T-5370-79
The Consumers' Gas Company Ltd. (demande-
resse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Walsh—
Toronto, 14 septembre; Ottawa, 24 septembre
1982.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu — Déduction pour
amortissement — La société demanderesse interjette appel des
cotisations d'impôt sur le revenu établies pour les années 1971
à 1974 — La demanderesse devait constamment installer de
nouvelles conduites de gaz pour répondre aux projets de
construction de tierces parties — Les anciennes conduites sont
abandonnées — La société a reçu des remboursements pour les
nouvelles conduites — Il échet d'examiner si les montants qu'a
payés la demanderesse et ceux qu'elle a reçus à titre de
remboursements devaient être comptabilisés dans le compte de
capital ou dans le compte de revenu — S'ils devaient être
comptabilisés dans le compte de capital, il faudrait déterminer
la méthode de calcul du coût en capital — Méthodes compta-
bles appropriées — Les cotisations sont renvoyées au Ministre
pour nouvelle cotisation Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, chap. 148, art. 6j), 20(6)h), 139(1)e), modifiés par S.C.
1970-71-72, chap. 63, art. 12(1)g), 13(7)e), 248(1) Loi sur
les travaux d'aménagement des voies publiques, S.R.O. 1980,
chap. 420 — Loi sur les travaux d'aménagement des voies
publiques, S.R.O. 1970, chap. 388.
Appel est formé contre les cotisations d'impôt sur le revenu
établies pour les années d'imposition 1971, 1972, 1973 et 1974.
La demanderesse, société chargée d'un service public qui s'oc-
cupe principalement du traitement et de la distribution de gaz
naturel, tente d'inclure les remboursements reçus dans les coûts
en capital de la catégorie 2, au lieu de faire déduire ces
montants du coût en capital. Étant donné des demandes fré-
quentes de tiers poursuivant des projets de construction, la
demanderesse doit souvent installer de nouveaux pipelines. Les
anciens pipelines sont laissés dans le sol, puisque cela ne vaut
pas la peine de les récupérer, et la demanderesse en demeure
propriétaire. La demanderesse est remboursée entièrement, à
moins d'en être empêchée par la loi. Aucun des montants reçus
à titre de remboursements par la demanderesse pour les quatre
années en question n'a été inclus dans la fraction non amortie
du coût en capital pour les années antérieures à 1971, et aucune
déduction pour amortissement n'a été réclamée relativement à
ces montants avant 1971. Les prix et les méthodes comptables
de la demanderesse sont soumis à l'approbation de la Commis
sion de l'énergie de l'Ontario. Celle-ci accepte deux méthodes
comptables, mais qu'on emploie l'une ou l'autre de ces métho-
des, le résultat est que les contributions sont retranchées pour
fins d'établissement des prix. La demanderesse fait usage de
l'une de ces méthodes. Les nouveaux pipelines installés par la
demanderesse ne sont pas plus utiles que les anciens, puisque
ceux-ci pourraient rester en usage pendant quatre-vingts ans.
La valeur non amortie restante du pipeline abandonné demeure
au compte de capital de la société, et la déduction pour
amortissement continue à être réclamée pour ce pipeline en
même temps que pour le nouveau pipeline. La société amortit
ses pipelines sur une période de soixante-dix ans. Les contribu
tions étant défalquées du coût du nouveau pipeline dans les
livres de la société tel que l'exige la Commission de l'énergie de
l'Ontario pour fins d'établissement des prix, il y est toujours
indiqué une valeur du pipeline inférieure à sa vraie valeur.
Le témoin expert cité par la défenderesse expose que le coût
total de l'ouvrage devrait être comptabilisé comme un actif
immobilisé et le remboursement comme une réduction du coût
de son acquisition, et que le montant annuel de l'amortissement
devrait se calculer à partir du solde ainsi obtenu dans le compte
d'actifs immobilisés après l'enregistrement de chaque opération
de ce genre. En outre, bien que d'autres méthodes de comptabi-
lisation de telles opérations existent, toutes ces opérations doi-
vent se refléter dans la déclaration de revenu et puis dans les
bénéfices réinvestis et ne doivent pas être comptabilisées
comme un surplus d'apport. La question est donc de savoir si
les montants payés et les remboursements reçus en vertu de
contrats avec des tiers devaient être comptabilisés dans le
compte de capital ou dans le compte de revenu. Si ces montants
devaient être comptabilisés dans le compte de capital, alors,
selon la défenderesse, ou bien ce qu'il en a coûté à la demande-
resse pour le déplacement de chaque pipeline est la somme
engagée par elle moins le montant du remboursement reçu, ou
bien il s'agit de la vente d'un pipeline, dont le produit est égal
au montant qu'on a remboursé à la demanderesse en vertu de
son contrat avec le tiers. La demanderesse fait 'valoir que le
remboursement reçu n'a pas réduit son coût en capital des biens
de la catégorie 2.
Jugement: les cotisations pour les années 1971 1974 sont
renvoyées au Ministre pour nouvelle cotisation. Le coût du
déplacement des pipelines est ce qu'il en a coûté au contribua-
ble, peu importe les remboursements faits. Les mots «prime,
subvention» etc. employés à l'alinéa 13(7)e) ne s'appliquent pas
en l'espèce, les contrats commerciaux ordinaires conclus avec
des tiers n'étant pas des primes ou subventions. De plus, les
pipelines ont été déplacés pour obliger le public, et ce déplace-
ment n'avait donc pas pour objet «de relever ou de maintenir
[son] niveau de compétence technologique». L'alinéa 13(7)e) ne
s'applique donc pas et le remboursement ne doit pas être déduit
du coût en capital. La défenderesse ne peut sérieusement
prétendre que tant les montants payés que les remboursements
reçus par la demanderesse devraient être comptabilisés dans le
compte de revenu, les dépenses de déplacement n'étant pas des
dépenses engagées pour produire des revenus, mais simplement
pour le déplacement de pipelines qui sont un actif capitalisé. De
plus, les remboursements étaient, dans la majorité des cas,
inférieurs à 40% du coût total, et il serait difficile d'imaginer
que la demanderesse aurait payé la différence à titre de dépense
productrice de revenu étant donné qu'il n'en résultait aucun
changement sur le plan du revenu. Si les contributions pour le
déplacement des pipelines devaient être retranchées dans le
compte de capital de la demanderesse, ce que soutient la
défenderesse, l'alinéa 13(7)e) serait inutile. L'argument que
dans chaque déplacement, le pipeline originel doit être consi-
déré comme ayant été aliéné pour un prix de vente égal au
montant remboursé à la demanderesse pour la construction de
la nouvelle ligne ne saurait non plus être retenu. Le terme
«disposition» (aliénation) exige une action bilatérale, et tel n'est
pas le cas en l'espèce, la demanderesse conservant la propriété
des pipelines abandonnés. La demanderesse a inscrit les contri-
butions dans ses livres à titre de contributions au capital pour
fins d'impôt sur le revenu. L'expression «entreprise ou affaire»
est définie dans la Loi comme comprenant une affaire de
caractère commercial, et «revenu» inclut «toute somme reçue
par le contribuable dans l'année et qui dépendait de l'usage ou
de la production de biens», mais ces dispositions ne s'appliquent
pas aux activités de déplacement de pipelines de la demande-
resse. Les déplacements ne constituaient pas des projets com-
portant un risque de caractère commercial conçus pour tirer un
profit. Les sommes reçues ne dépendaient pas non plus de
l'usage fait des biens de la demanderesse ni de la production
obtenue grâce à ceux-ci. Les déplacements n'ont pas été effec-
tués pour l'expansion du système de distribution ni pour l'aug-
mentation du revenu. La fréquence des déplacements ne signifie
pas nécessairement qu'il faille inscrire les opérations dans le
compte de revenu de la demanderesse, ni cela constitue-t-il un
facteur plus important que l'absence d'un élément de bénéfice.
La défenderesse soutient également que les contributions ne
sont pas des surplus d'apport. Toutefois, chaque paiement doit
être examiné séparément, à la lumière des circonstances qui lui
sont propres pour déterminer la nature de la somme reçue par
le bénéficiaire. La demanderesse en l'espèce était fondée à
considérer que les contributions reçues pour le déplacement de
ses pipelines, déplacement fait dans l'intérêt des auteurs des
contributions, peuvent être portées au compte de capital d'ap-
port sans passer par le revenu, peu importe l'avantage fiscal que
cela peut conférer à la demanderesse.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Corporation of Birmingham v. Barnes (H.M. Inspector of
Taxes) (1933), 19 T.C. 195; Harman v. Gray-Campbell
Limited, [1925] 2 D.L.R. 1134 (C.A. Sask.); Sa Majesté
la Reine c. Malloney's Studio Limited, [1979] 2 R.C.S.
326; 79 DTC 5124 (C.S.C.); Murray (Inspector of
Taxes) v. Goodhews, [1978] 1 W.L.R. 499.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Commissioners of Inland Revenue v. Fleming & Co.
(Machinery), Ltd. (1951), 33 T.C. 57; Okalta Oils Limi
ted v. Minister of National Revenue, [1955] CTC 39
(C.F. l'° inst.); Radio Engineering Products Limited v.
Minister of National Revenue, [1970] Tax A.B.C. 650,
en appel [1973] CTC 29 (C.F. 1" inst.); Nuclear Enter
prises Ltd. v. Minister of National Revenue, [1971] CTC
449 (C.F. l'° inst.)
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Canadien Pacifique Limitée c. La Reine, [1976] 2 C.F.
563; [1976] CTC 221 (1'» inst.); Ottawa Valley Power
Company v. Minister of National Revenue, [1969] 2
R.C.É. 64; [1969] CTC 242; 69 DTC 5166; J. L. Guay
Ltée c. Le ministre du Revenu national, [1971] C.F. 237;
[1971] CTC 686 (1" inst.); La Reine c. Canadien Pacifi-
que Limitée, [1978] 2 C.F. 439; [1977] CTC 606; 77
DTC 5383 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Detroit Edison Co. v. Commissioner of Internal Revenue,
319 US 98 (1943); Brown Shoe Co., Inc. v. Commissio
ner of Internal Revenue, 339 US 583 (1950); G.T.E.
Sylvania Canada Limited c. La Reine, [1974] 1 C.F. 726;
[ 1974] CTC 408; 74 DTC 6315 (1'» inst.); St. John Dry
Dock and Shipbuilding Company Limited v. Minister of
National Revenue, [1944] R.C.E. 186; [1944] CTC 106.
APPEL.
AVOCATS:
M. S. Bistrisky pour la demanderesse.
G. Jorré pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Aird & Berlis, Toronto, pour la demande-
resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La demanderesse réclame en
l'espèce des déductions pour amortissement maxi
mums sous le régime de la catégorie 2 pour ses
années d'imposition 1971, 1972, 1973 et 1974. Il
est question de sommes additionnelles de $4,073,-
751, $5,163,174, $5,958,696 et de $6,907,912 res-
pectivement pour chacune desdites années. A l'ou-
verture de l'audition, il a été convenu que par suite
d'une nouvelle vérification, ces chiffres sont réelle-
ment $3,923,093.83, $4,900,149.89, $5,749,511.45
et $6,629,456.19 pour chacune des quatre années
en cause, et la conclusion de la déclaration recti-
fiée devait être modifiée en conséquence. Ces chif-
fres figurent à l'exposé conjoint partiel des faits
produit à l'ouverture de l'audition et qui précise
également que la déduction pour amortissement
additionnelle dont il a été convenu et qui pourrait
être réclamée pour les années considérées au cas
où on donnerait entièrement raison à la demande-
resse s'élèverait à $235,385.63, $294,008.99,
$344,970.69 et à $397,767.37 respectivement pour
chacune desdites années.
Un tableau formant partie de l'exposé conjoint
partiel des faits montre que le remboursement
total pour la modification, le changement ou le
remplacement de ses biens amortissables de la
catégorie 2 pour lesquels d'autres parties ont rem-
boursé la demanderesse pour les années en ques
tion s'élevait à $731,032.33 pour l'année 1971,
dont la somme de $456,169.29 a été remboursée
par un gouvernement, une municipalité ou tout
autre organisme public et $274,863.04 en prove
nance d'autres sources, à $1,212,441.69 pour 1972,
dont la somme de $1,121,261.43 a été remboursée
par un gouvernement, une municipalité ou tout
autre organisme public et $91,180.26 en prove
nance d'autres sources, à $1,143,370.55 pour l'an-
née 1973, dont la somme de $1,051,896.75 a été
remboursée par un gouvernement, une municipa-
lité ou tout autre organisme public et $91,473.80
en provenance d'autres sources, et à $1,224,915.43
pour l'année 1974, dont $1,054,280.60 a été rem-
boursée par un gouvernement, une municipalité ou
tout autre organisme public et $170,634.83 en
provenance d'autres sources.
La demanderesse est une société chargée d'un
service public qui s'occupe principalement du trai-
tement et de la distribution de gaz naturel pour
usage résidentiel, commercial et industriel en
Ontario, ses activités s'exerçant dans divers
districts.
La raison pour laquelle ces sommes sont attri-
buées d'une part à un gouvernement, une munici-
palité ou tout autre organisme public et d'autre
part, à d'autres sources découle de l'alinéa 13(7)e)
de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952,
chap. 148, modifiée par S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 1, qui, pour les années en question, est ainsi
rédigé, et dont le pendant dans la Loi de 1952
applicable à l'année 1971 est l'alinéa 20(6)h):
13....
(7) Aux fins du présent article et des règlements établis en
vertu de l'alinéa 20(1)a), les règles suivantes s'appliquent:
e) lorsqu'un contribuable a reçu ou est en droit de recevoir
d'un gouvernement, d'une municipalité ou de tout autre
organisme public, relativement à des biens ou pour leur
acquisition, une prime, subvention ou toute autre aide qui ne
soit pas une somme dont le paiement est autorisé en vertu
d'une Loi portant affectation de crédits, selon les modalités
approuvées par le conseil du Trésor, dans le but de relever ou
de maintenir le niveau de compétence technologique des
industries manufacturières canadiennes ou d'autres indus
tries canadiennes, le coût des biens en capital est réputé être
le coût en capital supporté par le contribuable pour leur
acquisition, diminué du montant de la subvention ou de toute
autre aide.
Il est reconnu en outre qu'aucun des montants
indiqués comme le remboursement total pour les
quatre années en question n'a été inclus dans la
fraction non amortie du coût en capital de la
demanderesse pour les années d'imposition anté-
rieures à 1971, et qu'aucune déduction pour amor-
tissement n'a été réclamée relativement à ces mon-
tants avant 1971. Les remboursements ont été
reçus en vertu de certains contrats conclus entre la
demanderesse et d'autres parties: 198 contrats en
1971, 209 en 1972, 252 en 1973 et 245 en 1974,
soit une moyenne de 226 contrats par an.
Il est finalement convenu que si la Cour donne
entièrement raison à la demanderesse, celle-ci
pourra inclure les montants appelés rembourse-
ments totaux reçus au titre de son coût en capital
de la catégorie 2, et que si ces montants n'entraî-
nent pas un autre effet de compensation sur le
revenu imposable, alors, par comparaison avec les
nouvelles cotisations, la fraction non amortie du
coût en capital de la demanderesse à la fin de
chaque année d'imposition avant toute déduction
pour amortissement devrait être augmentée des
montants donnés ci-dessus, et, de même, la déduc-
tion pour amortissement dont bénéficie la deman-
deresse pour chaque année devrait être augmentée
des montants indiqués.
La demanderesse précise dans sa déclaration
que la défenderesse avait adopté comme pratique
de cotisation de ne pas permettre l'amortissement,
pour fins d'impôt, des montants de ces contribu
tions, mais d'exiger de réduire le coût en capital
des biens amortissables de la catégorie 2 de la
demanderesse du montant des dons, primes ou de
toute autre contribution que la demanderesse a
reçus en vertu d'engagements contractuels de tiers
de rembourser la demanderesse de ses frais faits
pour remplacer, changer ou modifier ses biens
amortissables de la catégorie 2 à la demande de
ceux-ci. La demanderesse a déposé un avis formel
d'opposition aux cotisations reçues en 1977 pour
ses années d'imposition 1971, 1972 et 1973 et une
déclaration d'impôt modifiée pour l'année d'impo-
sition 1974 sur la base que ces dons, primes et
autres contributions ne réduisaient pas son coût en
capital pour les biens amortissables de la catégorie
2. A cet égard, elle s'est appuyée sur le jugement
rendu dans l'affaire Canadien Pacifique Limitée c.
La Reine'. D'après la défenderesse, tant les mon-
tants payés que les remboursements qu'a reçus la
demanderesse en vertu de sa convention avec des
tiers doivent être comptabilisés dans le compte de
1 [1976] 2 C.F. 563; 1976 CTC 221 (1r' inst.).
revenu, mais si les débours étaient comptabilisés
dans le compte de capital, ce qu'elle désavoue, ou
bien ce qu'il en a coûté à la demanderesse pour le
déplacement de chacun desdits pipelines construits
en vertu desdits contrats est la somme engagée par
elle moins le montant du remboursement reçu du
tiers, ou bien, subsidiairement, dans chaque cas, il
s'agit de la vente d'un pipeline, dont le produit est
égal au montant qu'on a remboursé à la demande-
resse en vertu de son contrat avec le tiers. Dans ce
dernier cas, bien que la somme engagée par la
demanderesse en vertu du contrat puisse, à juste
titre, être ajoutée à la fraction non amortie du coût
en capital qu'elle a supporté pour les pipelines,
cette fraction non amortie du coût en capital serait
réduite du produit de la vente. Des dossiers conte-
nant les documents sur lesquels les parties s'étaient
mises d'accord ont été déposés, et la demanderesse
n'a cité qu'un témoin, Ronald Carter, qui travaille
pour elle depuis 1968 titre d'expert comptable.
Bien que ne témoignant pas à titre d'expert, il a
incontestablement acquis une vaste expérience en
occupant le poste de directeur de la comptabilité
financière et des statistiques pour la société, étant
responsable de la préparation des pièces pour audi
tions devant la Commission de l'énergie de l'Onta-
rio devant laquelle il témoigne également à titre
d'expert. Auparavant, il avait fait fonction de
directeur de la fiscalité chez la demanderesse. Il a
donné des renseignements de base sur la vaste
entreprise de production et de distribution de gaz
naturel de la demanderesse. Celle-ci dessert quel-
que cinq millions de personnes et possède environ
17,000 kilomètres de conduites maîtresses, et son
réseau de distribution d'une valeur de $1.1 milliard
comprend des immeubles, des usines et de l'outil-
lage. Ses prix, méthodes et pratiques comptables
sont soumis à l'approbation de la Commission de
l'énergie de l'Ontario, les prix étant fondés sur un
juste rendement selon son assiette de prix.
Il dépose que la Commission de l'énergie de
l'Ontario accepte deux méthodes comptables; la
première consiste à défalquer les contributions du
coût de construction et à inscrire au bilan le
montant net, et la seconde, à porter le coût de
construction au bilan et les contributions qui s'y
rapportent sont comptabilisées comme une créance
ou dette à long terme avec des impôts sur le revenu
reportés. La société fait usage de la première
méthode pour fins comptables, mais qu'on emploie
la première ou la deuxième méthode, le résultat est
que les montants sont retranchés pour fins d'éta-
blissement des prix. Au début, la méthode adoptée
pour établir les prix a également été employée
pour fins d'impôt, mais on a cessé de le faire après
la décision rendue dans l'affaire Canadien Pacifi-
que qui sera examinée en détail plus loin.
La plus grande partie des contributions découle
des dispositions de la Loi sur les travaux d'aména-
gement des voies publiques 2 . Cette loi exige des
sociétés telles que la demanderesse d'accepter des
modifications routières en contrepartie d'une sub-
vention, de la part de l'organisme public exigeant
le changement, de 50% des coûts de main-d'oeuvre
tels qu'ils sont définis dans la Loi. Ces coûts ne
comprennent pas des éléments tels que la surveil
lance, les frais généraux ou le matériel, ce qui fait
qu'en pratique, la subvention effectivement reçue
est quelque peu inférieure à 50% du coût total. Au
cas où la Loi ne s'appliquerait pas, alors la munici-
palité ou toute autre partie exigeant la construc
tion du pipeline devra supporter à 100% les coûts.
Le témoin a appelé l'attention sur les pièces
indiquant comment tout cela se fait dans le cas de
certains types de contrats conclus avec l'Hydro-
Toronto, le ministère des Transports et des Com
munications de l'Ontario, l'Administration de la
voie maritime du Saint-Laurent (une contribution
de 100% découlant du déplacement de pipelines
relativement au canal Welland), Markborough
Properties, promoteur (contribution de 100%), et
avec Bell Canada (une contribution de 100%
aussi). Ford Motor of Canada fournit un autre
exemple de contribution privée de 100%: elle a
demandé le déplacement de la conduite maîtresse
à l'entrée de son usine en raison de l'agrandisse-
ment de ses installations.
Le témoin explique que les conduites maîtresses
abandonnées sont laissées dans le sol, puisque cela
ne vaut pas la peine de les récupérer, et que la
nouvelle conduite maîtresse n'est pas plus utile à la
demanderesse que la conduite maîtresse abandon-
née. Les modifications en l'espèce ne résultent
nullement de l'expansion du système de distribu
tion de la société pour ses propres fins, puisque les
anciennes conduites maîtresses peuvent rester en
usage pendant au moins 80 ans, ni les modifica-
2 S.R.O. 1980, chap. 420 (S.R.O. 1970, chap. 388 pour les
années en question).
tions qui sont faites à la demande de ses clients
procurent-elles une augmentation de revenu à la
demanderesse. La valeur non amortie restante du
pipeline abandonné demeure au compte de capital
de la société, et la déduction pour amortissement
continue à être réclamée pour ce pipeline en même
temps que pour le nouveau pipeline. La société
amortit ses pipelines sur une période de 70 ans.
Les contributions étant défalquées du coût du
nouveau pipeline dans les livres de la société tel
que l'exige la Commission de l'énergie de l'Ontario
pour fins d'établissement des prix, il y est toujours
indiqué une valeur du pipeline inférieure à sa vraie
valeur.
David Bonham, F.C.A., comptable agréé et
avocat, a déposé en tant qu'expert cité par la
défenderesse. Il possède des qualifications profes-
sionnelles imposantes à titre de comptable, d'au-
teur de manuels de comptabilité et de professeur
d'université, et il a occupé le poste de vice-prési-
dent des finances à l'Université Queen's de 1971 à
1977. Son rapport d'expert, versé au dossier, pré-
sume que dans le cadre de son entreprise, la
demanderesse doit fréquemment déplacer ses pipe
lines en vertu de contrats conclus à la demande
d'autres parties, et ce, environ 200 fois par an, ce
travail provenant normalement de travaux de cons
truction prévus par l'autre partie, qui ne pour-
raient être réalisés sans déplacer un pipeline ou
autre installation de la demanderesse, que dans la
grande majorité des cas, ce travail n'augmente pas
la capacité du pipeline ou autre installation dont la
demanderesse demeure propriétaire, que toute
récupération est accessoire, que la demanderesse
recouvre intégralement ses frais à moins d'en être
empêchée par la loi, et que ce travail fait normale-
ment et nécessairement partie de l'entreprise de la
demanderesse. Sur la base de ces faits présumés, il
estime que le coût total de l'ouvrage devrait être
comptabilisé comme un actif immobilisé et le rem-
boursement comme une réduction du coût de son
acquisition, et que le montant annuel de l'amortis-
sement devrait se calculer à partir du solde ainsi
obtenu dans le compte d'actifs immobilisés après
l'enregistrement de chaque opération de ce genre.
Il considère cette mesure comme appropriée, puis-
que le déplacement d'installations et le travail
afférent ne sauraient raisonnablement être évités;
ainsi, c'est à juste titre qu'on peut considérer le
coût net qui en découle comme une partie inhé-
rente du coût d'acquisition des actifs immobilisés
de la société.
Pour conclure, il estime que bien que d'autres
méthodes de comptabilisation de telles opérations
puissent exister et quelle que soit l'autre méthode
adoptée, toutes ces opérations doivent se refléter
dans la déclaration de revenu et puis, dans les
bénéfices réinvestis comme une activité commer-
ciale continue et ordinaire de la société, et qu'il
serait inacceptable de comptabiliser toute partie de
ces transactions comme un surplus d'apport ou de
toute manière autre que par la déclaration de
revenu et puis les gains réinvestis.
Dans son témoignage, il souligne divers types de
surplus, distinguant le surplus d'apport du surplus
d'exploitation, les surplus d'apport étant surtout
des avantages inattendus, des investissements d'ac-
tionnaires, et autres choses de ce genre, et il ne
croit pas que les contributions aux frais de dépla-
cement de pipelines tombent dans l'une quelconque
de ces catégories. Il a discuté de la deuxième
méthode comptable autorisée par la Commission
de l'énergie de l'Ontario, qui fait que le report
d'impôt est graduellement porté au revenu, et
pourvu que le montant qui y est porté annuelle-
ment soit le même que celui de la déduction récla-
mée au titre de l'amortissement, le résultat final
serait le même. Il aurait préféré suivre l'autre
méthode, que la demanderesse a effectivement
adoptée pour fins comptables, pour inclure simple-
ment le coût net dans le compte de capital comme
un actif de la catégorie 2 pour lequel une déduc-
tion pour amortissement pourrait être réclamée.
Dans son argumentation, la demanderesse a cité
à plusieurs reprises l'affaire Canadien Pacifique
(susmentionnée). II s'agissait de divers aspects de
l'impôt auquel était assujetti le Canadien Pacifi-
que Limitée pour ses années d'imposition 1965,
1966 et 1967. Il s'agissait, entre autres, de savoir
comment il pourrait considérer, à des fins d'amor-
tissement, les dons et les octrois reçus pour la
construction de ses propres lignes de chemin de fer
ou pour des modifications à apporter à celles-ci et
ce, à la demande d'une autre partie pour permettre
à cette dernière de mener à bonne fin son propre
projet, comment considérer des demandes sembla-
bles faites par un gouvernement, une municipalité
ou toute autre autorité publique présumément au
sens de l'alinéa 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le
revenu pour les années en question (susmention-
nées), et d'autres questions relatives à des voies de
garage particulières et à des modifications appor-
tées à des biens loués par la demanderesse qui ne
nous concernent pas en l'espèce. Les coûts ont été
portés aux livres comptables de la compagnie con-
formément à la classification uniforme des comp-
tes, tel que l'exige l'article 328 de la Loi sur les
chemins de fer, S.R.C. 1970, chap. R-2, et les
règlements de la Commission canadienne des
transports mais, comme il a été indiqué dans le
jugement de première instance à la page 604
[Recueil des arrêts de la Cour fédérale], cela ne lie
pas le ministre du Revenu national en ce qui
concerne l'imposition de ces coûts. Le même rai-
sonnement s'applique en l'espèce. Après examen
attentif de la principale jurisprudence, tant cana-
dienne que britannique et américaine, l'affaire
Canadien Pacifique a rejeté, pour fins d'impôt, la
méthode comptable consistant à porter seulement
le coût net au compte de capital pour fins de
déduction pour amortissement. A la page 610
[Recueil des arrêts de la Cour fédérale], il a été
cité l'affaire britannique Corporation of Birming-
ham v. Barnes (H.M. Inspector of Taxes) 3 , où «la
corporation appelante avait conclu avec la compa-
gnie une entente visant à poser une voie de tram-
way jusqu'à son chantier, moyennant quoi la cor
poration a reçu une somme spécifiée ainsi qu'un
octroi de l'Unemployment Grants Committee pour
des sommes qu'elle avait dépensées pour le renou-
vellement de ses voies de tramway». Il a été statué
qu'il ne fallait pas tenir compte du paiement qu'a-
vait effectué la compagnie ni de l'octroi qu'avait
accordé l'Unemployment Grants Committee pour
établir le coût réel pour la corporation des voies de
tramway en question, aux fins du calcul de la
déduction pour l'usure de ces voies, c.-à-d. de la
dépréciation. A la page 217 de son jugement, lord
Atkin déclare:
[TRADUCTION] Il me semble que ce qu'un homme paie pour
la construction ou l'achat d'un ouvrage est ce qu'il lui coûte; et
cela, qu'on lui ait donné les fonds nécessaires à la construction
ou à l'achat ou qu'on l'ait assuré de lui remettre ceux-ci après
qu'il aura réglé les travaux ou encore, qu'une fois le travail
exécuté, on lui ait promis ou donné les fonds pour le dédomma-
ger de ses débours.
Cette affaire a également été citée par le président
Jackett, tel était alors son titre, dans l'arrêt
3 (1933), 19 T.C. 195.
Ottawa Valley Power Company v. Minister of
National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 64; [1969]
CTC 242; 69 DTC 5166, où, aux pages 76 et 77
[Rapports de la Cour de l'Échiquier], il dit ceci:
[TRADUCTION] La question suivante est de savoir si, admet-
tant que j'aie raison de conclure que l'appelante aurait pu
prétendre à la déduction pour amortissement si elle avait reçu
l'argent de l'Hydro et l'avait dépensé elle-même en additions et
améliorations immobilisées, sa situation se trouve modifiée
parce que le marché s'est présenté sous la forme d'un engage
ment de la part de l'Hydro de faire les dépenses de façon que
ces additions et améliorations soient apportées à l'actif de
l'appelante et lui appartiennent.
Il a, en fin de compte, rendu jugement à l'encontre
de l'appelante, puisque celle-ci n'avait pas engagé
elle-même la dépense à titre de compte de capital,
l'ouvrage ayant été fait pour elle par l'Hydro, mais
il a cité l'affaire Corporation of Birmingham v.
Barnes (susmentionnée) comme fondant la propo
sition que si la compagnie avait engagé elle-même
les dépenses, elle aurait pu porter le montant total
au compte de capital pour fins d'amortissement.
Cette décision du juge en chef Jackett, tel qu'il le
devint plus tard, a établi, dans un renvoi en bas de
page, une distinction avec la décision américaine
Detroit Edison Co. v. Commissioner of Internal
Revenue 4 , déclarant que cette dernière semble
s'être fondée sur le fait que les paiements reçus
n'ont pas été compris dans les recettes, et con-
cluant que si les paiements avaient été compris
dans les recettes, il semble que la Cour serait
peut-être arrivée à un résultat opposé. Dans la
décision Detroit Edison, il est déclaré à la page
102:
[TRADUCTION] Nous sommes d'avis que la disposition statu-
taire selon laquelle «l'assiette des biens est le coût de ces biens»
... signifie habituellement le coût pour le contribuable et en
l'espèce le Commissioner a eu raison de lui attribuer cette
acception.
et on lit à la page 103:
[TRADUCTION] Mais il ne s'ensuit pas qu'il faille permettre à
la compagnie de récupérer à partir de l'accumulation de l'amor-
tissement non imposé une mise de fonds qu'elle a refusé de
faire. Le Commissioner a eu raison de rajuster l'assiette de
l'amortissement de façon à représenter la mise de fonds nette
du contribuable.
La Cour d'appel fédérale américaine a également
établi une distinction avec la décision Detroit
Edison dans l'affaire Brown Shoe Co., Inc. v.
4 319 US 98 (1943).
Commissioner of Internal Revenues, où il a été
décidé que la requérante avait droit à des déduc-
tions pour amortissement sur des biens achetés à
des groupes communautaires ou achetés avec l'ar-
gent liquide reçu de ces groupes, et pourrait égale-
ment inclure la valeur de ces contributions prove-
nant de groupes communautaires dans les capitaux
propres investis. La décision Detroit Edison avait
rejeté l'inclusion, par la compagnie, dans son
assiette d'amortissement des lignes électriques, des
sommes reçues par la compagnie d'électricité pour
la construction des lignes supplémentaires reliant
les locaux des requérants. Il a été jugé que jusqu'à
concurrence de ces paiements, les lignes électriques
n'avaient pas entraîné de dépenses au contribuable
et que ces paiements n'étaient ni des dons ni des
contributions au capital du contribuable. Dans
l'affaire Brown Shoe, la Cour dit ceci à la page
591:
[TRADUCTION] Nous ne considérons pas cette affaire comme
un précédent pour déterminer s'il s'agit en l'espèce de contribu
tions au capital. Étant donné que dans la décision Detroit
Edison, «Les paiements constituaient pour le client le prix du
service», la Cour a conclu que «c'est demander un trop grand
effort d'imagination que de considérer les fermiers et d'autres
clients qui fournissaient ces fonds comme des auteurs de dons
ou de contributions à la société.» Puisqu'en l'espèce, il n'y a ni
client ni paiement pour service, nous pouvons déduire que les
opérations entre la requérante et les groupes communautaires
avaient un but différent. Les contributions accordées à la
requérante provenaient de citoyens des diverses collectivités qui
ne recherchaient ni ne pouvaient prévoir aucun service direct ou
récompense quelle qu'elle soit; ils s'attendaient seulement à ce
que ces contributions pussent se révéler avantageuses à la
collectivité en général. Dans ces circonstances, les transferts
avaient manifestement pour but d'augmenter le capital de
roulement de la société.
En l'espèce, nous ne traitons pas, évidemment, de
contributions provenant de groupes communautai-
res. En 1954, l'Internai Revenue Code américain a
été modifié, l'article 362 ressemblant quelque peu
à l'alinéa 20(6)h) de la loi canadienne (précitée)
mais étant d'une portée plus grande pour compren-
dre toutes les contributions et non simplement
celles provenant d'autorités publiques. Dans l'af-
faire Canadien Pacifique, il fallait examiner l'ap-
plicabilité de l'alinéa 20(6)h), la question étant de
savoir si le Canadien Pacifique a reçu ou était
fondé à recevoir «d'un gouvernement, d'une muni-
cipalité ou d'une autre autorité publique, à l'égard
ou en vue de l'acquisition de biens, un octroi, une
subvention ou une autre aide ... aux fins de faire
5 339 US 583 (1950).
progresser les possibilités techniques de l'industrie
manufacturière ou autre du Canada ....» Aux
pages 607 et 608 [Recueil des arrêts de la Cour
fédérale], le juge de première instance s'exprime
en ces termes:
Bien qu'on n'ait pas soulevé la question devant moi, je doute
fort que les sommes que le Canadien Pacifique a reçues des
autorités publiques pour le déplacement de voies ferrées ou de
lignes de télécommunications avaient pour objet «de faire pro-
gresser les possibilités techniques», puisque dans chaque cas la
preuve a indiqué qu'il était satisfait de l'endroit où se trouvaient
les lignes et ne les a déplacées que pour obliger l'autorité
publique en question. Quoiqu'il en soit, je n'estime pas que ces
versements puissent être considérés comme «un octroi, une
subvention ou une autre aide».
Il a été fait mention de l'affaire G.T.E. Sylvania
Canada Limited c. La Reine, [1974] 1 C.F. 726;
[1974] CTC 408; 74 DTC 6315 (lie inst.), où le
juge Cattanach a examiné la question et a déclaré
à la page 737 [Recueil des arrêts de la Cour
fédérale]:
Comme je l'ai déjà déclaré, le trait constant et dominant des
termes «octroi» et «subvention» est qu'ils évoquent une aide
pécuniaire provenant de fonds publics, accordée à une personne
par un gouvernement dans l'intérêt du public. Il faut qu'un tel
don soit concret et tangible. Pour les raisons que je viens
d'exposer, il faut interpréter l'expression «ou autre aide» à la
lumière des autres mots.
On a cité aussi l'affaire Ottawa Valley Power
Company (susmentionnée), où le président Jackett
a déclaré aux pages 71 et 72 [Rapports de la Cour
de l'Échiquier]:
[TRADUCTION] Je ne pense pas que les mots utilisés à l'alinéa
h)—«un octroi, une subvention ou une autre aide ... d'une
autorité publique»—puissent s'appliquer à une entente commer-
ciale ordinaire conclue entre les deux parties à l'entente pour
des raisons commerciales. Si la législature se servait de l'Hy-
dro-Ontario pour réaliser quelque projet d'ordre législatif visant
à accorder des octrois pour encourager les hommes d'affaires à
se lancer dans certains types d'entreprises, il me serait alors
aisé d'appliquer l'alinéa h) aux octrois en cause.
Telle n'est pas la situation dans l'affaire Canadien
Pacifique ni dans l'espèce présente. Dans l'affaire
St. John Dry Dock and Shipbuilding Company
Limited v. Minister of National Revenue 6 , le pré-
sident Thorson, tel était alors son titre, dit ceci à la
page 193 [Rapports de la Cour de l'Échiquier]:
[TRADUCTION] Le fait qu'un montant soit présenté comme
une subvention gouvernementale ne détermine pas en soi sa
nature aux fins d'imposition, à l'égard des bénéficiaires. Dans
chaque cas, il faut déterminer la nature véritable de la subven-
6 [1944] R.C.É. 186; [1944] CTC 106.
tion et, ce faisant, on peut à bon droit considérer le but dans
lequel elle a été accordée.
Le jugement rendu dans l'affaire Canadien
Pacifique a été confirmé en appel', sauf deux des
huit postes pour lesquels la déduction pour amor-
tissement avait été réclamée. Le premier de ces
deux postes concerne la déviation d'une voie ferrée
conformément à un contrat conclu avec l'Adminis-
tration de la voie maritime du Saint-Laurent et en
vertu duquel le Canadien Pacifique, qui avait exé-
cuté une partie relativement petite des travaux, a
été remboursé de ses dépenses. Cette somme n'a
pas été dépensée afin d'acquérir un bien, mais
plutôt pour exécuter des travaux pour l'Adminis-
tration sur la voie ferrée qui appartenait alors à
celle-ci, bien que cette ligne fût plus tard cédée par
l'Administration à la compagnie en échange de
l'ancienne. Il a été statué que, pour l'intimée, le
coût en capital de la nouvelle voie correspondait à
la valeur de l'ancienne et non aux sommes dépen-
sées par l'intimée pour effectuer, au profit de
l'Administration, des travaux relatifs à la cons
truction de la nouvelle voie. L'autre question à
l'égard de laquelle le jugement n'a pas été con
firmé portait sur des voies de garage particulières.
En vertu d'un accord, le Canadien Pacifique a
construit une voie de garage particulière condui-
sant au bien-fonds d'un client aux frais de ce
dernier, sauf les matériaux de la voie qu'il fournis-
sait et dont il demeurait propriétaire. De nouveau,
il a été décidé que la somme dépensée par le
Canadien Pacifique n'était pas une dépense en
capital; cette somme représentait simplement le
coût d'exécution d'un contrat de construction au
profit d'un client. Toutefois, en ce qui concerne la
question principale qui nous intéresse, le jugement
a été confirmé dans sa totalité. En statuant ainsi,
la Cour d'appel s'est appuyée sur la décision
rendue par la Chambre des lords dans l'affaire
Corporation of Birmingham v. Barnes (susmen-
tionnée).
La défenderesse ne peut maintenir sérieusement
sa première prétention que tant les montants payés
que les remboursements reçus par la demanderesse
devraient être comptabilisés dans le compte de
revenu. Même le témoin cité comme expert par la
défenderesse n'est pas d'accord sur ce point, et il
7 La Reine c. Canadien Pacifique Limitée, [1978] 2 C.F. 439;
[1977] CTC 606; 77 DTC 5383 (C.A.).
est évident que les dépenses de déplacement
n'étaient pas des dépenses engagées pour produire
des revenus, mais simplement pour le déplacement
de certains des pipelines de la demanderesse qui
eux-mêmes étaient un actif capitalisé. De plus, les
remboursements étaient, dans la grande majorité
des cas, inférieurs à 40% du coût total, et il serait
difficile d'imaginer que la demanderesse aurait
payé la différence à titre de dépense productrice de
revenu étant donné qu'il n'en résultait aucun chan-
gement sur le plan du revenu. En réalité, une telle
comptabilisation serait plus avantageuse pour la
demanderesse pour n'importe quelle année d'impo-
sition donnée, puisque le montant qui serait alors
déductible serait supérieur à ce qui pourrait être
réclamé comme déduction pour amortissement. A
la longue, toutefois, la méthode de comptabilité
fiscale que la demanderesse voudrait appliquer
serait plus profitable en ce que le coût total de
déplacement pourrait, en fin de compte, être
réclamé au moyen de l'amortissement annuel sans
devoir payer un impôt correspondant par suite de
la contribution. Cet argument doit, par consé-
quent, être rejeté, et l'issue du présent litige doit
dépendre de l'un des arguments subsidiaires.
La demanderesse s'appuie encore sur la décision
rendue dans l'affaire Canadien Pacifique pour pré-
tendre que si les contributions afférentes à l'exécu-
tion de ces travaux devaient être retranchées dans
son compte de capital, ce que soutient subsidiaire-
ment la défenderesse avec l'appui du témoin-
expert, l'alinéa 20(6)h) aurait été inutile dans la
Loi (actuellement 13(7)e)) à l'égard d'octrois, de
subventions ou d'autre aide que fournit un gouver-
nement, une municipalité ou une autre autorité,
puisque toutes ces contributions seraient retran-
chées quelle que soit leur origine. On pourrait
même prétendre qu'en vertu du principe inclusio
unies est exclusio alterius, l'existence de cet arti
cle pourrait signifier que les contributions autres
que celles d'un gouvernement, d'une municipalité
ou d'une autre autorité publique ne seraient nor-
malement pas retranchées.
Pour ce qui est du second argument subsidiaire
de la défenderesse selon lequel dans chaque dépla-
cement, le pipeline originel doit être considéré
comme ayant été aliéné pour un prix de vente égal
au montant remboursé à la demanderesse pour la
construction de la nouvelle ligne, la demanderesse
cite plusieurs arrêts quant à la signification appro-
priée à donner au terme «disposition» (aliénation).
La Cour d'appel de la Saskatchewan a eu l'occa-
sion d'examiner le sens de ce mot dans l'affaire
Harman v. Gray-Campbell Limited 8 , où le juge
Lamont dit ceci:
[TRADUCTION] J'estime donc que l'expression «aliéner ** sa
propriété foncière» dans le document devant nous signifie céder
cette propriété à un autre, en sorte que la demanderesse ne
détienne plus aucun droit sur celle-ci.
L'aliéner exigeait non seulement une volonté de la part de la
demanderesse de se départir de son droit, mais aussi une
volonté de la part de quelqu'un d'autre d'en prendre possession
.... A mon avis, l'intention de la demanderesse de céder la
propriété est claire; mais le contrat ne prévoit pas le droit de
reprendre possession par suite de la cession par la demanderesse
de son droit. Une cession de son droit ne constitue pas, à mon
avis, une aliénation de ce droit, à moins que cette cession ne soit
acceptée par son vendeur et que ce dernier n'en prenne
possession.
Dans l'affaire Sa Majesté la Reine c. Malloney's
Studio Limited 9 , le juge Estey, traitant de la
disposition de biens susceptibles de dépréciation,
dit ceci à la page 333 [Recueil des arrêts de la
Cour suprême] :
Il me semble donc évident qu'aux fins de l'application de l'al.
g), la disposition doit être bilatérale et impliquer un vendeur et
«la personne envers qui on a disposé des biens susceptibles de
dépréciation», que cette personne ait ou non droit à une alloca
tion à l'égard du coût en capital en vertu de la Loi. En l'espèce,
la démolition n'était pas une disposition envers une personne
En l'espèce, il n'y a certainement pas eu de vente
par la demanderesse du pipeline abandonné; il
ressort en fait des éléments de preuve qu'elle con-
servait la propriété de ce pipeline. Il s'ensuit en
outre que la fraction non amortie du coût en
capital restant du pipeline abandonné demeurait
dans le compte de capital de la demanderesse. Il
semblerait que la décision rendue par la Cour
d'appel dans l'affaire Canadien Pacifique relative-
ment à la déviation construite par l'Administration
de la voie maritime du Saint-Laurent (précitée) ne
s'applique pas, puisque dans cette affaire, une
nouvelle ligne de chemin de fer a été cédée à la
compagnie par l'Administration de la voie mari
time qui l'avait construite, en échange de l'an-
cienne, alors qu'en l'espèce, la demanderesse n'a
jamais vendu les anciens pipelines ni obtenu les
nouveaux par voie de cession provenant de tiers,
8 [1925] 2 D.L.R. 1134, la p. 1139 (C.A. Sask.).
9 [1979] 2 R.C.S. 326; 79 DTC 5124 (C.S.C.).
mais les a construits elle-même à l'aide de contri
butions de ces tiers.
En l'espèce, les contributions ont été inscrites
aux livres de la demanderesse à titre de contribu
tions au capital pour fins d'impôt sur le revenu. La
demanderesse souligne qu'en vertu de la définition
donnée au paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt
sur le revenu (alinéa 139(1)e) de la Loi de 1952),
«entreprise ou affaire» comprend une affaire de
caractère commercial. L'alinéa 12(1)g) (alinéa 6j)
de la Loi de 1952) inclut dans «revenu» «toute
somme reçue par le contribuable dans l'année et
qui dépendait de l'usage ou de la production de
biens ...». Certes, les déplacements de pipelines
effectués par la demanderesse ne constituaient pas
des projets comportant un risque de caractère
commercial conçus pour tirer un profit. Dans la
majorité des cas, c'est la loi même qui l'obligeait à
faire les déplacements, et même pour ceux qu'elle
avait faits volontairement en vertu d'un contrat
signé avec une société privée, cela n'était pas fait
pour vendre plus de gaz ni pour attirer un nouveau
client. Tout au plus pourrait-on dire que la deman-
deresse l'a fait pour montrer sa bonne volonté et
parce que c'est bon sur le plan des relations d'af-
faires. Les sommes reçues ne dépendaient pas non
plus de l'usage fait des biens de la demanderesse ni
de la production obtenue grâce à ceux-ci. Bien que
la défenderesse soutienne avec vigueur que la fré-
quence des déplacements indique qu'ils consti-
tuaient des opérations commerciales courantes,
cela ne signifie pas nécessairement qu'il faille ins-
crire les contributions dans le compte de revenu, ni
cela constitue-t-il un facteur plus important que
l'absence d'un élément de bénéfice. Dans l'affaire
Canadien Pacifique, le juge Pratte, qui rendait le
jugement de la Cour d'appel, dit ceci à la page 444
[Recueil des arrêts de la Cour fédérale]:
Du fait que l'intimée avait effectué de nombreuses opérations
soulevant des problèmes comparables, les parties ont convenu
avant le début du procès de fournir des preuves pour seulement
un certain nombre d'opérations, et que la décision de la Cour
lierait les parties pour résoudre les difficultés soulevées par les
autres opérations.
La preuve a donc été fournie pour neuf opérations
caractéristiques.
La situation est similaire en l'espèce, et cela
montre que le déplacement des voies par le Cana-
dien Pacifique était, aussi, fréquent dans l'exercice
de ses activités commerciales. L'élément de fré-
quence en l'espèce ne rend donc pas en soi ce
jugement inapplicable.
La défenderesse prétend que la position de la
demanderesse sur le plan fiscal n'est pas conforme
à la réalité économique ou comptable, et soutient
maintenant que, de préférence, la totalité du coût
de déplacement devrait être incluse dans le compte
de capital pour fins de déduction pour amortisse-
ment, et ne suggère pas que la contribution entière
soit portée dans le revenu de l'année de sa récep-
tion, pourvu que cela se fasse de manière qu'elle
soit amortie dans l'année en cours et les années
ultérieures à un taux égal à la somme réclamée par
la demanderesse comme déduction pour amortisse-
ment relativement aux coûts du déplacement. Le
résultat final sera le même.
Il est allégué que l'affaire Canadien Pacifique
ne s'applique pas, puisque dans cette cause, la
Couronne n'a jamais soutenu que les contributions
reçues étaient un revenu, le raisonnement tout
entier portant sur les sommes à inclure dans le
coût en capital. Il y est fait mention, aux pages
610 et 611 [Recueil des arrêts de la Cour fédé-
rale], des remarques faites par le président Jackett
dans l'affaire Ottawa Valley Power (susmention-
née) relativement à la décision Detroit Edison
(précitée), où, après avoir constaté, comme je l'ai
déjà indiqué, que la ratio decidendi dans l'affaire
Detroit Edison était que les recettes n'avaient pas
été comprises dans le revenu, il conclut que [TRA-
DUCTION] «si les paiements avaient été compris
dans les recettes, il semble que la Cour serait
peut-être arrivée à un résultat opposé». L'avocat de
la défenderesse établit aussi une distinction avec la
décision Canadien Pacifique au motif que celle-ci
a, en grande partie, été jugée sur la base du
paragraphe 84A(3) de la Loi de l'impôt sur le
revenu qui concerne les chemins de fer et qui n'est
donc pas applicable en l'espèce. Toutefois, ces
distinctions ont peu de poids, puisque dans l'affaire
Canadien Pacifique, les contributions reçues n'ont
pas été comprises dans le revenu, mais ont été
capitalisées, et qu'après examen complet de l'ali-
néa 20(6)h) de la Loi, il a été décidé qu'il n'était
pas applicable, pas plus qu'il ne l'est en l'espèce.
La défenderesse prétend qu'il n'est pas possible
de considérer les contributions comme un surplus
d'apport. La jurisprudence ne va pas dans ce sens
néanmoins, chaque cas étant un cas d'espèce. Dans
l'affaire Ottawa Valley Power par exemple (sus-
mentionnée), le président Jackett, dans une partie
de son jugement où il n'exprime en quelque sorte
que des opinions incidentes, déclare [à la page 76
des Rapports de la Cour de l'Échiquier] que si
l'Ottawa Valley Power avait elle-même payé les
modifications au lieu de l'Hydro, qui les a payées
au nom de celle-ci, alors [TRADUCTION] «A mon
avis, l'explication est que, au point de vue commer
cial, si cela s'était produit, l'affaire comporterait
deux aspects, savoir:
a) l'appelante aurait subi des coûts en capital
pour lesquels elle devrait avoir droit à une
déduction pour amortissement, et
b) l'appelante aurait reçu de l'acheteur de son
énergie électrique un paiement qui devrait
être compris dans ses revenus s'il s'agit d'une
partie du paiement de ce qu'elle a vendu dans
le cadre de ses activités commerciales, ou qui
devrait être considéré comme une recette de
capital si, dans les circonstances, on doit le
caractériser ainsi.» [C'est moi qui souligne.]
Cette affaire se complique du fait qu'en vertu du
contrat, l'appelante s'engageait à continuer à
accepter un prix inférieur pour de l'énergie électri-
que plus chère en échange d'additions et d'amélio-
rations immobilisées. L'affaire Commissioners of
Inland Revenue v. Fleming & Co. (Machinery),
Ltd.'°, citée par la défenderesse, portait sur la
façon de considérer un paiement reçu par un orga-
nisme à long terme du fabricant pour la résiliation
d'un contrat. A la page 63, lord Russell dit ceci:
[TRADUCTION] En revanche, lorsque l'avantage abandonné lors
de l'annulation ne représente pas la perte d'un élément d'actif
durable dans des circonstances analogues à celles qui sont
mentionnées ci-dessus (lorsque, par exemple, l'entreprise du
bénéficiaire est organisée de telle manière qu'elle est capable
d'absorber ce choc comme l'un des incidents normaux que l'on
doit prévoir, et lorsqu'il apparaît que la contrepartie reçue se
substitue simplement aux bénéfices futurs abandonnés), il est
d'usage de considérer la contrepartie reçue comme une recette
au titre de revenu et non comme une recette au titre de capital.
Les faits de l'espèce se distinguent nettement de
ceux de cette affaire en ce que la demanderesse n'a
renoncé à aucun bénéfice futur pour les contribu
tions versées, le déplacement des pipelines n'affec-
tant pas les bénéfices d'une façon ou d'une autre.
10 (1951), 33 T.C. 57.
On peut également établir une distinction avec
l'arrêt Okalta Oils Limited v. Minister of
National Revenue". Il s'agissait d'une subvention
accordée en vertu de la Loi de l'impôt de guerre
sur le revenu pour les coûts de forage et d'explora-
tion afférents à un puits de pétrole. Feu le juge
Cameron, après avoir souligné que l'article en
question portait sur la législation adoptée pour
encourager la production de pétrole et de produits
de pétrole, s'exprime en ces termes aux pages 44 et
45:
[TRADUCTION] Je trouve impossible d'interpréter ce paragra-
phe de façon à permettre à une corporation qui n'y va pas de
ses propres deniers relativement à une opération, mais au
contraire a fait payer toutes ses dépenses par une autre partie—
en l'occurrence une corporation de la Couronne—d'être rem-
boursée de ces dépenses sur des impôts qui autrement revien-
draient à la Couronne. Une telle interprétation signifierait que
la Loi entendait non seulement indemniser le contribuable de
telles pertes, mais aussi lui accorder une indemnité d'un mon-
tant égal; je ne crois pas que le législateur ait eu cette intention.
Il est clair quel'espèce présente ne porte pas sur
des subventions d'encouragement. De même, il est
possible de faire une distinction avec l'arrêt Radio
Engineering Products Limited v. Minister of
National Revenue 12 , où une subvention de $450,-
000 a été versée à l'appelante pour des dépenses
relatives à la mise au point d'un certain terminal
téléphonique, et il a été décidé que l'appelante
devait affecter la subvention au but pour lequel le
prêt avait été accordé, et que la subvention devait
donc être déduite des dépenses de l'appelante. A la
page 663 de la décision de la Commission d'appel
de l'impôt, il est dit ceci:
[TRADUCTION] Il est reconnu que des octrois de la Couronne
doivent être déduits des dépenses. En l'espèce, la subvention a
été accordée pour exécuter, selon le plan, un travail ayant un
caractère de revenu à tous les points de vue.
En l'espèce, il n'y a, pour la demanderesse, aucun
avantage sur le plan du revenu. Dans une autre
affaire, Nuclear Enterprises Ltd. v. Minister of
National Revenue 13 , invoquée par la défenderesse,
le juge Kerr, en traitant de l'imposition de subven-
tions provenant du Conseil national de recherches
et du ministère de la Production de défense à titre
d'aide financière à la recherche et à la fabrication,
dit ceci à la page 466:
11 [1955] CTC 39 (C.F. 1" inst.).
12 [1970] Tax A.B.C. 650, et en appel [1973] CTC 29 (C.F.
I" inst.).
13 [1971] CTC 449 (C.F. I" inst.).
[TRADUCTION] Dans la présente affaire, je ne peux pas
donner aux dispositions applicables de la Loi de l'impôt sur le
revenu une interprétation qui permettrait non seulement à
l'appelante de ne pas inclure les subventions dans son revenu,
mais lui permettrait en outre de déduire de ses autres revenus
des dépenses qui, en réalité, ont été payées non par l'appelante
mais par le C.N.R. et le ministère de la Production de défense.
Encore une fois, il s'agit dans cette affaire de
subventions pour promouvoir des recherches qui
pourraient bénéficier, entre autres, au contribua-
ble. Il a déjà été conclu que l'alinéa 20(6)h)
portant sur les octrois, subventions ou autre aide
d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'une
autre autorité publique ne s'applique pas en
l'espèce.
S'appuyant sur le témoignage qu'a rendu M.
Bonham pour étayer son principal argument que la
subvention aurait dû être déduite du coût des
déplacements et que seule la différence aurait dû
être capitalisée, la défenderesse mentionne, entre
autres, l'affaire J. L. Guay Ltée c. Le ministre du
Revenu national 14 , où le juge en chef adjoint Noël,
tel était alors son titre, dit ceci aux pages 243 et
244 [Recueil des arrêts de la Cour fédérale]:
L'on peut accepter comme point de départ pour établir les
profits taxables d'un contribuable l'état des profits et pertes
préparé selon les règles de pratique comptable. Le profit indi-
qué sur cet état doit toujours, cependant, être ajusté selon les
règles statutaires utilisées pour déterminer les profits imposa-
bles. Cela tient au fait qu'un certain nombre de faits dont les
comptables tiennent compte sont exclus par certaines disposi
tions de la Loi de l'impôt sur le revenu dans la détermination
du profit des contribuables.
Il est allégué qu'il n'existe pas de disposition légale
permettant de considérer les contributions dans
l'espèce d'une manière différente, aux fins d'impôt,
de celle dont elles ont été considérées, à des fins
comptables, pour établir l'assiette de prix appro-
priée de la société. Bien qu'il n'existe peut-être pas
de disposition légale obligeant à les considérer
différemment, la jurisprudence en général, et plus
particulièrement l'affaire Canadien Pacifique, sont
dans le sens contraire.
Le point de vue de la demanderesse se trouve
encore étayé par une affaire britannique relative-
ment récente, Murray (Inspector of Taxes) v.
Goodhews' 5 , où, pour faire preuve de bonne
volonté, un paiement volontaire a été effectué pour
la résiliation de certains baux de débits de boissons
14 [1971] C.F. 237; [1971] CTC 686 (lfe inst.).
15 [1978] 1 W.L.R. 499.
exploités par le contribuable. On a imposé au
contribuable l'impôt de société sur le paiement
volontaire au motif que ce dernier représentait une
indemnité pour perte de bénéfices découlant de la
perte des baux, et qu'il s'agissait donc de bénéfices
ou gains commerciaux. Cette décision a été infir-
mée et il a été décidé que les paiements étaient des
recettes de capital. Le sommaire est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] ... chaque cas de paiement volontaire doit être
examiné à la lumière des circonstances qui lui sont propres pour
déterminer la nature de la somme reçue par le bénéficiaire, et
comme les paiements à la société-contribuable n'étaient pas
reliées aux relations commerciales futures entre les parties,
n'étaient pas faits pour dédommager la perte de bénéfices et
n'avaient trait à aucune opération commerciale particulière, ils
n'étaient pas des recettes découlant du commerce de la société-
contribuable ....
Je conclus que la demanderesse en l'espèce était
fondée à considérer que les contributions reçues
pour le déplacement de ses pipelines, déplacement
fait non pas dans son intérêt, mais dans l'intérêt
des auteurs des contributions, peuvent être portées
au compte de capital d'apport sans passer par le
revenu. Bien que cela ait incontestablement pour
résultat, comme l'admet volontiers la demande-
resse, de conférer un avantage à ses actionnaires,
ce que les auteurs des contributions n'avaient nul-
lement l'intention de faire, néanmoins, il s'agit,
semble-t-il, de la manière correcte de considérer
ces contributions compte tenu de la jurisprudence
actuelle. Selon l'avocat de la demanderesse, si cela
signifie pour la demanderesse des avantages fis-
caux non prévus, il appartient à la défenderesse d'y
remédier par voie de modification législative.
L'appel de la demanderesse sera par conséquent
accueilli avec dépens, et ses cotisations d'impôt
pour les années d'imposition 1971, 1972, 1973 et
1974 sont renvoyées au Ministre pour nouvelles
cotisations conformes au présent jugement.
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