A-394-81
Brandlake Products Limited (appelante) (défen-
deresse)
c.
Adidas (Canada) Limited (intimée) (demande-
resse)
Cour d'appel, juges Heald et Ryan, juge suppléant
Hyde—Toronto, 31 mars et 2 avril 1982.
Pratique — Interrogatoire préalable — Interrogatoires
écrits — Appel d'un jugement de la Division de première
instance rejetant la demande d'interrogatoire préalable d'un
dirigeant de la demanderesse et lui substituant une ordonnance
permettant de procéder à des interrogatoires écrits — Aucun
interrogatoire n'a été produit devant la Cour ni demandé par
l'une ou l'autre partie — La Règle 466.1 interdit-elle à la
Cour d'ordonner la tenue d'interrogatoires dans un tel cas? —
La Règle 2(2) confère-t-elle à la Cour compétence pour
ordonner de sa propre initiative la tenue d'interrogatoires
lorsque cette compétence n'est attribuée ni par les Règles ni
par le droit? — La Cour ne pouvait, en l'espèce, invoquer sa
compétence en equity pour ordonner la tenue d'interrogatoires
— Appel accueilli — Règles 2(2) et 466.1 de la Cour fédérale.
APPEL.
AVOCATS:
A. David Morrow pour l'appelante (défende-
resse).
Robert T. Hughes pour l'intimée (demande-
resse).
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante.
Donald F. Sim, c.r., Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit en l'espèce de l'appel
d'un jugement de la Division de première instance
rendu le 29 juin 1981 et portant sur une demande
présentée par l'appelante pour l'obtention d'une
ordonnance enjoignant, entre autres choses, à la
demanderesse de se soumettre, par l'entremise de
M. Thomas S. Nease, un de ses dirigeants, à un
interrogatoire préalable portant sur les paragra-
phes 10e) à i) de la défense, telle qu'elle a été
modifiée le 23 avril 1981. Le juge saisi des requê-
tes a rejeté la demande d'interrogatoire préalable
de l'appelante, mais a ordonné plutôt [TRADUC-
TioN] «.. . que l'on procède en l'espèce à des
interrogatoires écrits, dont les questions devront
être formulées et transmises à l'avocat de la
demanderesse dans un délai de sept jours, et les
réponses données au plus tard le 31 juillet 1981».
L'appelante ne demandait aucun interrogatoire
écrit dans son avis de requête, et n'a pas non plus
demandé d'interrogatoires par la suite. Cette der-
nière a prétendu que la Cour n'a pas compétence
pour ordonner de sa propre initiative que des inter-
rogatoires aient lieu et qu'elle ne peut le faire que
sur demande d'une partie. Au soutien de sa préten-
tion, l'appelante invoque la Règle 466.1 de la Cour
fédérale, laquelle se lit comme suit:
Règle 466.1. (1) Toute partie à des procédures devant cette
Cour peut demander à la Cour de rendre une ordonnance
a) lui permettant de signifier à toute autre partie un interro-
gatoire écrit portant sur tout fait en litige entre ces deux
parties; et
b) enjoignant à cette autre partie de répondre à cet interroga-
toire par affidavit dans le délai prévu par l'ordonnance.
(2) Une copie de l'interrogatoire doit être signifiée avec l'avis
de la requête demandant que soit rendue une ordonnance aux
termes de l'alinéa (1).
(3) Une requête présentée en vertu de l'alinéa (1) ne doit être
accordée que si la Cour juge l'interrogatoire nécessaire
a) aux fins de trancher le litige d'une manière équitable; ou
b) aux fins d'éviter des frais inutiles.
(4) Les interrogatoires accompagnés d'une copie de l'ordon-
nance qui en autorise la signification, doivent être signifiés, par
signification à personne, au procureur ou solicitor inscrit au
dossier de la partie à qui ils doivent être signifiés, s'il en existe
un, et, dans les autres cas, à la partie en cause, par signification
à personne, ou par tout autre mode que la Cour pourra
spécialement autoriser.
(5) L'affidavit de réponse à l'interrogatoire requis en vertu
de la présente Règle peut, sous réserve de l'alinéa (6), être
souscrit par un officier compétent d'une corporation ou de la
Couronne ou par la personne chargée de la gestion du secteur
en cause des affaires de la partie.
(6) L'ordonnance autorisant la signification de l'interroga-
toire peut préciser que la partie devra répondre à toutes les
questions ou à un certain nombre d'entre elles au moyen des
affidavits de l'un ou plusieurs de ses mandataires, officiers ou
préposés y désignés.
(7) Lorsqu'une personne refuse de répondre à une ou plu-
sieurs questions pour le motif que les renseignements demandés
sont confidentiels ou que leur divulgation serait contraire à
l'ordre public, elle peut formuler cette objection dans son
affidavit de réponse.
(8) Lorsqu'une partie, ou une personne qu'une partie a été
requise de faire répondre à des questions aux termes de l'alinéa
(6), répond à l'une ou l'autre question d'une manière insuffi-
sante, la Cour peut rendre une ordonnance l'obligeant à pro-
duire une réponse complémentaire, soit par affidavit, soit de
vive voix, selon qu'il plaira à la Cour de l'ordonner.
(9) Lorsqu'une partie visée par une ordonnance rendue aux
termes de la présente Règle fait défaut de s'y conformer, la
Cour peut rendre l'ordonnance qu'elle juge appropriée, notam-
ment une ordonnance rejetant l'action, ou, selon le cas, une
ordonnance portant que la défense soit radiée et que jugement
soit rendu en conséquence.
(10) Lorsqu'une personne visée par une ordonnance rendue
aux termes de la présente Règle fait défaut de s'y conformer,
elle est, en sus de ce qui est prévu à l'alinéa (9), passible de
contrainte par corps et d'incarcération aux termes de la Règle
2500.
(11) La signification d'une ordonnance enjoignant de répon-
dre à un interrogatoire qui a été faite au procureur ou solicitor
inscrit au dossier de la partie est une signification suffisante
aux fins de la présentation d'une demande en vertu de la Règle
2500, fondée sur l'inobservation de l'ordonnance, mais la partie
peut établir, en défense, qu'elle n'a pas reçu avis de l'ordon-
nance ou qu'elle n'en connaissait pas l'existence.
(12) La Cour peut, si l'on démontre qu'il existe des motifs
suffisants de le faire, annuler ou modifier toute ordonnance
rendue aux termes de la présente Règle (y compris une ordon-
nance rendue en appel).
On verra que la Règle 466.1 exige qu'une partie
présente une demande à la Cour et que cette
dernière et les parties aient les interrogatoires
proposés devant elles lorsque la demande est
entendue.
Il est donc clair que les dispositions de la Règle
466.1 n'ont pas été respectées, et que ce n'est pas
en vertu de cette Règle que le juge des requêtes
pouvait prononcer l'ordonnance qui fait l'objet du
présent appel. L'intimée a prétendu toutefois que
la Règle 466.1 n'empêche pas la Cour d'ordonner
de sa propre initiative la tenue d'un interrogatoire.
Au soutien de sa prétention, elle a cité la Règle
2(2) de la Cour fédérale qui se lit comme suit:
Règle 2. ...
(2) Les présentes Règles visent à faire apparaître le droit et
en assurer la sanction; elles doivent s'interpréter les unes par les
autres et autant que possible faciliter la marche normale des
procès plutôt que la retarder ou y mettre fin prématurément.
A mon avis, la Règle 2(2) n'a pas en soi l'effet
d'attribuer compétence à la Cour. Cette Règle
fournit des directives pour l'interprétation des
autres Règles. Elle doit servir à l'interprétation de
toutes les autres Règles de la Cour, y compris la
Règle 466.1.
Toutefois, cette disposition ne peut d'elle-même
modifier le droit quant au fond ou attribuer com-
pétence à la Cour dans les cas où cette compétence
n'est attribuée ni par les Règles ni par le droit.
Selon moi, si on l'applique aux circonstances de
l'espèce, la Règle 2 exige que la Règle 466.1 soit
interprétée de manière à faciliter la marche nor-
male du procès plutôt que la retarder, et non de
manière à attribuer plus de compétence à la Cour
de façon à lui permettre d'ordonner la tenue d'in-
terrogatoires dans des cas non prévus par la Règle
466.1.
Comme la Cour fédérale du Canada est un
tribunal d'equity, et comme les interrogatoires ont
initialement été conçus comme un moyen équitable
d'obtenir non seulement des communications ver-
bales concernant certains faits, mais aussi des
témoignages pour l'instruction, j'ai examiné la pos-
sibilité que cette Cour ait compétence en equity
pour ordonner la tenue d'interrogatoires, compé-
tence différente de celle que lui confère expressé-
ment la Règle 466.1. Cependant, même si l'on
présume que la Cour a cette compétence, je pense
que cette dernière ne devrait pas ordonner la tenue
d'interrogatoires quand, comme c'est le cas en
l'espèce, aucune des parties n'en a demandée, et
quand, au moment où elle prononce cette ordon-
nance, aucun interrogatoire précis n'a été produit
devant elle pour approbation ou rejet. A mon avis,
il n'est pas opportun de prononcer des ordonnances
d'interrogatoires d'application générale.
En conséquence, et pour les motifs susdits, j'ac-
cueillerais l'appel avec dépens et annulerais l'or-
donnance de la Division de première instance
rendue le 29 juin 1981. Comme le juge saisi des
requêtes estimait manifestement, en ordonnant la
tenue d'interrogatoires, que certaines communica
tions s'imposaient, je renverrais l'affaire à la Divi
sion de première instance pour qu'elle la réexa-
mine en tenant compte du fait que dans les
circonstances, il ne convient pas de substituer une
ordonnance d'interrogatoires à un interrogatoire
préalable.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je souscris à ces
motifs.
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