A-169-81
Mohan Eugene D'Souza (appelant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges sup
pléants Lalande et Cowan—Toronto, 24 septem-
bre 1982.
Immigration — Ordonnance d'expulsion — Appel en vertu
de l'art. 84 de la Loi à l'encontre d'une décision de la Commis
sion d'appel de l'immigration qui a rejeté un appel formé
contre une ordonnance d'expulsion en vertu de l'art. 27(1)e)
pour le motif que l'appelant a obtenu le droit d'établissement à
la suite de la représentation erronée d'un fait important faite
par sa mère qu'il accompagnait en qualité de personne à sa
charge — L'appelant prétend que l'art. 27(1)e) doit être inter-
prété comme exigeant que la personne frappée d'expulsion ait
eu la connaissance de la représentation erronée; qu'on lui a
refusé la possibilité raisonnable de contester une déclaration
sous serment soumise à l'arbitre et d'y répondre, et que, en
examinant la possibilité d'accorder un redressement particu-
lier en vertu de l'art. 72(1)b), la Commission a commis une
erreur en ne prenant pas en considération le fait que l'appelant
n'a jamais eu connaissance de la représentation erronée faite
par sa mère — Appel rejeté — Loi sur l'immigration de 1976,
S.C. 1976-77, chap. 52, art. 27(1)e), 72(1)b), 84.
AVOCATS:
M. Pacheco pour l'appelant.
R. J. Levine pour l'intimé.
PROCUREURS:
Green & Spiegel, Toronto, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il s'agit d'un
appel, formé en vertu de l'article 84 de la Loi sur
l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, à
l'encontre d'une décision de la Commission d'appel
de l'immigration qui a rejeté l'appel de l'appelant
à l'encontre d'une ordonnance d'expulsion qu'un
arbitre a délivrée contre l'appelant le 29 novembre
1979 suite à une enquête faite en vertu de la Loi.
Le motif d'expulsion énoncé dans l'ordonnance
porte que l'appelant était une personne décrite à
l'alinéa 27(1)e)' de la Loi puisqu'il avait obtenu le
droit d'établissement grâce à une représentation
erronée d'un fait important faite par une autre
personne.
L'autre personne en question est la mère de
l'appelant et la représentation erronée porte sur
une réponse inexacte qu'elle a apportée à une des
questions de sa demande d'admission au Canada.
L'appelant a fait lui-même une demande qui ne
comporte pas d'erreurs, mais il est constant qu'il
accompagnait sa mère au Canada et qu'il a été
autorisé à entrer au Canada en qualité de personne
à sa charge. On ne conteste plus que la réponse
inexacte que comporte la demande de la mère
équivaut à une représentation erronée et qu'elle
porte sur un fait important. Puisque l'appelant est
entré au Canada en tant que personne à sa charge,
il s'ensuit que la représentation erronée modifie de
façon importante son droit d'entrer au Canada au
même titre que celui de sa mère.
Le principal argument soulevé au nom de l'ap-
pelant est que, puisqu'il n'a pas fait de représenta-
tion erronée, ou qu'il ne savait pas que sa mère
avait fait une représentation erronée, les termes
«faites ... par un tiers« qu'on trouve à l'alinéa
27(1)e) de la Loi ne s'appliquent pas à son égard.
Il dit qu'en raison des conséquences sévères qu'en-
traîne une ordonnance d'expulsion, y compris l'im-
possibilité d'entrer au Canada sans l'autorisation
du Ministre et les peines sévères si une personne
entre au Canada sans cette autorisation, il faut
considérer que les termes en question sont inappli-
cables lorsque, à l'époque considérée, c.-à-d. à
l'époque où le droit d'entrer lui a été accordé, la
personne ne connaissait même pas l'existence de la
déclaration.
En dépit de l'argumentation approfondie et éla-
borée que fait valoir l'avocat de l'appelant, je ne
' 27. (1) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en
possession de renseignements indiquant qu'un résident perma
nent
e) a obtenu le droit d'établissement soit sur présentation d'un
passeport, visa ou autre document relatif à son admission
faux ou obtenu irrégulièrement, soit par des moyens fraudu-
leux ou irréguliers soit grâce à une représentation erronée
d'un fait important, que ces moyens aient été exercés ou ces
représentations faites par ledit résident ou par un tiers ...
crois pas que ce moyen puisse réussir. Il faut
remarquer que la Commission n'a pas conclu que
l'appelant ne savait pas à l'époque considérée que
sa mère avait fourni une réponse inexacte. Suivant
la preuve, et compte tenu des circonstances dans
lesquelles les demandes ont été faites, il se peut
que la Commission n'ait pas été convaincue que
l'appelant ne le savait pas. A mon avis, la preuve
permet difficilement de conclure en ce sens.
Quoi qu'il en soit, pour adopter l'interprétation
de la loi que propose l'appelant, il faudrait, à mon
avis, trouver dans la loi d'autres termes qui restrei-
gnent son application aux situations où la personne
concernée savait que la déclaration a été faite. Je
ne crois pas que la Cour puisse ajouter ou insérer
ces termes. A mon avis, s'il y a lieu de limiter
l'application de la loi, c'est au Parlement qu'il
appartient de le faire. Par conséquent, cet argu
ment échoue.
Le deuxième point soulevé porte sur une décla-
ration sous serment que l'arbitre a admise à l'en-
quête et sur le fait que l'appelant n'a pas eu la
possibilité raisonnable de la contester et d'y répon-
dre. Cependant, l'appelant a eu largement la possi-
bilité de la contester et de la réfuter à l'audience
devant la Commission. A cette occasion, il n'a
soulevé aucune objection. Il n'a pas insisté sur ce
point au cours des débats devant cette Cour et, à
mon avis, cet argument est insoutenable.
Le dernier moyen porte que, en examinant la
possibilité d'accorder à l'appelant un redressement
particulier 2 compte tenu de toutes les circons-
tances de l'espèce, la Commission n'a pas pris en
considération que l'appelant n'avait jamais eu con-
naissance de la représentation erronée faite par sa
mère.
La Commission peut ne pas avoir été convaincue
que l'appelant ne connaissait pas ce fait, et, dans
ce cas, elle n'était pas obligée d'en tenir compte.
Par contre, si la Commission était convaincue que
l'appelant ne le savait pas, ce n'était qu'un des
nombreux aspects dont elle devait tenir compte et,
à mon avis, rien ne permet de conclure que la
Commission n'en a pas tenu compte. On ne peut
exiger de la Commission qu'elle énonce chacun des
aspects dont elle tient compte et, si elle omet de
2 En vertu de l'al. 72(1)b).
mentionner un aspect d'une situation, on ne peut
pas présumer qu'elle n'a pas examiné cet aspect et
qu'elle n'en a pas tenu compte. En outre, dans ses
motifs, la Commission dit:
[TRADUCTION] La Commission a examiné attentivement
toute la preuve et ne peut trouver aucun motif qui la justifie
d'accorder un redressement particulier.
A mon avis, aucun motif ne permet à cette Cour
d'annuler le jugement de la Commission et de lui
renvoyer le dossier pour qu'elle l'examine de
nouveau.
Je suis d'avis de rejeter l'appel.
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Je suis
d'accord.
LE JUGE SUPPLÉANT COWAN: Je suis d'accord.
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