A-501-82
Antonios Solomos Ioannidis (requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(intimé)
Cour d'appel, juges Pratte et Urie, juge suppléant
Verchere—Vancouver, 4 et 6 octobre 1982.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Immigration
— Ordonnance d'expulsion rendue contre le requérant pour le
motif qu'il était une personne visée par l'art. 27(2)d) de la Loi,
ayant été déclaré coupable d'une infraction criminelle — Le
requérant soutient que l'arbitre a commis une erreur de droit
en déclarant au début de l'enquête qu'en raison de son refus de
répondre aux questions de l'agent chargé de présenter le cas,
ledit requérant ne serait pas autorisé à témoigner pour son
propre compte — Rien dans le dossier n'indiquait que l'avocat
du requérant ait tenté de faire témoigner son client — Celui-ci
a en outre prétendu qu'en vertu de l'art. 11c) de la Charte
canadienne des droits et libertés, il avait le droit de refuser de
témoigner et que l'arbitre a donc commis une erreur en tirant
de ce refus une conclusion qui lui est défavorable — Demande
rejetée — Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap.
52, art. 27(2)d) — Charte canadienne des droits et libertés, qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 11c).
AVOCATS:
P. R. Cantillon pour le requérant.
M. Humphries pour l'intimé.
PROCUREURS:
Evans, Cantillon & Goldstein, Vancouver,
pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La présente demande fondée
sur l'article 28 vise à faire annuler une ordonnance
d'expulsion rendue par un arbitre contre le requé-
rant pour le motif qu'ayant été déclaré coupable
d'une infraction criminelle, celui-ci était visé par
l'alinéa 27(2)d) de la Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, chap. 52.
Le requérant est un citoyen grec. La preuve
soumise à l'arbitre a clairement démontré qu'il a
été déclaré coupable d'une infraction criminelle
alors qu'il se trouvait en Grèce. On ne connaît pas
la nature de cette infraction. La preuve a en outre
révélé qu'à une époque plus récente, le requérant a
été condamné, au Canada, à une peine d'emprison-
nement de deux ans moins un jour pour avoir
causé des lésions corporelles à une personne dans
l'intention de la blesser.
Comme je l'ai indiqué au cours de l'audience, il
n'y a lieu d'examiner que deux des motifs invoqués
par l'avocat du requérant contre l'ordonnance
d'expulsion.
Suivant le premier motif allégué, l'arbitre aurait
commis une erreur de droit lorsqu'il a déclaré au
début de l'enquête qu'en raison du refus du requé-
rant de répondre aux questions de l'agent chargé
de présenter le cas, ledit requérant ne serait pas
autorisé à témoigner. A mon avis, cette décision
était manifestement erronée mais elle ne viciait ni
l'enquête ni l'ordonnance d'expulsion. La trans
cription des débats devant l'arbitre révèle que
l'avocat n'a pas tenté de faire témoigner son client
au cours de l'enquête; on ne peut conclure, à la
lecture du dossier, que le requérant aurait témoi-
gné si l'arbitre n'avait pas rendu cette décision. Il
est vrai que l'avocat du requérant nous a affirmé
qu'il avait l'intention de faire témoigner son client
à la seconde étape de l'enquête, c'est-à-dire au
moment où, après avoir décidé que le requérant
était effectivement une personne visée par l'alinéa
27(2)d) de la Loi sur l'immigration de 1976,
l'arbitre s'est demandé si, dans les circonstances,
un avis d'interdiction de séjour était plus approprié
qu'une ordonnance d'expulsion. Je doute qu'en
statuant sur cette demande, nous puissions prendre
en considération une déclaration de l'avocat qui
n'est pas étayée par les pièces du dossier. Quoi
qu'il en soit, même si nous pouvions en tenir
compte, cette première allégation du requérant
doit néanmoins être rejetée pour le motif que,
d'après le contexte, la décision de l'arbitre s'appli-
quait vraisemblablement à la première étape de
l'enquête et n'empêchait pas, me semble-t-il, le
requérant de témoigner au cours de la seconde
étape de l'enquête.
L'avocat du requérant a en outre soutenu que
l'arbitre a commis une erreur de droit en déduisant
du refus de témoigner du requérant que celui-ci
avait [TRADUCTION] «quelque chose à cacher» et
qu'il pouvait avoir [TRADUCTION] «déjà été
déclaré coupable d'un acte criminel grave». Si je
l'ai bien compris, il soutient que le requérant avait
le droit, en vertu de l'alinéa 11c) de la Charte
canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982 chap.
11 (R.-U.), de ne pas témoigner au cours de cette
enquête et qu'on ne devait, par conséquent, tirer
aucune conclusion qui lui soit défavorable de son
refus de témoigner. L'avocat a ajouté que cette
conclusion de l'arbitre était, de toute façon, non
fondée. A mon avis, on peut répondre brièvement à
ces arguments en disant que les motifs fournis par
l'arbitre montrent que celui-ci s'est fondé non pas
sur une conclusion tirée du refus de témoigner du
requérant mais sur la preuve non contredite que le
requérant avait été déclaré coupable, première-
ment, d'une infraction criminelle indéterminée
commise en Grèce et, deuxièmement, d'une infrac
tion criminelle très grave commise au Canada. En
outre, je ne vois rien dans la Charte canadienne
des droits et libertés qui interdise à un arbitre
présidant une enquête en vertu de la Loi sur
l'immigration de 1976 de tirer des conclusions
légitimes du fait que la personne faisant l'objet de
l'enquête refuse de témoigner.
Par ces motifs, je rejetterais la demande.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT VERCHERE: Je souscris à
ces motifs.
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