A-441-79
Affaire de l'appel formé par Bell Canada d'une
décision du Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes en date du 8
mars 1979 (Décision Telecom. CRTC 79-5)
Cour d'appel, juges Pratte, Ryan et juge suppléant
Hyde—Montréal, ler février; Ottawa, 17 février
1982.
Télécommunications — Appel formé sur le fondement de
l'art. 64(2) de la Loi nationale sur les transports — Demande
par l'appelante, Bell Canada, et par B.C. Tel., d'une hausse de
tarif — Services d'une firme d'experts-conseils retenus par le
CRTC pour faire des études avant l'audition des requérantes
— Ordonnance du CRTC imposant à l'appelante et à B.C. Tel.
de payer le coût des études — En cause: l'excès de pouvoir du
CRTC — Interprétation du terme «frais» de l'art. 73 de la Loi
nationale sur les transports — Loi sur le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, S.C.
1974-75-76, c. 49, art. 14(2),(3) — Loi nationale sur les
transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 6(1),(2), 10(1), 12, 13,
14, 16, 43, 45(3), 57, 64(2) et 73 — Loi sur les chemins de fer,
S.R.C. 1970, c. R-2, art. 2(1) — Supreme Court of Judicature
(Consolidation) Act, 15 & 16 Geo. 5, c. 49, art. 50.
L'appelante, Bell Canada et la British Columbia Telephone
Company (B.C. Tel.) ont demandé au Conseil de la radiodiffu-
sion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d'approu-
ver les hausses de tarif de certains services et installations que
fournissent, à l'échelle du Canada, les membres du Réseau
téléphonique transcanadien (RTT). Le CRTC a retenu les
services d'une firme d'experts-conseils pour faire des études,
notamment sur les méthodes de répartition des revenus du
RTT, et a finalement ordonné à l'appelante et à B.C. Tel., sur
le fondement des articles 57 et 73 de la Loi nationale sur les
transports, de payer les frais de ces études. L'appelante soutient
que ni l'article 73 ni aucune autre disposition de la Loi n'auto-
rise le CRTC à ordonner aux deux compagnies de téléphone de
payer les honoraires vu que ces honoraires ne sont pas des
«frais» aux termes de l'article 73. Selon l'appelante, le terme
«frais» doit être pris dans son acception juridique ordinaire; il
s'ensuit que les frais d'instance n'incluent pas ceux qu'engage le
tribunal pour instruire et décider du litige. Les avocats du
CRTC et de l'intervenante soutiennent que l'instance dont est
saisie le CRTC n'est pas contradictoire; aussi devrait-on donner
à l'article 73 un sens large de façon à ne pas dénier au CRTC
les pouvoirs nécessaires à l'exécution de ses fonctions.
Arrêt: l'appel est accueilli. Le terme «frais» qui apparaît à
l'article 73 de la Loi nationale sur les transports doit recevoir
son acception juridique normale selon laquelle les frais d'une
instance sont les frais qu'engagent les parties à cette instance et
non les frais du tribunal qui en est saisi. La plupart des termes
dont on se sert à l'article 73 sont normalement employés dans le
cas de frais judiciaires: les frais peuvent être fixés à une somme
déterminée, ou entrer en taxe, et un tarif des frais peut être
établi. Il y a aussi le membre de phrase «les frais qu'entraîne
une procédure» que l'on retrouve à l'article 73 de la Loi
nationale sur les transports, dont le libellé s'apparente à celui
de l'article 50 de la Supreme Court of Judicature (Consolida-
tion) Act. Si une interprétation contraire devait prévaloir, le
CRTC aurait alors le droit de forcer les compagnies d'utilités
publiques que la Loi oblige à comparaître devant lui à assumer
une partie de ses frais. Cela serait contraire à l'économie
générale de la Loi nationale sur les transports selon laquelle les
frais du CRTC doivent être payés à même les fonds publics et
non par les compagnies d'utilités publiques qui relèvent de sa
compétence. Aucune disposition de la Loi n'attribue au CRTC
le pouvoir qu'il a exercé en l'espèce. Le pouvoir du CRTC ne
découle ni de l'article 57 ni du paragraphe 45(3). Les experts
dont le CRTC a retenu les services ne sont pas des assesseurs et
l'article 14 de la Loi dit clairement que si le CRTC se voit dans
l'obligation de siéger avec des assesseurs, ceux-ci doivent être
nommés par le gouverneur en conseil.
APPEL.
AVOCATS:
F. Mercier, c.r. et J.-P. Belhumeur pour l'ap-
pelante Bell Canada.
C. Thomson, c.r. et G. MacKenzie pour l'in-
timé le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes.
C. Johnston, c.r., pour la participante British
Columbia Telephone Company.
A. J. Roman pour l'intervenante l'Organisa-
tion nationale anti -pauvreté.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour l'appelante Bell Canada.
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
l'intimé le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes.
Johnston & Buchan, Ottawa, pour la partici-
pante British Columbia Telephone Company.
A. J. Roman, a/s The Public Interest Advo
cacy Centre, Ottawa, pour l'intervenante l'Or-
ganisation nationale anti -pauvreté.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Ceci est l'appel, formé sur le
fondement du paragraphe 64(2) de la Loi natio-
nale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17,
d'une décision que le Conseil de la radiodiffusion
et des télécommunications canadiennes (CRTC) a
rendue conformément à cette Loi'.
Le 15 mars 1978, l'appelante, Bell Canada,
demandait au CRTC d'approuver les hausses de
tarif de certains services et installations que four-
nissaient, à l'échelle du Canada, les membres du
Réseau téléphonique transcanadien (R.T.T.). La
British Columbia Telephone Company (B.C. Tel.)
déposa ultérieurement une requête semblable. Le 4
août 1978, le CRTC lança un avis public annon-
çant son intention de ne pas instruire ces requêtes
avant d'avoir obtenu d'une firme d'experts-conseils
des études sur les méthodes de répartition des
revenus du R.T.T. et sur d'autres questions reliées
aux requêtes. Le Conseil a aussi fait connaître
dans cet avis son intention d'imputer les frais de
ces études à l'appelante et à la B.C. Tel. Les
motifs de cette attitude du Conseil sont exposés au
passage suivant de l'avis:
Comme il a déjà été mentionné, les documents déposés devant
le Conseil à l'égard du processus de répartition des revenus sont
complexes et volumineux. Le Conseil est d'avis qu'il serait
prématuré de tenir une audience à ce moment-ci sur l'équité et
la valeur de ces méthodes de répartition des revenus. De plus,
de nombreuses questions, qui nécessitent une plus grande pré-
paration, doivent être étudiées. Tout d'abord, il est essentiel
d'établir une compilation utile de renseignements; de combler
les lacunes et de rédiger des rapports explicatifs avant toute
audience, de sorte que les parties intéressées puissent compren-
dre les répercussions des documents et puissent aider au succès
de l'audience. En outre, le Conseil croit que ces études
devraient tenir compte de toute inquiétude exprimée par les
organismes provinciaux de réglementation intéressés à la
question.
En conséquence, le Conseil a décidé de retenir les services d'une
société d'experts-conseils pour mener une étude approfondie,
notamment des méthodes de répartition des revenus du RTT. Il
invitera aussi chaque organisme canadien de réglementation
des taux téléphoniques dans une province, à nommer un de ses
gestionnaires supérieurs au comité chargé de surveiller l'évolu-
tion des travaux des experts-conseils et d'effectuer la liaison
entre les divers organismes.
Le Conseil juge essentiel d'avoir des études indépendantes de ce
genre avant de pouvoir tenir une audience significative sur les
taux ou les pratiques du RTT. Étant donné que ces études sont
étroitement liées aux procédures prochaines, le Conseil propose
au départ de façon provisoire et, sous réserve d'une discussion à
l'audience du RTT, de faire défrayer les coûts de ces études par
' Selon les paragraphes 14(2) et (3) de la Loi sur le Conseil
de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
(S.C. 1974-75-76, c. 49), le CRTC exerce aujourd'hui, en
matière de télécommunications, à l'exclusion de la radiodiffu-
sion, les pouvoirs que la Loi nationale sur les transports
attribue à la Commission canadienne des transports.
Bell Canada et la Compagnie de téléphone de la Colombie-Bri-
tannique, les deux principales sociétés en cause, sur une base
proportionnelle en fonction de leurs revenus annuels. Les deux
compagnies auront l'occasion d'émettre leurs commentaires à
cet égard lorsque les experts-conseils auront été choisis et que
les clauses de leur contrat auront été déterminées.
Une fois l'avis publié, le Conseil a discuté de sa
proposition avec l'appelante et la B.C. Tel., et,
finalement, le 8 mars 1979, il a rendu une décision
dont voici un extrait du dispositif:
Il est par conséquent ordonné qu'en vertu des articles 57 et 73
de la LNT, Bell Canada et B.C. Tel paient les frais découlant
des études devant être menées par Peat, Marwick and Partners
en vue d'une audience publique tenue pour examiner si les taux
demandés par Bell Canada et B.C. Tel dans leurs requêtes sont
légitimes, en vertu des articles 320 et 321 de la Loi sur les
chemins de fer. Les frais seront payés de la façon suivante:
1. Bell Canada et B.C. Tel doivent verser les paiements appro-
priés directement à l'entreprise Peat, Marwick and Partners,
dès qu'ils reçoivent les factures mensuelles approuvées par le
Conseil;
2. Bell Canada doit payer 77% du montant approuvé de cha-
cune de ces factures et B.C. Tel, 23%;
3. La somme totale versée sur les deux compagnies ne devra pas
excéder $408,000.
C'est là la décision entreprise; l'appel ne soulève
qu'une seule question: le CRTC détient-il le pou-
voir d'ordonner à Bell Canada de payer les hono-
raires des experts qu'il a choisis? L'appelante ne
conteste pas l'utilité des études des experts du
Conseil; elle ne conteste pas non plus le pouvoir du
Conseil de faire procéder à une telle expertise. Elle
soutient seulement que le Conseil est sorti de sa
compétence lorsqu'il lui a ordonné, ainsi qu'à la
B.C. Tel., de payer cette expertise.
Comme le CRTC en rendant la décision entre-
prise exerçait les pouvoirs que la Loi nationale sur
les transports [supra] attribue à la Commission
canadienne des transports, il échet d'examiner si
cette Loi attribue à la Commission canadienne des
transports la compétence de rendre une décision de
ce genre. Les dispositions suivantes de la Loi
nationale sur les transports semblent pertinentes à
cet égard:
6. (1) Est établie une commission appelée Commission cana-
dienne des transports, formée d'au plus dix-sept membres
nommés par le gouverneur en conseil.
(2) La Commission est une cour d'archives et elle a un sceau
officiel de notoriété publique.
t 10. (1) La Commission a un secrétaire nommé par le gouver-
neur en conseil pour occuper sa charge à titre amovible.
12. (1) Les autres fonctionnaires et employés qui sont néces-
saires à la bonne marche des travaux de la Commission peuvent
être nommés de la manière prévue par la loi.
(2) Les fonctionnaires et employés affectés à la Commission
peuvent être rémunérés sur les crédits affectés à cette fin par le
Parlement.
13. (1) Le gouverneur en conseil doit, sur la recommandation
du Ministre, fournir dans la ville d'Ottawa des locaux convena-
bles dans lesquels la Commission peut tenir ses réunions ainsi
que des bureaux convenables pour les commissaires, le secré-
taire et les autres fonctionnaires et employés de la Commission,
de même que la totalité des meubles, des fournitures et du
matériel de bureau qui sont nécessaires à la direction, à la
continuation et à l'exécution des fonctions de la Commission.
(2) Le gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du
Ministre, établir en un ou plusieurs lieux quelconques du
Canada le ou les bureaux dont la Commission a besoin, et il
peut fournir à cet effet les locaux, meubles, fournitures et
matériel nécessaires.
14. Le gouverneur en conseil peut, au besoin, nommer un ou
plusieurs experts, ou des personnes qui possèdent des connais-
sances techniques ou spéciales sur les questions en litige, pour
aider la Commission à titre de conseillers dans une affaire dont
elle est saisie.
16. Les traitements et autres rémunérations de tous les
fonctionnaires et employés de la Commission et toutes les
dépenses de la Commission attribuables à l'exécution de ses
devoirs et fonctions, notamment tous les frais réels et raisonna-
bles de voyage des commissaires, du secrétaire et des autres
membres du personnel de la Commission qui peuvent être
amenés à faire des voyages à la demande de la Commission,
lorsque ces frais sont nécessairement encourus dans l'exécution
des devoirs de leur charge, doivent être payés deux fois par
mois sur les crédits affectés à cette fin par le Parlement.
45....
(3) Relativement à la présence et à l'examen des témoins, à
la production et à l'étude des documents, à la mise à exécution
de ses ordonnances, à la descente sur les lieux et à l'inspection
des biens, aussi bien qu'en toutes autres matières nécessaires ou
propres à l'exercice régulier de sa juridiction, la Commission
possède tous les pouvoirs, droits et privilèges d'une cour
supérieure.
57. (1) La Commission peut, dans toute ordonnance, pres-
crire que cette ordonnance ou l'une de ses parties ou disposi
tions, entrera en vigueur à une date ultérieure ou lorsque
surviendront des éventualités, des événements ou des circons-
tances spécifiées dans cette ordonnance, ou lors de l'accomplis-
sement, au gré de la Commission ou d'une personne désignée
par la Commission, des conditions qu'elle impose à quelque
partie intéressée; et elle peut prescrire que la totalité ou quelque
partie de cette ordonnance soit exécutoire durant une période
déterminée, ou jusqu'à ce que se produise un événement
spécifié.
(2) La Commission peut rendre, tout d'abord, au lieu d'une
ordonnance définitive, une ordonnance provisoire, et se réserver
la faculté de donner de plus amples instructions soit à une
audition ajournée de l'affaire, soit sur une nouvelle requête.
73. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi, les frais
qu'entraîne une procédure exercée devant la Commission sont
laissés à la discrétion de la Commission, et peuvent, dans tous
les cas, être fixés à une somme déterminée ou entrer en taxe.
(2) La Commission peut ordonner par qui et à qui les frais
doivent être payés, et par qui ils doivent être taxés et alloués.
(3) La Commission peut établir un tarif d'après lequel ces
frais doivent être taxés.
Dans sa décision, le Conseil donne comme
source de sa compétence les articles 57 et 73. Il est
clair que le pouvoir du Conseil de rendre la déci-
sion entreprise ne découle pas de l'article 57. L'ap-
pelante soutient par ailleurs que ni l'article 73, ni
quelque autre disposition de la Loi, n'autorisait le
Conseil à agir comme il l'a fait.
Selon l'appelante, l'article 73 ne donne pas au
Conseil le pouvoir d'ordonner aux deux compa-
gnies de téléphone de payer les honoraires de Peat,
Marwick and Partners vu que ces honoraires ne
sont pas des «frais» aux termes de cet article.
Le terme «frais», selon l'appelante, a le sens
juridique bien établi que voici: ce sont les dépenses
qu'engagent les justiciables du fait qu'ils sont par
ties à une instance. Il s'ensuit, poursuit l'appelante,
que les frais d'instance n'incluent pas ceux qu'en-
gage le tribunal pour instruire et décider du litige 2 .
Les avocats du CRTC et de l'Organisation
nationale anti -pauvreté ont reconnu que, lorsqu'on
l'emploie dans le cadre d'une instance ordinaire, le
terme «frais» a un sens restreint. Ils ont soutenu,
toutefois, que l'instance dont est saisi le Conseil est
inhabituelle puisqu'elle n'est pas contradictoire;
aussi ont-ils invité la Cour à donner au terme
2 Conformément à l'article 43 de la Loi nationale sur les
transports, les termes dont on fait usage à la Partie IV de la
Loi ont le même sens que dans la Loi sur les chemins de fer
(S.R.C. 1970, c. R-2). L'article 73 se trouve à la Partie IV de
la Loi nationale sur les transports; on doit donc le lire à la
lumière du paragraphe 2(1) de la Loi sur les chemins de fer où
l'on trouve défini ainsi le terme «frais»:
2. ...
«frais» comprend les émoluments, honoraires et déboursés de
procureurs;
Cette définition ne permet pas de répondre à la question que
soulève l'appel. L'avocat de l'appelante a souligné cependant
que rien dans la définition ne révèle une intention de s'écarter
du sens ordinaire du terme «frais».
«frais» apparaissant à l'article 73 un sens large, de
façon à ne pas dénier au Conseil les pouvoirs
nécessaires à l'exécution de ses fonctions.
Certes, l'instance engagée devant le Conseil dif-
fère d'un litige ordinaire. Lorsqu'une compagnie
de téléphone demande au Conseil d'approuver une
hausse de tarif à laquelle s'opposent des interve-
nants, il n'y a, à strictement parler, aucun litige
entre la requérante et les intervenants; mais les
requêtes relatives aux tarifs ne sont pas les seules
instances qui peuvent être engagées devant le Con-
seil. D'autres, par exemple les plaintes déposées
contre les compagnies relevant de la compétence
du Conseil, ressemblent aux litiges ordinaires. De
plus, même dans une instance manifestement non
contradictoire, comme dans le cas des requêtes en
approbation de tarifs, il peut advenir que, comme
dans un litige ordinaire, il paraisse juste d'obliger
une partie à l'instance à indemniser les autres
parties des frais engagés en raison de leur partici
pation. Le fait que l'instance devant le Conseil ne
soit pas contradictoire ne répond pas, à mon avis, à
l'argument de l'appelante. Ce n'est pas y répondre
non plus que de dire que le Conseil doit nécessaire-
ment avoir le pouvoir exercé en l'espèce. Certes, le
Conseil doit pouvoir profiter des informations et
des expertises nécessaires à l'exercice éclairé de ses
fonctions. Personne ne conteste cela. Il ne s'ensuit
pas, cependant, que le Conseil doit avoir le pouvoir
d'obliger les compagnies d'utilités publiques ou
autres qui comparaissent devant lui à payer les
frais qu'il engage dans l'exercice habituel de sa
compétence. Il se peut que le Conseil ait besoin, et
possède, le pouvoir d'imputer à un requérant les
frais qu'il engage du fait que ce requérant ne lui a
pas fourni tous les renseignements qui devaient lui
être communiqués. Toutefois, ce n'est pas le cas
ici. Le pouvoir que s'est attribué le Conseil en
l'espèce, c'est celui d'obliger les parties à une
instance dont il est saisi à défrayer les dépenses
qu'il engage normalement dans l'exercice de sa
compétence, alors que ces dépenses peuvent être
considérées comme accessoires à l'instance.
A mon avis, le terme «frais» qui apparaît à
l'article 73 de la Loi nationale sur les transports
doit, comme le soutient l'appelante, recevoir son
acception juridique normale selon laquelle les frais
d'une instance sont les frais qu'engagent les parties
à cette instance et non les frais du tribunal qui en
est saisi'. Je ne vois aucune raison de lui donner
une acception plus large. Le fait que la plupart des
termes dont on se sert à l'article 73 soient normale-
ment employés dans le cas de frais judiciaires me
confirme dans cette opinion. Je pense à ce membre
de phrase: [TRADUCTION] «les frais qu'entraînent
toutes procédures» (que l'on retrouve à l'article 50
de la Supreme Court of Judicature (Consolida-
tion) Act, 1925, d'Angleterre, 15 & 16 Geo. 5, c.
49), cette mention aussi que les frais peuvent
être fixés à une somme déterminée ou entrer en
taxe et que le Conseil peut établir un «tarif» (dans
le texte anglais: «scale») des frais. Si l'interpréta-
tion contraire devait prévaloir, le Conseil aurait
alors le droit de forcer les compagnies d'utilités
publiques que la Loi oblige à comparaître devant
lui à assumer une partie de ses frais. Cela, à mon
avis, serait contraire à l'économie générale de la
Loi nationale sur les transports selon laquelle les
frais du Conseil doivent être payés à même les
fonds publics et non par les compagnies d'utilités
publiques qui relèvent de sa compétence.
D'ailleurs, mis à part l'article 73, je ne puis
trouver dans la Loi nationale sur les transports
aucune disposition attribuant au Conseil le pouvoir
qu'il a exercé en l'espèce. L'avocat de l'Organisa-
tion nationale anti -pauvreté a proposé de considé-
rer que ce pouvoir découle du paragraphe 45(3);
en retenant les services des experts et en ordonnant
à l'appelante et à la B.C. Tel. de payer leurs
honoraires, le Conseil n'aurait qu'exercé le pouvoir
inhérent qu'ont les cours supérieures de nommer
des assesseurs et d'ordonner aux parties de les
rémunérer. Je ne partage pas cette opinion. Présu-
mant que les cours supérieures ont ce pouvoir
inhérent, je suis d'avis que les experts, dont le
Conseil a ici retenu les services, ne sont pas des
assesseurs; je suis aussi d'avis que l'article 14 dit
clairement que si le Conseil se voit dans l'obliga-
tion de siéger avec des assesseurs, ceux-ci doivent
être nommés par le gouverneur en conseil.
Par ces motifs, j'accueillerais l'appel.
LE JUGE RYAN: Je souscris à cet avis.
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: J'y souscris aussi.
3 Voir: Halsbury's Laws of England, troisième édition, Vol.
11, p. 293; Ballentine's Law Dictionary, p. 277; Black's Law
Dictionary, p. 312; Jowitt's Dictionary of English Law, Vol. 1,
p. 507; Wharton's Law Lexicon, 13` édition, p. 230.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.