il ait participé à une manifestation publique contre cette politique ne diminuaient en rien son efficacité en sa qualité de fonctionnaire et, pour cette raison, il ne s'était pas rendu coupable d'inconduite. En conséquence, il ordonna qu'une indemnité soit versée au requérant parce qu'il avait été suspendu illégalement.
L'arbitre a jugé différemment la conduite du requérant après la première suspension. Voici com ment il a décrit cette conduite:
Après sa première suspension, M. Fraser a conclu que ses critiques contre la conversion au système métrique lui avaient donné une «plate-forme» pour réaliser son véritable projet, c'est-à-dire étaler sur la place publique son opposition à la Constitution. Il a accordé des interviews aux journalistes, il est apparu à la télévision et a participé à des tribunes téléphoni- ques. Il était devenu une vedette. Pendant que sa popularité montait en flèche, le tribun qui l'habitait alors cultivait une rhétorique orchestrée et tapageuse. Les médias se sont intéres- sés à lui encore plus. Non seulement M. Fraser critiquait les politiques du gouvernement, mais encore il dénonçait la manière dont les dirigeants de l'État administraient les affaires publiques.
L'arbitre a conclu qu'en critiquant publiquement le Premier ministre, le gouvernement et certaines de ses politiques, le requérant avait foulé aux pieds toutes les convenances et que sa seconde suspen sion et son congédiement étaient justifiés. Si je comprends bien la décision, l'arbitre a décidé que la conduite du requérant après sa première suspen sion avait effectivement diminué son efficacité en qualité de fonctionnaire.
L'avocat du requérant a contesté cette décision pour plusieurs raisons. Il a d'abord prétendu que l'arbitre a eu tort de rejeter son allégation selon laquelle un fonctionnaire a toute liberté pour criti- quer le gouvernement et ses politiques à la condi tion que ces critiques ne portent pas sur son tra vail, son ministère ou ses supérieurs au sein du ministère. Je crois que cet argument est indéfenda- ble. A mon avis, l'arbitre a eu tout à fait raison de dire tout d'abord qu'un fonctionnaire se rendait coupable d'inconduite s'il agissait de façon à dimi- nuer ou risquer de diminuer son efficacité en tant que fonctionnaire et, en second lieu, qu'il pouvait diminuer son efficacité en critiquant les politiques
du gouvernement qui ne concernaient pas son ministère. J'ajoute que la question de savoir si dans un cas donné, le comportement d'un fonctionnaire est de nature à constituer une inconduite et à justifier sa suspension ou son congédiement est, à mon avis, une question de fait qui doit être laissée à l'appréciation des arbitres.
L'avocat du requérant a en outre soutenu que l'arbitre a commis une erreur de droit en faisant mention de la «perception publique» de la conduite du requérant alors qu'on ne lui a pas fait la preuve de cette perception. Si je comprends bien cet argu ment, l'arbitre a conclu que le requérant a, par sa conduite, diminué son efficacité en tant que fonc- tionnaire bien qu'il n'y ait eu aucune preuve à cet effet. On peut répondre à cet argument en invo- quant la décision rendue par cette Cour dans l'affaire Stewart c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique 2 . Pour qu'un arbitre conclue qu'un fonctionnaire s'est rendu coupable d'inconduite en agissant de façon à dimi- nuer son efficacité en tant que fonctionnaire, il n'est pas nécessaire de faire la preuve de cette incidence néfaste; il suffit que l'arbitre soit con- vaincu que la conduite du fonctionnaire est de nature à diminuer son efficacité.
Suivant un autre argument présenté au nom du requérant, l'arbitre a commis une erreur de droit en mettant l'accent sur les responsabilités du requérant sans tenir compte de ses droits et de sa liberté d'expression. Cet argument est mal fondé. En vérité, l'arbitre a refusé de rédiger un traité sur tous les aspects de la liberté d'expression du fonc- tionnaire et s'est limité à répondre à la question de droit qui lui était soumise: le comportement du requérant était-il de nature à constituer une incon- duite justifiant sa suspension et son congédiement? Ce faisant, l'arbitre a, à mon avis, agi conformé- ment au droit et à la raison.
L'avocat du requérant prétend enfin que l'arbi- tre a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l'illégalité de la directive donnée au requérant par son supérieur, laquelle lui interdisait de critiquer de nouveau le gouvernement en public. Je n'accorde aucune valeur à cet argument. Même si cette directive était libellée en termes trop géné- raux (cette question ne faisant pas l'objet du pré-
2 [1978] 1 C.F. 133 (C.A.).
sent débat), cela n'excuse pas la conduite du requérant. Le recours auquel il pouvait avoir droit était le grief.
Je rejetterais la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il s'agit d'une demande fondée sur l'article 28 3 et visant à obtenir l'examen et l'annulation d'une décision du président suppléant de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique («l'arbitre») à l'issue du renvoi à l'arbitrage de trois griefs présentés par le requé- rant Fraser en vertu de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique 4 .
3 Le paragraphe 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale est ainsi rédigé:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédures devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclu sion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
4 Le paragraphe 91(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique est ainsi conçu:
91. (I) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive- ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le concerne, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement, la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
Le paragraphe 96(2) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique prévoit notamment ce qui suit:
96....
(2) Après avoir étudié le grief, l'arbitre doit rendre une
décision à son sujet ...
L'un d'eux portait sur une suspension pour une période de trois jours, l'autre, sur une suspension d'une durée de dix jours et le troisième, le plus important bien sûr, sur son congédiement. L'arbi- tre a fait droit au premier grief mais il a rejeté les autres. Les suspensions et le congédiement ont été imposés en raison d'une prétendue inconduite. Fraser aurait notamment critiqué les politiques que suivait, selon lui, le gouvernement du Canada relativement à l'adoption du système métrique et à la modification de la Constitution. Mais ce n'est pas uniquement pour avoir critiqué les politiques du gouvernement que le requérant a fait l'objet de mesures disciplinaires. Le juge Pratte en fait le résumé dans ses motifs de jugement.
Dans son mémoire, l'avocat du requérant sou- tient que la question fondamentale est de savoir si l'arbitre a commis une erreur en confirmant le congédiement de Fraser, compte tenu du fait (comme on le prétend) que celui-ci a publiquement critiqué le gouvernement concernant des questions qui n'avaient aucun rapport avec son travail ni avec les fonctions du Ministère il travaillait. Si je comprends bien cet argument, il dit que la conduite de Fraser ne constituait pas et ne pouvait constituer une «inconduite» pouvant faire l'objet de mesures disciplinaires. Cet argument voudrait donc dire, essentiellement, que l'arbitre a commis une erreur de droit en décidant que le comporte- ment de Fraser constituait une inconduite.
L'avocat a présenté plusieurs autres arguments. Il a soutenu qu'en décidant que Fraser s'était rendu coupable d'inconduite, l'arbitre a examiné les fonctions et responsabilités du poste de Fraser sans tenir compte de la question de savoir si un fonctionnaire a le droit de critiquer le gouverne- ment; il a en outre déclaré que la directive donnée à Fraser par son supérieur de cesser ses critiques en public était illégale et que la mention dans les motifs de la décision de l'arbitre de la perception publique de la conduite de Fraser ne reposait sur aucun élément de preuve.
L'intimée a soutenu essentiellement que la déci- sion de l'arbitre reposait sur des faits et que celui-ci n'a commis aucune erreur de droit en rendant cette décision.
Fraser a été congédié par le sous-ministre adjoint du Revenu national qui a déclaré dans sa
lettre de congédiement qu'il agissait en vertu du pouvoir délégué que lui conférait l'article 106 du Règlement sur les conditions d'emploi dans la Fonction publique, DORS/67-118, («le Règle- ment») 5 . L'avocat du requérant a admis que le sous-ministre adjoint était habilité à exercer, au nom du sous-ministre, le pouvoir conféré à ce dernier par cet article. Il a également admis que Lowe, le supérieur de Fraser, avait le pouvoir d'imposer une suspension pour une période de dix jours.
Le sous-ministre adjoint a congédié Fraser pour cause «d'inconduite».
Au moment de son congédiement, Fraser occu- pait le poste de chef de groupe (AU-3) dans la Division de la vérification des dossiers d'entrepri- ses. Il travaillait au bureau de district de Kingston de Revenu Canada. Il a été au service du Minis- tère pendant environ dix ans et il a occupé le poste de chef de groupe pendant environ cinq ans. Pen dant la durée de son emploi, son travail a été coté de [TRADUCTION] «satisfaisant à très satisfaisant».
Il est bien établi que les fonctions exercées par le requérant ne concernaient pas directement les poli- tiques qu'il a critiquées et que ces critiques qui luj ont valu d'être puni, n'ont pas été faites à son lieu de travail ni durant ses heures de travail.
Suivant le principal argument de l'avocat de Fraser, celui-ci était un fonctionnaire et un citoyen canadien et son droit à la liberté d'expression ne pouvait être limité que dans la mesure l'exer- cice de ce droit nuisait à l'exécution efficace des fonctions de son poste. Je ferai remarquer que Fraser était un employé de Sa Majesté du chef du
5 L'article 106 du Règlement prévoit notamment*:
106. Sous réserve de tout édit du Conseil du Trésor, un sous-chef peut
(a) fixer les normes de discipline pour (i) les employés,
(b) prescrire, imposer, modifier ou abroger, en totalité ou en partie, des pénalités financières et autres, y compris la suspension et le congédiement, qui peuvent s'appliquer dans le cas d'infraction à la discipline d'inconduite de la part des personnes mentionnées à l'alinéa (a).
* [Voir le Manuel de gestion du personnel, Vol. 8, .Rémuné- ration», Appendice A, CT 665757, émis par le Conseil du Trésor du Canada le 2 mars 1967—l'arrêtiste.]
Canada 6 et non, à proprement parler, un employé du gouvernement en place. Il a cependant été admis que le fait pour un fonctionnaire de criti- quer publiquement une politique du gouvernement pouvait nuire à l'exercice des fonctions de son poste. Il pourrait, par exemple, y avoir, entre un haut fonctionnaire et le gouvernement ou certains de ses membres, une relation fondée sur la con- fiance. Il se pourrait en outre que le fait pour un fonctionnaire de critiquer publiquement une politi- que dont il est responsable soit de nature à dimi- nuer son efficacité. Il faut admettre toutefois—ce que l'avocat du requérant a fait valoir—que les politiques poursuivies par un gouvernement soient des sujets on ne peut plus appropriés de débat et de critique par les citoyens canadiens et d'autres per- sonnes, et Fraser est, lui aussi, un citoyen. Il me semble cependant (et je ne pense pas que cela soit contesté) que les fonctions et responsabilités d'un fonctionnaire puissent être de nature à limiter son droit de se livrer à des critiques lorsque celles-ci risquent de nuire à l'exercice de ses fonctions. La restriction imposée par l'article 32 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, concernant les activités politiques en est un exemple frappant. Cette restriction permet néanmoins, dans certains cas, d'exercer de telles activités: un fonctionnaire peut notamment bénéfi- cier d'un congé pour se présenter comme candidat à une élection si la Commission de la Fonction publique est «... d'avis que, par rapport à la Fonction publique, l'efficacité de l'employé, dans le poste qu'il occupe alors, n'aura pas à souffrir du fait qu'il aura été candidat à une élection ...». J'estime que le critère établi par cet article est utile dans la présente affaire même s'il n'est pas directement applicable. Personne, bien sûr, ne pré- tend que Fraser a enfreint l'article 32.
Il doit, de toute évidence, y avoir une zone grise entre le cas une critique faite publiquement par un fonctionnaire à l'encontre d'une politique dimi-
6 L'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique définit aux fins de la Loi le mot «employeur» comme suit:
2...
«employeur» désigne Sa Majesté du chef du Canada représentée,
a) dans le cas de tout élément de la fonction publique du Canada que spécifie la Partie I de l'annexe 1, par le conseil du Trésor, ...
fluerait clairement son efficacité dans l'exercice de ses fonctions et le cas une critique ne produirait pas un tel effet. Il peut arriver qu'un fonctionnaire qui agit ainsi fasse l'objet de mesures disciplinai- res. Dans ce cas, l'employé peut présenter un grief et le soumettre à l'arbitrage. Suivant la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, le grief est tranché en dernier ressort par un arbitre qui examinera, comme l'a fait l'arbitre dans la présente affaire, les arguments des parties: l'em- ployé qui prétend avoir exercé son droit à la liberté d'expression d'une manière qui n'était pas incom patible avec les fonctions de son poste et l'autorité qui a sévi suivant laquelle la conduite du requé- rant, notamment son allocution, a diminué son efficacité'. Il se peut fort bien que cela comporte, l'examen attentif, par l'arbitre, de la nature et des fonctions du poste de l'employé ainsi que de l'effet de la conduite qu'on lui reproche sur son efficacité. dans l'exercice de ses fonctions. La décision de l'arbitre est, bien sûr, susceptible d'examen judi- ciaire mais uniquement pour les motifs énoncés à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Je comprends mal l'explication par l'avocat du requérant de la question qui est au centre du présent débat. La décision actuellement examinée est celle par laquelle l'arbitre a rejeté deux des griefs présentés par Fraser. Le fondement de sa conclusion selon laquelle la suspension et le congé- diement étaient justifiés se trouvent dans sa déci- sion et dans ses motifs. Cette décision ne se fondait pas uniquement sur les critiques faites par Fraser à l'encontre des politiques du gouvernement relatives à l'adoption du système métrique et des change- ments constitutionnels mais sur l'ensemble de la conduite de ce dernier à la suite de sa première suspension. Dans ses motifs, l'arbitre décrit en détail les événements qui, à son avis, justifiaient l'imposition de mesures disciplinaires.
L'arbitre n'a pas jugé que les critiques de la politique gouvernementale faites en public justi- fiaient en soi des mesures disciplinaires. Il a fait droit au premier grief même si Fraser avait été suspendu pour avoir critiqué publiquement le pro
' Le droit à la liberté d'expression n'est pas simplement une question d'intérêt privé ou individuel. La liberté d'expression ainsi que l'existence d'une fonction publique efficace et impar- tiale sont des questions importantes d'intérêt public: voir, par exemple, les notes du juge en chef Duff aux pp. 132 et 133 dans Reference re Alberta Statutes, [ 1938] R.C.S. 100.
gramme de conversion au système métrique. Voic. un important passage que l'on trouve à la page 31 de ses motifs:
M' Newman a invoqué ces observations ... pour laisse] entendre carrément qu'à moins d'être protégé par l'immuniti syndicale, un fonctionnaire n'avait le droit de faire aucun( déclaration publique contre la politique du gouvernement. Ce argument ne tient pas, à mon sens. Jolliffe, selon moi, di qu'un fonctionnaire se doit de faire preuve de modération; il m dit pas qu'il doit se tenir coi ....
Les principes qu'«a invoqué[s]» Me Newman (qui représentait le Conseil du Trésor au moment de l'arbitrage) ont été énoncés par l'arbitre dans l'af- faire Stewart qui a été soumise à cette Cour 8 .
Il ressort de cet extrait des motifs de l'arbitre qu'un fonctionnaire peut critiquer publiquement une politique gouvernementale en faisant preuve de modération. Je constate, en lisant ses motifs. qu'il a tenu compte de ce droit en décidant si la conduite de Fraser constituait, dans l'ensemble. une inconduite.
L'arbitre a reconnu, me semble-t-il, qu'il se trouvait dans la zone grise dont j'ai fait mention; et si je garde à l'esprit tous les éléments dont il a tenu compte, je ne peux dire que sa décision ne peut se justifier. Il m'apparaît en outre qu'il a conclu implicitement que, tout bien considéré, la conduite de Fraser était de nature à diminuer son efficacité aux fins du poste qu'il occupait au sein de la Fonction publique. La question de savoir si sa conclusion était bien ou mal fondée ne peut, en soi, faire l'objet d'une demande fondée sur l'article 28.
Je concluerai en examinant les autres arguments de l'avocat du requérant.
L'arbitre a examiné la question de savoir si un fonctionnaire a le droit de critiquer le gouverne- ment et on ne m'a pas convaincu qu'il a commis une erreur de droit en procédant comme il l'a fait.
Il se peut que la directive donnée à Fraser en même temps que sa première suspension, et l'enjoi- gnant de cesser ses critiques en public, ait été trop générale ou discutable. Je pense cependant, à l'ins- tar du juge Pratte, que cette directive ne pouvait
8 Stewart c. La Commission des relations de travail dans la Fonction publique, [1978] 1 C.F. 133 (C.A.).
justifier sa réaction si, comme l'a décidé l'arbitre, celle-ci constituait une inconduite. L'avocat n'a pas invoqué l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés à ce sujet ou au sujet d'autres aspects de cette affaire, peut-être parce que la conduite en cause, les mesures disciplinaires, la présentation des griefs et le renvoi à l'arbitrage sont tous antérieurs à la proclamation de la Charte. Il n'est donc nullement question de l'alinéa 2b) de la Charte dans la présente affaire.
Je répondrai comme l'a fait le juge Pratte à l'argument selon lequel l'appréciation, par l'arbi- tre, de la perception publique du comportement de Fraser ne reposait sur aucun élément de preuve.
On n'a pas fait valoir que l'arbitre avait outre- passé ses pouvoirs ou qu'il avait commis un déni de justice naturelle à l'endroit de Fraser. On ne m'a pas convaincu que l'arbitre a commis une erreur de droit. Je rejetterais, par conséquent, la demande fondée sur l'article 28.
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