A-146-80
Japan Electrical Manufacturers Association,
Japan Machinery Exporters Association, Fuji
Electric Co. Ltd., Hitachi Ltd., Mitsubishi
Canada Ltd., Mitsubishi Electric Corporation, C.
Itoh & Co. (Canada) Ltd., Marubeni Canada Ltd.,
Nissho-Iwai (Canada) Ltd., Toshiba Corporation
et Toshiba International Corporation (requéran-
tes)
c.
Le Tribunal antidumping (intimé)
Cour d'appel, juges Pratte, Ryan et juge suppléant
Hyde—Montréal, 19 et 22 avril 1982.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Antidumping
— Demande d'annulation de la décision par laquelle le Tribu
nal antidumping a conclu qu'à l'avenir, le dumping de généra-
trices importées du Japon serait susceptible de causer un
préjudice, même si ce dumping n'avait pas causé et ne causait
pas de préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises semblables — Le sous-ministre a fait une déter-
mination préliminaire de dumping — La réponse à l'argument
voulant que le Tribunal ait tiré des conclusions de fait erronées
est que la Cour ne saurait reconsidérer la preuve et substituer
ses conclusions à celles du Tribunal — Conformément à l'art.
14(1) de la Loi antidumping, la détermination préliminaire de
dumping doit spécifier les marchandises ou la sorte de mar-
chandises auxquelles cette détermination s'applique — En
vertu de l'art. 16(1) de la Loi, le Tribunal doit faire enquête
relativement aux marchandises auxquelles s'applique la déter-
mination préliminaire du dumping pour savoir si le dumping
de ces marchandises a causé, cause ou est susceptible de
causer un préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises semblables — Pour ce qui est de la prétention
que le Tribunal aurait commis une erreur en concluant au
risque de préjudice pour l'avenir puisqu'en faisant son enquête,
il n'aurait dû considérer que les conséquences du dumping qui,
selon la détermination préliminaire, s'était produit, la réponse
est que seule la description des marchandises figurant dans la
détermination préliminaire limite l'étendue du pouvoir du
Tribunal en ce qui a trait à l'enquête — Les requérantes font
valoir que le Tribunal a mal interprété l'art. 16(4) de la Loi,
plus particulièrement l'expression »proportion majeure» figu-
rant au par. a) de l'art. 4 de l'Accord relatif à la mise en oeuvre
de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce — C'est dans l'arrêt McCulloch of Canada Limited
c. Le Tribunal antidumping [19781 1 C.F. 222, qu'on trouve le
sens de l'expression »proportion majeure» — Les requérantes
prétendent que le Tribunal a violé un principe de justice
naturelle en se fondant sur la détermination préliminaire de
dumping sans leur avoir donné l'occasion de réfuter cette
détermination — Quant à cette allégation de violation de
justice naturelle, c'est l'arrêt Remington Arms of Canada
Limited c. Les Industries Valcartier Inc. [19821 I C.F. 586, qui
y répond — Arguments selon lesquels le Tribunal (1) a fondé
sur une possibilité plutôt que sur une probabilité sa conclusion
concernant le risque de préjudice pour l'avenir et (2) a divisé le
pays en deux ou plusieurs marchés et qu'en le faisant, il n'a
pas tenu compte de l'art. 4, par. a), sous-al. (ii) de l'Accord
qui précise les circonstances dans lesquelles le Tribunal peut,
aux fins de la détermination du préjudice, diviser ainsi le pays
— Interprétation erronée de la décision du Tribunal pour ce
qui est des deux derniers arguments — Demande rejetée —
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28
— Loi antidumping, S.R.C. 1970, c. A-15, art. 14(1), 16(1),(4)
— Accord relatif à la mise en oeuvre de l'article VI de l'Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce, art. 4a), 4a)(ii).
Jurisprudence: arrêts suivis: McCulloch of Canada Limi
ted c. Le Tribunal antidumping [1978] 1 C.F. 222; Re
Brunswick International (Canada) Ltd. et le Tribunal
antidumping (1979) 108 D.L.R. (3') 216 (C.F. Appel);
Remington Arms of Canada Limited c. Les Industries
Valcartier Inc. [1982] 1 C.F. 586.
DEMANDE de contrôle judiciaire.
AVOCATS:
R. Gottlieb et A. Elbaz pour les requérantes.
J. L. Shields pour l'intimé.
D. M. Brown et J. L. Ronson pour British
Columbia Hydro and Power Authority.
J. M. Coyne, c.r. et P. S. Bonner pour Cana-
dian General Electric Company Ltd.
F. Garneau pour Marine Industries Limited.
PROCUREURS:
Gottlieb, Kaylor, Swift & Stocks, Montréal,
pour les requérantes.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé.
Blake, Cassells & Graydon, Toronto, pour
British Columbia Hydro and Power Author
ity.
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour Canadian
General Electric Company Ltd.
Desjardins, Ducharme, Desjardins & Bour-
que, Montréal, pour Marine Industries Limi
ted.
Stitt, Baker & MacKenzie, Toronto, pour
Mitsubishi Electric Corporation.
Courtois, Clarkson, Parsons & Tétrault,
Montréal, pour Toshiba Corporation et Tos-
hiba International Corporation.
Ce qui suit la version française des motifs du
jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Les présents motifs s'appli-
quent aux deux demandes d'examen judiciaire fon-
dées sur l'article 28 (A-146-80 et A-151-80) d'une
décision du Tribunal antidumping rendue le 29
février 1980. Cette décision avait été rendue par
suite d'une détermination préliminaire de dumping
d'un certain genre de génératrices importées du
Japon. Le Tribunal a conclu que le dumping de ces
génératrices, qui avait eu lieu avant la date de la
décision, n'avait pas causé et ne causait pas de
préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises semblables. Cependant, il a aussi
conclu qu'à l'avenir, le dumping de ces marchandi-
ses serait susceptible de causer un tel préjudice.
C'est cette dernière conclusion qui est visée par les
deux demandes fondées sur l'article 28.
Les requérantes ont soulevé plusieurs motifs de
contestation. D'abord, M. Gottlieb a soutenu que
le Tribunal avait basé sa décision sur des conclu
sions de fait erronées, tirées sans égard à la preuve
soumise. A mon avis, cet argument ne peut pas
être retenu. Lorsqu'elle est saisie d'une demande
présentée en vertu de l'article 28, la Cour ne peut
pas reconsidérer la preuve et substituer ses conclu
sions à celles du Tribunal dont on veut faire annu-
ler la décision. Selon moi, il y avait au moins
certains éléments de la preuve administrée devant
le Tribunal qui permettaient à celui-ci de tirer les
diverses conclusions que M. Gottlieb conteste.
On a aussi prétendu que la décision du Tribunal
était entachée d'un certain nombre d'erreurs de
droit. Selon M. Gottlieb, la première de ces erreurs
a été de conclure au préjudice en se fondant sur le
dumping de marchandises susceptible de se pro-
duire plus tard. Il a soutenu qu'en faisant son
enquête et en rendant sa décision, le Tribunal
n'aurait dû considérer que les conséquences du
dumping qui, selon la détermination préliminaire
faite par le sous-ministre, s'était déjà produit. Il
faut, pour répondre à cet argument, consulter les
articles 14 et 16 de la Loi antidumping, S.R.C.
1970, c. A-15. Conformément au paragraphe
14(1), la détermination préliminaire de dumping
doit spécifier «les marchandises ou la sorte de
marchandises auxquelles cette détermination s'ap-
plique». En vertu du paragraphe 16(1), le Tribunal
doit faire enquête «relativement aux marchandises
auxquelles s'applique la détermination prélimi-
naire du dumping» pour savoir si le dumping de ces
marchandises «a causé, cause ou est susceptible de
causer un préjudice sensible à la production au
Canada de marchandises semblables». L'enquête
menée par le Tribunal doit donc se rapporter aux
marchandises décrites dans la détermination préli-
minaire, mais ne se limite pas aux marchandises
mêmes qui, de l'avis du sous-ministre, ont été
sous-évaluées. De plus, si sa décision doit porter
sur les conséquences du dumping (passé, actuel et
à venir) de marchandises décrites dans la détermi-
nation préliminaire, elle n'est pas limitée à la seule
considération des conséquences du dumping qui,
selon la détermination préliminaire, s'est produit
dans le passé. Seule la description des marchandi-
ses figurant dans la détermination préliminaire
limite l'étendue du pouvoir du Tribunal en ce qui a
trait à l'enquête. En l'espèce, il suffit d'une simple
lecture de la détermination préliminaire faite par
le sous-ministre pour se rendre compte que celle-ci
s'appliquait à toutes les génératrices faisant partie
de la catégorie décrite et provenant du Japon,
quelle que soit leur date d'importation.
M. Gottlieb a finalement prétendu que le Tribu
nal avait commis deux autres erreurs de droit. Il a
soutenu que le Tribunal avait mal interprété le
paragraphe 16(4) de la Loi et plus particulière-
ment, l'expression «proportion majeure» figurant
au paragraphe a) de l'article 4 de l'ACCORD RELA-
TIF À LA MISE EN ŒUVRE DE L'ARTICLE VI DE
L'ACCORD GÉNÉRAL SUR LES TARIFS DOUANIERS
ET LE COMMERCE. Il a soutenu aussi que le Tribu
nal avait violé un principe de justice naturelle en se
fondant sur la détermination préliminaire de dum
ping faite par le sous-ministre et sur les marges de
dumping fixées par ce dernier, sans avoir donné
aux requérantes l'occasion de réfuter ces détermi-
nations. Comme on l'a signalé lors de l'audition, la
Cour a déjà répondu à ces deux arguments dans
des décisions antérieures. Ce sont les arrêts
McCulloch of Canada Limited c. Le Tribunal
antidumping ([1978] 1 C.F. 222) et Re Brunswick
International (Canada) Ltd. et le Tribunal anti-
dumping ((1979) 108 D.L.R. (3e) 216 (C.F.
Appel)) qui apportent une réponse au premier
argument portant sur la signification de l'expres-
sion «proportion majeure»; quant à l'argument
relatif à la justice naturelle, c'est le jugement
récent de cette Cour dans l'affaire Remington
Arms of Canada Limited c. Les Industries Val-
cartier Inc. ([1982] 1 C.F. 586) qui y répond.
La British Columbia Hydro and Power Author
ity a présenté deux arguments par l'entremise de
Me Brown. Celui-ci a d'abord soutenu que le Tri-
bunal avait commis une erreur de droit en fondant
sur une simple possibilité plutôt que sur une proba-
bilité sa conclusion concernant le risque de préju-
dice sensible pour l'avenir. Cette assertion procède,
à mon avis, d'une mauvaise interprétation de la
décision. Il est vrai que le Tribunal a mentionné
dans ses motifs la possibilité que certaines difficul-
tés entre la Canadian General Electric et la British
Columbia Hydro and Power Authority soient réso-
lues, mais une lecture attentive de ces motifs
révèle, à mon avis, que le Tribunal n'a pas fondé sa
décision sur cette possibilité, mais plutôt sur d'au-
tres faits qui, d'après lui, établissaient une proba-
bilité de préjudice.
Je suis d'avis que le deuxième argument de Me
Brown procède aussi d'une mauvaise interprétation
des motifs du Tribunal. Me Brown a prétendu
qu'en rendant la décision contestée, le Tribunal
n'avait pas tenu compte de l'article 4, paragraphe
a), sous-alinéa (ii) de l'ACCORD RELATIF À LA
MISE EN ŒUVRE DE L'ARTICLE VI DE L'ACCORD
GÉNÉRAL SUR LES TARIFS DOUANIERS ET LE
COMMERCE, lequel précise les circonstances dans
lesquelles le Tribunal peut, aux fins de la détermi-
nation du préjudice, diviser un pays en deux ou
plusieurs marchés. Cet argument repose sur l'hy-
pothèse que le Tribunal avait procédé à une telle
division du marché canadien afin de rendre sa
décision. A mon avis, cette hypothèse n'est pas
justifiée. J'estime, à la lecture de la décision du
Tribunal, que ce dernier n'a pas procédé à cette
division.
Pour ces motifs, je rejetterais la demande.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.