A-66-81
La Ligue de la radiodiffusion canadienne (appe-
lante)
c.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu-
nications canadiennes et Kingston Cable T.V.
Limited (intimés)
Cour d'appel, juges Urie et Le Dain, juge sup
pléant Kelly—Toronto, 24 mars; Ottawa, 30 juin
1982.
Radiodiffusion — Appel de la décision par laquelle le
CRTC a autorisé l'intimée Kingston Cable T.V. Limited à
modifier sa licence de télévision par câble en augmentant les
frais d'installation et le tarif mensuel maximum qu'elle peut
demander à ses abonnés Il échet d'examiner si une loi ou un
règlement autorise le CRTC à approuver une telle modifica
tion par voie de modification de la licence — Le CRTC tient
de la Loi sur la radiodiffusion le pouvoir d'attribuer et de
modifier des licences, de fixer des frais et de surveiller le
système de radiodiffusion — Il y a à déterminer si le Conseil a
le pouvoir général de fixer les frais qu'un titulaire de licence
de télévision par câble peut réclamer à ses abonnés — Quand
on examine la validité de règlements pris en vertu de l'art. 16
ou de conditions auxquelles est soumise une licence, on doit
déterminer si ces règlements ou ces conditions portent sur une
des catégories de sujets mentionnées à l'art. 3 Lorsque le
CRTC attribue à une entreprise de télévision par câble une
licence de radiodiffusion conférant un monopole territorial, le
pouvoir de fixer des frais existe par voie d'interprétation
nécessaire pour la poursuite des objectifs visés à l'art. 3 — Des
critères spécifiques dans des textes de lois ne sont pas néces-
saires Appel rejeté — Loi sur la radiodiffusion, S.R.C.
1970, chap. B-11, art. 3, 15, 16(1)b), 17(1)a),b), 26(1) —
Règlement sur la télévision par câble, C.R.C., chap. 374, art.
17 — Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécom-
munications canadiennes, S.C. 1974-75-76, chap. 49.
Appel est formé, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion,
contre la décision par laquelle le CRTC a autorisé l'intimée
Kingston Cable T.V. Limited à modifier sa licence de télévision
par câble en augmentant le montant des frais d'installation et le
tarif mensuel maximum qu'elle peut demander à ses abonnés.
La Cour d'appel a accordé l'autorisation d'interjeter appel pour
un seul motif: savoir si une loi ou un règlement autorise le
CRTC à approuver une telle modification. La question précise
quant à la validité de la décision du CRTC est de savoir si
l'alinéa 17(1)a) confère au CRTC le pouvoir d'approuver cette
modification.
Arrêt: l'appel est rejeté. La télévision par câble est soumise
au Règlement pris en vertu de la Loi sur la radiodiffusion en
tant qu'»entreprise de réception de radiodiffusion» visée dans la
définition de l'expression «entreprise de radiodiffusion» à l'arti-
cle 2. Puisque la décision du Conseil a approuvé la demande de
modification de la licence de télévision par câble de Kingston
Cable T.V. Limited, il s'agissait là de l'exercice du pouvoir,
conféré par l'alinéa 17(1)b) de la Loi, de modifier les condi
tions auxquelles une licence a été soumise par l'exercice du
pouvoir visé à l'alinéa 17(1)a). Comme la validité de l'article
17 du Règlement, qui repose sur le pouvoir de réglementation
conféré par l'alinéa 16(1)b) de la Loi, est également en cause, il
s'agit de déterminer le pouvoir général qu'a le CRTC de fixer
de tels frais, et non pas simplement de savoir si cela peut se
faire en fixant les conditions d'une licence. L'appelante fait
valoir que le pouvoir de réglementer les tarifs et frais doit être
prévu expressément dans un texte de loi, et que la Loi sur la
radiodiffusion ne confère pas ce pouvoir au CRTC. En outre, il
ne s'agit pas d'un pouvoir à l'existence duquel on peut conclure
par voie d'interprétation nécessaire, car cela aurait des consé-
quences d'une grande portée. Les intimés prétendent que la Loi
est d'une portée assez vaste pour comprendre ce pouvoir, les
pouvoirs du CRTC devant être interprétés largement aux fins
de la mise en oeuvre de la politique de radiodiffusion énoncée à
l'article 3. Ils prétendent aussi que le pouvoir de fixer des frais
existe par voie d'interprétation nécessaire tout comme la politi-
que du CRTC conférant aux titulaires de licences de télévision
par câble un monopole territorial. En déterminant la validité de
règlements pris en vertu de l'article 16 ainsi que des conditions
d'une licence fixées en vertu de l'alinéa 17(1)b), les mêmes
principes s'appliquent. On doit déterminer si ces règlements ou
ces conditions portent sur une des catégories de sujets mention-
nées à l'article 3. Il faut interpréter largement ce que cet article
englobe, compte tenu de la latitude ou pouvoir discrétionnaire
qui a été confié au CRTC pour déterminer ce qui peut être
nécessaire, dans un cas donné, à la poursuite de ses objets.
Lorsque le CRTC attribue une licence de télévision par câble
qui confère un monopole territorial, il doit nécessairement avoir
le droit de fixer, comme condition de ce droit, les tarifs
maximums qu'un titulaire de licence peut réclamer à ses abon-
nés, pour être à même de pouvoir favoriser l'objectif visé par la
politique de radiodiffusion d'assurer au public l'accès le plus
large possible aux services de la radiodiffusion canadienne,
objectif visé à l'alinéa 3c). Dans l'exercice de son pouvoir, le
CRTC est en mesure d'examiner les intérêts des abonnés et les
ressources financières dont a besoin un titulaire de licence pour
fournir un service de qualité, tel qu'envisagé à l'article 3, sans
qu'il soit besoin de critères spécifiques dans des textes de lois.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Capital Cities Communications Inc., et autres c. Le
Conseil de la Radio-Télévision canadienne et autres,
[1978] 2 R.C.S. 141; CKOYLimited c. La Reine, [1979]
1 R.C.S. 2.
DÉCISIONS CITÉES:
Interprovincial Pipe Line Limited c. L'Office national de
l'énergie, [1978] 1 C.F. 601 (C.A.); Terra Communica
tions Ltd. et al. v. Communicomp Data Ltd. et al.
(1974), 1 O.R. (2d) 682.
APPEL.
AVOCATS:
A. J. Roman pour l'appelante.
A. Cohen et P. A. Wylie pour le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes, intimé.
P. Genest, c.r. et I. A. Blue pour Kingston
Cable T.V. Limited, intimée.
PROCUREURS:
Le Centre pour la promotion de l'intérêt
public, Toronto, pour l'appelante.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télé-
communications canadiennes, Ottawa, pour le
Conseil de la radiodiffusion et des télécommu-
nications canadiennes, intimé.
Cassels, Brock, Toronto, pour Kingston Cable
T.V. Limited, intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit d'un appel sur
autorisation formé en vertu du paragraphe 26(1)
de la Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, chap.
B-11, contre la décision CRTC 80-101 [5 R.T.C.
786], en date du 12 février 1980. Par cette déci-
sion, le Conseil de la radiodiffusion et des télécom-
munications canadiennes approuvait en partie la
demande de modification de licence de télévision
par câble présentée par l'intimée Kingston Cable
TV Limited (ci-après «Kingston») en vue d'aug-
menter les frais d'installation et le tarif mensuel
maximum qu'elle peut demander à ses abonnés.
Le dispositif de la décision du Conseil est ainsi
rédigé:
A la suite de l'audience publique tenue à Toronto (Ontario)
le 14 novembre 1979, le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes annonce qu'il approuve en
partie une demande de modification de la licence de radiodiffu-
sion de l'entreprise de télévision par câble desservant Kingston
(Ontario), en vue d'augmenter les frais d'installation de $15.00
à $25.00 et le tarif mensuel maximum, de $6.00 $6.50. Le
Conseil approuve des frais d'installation de $25.00 et une
augmentation partielle, à $6.25, du tarif mensuel maximum.
L'appel est interjeté par la Ligue de la radiodif-
fusion canadienne (ci-après «LRC»), qui était
intervenante devant le Conseil.
Les trois motifs suivants ont été invoqués à
l'appui de la demande d'autorisation d'interjeter
appel:
[TRADUCTION] 1. L'article 91 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique ne donne pas au Parlement le pouvoir de
conférer au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica-
tions canadiennes, intimé, le droit de fixer les frais demandés
aux abonnés pour l'utilisation des systèmes de télévision par
câble;
2. La loi n'autorise pas le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes à fixer les frais d'installation
et le tarif mensuel maximum pouvant être demandés pour
l'utilisation par les abonnés des systèmes de télévision par câble;
3. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes, intimé, a commis une erreur de principe en fixant
un taux de rentabilité qui n'était pas fondé sur le taux de
rentabilité du capital investi par l'intimée, Kingston Cable T.V.
Limited.
Le 11 décembre 1980, cette Cour a accordé
l'autorisation d'appel en ces termes:
[TRADUCTION] L'autorisation d'appel est accordée seulement
pour le deuxième des trois motifs exposés dans l'avis de requête
de la requérante, savoir si une loi ou un règlement autorise le
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications cana-
diennes à approuver, par voie de modification de la licence, les
frais d'installation et le tarif mensuel maximum que le titulaire
de la licence de radiodiffusion de l'entreprise de télévision par
câble (l'intimée) peut demander à ses abonnés. La demande est
rejetée quant aux premier et troisième motifs.
La loi et le règlement applicables sont la Loi sur
la radiodiffusion et le Règlement sur la télévision
par câble, C.R.C., chap. 374. La télévision par
câble est soumise au Règlement pris en vertu de la
Loi en tant qu'«entreprise de réception de radiodif-
fusion» visée dans la définition de l'expression
«entreprise de radiodiffusion» à l'article 2. Voir
Capital Cities Communications Inc., et autres c.
Le Conseil de la Radio-Télévision canadienne et
autres, [1978] 2 R.C.S. 141, la page 166.
Les dispositions de la Loi applicables au litige
dans le présent appel sont les articles 3, 15,
16(1)b) et 17(1)a) et b).
L'article 3 de la Loi, sous la rubrique «Politique
de la radiodiffusion pour le Canada», est ainsi
conçu:
3. Il est, par les présentes, déclaré
a) que les entreprises de radiodiffusion au Canada font usage
de fréquences qui sont du domaine public et que de telles
entreprises constituent un système unique, ci-après appelé le
système de la radiodiffusion canadienne, comprenant des
secteurs public et privé;
b) que le système de la radiodiffusion canadienne devrait être
possédé et contrôlé effectivement par des Canadiens de façon
à sauvegarder, enrichir et raffermir la structure culturelle,
politique, sociale et économique du Canada;
c) que toutes les personnes autorisées à faire exploiter des
entreprises de radiodiffusion sont responsables des émissions
qu'elles diffusent, mais que le droit à la liberté d'expression
et le droit des personnes de capter les émissions, sous la seule
réserve des lois et règlements généralement applicables, est
incontesté;
d) que la programmation offerte par le système de la radio-
diffusion canadienne devrait être variée et compréhensive et
qu'elle devrait fournir la possibilité raisonnable et équilibrée
d'exprimer des vues différentes sur des sujets qui préoccupent
le public et que la programmation de chaque radiodiffuseur
devrait être de haute qualité et utiliser principalement des
ressources canadiennes créatrices et autres;
e) que tous les Canadiens ont droit à un service de radiodiffu-
sion dans les langues anglaise et française, au fur et à mesure
que des fonds publics deviennent disponibles;
f) qu'il y aurait lieu d'assurer, par l'intermédiaire d'une
corporation établie par le Parlement à cet effet, un service
national de radiodiffusion dont la teneur et la nature soient
principalement canadiennes;
g) que le service national de radiodiffusion devrait
(i) être un service équilibré qui renseigne, éclaire et diver-
tisse des personnes de tous âges, aux intérêts et aux goûts
divers, et qui offre une répartition équitable de toute la
gamme de la programmation,
(ii) être étendu à toutes les régions du Canada, au fur et à
mesure que des fonds publics deviennent disponibles,
(iii) être de langue anglaise et de langue française, répon-
dre aux besoins particuliers des diverses régions et contri-
buer activement à la fourniture et à l'échange d'informa-
tions et de divertissements d'ordre culturel et régional, et
(iv) contribuer au développement de l'unité nationale et
exprimer constamment la réalité canadienne;
h) que, lorsqu'un conflit survient entre les objectifs du service
national de radiodiffusion et les intérêts du secteur privé du
système de la radiodiffusion canadienne, il soit résolu dans
l'intérêt public mais qu'une importance primordiale soit
accordée aux objectifs du service national de radiodiffusion;
i) que le système de la radiodiffusion canadienne devrait être
doté d'un équipement de radiodiffusion éducative; et
j) que la réglementation et la surveillance du système de la
radiodiffusion canadienne devraient être souples et aisément
adaptables aux progrès scientifiques ou techniques;
et que la meilleure façon d'atteindre les objectifs de la politique
de la radiodiffusion pour le Canada énoncée au présent article
consiste à confier la réglementation et la surveillance du sys-
tème de la radiodiffusion canadienne à un seul organisme
public autonome.
L'article 15, sous la rubrique, «Objets du Con-
seil», est ainsi rédigé: _
15. Sous réserve de la présente loi, de la Loi sur la radio et
des instructions à l'intention du Conseil émises, à l'occasion,
par le gouverneur en conseil sous l'autorité de la présente loi, le
Conseil doit réglementer et surveiller tous les aspects du sys-
tème de la radiodiffusion canadienne en vue de mettre en oeuvre
la politique de radiodiffusion énoncée dans l'article 3 de la
présente loi.
L'alinéa 16(1)b) confère au Conseil le pouvoir
d'établir des règlements. Il est ainsi conçu:
16. (I) Dans la poursuite de ses objets, le Conseil, sur la
recommandation du comité de direction, peut
b) établir des règlements applicables à toutes les personnes
qui détiennent des licences de radiodiffusion ou aux person-
nes qui détiennent des licences d'une ou de plusieurs classes
et
(i) concernant les normes des émissions et l'attribution du
temps d'émission afin de donner effet à l'alinéa 3d),
(ii) concernant la nature de la publicité et le temps qui
peut y être consacré,
(iii) concernant la proportion du temps pouvant être consa-
cré à la radiodiffusion d'émissions, annonces ou avis qui
exposent la politique d'un parti, et l'affectation, sur une
base équitable, de ce temps entre les partis politiques et les
candidats,
(iv) concernant l'utilisation de mises en scène dans des
émissions, annonces ou avis qui exposent la politique d'un
parti,
(v) concernant les périodes de radiodiffusion qui doivent
être réservées aux émissions de réseau par toute station de
radiodiffusion exploitée en tant qu'élément d'un réseau,
(vi) prescrivant les conditions de l'exploitation des stations
de radiodiffusion en tant qu'éléments d'un réseau ainsi que
les conditions de radiodiffusion des émissions de réseaux,
(vii) fixant, avec l'approbation du conseil du Trésor, les
tarifs de droits à acquitter par les titulaires de licences et
prévoyant leur paiement,
(viii) astreignant les titulaires de licences à fournir au
Conseil les renseignements que peuvent spécifier les règle-
ments en ce qui concerne leurs émissions et leur situation
financière ou qui ont quelque autre rapport avec l'expédi-
tion et la direction de leurs affaires, et
(ix) concernant telles autres questions qu'il estime néces-
saires à la poursuite de ses objets; et
Les alinéas 17(1)a) et b), qui prévoient en partie
le pouvoir d'accorder des licences du Conseil, sont
ainsi rédigés:
17. (1) Dans la poursuite des objets du Conseil, le comité de
direction, après avoir consulté les membres à temps partiel qui
assistent à une réunion du Conseil, peut
a) attribuer des licences de radiodiffusion pour les périodes
d'au plus cinq ans et sous réserve des conditions propres à la
situation du titulaire
(i) que le comité de direction estime appropriées pour la
mise en oeuvre de la politique de radiodiffusion énoncée
dans l'article 3, et
(ii) dans le cas de licences de radiodiffusion attribuées à la
Société, que le comité de direction juge compatibles avec
la fourniture, par l'intermédiaire de la Société, du service
national de radiodiffusion envisagé par l'article 3;
b) à la demande d'un titulaire de licence, modifier toutes
conditions d'une licence de radiodiffusion à lui attribuée;
La disposition applicable du Règlement sur la
télévision par câble est l'article 17, qui est ainsi
conçu:
17. Aucun titulaire ne peut réclamer quelques frais ou autre
considération pécuniaire
a) pour quelque service fourni par son entreprise, ou
b) pour l'utilisation de son entreprise,
qui excède le montant autorisé par le Conseil.
Bien qu'il soit question des frais d'installation à
l'article 16 du Règlement, il ne semblerait pas que
cet article influe directement sur le litige dans le
présent appel. Il prévoit l'obligation par un titu-
laire de licence d'installer son service «sur récep-
tion du montant des frais d'installation autorisés
par le Conseil», ou, le cas échéant, du montant des
dépenses réelles encourues pour l'installation,
qu'un titulaire est autorisé par l'article 16 récla-
mer dans certaines circonstances. Je signale ici,
sans y attacher plus d'importance qu'il ne faut,
qu'il a été affirmé à l'audition par l'avocat du
Conseil, et, si je comprends bien, il n'y a pas eu
contestation là-dessus, que les frais d'installation
autorisés par le Conseil devaient également être
des frais maximums, bien que la décision du Con-
seil ne l'ait pas dit expressément.
Puisque la décision du Conseil approuve la
demande de modification de la licence de télévision
par câble de Kingston, il s'agit là de l'exercice du
pouvoir, conféré par l'alinéa 17(1)b) de la Loi, de
modifier les conditions auxquelles une licence a été
soumise par l'exercice du pouvoir visé à l'alinéa
17(1)a). Donc, la question de la validité de la
décision du Conseil consisterait précisément à
savoir si le Conseil tient de l'alinéa 17(1)a) le
pouvoir de fixer comme condition d'une licence, les
frais d'installation et le tarif mensuel maximum
qu'un titulaire de licence de télévision par câble
peut demander à ses abonnés. Toutefois, l'appel a
également été plaidé comme si la validité de l'arti-
cle 17 du Règlement, qui repose sur le pouvoir de
réglementation conféré par l'alinéa 16(1)b) de la
Loi, était directement en cause en tant que fonde-
ment légal de la décision du Conseil. Cette disposi
tion interdit à un titulaire de licence de réclamer
des frais qui excèdent ceux qu'autorise le Conseil.
Si elle est valide, elle prévoit une base légale pour
l'autorisation ou la fixation des frais maximums, à
part l'alinéa 17(1)a) de la Loi. Je suis donc porté à
admettre que sa validité devrait être examinée en
même temps que le pouvoir conféré par l'alinéa
17(1)a), puisque ce que le présent appel soulève
réellement, c'est le pouvoir général qu'a le,Conseil
de fixer les frais qu'un titulaire de licence de
télévision par câble peut réclamer à ses abonnés, et
non pas simplement la question de savoir si cela
peut se faire, sur le plan de la procédure, en fixant
les conditions d'une licence.
Le présent appel comporte cet aspect étrange
que c'est la _LRC, défenseur du consommateur, qui
conteste le pouvoir du Conseil de contrôler les frais
demandés par les titulaires de licences de télévision
par câble, et que c'est la titulaire Kingston qui
défend le pouvoir du Conseil. Toutefois, les inté-
rêts ou mobiles particuliers des parties à l'appel ne
sauraient, bien entendu, influer sur l'examen de la
question d'interprétation de dispositions législati-
ves que soulève le présent appel.
L'avocat de la LRC fait valoir que le pouvoir de
réglementer les tarifs ou frais doit être prévu
expressément dans un texte de loi, et que la Loi
sur la radiodiffusion ne confère pas ce pouvoir au
Conseil. Il soutient qu'étant donné la nature et
l'effet de la réglementation des prix, et la nécessité
que l'exercice de ce pouvoir soit régi par des
critères ou normes approuvés, il ne s'agit pas d'un
pouvoir à l'existence duquel on peut conclure par
voie d'interprétation nécessaire. Selon lui, un pou-
voir implicite de réglementation des prix serait un
pouvoir totalement arbitraire et absolu. Par divers
exemples, on a essayé de démontrer que ce pouvoir
fait toujours l'objet d'une disposition légale
expresse. On a cité notamment le pouvoir, sous le
régime de l'article 320 de la Loi sur les chemins de
fer, S.R.C. 1970, chap. R-2, de réglementer des
taxes de télégraphe et de téléphone dont était
autrefois investie la Commission canadienne des
transports et qui a été transféré au CRTC par
l'article 14 de la Loi sur le Conseil de la radiodif-
fusion et des télécommunications canadiennes,
S.C. 1974-75-76, chap. 49. On a souligné que la
question est d'une portée plus grande que celle du
pouvoir de réglementer les tarifs ou frais qu'un
titulaire de licence de télévision par câble peut
demander à ses abonnés puisque, si on conclut à
l'existence de ce pouvoir dans la Loi en l'absence
d'une disposition expresse, il doit s'étendre aux
tarifs ou frais, s'il y en a, que d'autres titulaires de
licences de radiodiffusion peuvent demander pour
les services fournis.
L'avocat de Kingston, avec l'appui de l'avocat
du Conseil, fait valoir que selon la jurisprudence,
les pouvoirs du Conseil doivent être interprétés
largement aux fins de la mise en oeuvre de la
politique de radiodiffusion énoncée à l'article 3 de
la Loi, et que, selon ce point de vue, le texte de la
Loi est d'une portée assez vaste pour comprendre
le pouvoir de réglementer les frais qu'un titulaire
de licence de télévision par câble peut réclamer à
ses abonnés. On soutient subsidiairement que ce
pouvoir existe par voie d'interprétation nécessaire,
selon la règle appliquée par cette Cour dans l'af-
faire Interprovincial Pipe Line Limited c. L'Office
national de l'énergie, [1978] 1 C.F. 601 (C.A.), et
exposée comme suit dans Halsbury's Laws of
England, 3e éd., vol. 36, par. 657, la page 436:
[TRADUCTION] «Les pouvoirs accordés par une loi
habilitante ne comprennent pas seulement les pou-
voirs accordés expressément, mais également par
implication, tous les pouvoirs raisonnablement
nécessaires pour atteindre l'objectif visé.» A l'appui
de la nécessité d'un tel pouvoir, on a insisté sur le
fait que par une politique établie du Conseil, les
titulaires de licences de télévision par câble jouis-
sent d'un monopole territorial. Ce fait n'a pas été
contesté par la LRC et a même fait l'objet d'une
admission d'office en justice: voir Terra Commu
nications Ltd. et al. v. Communicomp Data Ltd. et
al. (1974), 1 O.R. (2d) 682, la page 696; Capital
Cities Communications Inc., et autres c. Le Con-
seil de la Radio-Télévision canadienne et autres,
[1978] 2 R.C.S. 141, aux pages 180 et 181.
Les avocats de Kingston et du Conseil s'ap-
puient particulièrement sur le jugement rendu par
la Cour suprême du Canada dans l'affaire CKOY
Limited c. La Reine sur la dénonciation de Lorne
Mahoney, [1979] 1 R.C.S. 2. Cet arrêt démontre
bien, selon eux, qu'il faut interpréter largement les
pouvoirs du Conseil. Dans cette affaire, le litige
portait sur la validité d'un article du Règlement
qui interdit à une station ou à un exploitant de
réseau de diffuser une conversation téléphonique
avec une personne sans son consentement préala-
ble, à moins que la personne en cause n'ait télé-
phoné à la station afin de prendre part à l'émis-
sion. Une majorité des juges de la Cour a décidé
que l'article du Règlement était valide en vertu de
l'article 16 de la Loi parce qu'adopté dans la
poursuite de la politique mentionnée à l'article 3.
La majorité a jugé que l'article contesté du Règle-
ment portait sur les «normes des émissions» visées
au sous-alinéa 16(1)b)(i) et sur la «programma-
tion», notamment sur la haute qualité de la pro-
grammation prévue à l'alinéa 3d), mais elle a
également trouvé à l'article du Règlement un fon-
dement au sous-alinéa 16(1)b)(ix), qui autorise le
Conseil a établir des règlements «concernant telles
autres questions qu'il estime nécessaires à la pour-
suite de ses objets» et qui, de ce fait, se rapporte à
l'article 3 tout entier.
Quant au critère à appliquer pour déterminer la
validité d'un règlement qui est censé être pris sous
le régime de l'article 16, le juge Spence, qui ren-
dait le jugement de la majorité, dit ceci aux pages
11 et 12:
C'est l'art. 16 de la Loi qui confère au Conseil le pouvoir
d'établir des règlements. L'entrée en matière de l'article indi-
que que l'exercice de ce pouvoir doit viser «la poursuite de ses
objets». L'article 15 est intitulé «Objets du Conseil». Aux fins de
l'espèce, ces objets se résument par les derniers mots de l'art.
15: «en vue de mettre en oeuvre la politique de radiodiffusion
énoncée dans l'article 3 de la présente loi». Je partage donc
l'opinion des tribunaux d'instance inférieure que, pour détermi-
ner la validité de règlements établis en vertu de l'art. 16, il faut
décider s'ils portent sur une catégorie de sujets mentionnée à
l'art. 3 de la Loi, et que, ce faisant, le tribunal examine les
règlements d'un point de vue objectif. Cependant je suis égale-
ment d'accord avec la déclaration suivante du juge Evans de la
Cour d'appel:
[TRADUCTION] Vu le texte très général de la Loi, le Parle-
ment a certainement voulu donner au Conseil une grande
latitude dans l'exercice de son pouvoir réglementaire pour la
mise en œuvre de la politique et des objets pour lesquels il a
été créé.
En conséquence, il importe peu que l'article litigieux mette en
œuvre une politique du moment qu'on établit objectivement
qu'il vise une catégorie de sujets mentionnée à l'art. 3.
Pour ce qui est du sous-alinéa 16(1)b)(ix)
comme fondement à l'article du Règlement, le juge
Spence s'exprime en ces termes aux pages 13 et 14:
Je trouve également un fondement à l'al. 5k) du Règlement
au sous-al. 16(1)b)(ix) de la Loi. Il faut noter que ce sous-ali-
néa est très général et n'est pas restreint comme le sous-al.
16(1)b)(i) à la politique énoncée à l'al. 3d). En conséquence, il
autorise la promulgation de règlements visant à mettre en
œuvre toute politique énoncée à l'art. 3 dans son ensemble. On
a prétendu que le sous-al. 16(1)b)(ix) ne s'applique qu'à des
questions de procédure parce qu'il suit le sous-al. 16(1)b)(viii)
qui autorise le Conseil à contraindre les titulaires de licences à
fournir certains renseignements. Mais les renseignements visés
au sous-al. (viii) sont d'ordre très général et portent non
seulement sur la situation financière des titulaires de licences,
mais également sur les «émissions» et «l'expédition et la direc
tion de leurs affaires». En conséquence, les renseignements
obtenus en vertu d'un règlement établi sous le régime du
sous-al. 16(1)b)(viii) peuvent justifier la promulgation d'un
autre règlement que le Conseil peut juger nécessaire en vertu
du sous-al. 16(1)b)(ix). Ce règlement devrait évidemment viser
à mettre en œuvre la «politique de radiodiffusion du Canada»,
mais il pourrait être difficile de le relier à un autre sous-alinéa
de l'al. 16(1)b). A mon avis, il n'est pas sans importance que les
termes généraux «qu'il estime nécessaires», au sous-al.
16(1)b)(ix), insistent sur le pouvoir discrétionnaire du Conseil
de déterminer ce qui est nécessaire à la poursuite de ses objets.
Ainsi, même si le mot «programmation» devait recevoir l'inter-
prétation restrictive que lui donne l'avocat de l'appelante, le
sous-al. 16(1)b)(ix) pourrait alors autoriser l'adoption de l'al.
5k) du Règlement. Cet alinéa peut donc se justifier par la
poursuite de la politique énoncée à l'al. 3c), savoir, la responsa-
bilité des titulaires de licences à l'égard des émissions qu'ils
diffusent.
A la page 14, le juge Spence parle également de
l'«interprétation large» qu'a donnée le juge en chef
Laskin «des pouvoirs conférés au Conseil par l'art.
15 de la Loi sur la radiodiffusion» dans l'arrêt
Capital Cities Communications, susmentionné, où,
à la page 171, le juge en chef parle de «la grande
portée des matières confiées au Conseil par l'art.
15 de la Loi».
De ces passages de l'arrêt rendu par le juge
Spence dans l'affaire CKOY, je conclus que bien
que la Cour ait à déterminer objectivement si un
règlement porte sur un sujet mentionné à l'article
3 de la Loi, il faut interpréter largement ce que cet
article englobe, compte tenu de la latitude ou
pouvoir discrétionnaire qui a été confié au Conseil
pour déterminer ce qui peut être nécessaire, dans
un cas donné, à la poursuite de ses objets.
Ce qu'on a dit au sujet de la validité d'un
règlement pris en vertu de l'article 16 s'applique
également, à mon sens,' à la validité d'une condi
tion à laquelle est soumise une licence attribuée
sous le régime de l'alinéa 17(1)a). Comme l'article
16, cet article commence par l'expression «Dans la
poursuite des objets du Conseil», et autorise le
comité de direction à soumettre une licence de
radiodiffusion aux conditions propres à la situation
du titulaire que le comité «estime appropriées pour
la mise en oeuvre de la politique de radiodiffusion
énoncée dans l'article 3», pouvoir qui est même
plus large que celui conféré par le sous-alinéa
16(1)b)(ix).
Lorsque le Conseil attribue une licence de télévi-
sion par câble conférant un monopole territorial, il
doit sûrement avoir le pouvoir de fixer, comme
condition de ce droit, les tarifs maximums que le
titulaire de licence peut réclamer à ses abonnés.
Cela semblerait non seulement approprié mais
aussi nécessaire pour favoriser l'objectif visé par la
politique de radiodiffusion d'assurer au public l'ac-
cès le plus large possible aux services de la radio-
diffusion canadienne, objectif qui se traduit expli-
citement par l'expression «le droit ... de capter les
émissions» employée à l'alinéa 3c) et qui est impli-
cite dans l'ensemble de l'article 3 en raison de
l'importance attachée à la radiodiffusion dans la
vie du pays. Dans l'exercice de ce pouvoir, le
Conseil doit, bien entendu, examiner non seule-
ment les intérêts des abonnés, mais aussi les res-
sources financières dont a besoin un titulaire de
licence pour fournir un service de qualité dans tout
le Canada, tel qu'envisagé à l'article 3. Le Conseil
est en mesure de ce faire sans qu'il soit besoin de
critères ou directives spécifiques dans des textes de
lois.
Par ces motifs, j'estime que la décision du Con-
seil était valide, et qu'il y a lieu de rejeter l'appel.
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux
motifs ci-dessus.
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