T-5725-81
496482 Ontario Inc. (demanderesse)
c.
Le procureur général du Canada, le ministre des
Transports du Canada, VIA Rail Canada Inc., le
Canadien Pacifique Limitée et les Chemins de fer
nationaux du Canada (défendeurs)
Division de première instance, juge Walsh—
Ottawa, 26 avril et 5 mai 1982.
Pratique — Requête en autorisation de modifier une décla-
ration révisée, pour faire valoir que des injonctions interlocu-
toires devraient être accordées contre certaines défenderesses et
pour proroger le délai de production des mémoires — Appel
d'une ordonnance antérieure radiant une partie de la déclara-
tion révisée et soumettant une question de droit à trancher
conformément à la Règle 474 — Les renseignements supplé-
mentaires n'étaient pas connus au moment de l'examen de la
requête en radiation — Renseignements selon lesquels le ser
vice de banlieue devant être supprimé n'était pas admissible au
titre des subsides fédéraux prévus par la Loi sur les chemins
de fer, que la suppression de ce service est une question de
politique et que les lignes de banlieue sont de la responsabilité
des provinces ou des municipalités ou des deux à la fois —
Selon la demanderesse, la décision du gouverneur en conseil
constitue un excès de pouvoir parce qu'elle est fondée sur une
politique plutôt que sur le droit — Question à trancher comme
si les modifications avaient déjà été insérées dans la déclara-
tion révisée et conformément aux règles applicables à la
radiation des plaidoiries — Le nouvel argument invoqué en
faveur d'une injonction interlocutoire n'est pas examiné puis-
que la question de droit n'est pas tranchée — Les mémoires
concernant la question de droit ont été déposés — Il n'existe
aux termes de l'art. 261 de la Loi sur les chemins de fer
aucune obligation de subventionner les services de banlieue —
La possibilité de subventions à l'égard d'une perte certifiée par
la Commission canadienne des transports n'est pas éliminée —
Le gouverneur en conseil peut, conformément à l'art. 261(9) de
la Loi sur les chemins de fer, prendre les mesures qu'il juge
nécessaires — Ces mesures sont des questions de politique
relevant de la compétence du gouverneur en conseil — Les
tribunaux ne devraient pas s'enquérir des motifs du gouver-
neur en conseil de prendre un décret, à moins d'abus de
pouvoir manifeste — Rejet de la requête en modification de la
déclaration révisée — Règle 474 de la Cour fédérale — Loi
sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, art. 261(4),(8),(9),
262.
La demanderesse demande l'autorisation de modifier sa
déclaration révisée, pour faire valoir que les injonctions interlo-
cutoires demandées dans une requête antérieure devraient être
accordées contre VIA Rail Canada Inc. et Canadien Pacifique
Limitée, et pour proroger le délai fixé pour la production des
mémoires. Cette Cour, dans une ordonnance antérieure, avait
radié une partie de la déclaration révisée et avait décidé qu'il y
avait lieu de résoudre, en vertu de la Règle 474, la question de
droit relative aux pouvoirs du gouverneur en conseil d'ordonner
la suppression de tous les services de trains de voyageurs sur la
ligne Toronto—Havelock devant avoir lieu plus d'un an après le
décret. Il est actuellement interjeté appel de l'ordonnance. Les
nouveaux renseignements fournis par la demanderesse, et sur
lesquels elle s'appuie pour demander la modification, compren-
nent une lettre du secrétaire parlementaire du ministre des
Transports. Cette lettre disait qu'un service de trains de ban-
lieue n'est pas admissible aux subsides fédéraux prévus par la
Loi sur les chemins de fer, que sa suppression est une question
de politique et que les services de banlieue sont une responsabi-
lité provinciale ou municipale ou les deux à la fois. La deman-
deresse prétend que la décision du gouverneur en conseil consti-
tue un excès de pouvoir, étant fondée sur une politique et non
sur le droit. Les défendeurs conviennent que la question doit
être tranchée comme si les modifications avaient déjà été
incorporées dans la déclaration révisée et en conformité des
règles applicables à la radiation des plaidoiries.
Arrêt: la requête en modification de la déclaration révisée est
rejetée et la question de droit doit être instruite dès que
possible, toutes les parties ayant déposé leurs mémoires. Il
n'existe pas d'obligation de subventionner les services de ban-
lieue, mais une simple disposition au paragraphe 261(9) de la
Loi sur les chemins de fer indiquant que cela peut être fait si le
gouverneur en conseil l'estime souhaitable. Il s'agit donc d'une
question de politique, le gouverneur en conseil étant manifeste-
ment d'avis, comme l'indique la lettre, que ces services
devraient être subventionnés, si nécessaire, par les provinces ou
les municipalités. Le gouverneur en conseil n'a pas agi contrai-
rement à la loi en tenant compte de cette politique. Les
tribunaux ne devraient pas s'enquérir des motifs du gouverneur
en conseil de prendre tel ou tel décret à moins qu'il n'y ait abus
de pouvoir manifeste. S'il est établi que le service en cause est
un service de banlieue, la compagnie ferroviaire pourrait de son
propre chef cesser de l'exploiter; le décret ne serait donc pas
nécessaire. La question de droit devrait être instruite le plus tôt
possible. On n'a pas demandé à la Cour de la suspendre et la
jurisprudence dit qu'un appel ne surseoit pas en soi à l'instance.
Jurisprudence: arrêt appliqué: Le procureur général du
Canada c. Inuit Tapirisat of Canada [1980] 2 R.C.S. 735.
Distinction faite avec les décisions: Re Doctors Hospital
and Minister of Health (1976) 68 D.L.R. (3 e ) 220; Ron-
carelli c. Duplessis [1959] R.C.S. 121.
REQUÊTE.
AVOCATS:
D. Outerbridge pour la demanderesse.
E. Bowie, c.r., pour les défendeurs le procu-
reur général du Canada et le ministre des
Transports du Canada.
M. Huart pour la défenderesse VIA Rail
Canada Inc.
C. Wendlandt pour la défenderesse Canadien
Pacifique Limitée.
L. Band, c.r., pour la défenderesse Chemins
de fer nationaux du Canada.
PROCUREURS:
Outerbridge, Toronto, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs le procureur général du
Canada et le ministre des Transports du
Canada.
Contentieux de VIA Rail Canada Inc., Mont-
réal, pour la défenderesse VIA Rail Canada
Inc.
Contentieux de Canadien Pacifique Limitée,
Montréal, pour la défenderesse Canadien
Pacifique Limitée.
Contentieux des Chemins de fer nationaux du
Canada, Toronto, pour la défenderesse Che-
mins de fer nationaux du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: La demanderesse, dans sa
requête, conclut à:
[TRADUCTION] a) une ordonnance autorisant la demande-
resse à modifier sa déclaration révisée par l'adjonction des
deux alinéas suivants au paragraphe 19:
k) le décret et la recommandation ministérielle de le
prendre avaient pour fondement la constatation que les
services de trains de voyageurs desservant principalement
les passagers qui font la navette entre des points de la ligne
de chemin de fer de la compagnie (soit «les services de
navetteurs» comme les décrit le Ministre) ne relèvent pas
du gouvernement fédéral ni de la Loi sur les chemins de
fer, y compris son article 262, constatation qu'a faite à tort
en droit le gouverneur général en conseil et qu'il a appli-
quée rigidement sans réexaminer à quel point elle s'appli-
quait aux services de trains de voyageurs particuliers aux-
quels elle a été appliquée.
1) le décret et la recommandation ministérielle de le pren-
dre avaient pour fondement la constatation que les services
de trains de voyageurs desservant principalement les passa-
gers qui font la navette entre des points de la ligne de
chemin de fer de la compagnie (soit «les services de
navetteurs» comme les décrit le Ministre) ne sont pas
admissibles à recevoir les subsides féde aux que prévoit la
Loi sur les chemins de fer, constatation que le gouverneur
général en conseil a fait à tort en droit.
b) une ordonnance autorisant la demanderesse à faire valoir
que les injonctions interlocutoires auxquelles elle conclut
dans son avis de requête en date du 9 novembre 1981
devraient être accueillies à l'égard de Via Rail Canada Inc.
ainsi que du Canadien Pacifique Limitée, et autorisant les
défendeurs, si ainsi notifiés, à soutenir qu'une ordonnance sur
le fondement de la règle 419(1)a) devrait être accordée pour
radier ces alinéas ainsi que les alinéas antérieurement radiés
par les ordonnances de M. le juge Allison A.M. Walsh en
date du 2 mars 1982,
c) une ordonnance prorogeant le délai de signification et de
production des mémoires écrits en vertu des ordonnances
qu'a prononcées M. le juge Allison A.M. Walsh le 2 mars
1982,
d) toute autre ordonnance additionnelle jugée appropriée;
Ceci est une requête des plus inhabituelles vu
que le jugement en cause, rendu le 2 mars 1982
[[1982] 2 C.F. 629], lequel radiait le paragraphe
18 et les alinéas a), b), c), d), e), f), g), h) et j),
ainsi que l'alinéa i)(ii) du paragraphe 19 de la
déclaration révisée de la demanderesse, et soumet-
tait comme question de droit à décider, conformé-
ment à la Règle 474, la conclusion de l'alinéa i)(i),
a maintenant été porté en appel; on serait donc en
droit de dire que la Cour est functus officio lors-
qu'il s'agit de modifier ladite déclaration révisée.
La question de droit n'a pas encore été instruite
mais, à l'époque, il avait été entendu que si la
demanderesse n'avait pas gain de cause éventuelle-
ment, cela équivaudrait à la radiation de l'ensem-
ble de sa déclaration révisée puisque, bien que les
articulations de fond de la déclaration révisée
n'aient pas été radiées, ledit paragraphe 19 conte-
nait l'ensemble des moyens sur lesquels elle fondait
son recours, de sorte que celui-ci ne pourrait être
exercé alors. En outre, la demanderesse concluait à
une injonction interlocutoire, conclusion qui fut
rejetée, avec autorisation de la réintroduire après
préavis d'une semaine, une fois qu'il aurait été
statué sur la question de droit. Au cours de l'ins-
truction, on avait soulevé des doutes sérieux sur le
bien-fondé du recours à l'injonction interlocutoire
pour empêcher l'application d'une ordonnance
d'ordre législatif ou administratif, laquelle
demeure obligatoire tant qu'elle n'est pas annulée,
après instruction au fond. La Cour n'avait pas eu à
statuer à ce sujet puisqu'il avait été jugé qu'aucune
demande d'injonction interlocutoire ne devrait de
toute façon être examinée avant que ne soit défini-
tivement résolue la question de droit. Aux pages
646 et 647 des motifs du jugement, il est dit:
Tant que cette question de droit ne sera pas résolue, il sera
inopportun d'accorder la requête d'injonction interlocutoire de
la demanderesse même s'il ne fallait statuer sur aucune autre
fin de non-recevoir à son égard en ce moment. On a soulevé des
arguments sérieux sur l'opportunité d'une injonction interlocu-
toire pour empêcher l'application d'une ordonnance d'ordre
législatif ou administratif, laquelle demeure obligatoire tant
qu'un tribunal compétent ne l'a pas cassée, avant jugement
définitif au fond. Autre argument qu'il n'est pas nécessaire
d'examiner en cet état de la cause: l'article 23 de la Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, n'enlève-t-il pas à
notre juridiction toute compétence quant au recours en injonc-
tion exercé? Il est attribué à la Commission en termes fort
larges, sur le fondement de la Partie IV de la Loi nationale sur
les transports, la compétence de prononcer des ordonnances de
faire visant les compagnies ferroviaires.
Le nouveau moyen que fait valoir la demande-
resse pour conclure à une injonction interlocutoire
à l'alinéa b) de sa présente requête ne sera donc
pas examiné.
Les renseignements sur lesquels la demanderesse
se fonde pour demander la modification du para-
graphe 19, par l'ajout des alinéas k) et 1), n'au-
raient pas été connus d'elle à l'époque où la
requête, dont le jugement du 2 mars 1982 fut la
conséquence, fut débattue, bien qu'il ait été ques
tion de la distinction à faire entre un service de
banlieusards et un service de trains de voyageurs
(quoique ce dernier puisse transporter surtout des
banlieusards). Voici ce que l'on trouve à la page
640 des motifs du jugement, relativement à l'or-
donnance R-32317 du Comité des transports par
chemin de fer:
Le Comité exprime l'avis que la ligne Toronto—Havelock «peut
comprendre essentiellement un service de banlieue pour lequel
il ne peut y avoir de subventions» ainsi que son intention
d'étudier ce cas afin de décider si oui ou non on doit continuer à
désigner ce service comme un service de trains de voyageurs
aux termes des articles 260 et 261 de la Loi sur les chemins de
fer. L'article 261 est l'article qui prévoit que la Commission,
lorsqu'un service non rentable est exploité, «doit ... certifier le
montant de la perte réelle» dont 80%, prélevé sur le Fonds du
revenu consolidé, peut alors être remis à la compagnie. Le
paragraphe (8) dispose que cela ne s'applique pas «en ce qui
concerne un service de trains de voyageurs qui transporte
principalement des abonnés ou autres personnes voyageant
régulièrement entre des points situés sur le chemin de fer de la
compagnie assurant le service». Il n'est pas nécessaire, pour les
besoins de la cause, de décider si effectivement ledit service de
trains de voyageurs constitue un service de banlieue ou non;
cette question ne se poserait que si on devait ordonner à VIA
Rail de poursuivre son exploitation en collaboration avec le
Canadien Pacifique Limitée par suite de l'annulation du C.P.
1981-2171 selon le voeu de la demanderesse.
Le fait nouveau qu'invoque maintenant la
demanderesse pour obtenir la révision désirée est
une lettre que le secrétaire parlementaire du minis-
tre des Transports a adressé à la Toronto—Peter-
borough—Havelock Line Passenger Association le
26 février 1982 (d'après le cachet de la poste),
disant qu'elle est écrite à la demande du Ministre,
M. Jean-Luc Pépin, en réponse, tardive, à une
lettre du 30 septembre 1981 où il était dit notam-
ment: [TRADUCTION] «Si ce service a été inclus
dans la restructuration du service de trains de
voyageurs annoncée récemment, ce n'est pas en
raison de son rapport recettes-coûts mais plutôt
parce que sa nature, en tant que service de ban-
lieue, le rendait inadmissible au titre des subsides
fédéraux prévus par la Loi sur les chemins de fer».
La lettre rappelle que 55% de passagers de la ligne
montent à bord du train et en redescendent au
moins deux arrêts avant la gare Union dans le
secteur que desservent et les services dits
GO-Transit et ceux de la Commission de transit de
Toronto. On analyse ensuite la définition de ser
vice de banlieue et rappelle qu'un rapport du Com-
missaire à la planification et au développement de
Toronto, (Toronto Commissioner of Planning and
Development) le considère comme tel et que le
subside au titre des passagers serait réduit si le
trafic était reporté aux services GO-Transit et à
ceux de la C.T.T. On analyse alors la ligne de
conduite gouvernementale rappelant que: [TRA-
DUCTION] «Si nous voulons regénérer les services
ferroviaires de passagers au Canada, il est essentiel
que VIA se concentre sur des services intercités de
haute densité, et que soit abandonné aux provinces
et aux municipalités le soin de développer les
services de banlieue en fonction de leurs besoins
particuliers». Cette lettre a été annexée à une
déclaration sous serment déposée à l'appui de la
présente requête.
La demanderesse a tenté de produire à l'instruc-
tion une autre lettre, datée du 18 mars 1982, qu'un
autre assistant parlementaire du ministre des
Transports aurait adressé à un certain Robert L.
Sillcox, que son procureur identifie comme
membre d'une association de contribuables de
Barrie. Elle n'a été jointe à aucune déclaration
sous serment, il n'y est pas prétendu qu'elle est
écrite à la demande du ministre des Transports et,
de toute façon, un examen rapide révèle qu'elle
n'ajoute que peu de choses à la première si ce
n'est, peut-être, qu'elle corrobore le fait que
l'abandon des services de banlieue résulte de la
politique de considérer les services de banlieue
comme une responsabilité provinciale. Je ne crois
pas que cette lettre devrait être formellement
admise comme preuve.
Comme je l'ai dit au début, je ne crois pas qu'on
devrait autoriser une révision d'une procédure dont
on a formé appel. Toutefois, puisque la chose est
fort urgente, l'abandon devant prendre effet le 7
septembre 1982, je vais instruire la requête au
fond. Certes, la procédure normale serait, dans le
cas d'une fin de non-recevoir, de présumer que les
conclusions que l'on veut voir radier sont véridi-
ques et ensuite de décider si elles peuvent se
défendre compte tenu du droit qu'on prétend exer-
cer; ce serait néanmoins retarder inutilement la
procédure que d'admettre ces modifications sur ce
fondement puis de voir immédiatement opposée à
l'ordonnance en ce sens une fin de non-recevoir,
suivie de la décision sur la question de savoir si les
modifications peuvent donner droit au recours pré-
tendument exercé. Les défendeurs reconnaissent
que la Cour peut se saisir de la question comme si
ces paragraphes avaient déjà été insérés dans la
déclaration révisée à l'époque de l'instruction de la
fin de non-recevoir et qu'en décidant d'autoriser
les modifications ou non elle peut statuer après
avoir examiné si, ayant été dans la déclaration
révisée à l'époque, elles auraient été radiées avec
les autres alinéas du paragraphe 19 qui eux aussi
ont été radiés.
La demanderesse soutient que la décision du
gouverneur en conseil d'ordonner la cessation du
service en cause repose sur une politique plutôt que
sur le droit et que, ce faisant, il est sorti de sa
compétence. On cite l'arrêt Inuit Tapirisat [1980]
2 R.C.S. 735 la page 748 où il est dit:
Il faut dire tout de suite que la simple attribution par la loi
d'un pouvoir au gouverneur en conseil ne signifie pas que son
exercice échappe à toute révision. Si ce corps constitué n'a pas
respecté une condition préalable à l'exercice de ce pouvoir, la
cour peut déclarer ce prétendu exercice nul.
A la page 750, on cite un extrait de l'espèce
Border Cities Press Club c. Le procureur général
de l'Ontario [1955] 1 D.L.R. 404, où il est dit [à
la page 4121:
[TRADUCTION] En exerçant le pouvoir mentionné, le lieute-
nant-gouverneur en conseil, n'exerce pas, à mon avis, une
prérogative de la Couronne, mais bien un pouvoir attribué par
la Loi, pouvoir qui ne peut valablement être exercé qu'en se
conformant aux dispositions de la Loi qui sont juridiquement
des conditions préalables à l'exercice d'un tel pouvoir.
Voici les paragraphes (8) et (9) de l'article 261
de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c.
R-2:
261.. ..
(8) Les paragraphes (2) à (7) ne s'appliquent pas en ce qui
concerne un service de trains de voyageurs qui transporte
principalement des abonnés ou autres personnes voyageant
régulièrement entre des points situés sur le chemin de fer de la
compagnie assurant le service.
(9) Lorsque, en vertu du paragraphe (8), une réclamation ne
peut être faite aux termes du présent article relativement à un
service non rentable, la Commission doit, après enquête, attes-
ter la perte réelle, s'il en est, qui, à son avis est attribuable au
service et faire à ce sujet rapport au gouverneur en conseil en
indiquant l'action qu'il estime nécessaire ou désirable d'entre-
prendre pour fournir une aide à l'égard de cette perte.
C'est donc probablement à tort que le secrétaire
parlementaire, auteur de la lettre du 26 février
1982, a écrit qu'un service de banlieue est inadmis
sible au titre des subsides fédéraux selon la Loi sur
les chemins de fer. Même si l'on devait concéder
qu'il s'agit d'un service de banlieue, et cela n'a pas
été établi, cela ne ferait que le rendre inadmissible
au subside de 80% de ses pertes en tant que service
de trains de voyageurs prévu au paragraphe (4),
sans éliminer la possibilité d'accorder un subside
pour une perte que certifierait la Commission (ce
qui n'a pas encore été fait en l'espèce) en prenant
la ligne d'«action qu'il estime nécessaire ou désira-
ble d'entreprendre pour fournir une aide à l'égard
de cette perte» comme il est dit au paragraphe (9).
En d'autres mots, il n'existe pas d'obligation de
subventionner les services de banlieue mais une
simple disposition que cela peut être fait si on le
juge désirable, ce qui est en somme une question
de politique, le gouverneur en conseil manifeste-
ment étant d'avis que ces services devraient être
subventionnés, si nécessaire, par les provinces ou
les municipalités. Il ne me semble pas qu'en pre-
nant en compte une telle politique le gouverneur en
conseil ait agi contrairement à la loi. D'ailleurs, il
n'est pas désirable que les tribunaux s'enquièrent
des motifs du gouverneur en conseil de prendre tel
ou tel décret à moins qu'il n'y ait abus de pouvoir
manifeste. On a cité à cet égard l'arrêt Roncarelli
c. Duplessis [1959] R.C.S. 121, mais il peut clai-
rement être distingué, étant un exemple flagrant
d'abus de pouvoir. Il en va de même de l'espèce Re
Doctors Hospital and Minister of Health
(1976) 68 D.L.R. (3 e ) 220, où le décret annulé
avait manifestement été pris en contravention de
l'objet et des fins de la législation.
Dans l'arrêt Inuit Tapirisat (précité), le juge
Estey, parlant des vastes pouvoirs que le paragra-
phe 64(1) de la Loi nationale sur les transports,
S.R.C. 1970, c. N-17, attribue au gouverneur en
conseil, a dit à la page 753:
On ne peut priver l'Exécutif de son droit d'avoir recours à son
personnel, aux fonctionnaires du ministère concerné, et surtout
aux commentaires et aux avis des ministres membres du con-
seil, responsables, à ce titre, des questions d'intérêt public
soulevées par la requête, que ces questions soient de nature
économique, politique, commerciale ou autre.
et encore, à la page 755:
Je suis d'avis que le pouvoir de surveillance de l'art. 64, comme
celui en cause dans l'arrêt Davisville, précité, est conféré aux
membres du Cabinet pour leur permettre de répondre aux
préoccupations politiques, économiques et sociales du moment.
et, à la page 756:
D'autre part, le législateur est apparemment d'avis qu'il s'agit
là d'un domaine particulièrement vulnérable aux changements
des politiques d'intérêt public et il l'a par conséquent réservé à
l'Exécutif qui doit en dernier ressort les appliquer.
Je refuse donc de dire que le gouverneur en
conseil n'était pas en droit de tenir compte de
certaines politiques gouvernementales en ordon-
nant la cessation du service de passagers sur ladite
ligne.
J'ajouterai, si l'on devait conclure qu'il s'agit
d'un service de banlieue, que je suis d'avis que la
compagnie ferroviaire n'a pas à demander à la
Commission l'autorisation de cesser de l'exploiter;
le décret n'est, en conséquence, même pas néces-
saire puisque la compagnie ferroviaire peut cesser
d'exploiter ce service proprio motu.
Comme j'en conclus que les modifications, si on
les autorisait, seraient, à bon droit, radiées, je les
refuse.
Quant à l'instruction de la question de droit sur
le fondement de la Règle 474, c'est là une question
d'avant-dire droit et aucune requête n'est faite à la
Cour de la suspendre. La jurisprudence dit qu'un
appel ne surseoit pas en soi à l'instance dont appel
et que, en fait, former appel d'un jugement
d'avant-dire droit n'est pas souhaitable (voir, par
exemple, Cercast Inc. c. Shellcast Foundries Inc.
[1973] C.F. 28 aux pages 34, 35 et [1973] C.F.
674).
En l'espèce, je crois que la question de droit
soumise sur le fondement de la Règle 474 devrait
être instruite aussitôt que possible, toutes les par
ties ayant maintenant produit leur mémoire à cet
égard.
Si l'on devait former appel du présent jugement
ou s'il devait y avoir appel de la décision sur la
question de droit, comme c'est probable, il serait
souhaitable qu'ils soient tous instruits de concert,
si c'est le voeu de la Cour d'appel, de façon à saisir
cette dernière de toutes ces questions au même
moment, sans retard inutile.
ORDONNANCE
La requête de la demanderesse en modification
de la déclaration révisée est rejetée avec dépens.
La question de droit soumise sur le fondement de
la Règle 474 par le jugement en cause du 2 mars
1982 sera instruite aussitôt que cela conviendra
aux parties, à tel jour ordinaire réservé aux requê-
tes à Toronto ou à telle date spéciale que fixera le
juge en chef adjoint.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.