A-496-81
La Reine (requérante)
c.
Le Syndicat des postiers du Canada (intimé)
Cour d'appel, juges Heald et Urie, juge suppléant
Kerr—Ottawa, 9 septembre; Toronto, 14 septem-
bre 1982.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Fonction
publique — Demande d'examen et d'annulation d'une décision
par laquelle un membre de la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique a ordonné à un employeur
d'embaucher des employés de relève à temps partiel pour parer
aux absences du personnel à temps partiel — Convention
collective exigeant qu'en cas d'absence, la suppléance soit
assurée par des «employés réguliers. — L'employeur peut
désigner aussi bien des employés réguliers à plein temps que
des employés à temps partiel pour remplacer les employés
réguliers à temps partiel en cas d'absence — Appel accueilli
— Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, chap. P-35, art. 98 — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande, fondée sur l'article 28, tendant à
l'examen et à l'annulation d'une décision par laquelle un
membre de la Commission des relations de travail dans la
Fonction publique a ordonné au bureau de poste d'embaucher
des employés de relève à temps partiel pour parer aux absences
du personnel à temps partiel. Le bureau de poste de Campbell-
ton (Nouveau-Brunswick) a désigné deux employés à plein
temps pour assurer la suppléance pendant les heures où
auraient normalement travaillé deux employés à temps partiel
qui étaient en vacances. La Commission a décidé que le bureau
de poste avait contrevenu à la convention collective qui exige
qu'il y ait un nombre suffisant d'employés réguliers à temps
plein et d'employés réguliers à temps partiel pour maintenir les
besoins du service pendant les absences, et qui dispose en outre
qu'il ne peut être fait appel à des employés à temps partiel que
pour les besoins de fonctionnement à temps partiel.
Arrêt: la demande est accueillie. La Commission a interprété
la convention d'une manière qui ne concorde pas avec un article
par lequel le bureau de poste a convenu d'avoir un nombre
suffisant d'employés réguliers pour parer aux absences norma-
les. Il s'agit là d'un article spécial qui décrit la façon d'assurer
la suppléance en cas d'absences normales. Les employés à
temps partiel ont été remplacés en l'espèce par des employés
réguliers. Il n'y a donc pas eu violation de la convention.
L'affaire est renvoyée à la Commission sur le fondement que le
bureau de poste n'est pas tenu de désigner seulement des
employés à temps partiel pour assurer la suppléance d'employés
réguliers à temps partiel en cas d'absence.
AVOCATS:
M. Ciavaglia pour la requérante.
J. McCormick pour la Commission des rela
tions de travail dans la Fonction publique.
John B. West pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante.
La Commission des relations de travail dans
la Fonction publique pour son propre compte.
Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall,
Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La présente demande, fondée
sur l'article 28, tend à l'examen et à l'annulation
d'une décision rendue le 25 août 1981 par Donald
MacLean, arbitre et membre de la Commission
des relations de travail dans la Fonction publique,
relativement à une affaire que l'intimé lui avait
renvoyée en vertu de l'article 98 de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, chap. P-35.
Les faits pertinents sont simples et ne font l'ob-
jet d'aucune contestation. Pendant la semaine du
14 au 20 septembre 1980, Bourgeois et Doucett,
employés réguliers à temps partiel au bureau de
poste de Campbellton (Nouveau-Brunswick),
étaient tous les deux en vacances. Pour assurer la
suppléance pendant les heures où MM. Bourgeois
et Doucett auraient normalement travaillé, on a
désigné MM. Clark et Gallant, l'un et l'autre
employés à temps plein au bureau de poste de
Campbellton. En conséquence, ces derniers,
chaque jour de la semaine en question, ont fait des
journées de travail complètes de sept heures et
demie. Devant la Commission, l'intimé a fait valoir
qu'en remplaçant des employés à temps partiel par
des employés de relève à plein temps, l'employeur
avait enfreint les clauses 39.02a), 39.03 et 39.07
ainsi que l'Appendice «H» de la convention collec
tive. Ces dispositions sont ainsi conçues:
39.02 Dotation en personnel
a) La politique nationale sur la dotation en personnel est qu'un
nombre suffisant d'employés à plein temps et d'employés à
temps partiel soient embauchés pour maintenir les besoins du
service pour le volume prévu et les absences anticipées et il est
convenu que la politique sera suivie.
39.03 Effectifs
L'employeur convient d'avoir dans son effectif un nombre
suffisant d'employés réguliers pour couvrir le nombre d'absen-
ces normales en maladie, en congé spécial, en congé annuel
ainsi que toute absence sans paye.
39.07 Utilisation des employés à temps partiel
L'employeur consent à ne faire appel aux employés à temps
partiel que pour les besoins de fonctionnement à temps partiel,
c'est-à-dire pour les périodes de pointe, et, lorsqu'il est possible
de le faire, à fusionner ces emplois de manière à créer des
emplois à plein temps.
Il faut entendre par «période de pointe» une période de temps
ne dépassant pas cinq heures durant laquelle un fort volume de
courrier nécessite la présence d'un plus grand nombre d'em-
ployés. Il appartient à l'employeur de déterminer le moment
d'une telle période par jour, laquelle peut varier selon les
endroits et les dates. L'employeur peut demander à un employé
à temps partiel de continuer à travailler en dehors de la période
de pointe.
La semaine normale de travail des employés à temps partiel
est d'au moins vingt (20) heures. L'employé à temps partiel
bénéficie de deux (2) jours de congé hebdomadaire. Tout
travail accompli par un employé à temps partiel l'un ou l'autre
de ces deux jours constitue du travail supplémentaire et est
rémunéré au taux et demi.
APPENDICE «H»
PROTOCOLE D'ACCORD
PERSONNEL RÉGULIER
Étant donné que les circonstances varient d'un bureau de
poste à l'autre, l'employeur informera le Syndicat local du
nombre courant de personnel régulier utilisé pour remplacer les
absences, tel que spécifié dans la clause 39.03.
La Commission a retenu cet argument et, à cet
égard, a donné gain de cause à l'intimé, concluant
qu'en remplaçant des employés à temps partiel par
des employés à plein temps, l'employeur a violé les
obligations que lui imposent les clauses 39.02a),
39.03 et 39.07 de la convention collective en ce
sens qu'il est censé y avoir, en plus des employés à
plein temps, un nombre suffisant d'employés de
relève à temps partiel pour parer aux absences. La
Commission a donc ordonné à l'employeur [TRA-
DUCTION] «... de procéder à une opération de
dotation de façon à pouvoir compter un nombre
suffisant d'employés réguliers à temps partiel pour
être en mesure de maintenir les besoins du service
pour le volume de travail prévu et les absences
anticipées dans le cas des besoins de fonctionne-
ment à temps partiel» (Dossier conjoint, à la page
37). C'est cette partie de la décision et de l'ordon-
nance de la Commission qui fait l'objet de la
demande fondée sur l'article 28.
Le fondement de la décision de M. MacLean se
dégage, à mon avis, du passage suivant tiré de ses
motifs de décision (Dossier conjoint, à la page 37):
[TRADUCTION] Selon moi, le maintien des «besoins du service
pour le volume prévu et les absences anticipées» dont il est
question à la clause 39.02a) doit avoir trait autant aux «besoins
de fonctionnement à temps partiel» de la clause 39.07 qu'aux
besoins de fonctionnement à plein temps. Me Lee voudrait me
faire dire qu'aux termes de la clause 39.02a), les employés à
plein temps sont les seuls auxquels il faut avoir recours pour le
volume de travail et les absences, alors qu'il faudrait faire appel
aux employés à temps partiel uniquement pour le volume de
travail prévu. Selon lui, les employés à temps partiel n'ont pas à
remplacer le personnel absent. Pourtant, ce n'est pas ce que dit
la clause 39.02a). En fait, cette clause stipule de façon plutôt
catégorique «qu'un nombre suffisant d'employés à plein temps
et d'employés à temps partiel soient embauchés ...» et que pour
maintenir les besoins du service pour les absences anticipées
(ainsi que pour le volume du travail), il faut avoir recours aux
employés à temps partiel (ainsi qu'aux employés à plein temps).
Si je comprends bien, il dit dans ce passage que
puisque la clause 39.02 pose l'exigence d'un
nombre suffisant d'employés à plein temps et
d'employés à temps partiel pour maintenir les
besoins du service pour le volume prévu et les
absences anticipées et que la clause 39.07 dispose
qu'on ne peut faire appel aux employés à temps
partiel que pour les besoins de fonctionnement à
temps partiel, il s'ensuit inévitablement que des
employés à temps partiel doivent être utilisés pour
parer aux absences d'autres employés à temps
partiel. L'inconvénient est que cette interprétation
est inconciliable avec le texte clair et non équivo-
que de la clause 39.03. Aux termes de cette clause,
l'employeur convient d'avoir dans son effectif un
nombre suffisant d'employés réguliers pour couvrir
le nombre d'absences normales attribuables à
l'a...absence sans 'paye». Les parties reconnaissent
que les employés à temps partiel ont été remplacés
par des «employés réguliers», mais il y a contesta-
tion du fait que ces derniers étaient des employés à
plein temps et non des employés à temps partiel.
La clause 39.03 ne parle ni d'employés à temps
partiel ni d'employés à plein temps. Elle ne vise
que les employés réguliers. J'estime qu'en ayant
recours à des employés réguliers pour remplacer
les employés à temps partiel absents, l'employeur
s'est conformé aux dispositions de la clause 39.03.
La clause 39.02a) énonce la politique générale en
matière de dotation en personnel relativement à
l'embauchage d'employés à plein temps et d'em-
ployés à temps partiel, mais c'est la clause 39.03
en particulier qui décrit la façon de parer aux
absences normales. Le fait que l'Appendice «H»
parle de la clause 39.03 et du «personnel régulier»,
sans faire de distinction entre le personnel régulier
à temps partiel et le personnel régulier à plein
temps, confirme mon opinion à cet égard.
On n'allègue pas en l'espèce que l'employeur ne
dispose pas d'un nombre suffisant d'employés de
relève à plein temps. Il importe également de
signaler que le bureau de poste de Campbellton ne
compte que cinq employés à temps partiel. Suivant
l'interprétation que la Commission a donnée à la
convention, il faudrait embaucher un employé à
temps partiel additionnel pour assurer la sup-
pléance pendant une période d'au plus 15 semaines
au cours d'une année lorsque les employés à temps
partiel sont en vacances et pendant les autres
absences normales de ces employés.
La Commisssion interprète la clause 39.03
comme si elle était ainsi rédigée: «L'employeur
convient d'avoir dans son effectif un nombre suffi-
sant d'employés réguliers à temps partiel pour
couvrir le nombre d'absences normales des
employés à temps partiel en maladie, en congé
spécial, en congé annuel ainsi que toute absence
sans paye.» (J'ai souligné les mots ajoutés au texte
de la clause 39.03.)
Je ne suis pas disposé à interpréter la clause
39.03 de cette façon. Comme je l'ai déjà dit, cela
imposerait à l'employeur un fardeau déraisonna-
blement lourd. Ce serait en même temps empiéter
sur les droits de gestion réservés à l'employeur par
la clause 2.01 de la convention, dont voici le texte:
2.01 Droits
Il est reconnu que l'employeur exerce les droits et les respon-
sabilités de la gestion lesquels sont sujets aux conditions de
cette convention.
A mon avis, le sens de la clause 39.03 est clair et
non équivoque. Elle permet à l'employeur d'avoir
recours à des employés réguliers pour parer aux
absences normales qui surviennent lorsque des
employés prennent des congés sans traitement, et il
est évident que les mots «employés réguliers» utili-
sés dans cette clause comprennent les employés
réguliers à plein temps.
Par ces motifs, je suis d'avis d'accueillir la
demande fondée sur l'article 28 et d'infirmer la
décision rendue le 25 août 1981 par Donald
MacLean, arbitre et membre de la Commission
des relations de travail dans la Fonction publique,
dans la mesure où cette décision établit que l'em-
ployeur ne peut désigner des employés à plein
temps pour assurer la suppléance d'employés régu-
liers à temps partiel et dans la mesure où elle
ordonne à l'employeur de procéder à une opération
de dotation de façon à pouvoir compter un nombre
suffisant d'employés réguliers à temps partiel pour
être en mesure de maintenir les besoins du service
pour le volume de travail prévu et les absences
anticipées dans le cas des besoins de fonctionne-
ment à temps partiel. Je suis également d'avis de
renvoyer cette affaire à la Commission pour qu'elle
statue sur le fondement que la convention collec
tive n'oblige pas l'employeur à désigner seulement
des employés à temps partiel pour assurer la sup-
pléance d'employés réguliers à temps partiel en cas
d'absence.
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris aux
motifs ci-dessus.
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