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T-3536-81
La Nation dénée et l'Association des Métis des Territoires du Nord-Ouest (demanderesses)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Dubé— Ottawa, 8 et 9 juin 1982.
Pratique Parties Demande en intervention à titre de défenderesse Décision portant atteinte aux droits d'un titulaire de licence Incompétence de la Cour lorsque la Loi n'autorise aucun recours contre un défendeur éventuel Demande rejetée Règle 1716(2)6) de la Cour fédérale Loi sur les eaux intérieures du Nord, S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 28 Règlement sur les eaux intérieures du Nord, C.R.C., chap. 1234, art. 11.
Esso Resources Canada Limited demande à intervenir à titre de défenderesse à l'action. Les demanderesses sollicitent un jugement déclaratoire portant que certains articles de la Loi sur les eaux intérieures du Nord sont ultra vires. La requérante soutient que le redressement demandé porterait atteinte à ses droits sur les eaux qu'elle utilise dans la production d'hydrocar- bures, droits qu'elle a obtenus en vertu des articles contestés de la Loi.
Jugement: la demande est rejetée. Celui qui veut intervenir comme partie défenderesse est admis à le faire si la solution apportée au litige peut porter préjudice à ses droits et si la Cour est compétente à l'égard de ce défendeur éventuel. La procé- dure doit être appuyée par «l'existence d'une législation fédérale applicable». La requérante n'a pas indiqué quel article de la Loi permettrait aux demanderesses d'ester contre elle et pour quel objet. Le seul point litigieux est la validité de certains articles du Règlement et de la Loi et la requérante comme la défende- resse concluent à la validité de la législation et de toute autorisation ou licence délivrées sur son fondement.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Alda Enterprises Limited c. La Reine et autres, [1978] 2 C.F. 106 (C.F. 1' » inst.); McNamara Construction (Wes- tern) Limited et autre c. La Reine et autres, [1977] 2 R.C.S. 654; Quebec North Shore Paper Company et autre c. Canadien Pacifique Limitée et autre, [1977] 2 R.C.S. 1054.
DÉCISIONS CITÉES:
Chitty et autres c. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1978] 1 C.F. 830 (C.F. 1'» inst.); Waterside Cargo Cooperative c. Le Con- seil des ports nationaux (1979), 107 D.L.R. (3d) 576 (C.F. 1'» inst.).
DEMANDE. AVOCATS:
S. T. Goudge, c.r. pour les demanderesses. Personne n'a comparu pour la défenderesse.
R. C. Pittman pour la requérante, Esso Resources Canada Limited.
PROCUREURS:
Cameron, Brewin & Scott, Toronto, pour les demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Contentieux d'Esso Resources Canada Limi ted, Calgary, pour la requérante Esso Resour ces Canada Limited.
Ce gui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DUBÉ: Il s'agit en l'espèce d'une requête présentée au nom de la Esso Resources Canada Limited de Calgary (Alberta) (la «Esso»), sur le fondement de la Règle 1716 ou de la Règle 5, demandant l'autorisation d'intervenir à titre de défenderesse à l'action.
La déclaration, produite le 6 juillet 1981, con- clut à un jugement déclaratoire disant que la charge de contrôleur, créée sur le fondement de la Loi sur les eaux intérieures du Nord, S.R.C. 1970 (1 °r Supp.), chap. 28, sortirait des compétences du gouverneur en conseil; que l'article 11 du Règle- ment adopté sur le fondement de ladite Loi consti- tue lui aussi un excès de pouvoir; que l'autorisation N3A6-0791 d'Esso relative à la construction de digues, et l'autorisation N3A3-0093 d'Esso rela tive à l'implantation d'une raffinerie dans les terri- toires du Nord-Ouest, qui prétendument cause- raient préjudice aux membres des demanderesses, sont illicites et sans fondement légal.
Par déposition sous serment fournie à l'appui de la requête, le directeur de projets de la Esso pré- tend que les eaux utilisées en vertu desdites autori- sations sont essentielles à la Esso dans la produc tion d'hydrocarbures par injection d'eau, que les eaux ainsi utilisées n'ont aucun effet préjudiciable pour les associations demanderesses et qu'il y a un intérêt vital pour la Esso à protéger ses droits et à contester semblable effet prétendument préjudicia- ble pour les demanderesses.
Selon la Règle 1716(2)b), la Cour peut, en tout état de cause, ordonner l'intervention de toute partie qui aurait être jointe à l'instance ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour
assurer une solution complète et effective de toutes les questions en litige. Sa Majesté la Reine, qui est défenderesse, n'était pas représentée à l'instruction de la requête mais son avocat a fait savoir au procureur de la Esso qu'elle consentait à l'inter- vention de la requérante comme défenderesse.
Celui qui veut intervenir comme défendeur à une action est admis à le faire s'il peut montrer que la solution apportée au litige pourrait porter préjudice à certains de ses droits substantifs et si la Cour est compétente en l'espèce à l'égard de ce défendeur éventuel. Bien entendu, le simple con- sentement de la requérante à intervenir et l'agré- ment de la défenderesse ne peuvent à eux seuls attribuer compétence lorsqu'elle n'existe pas.
Dès le début de l'instruction de cette demande, j'ai exprimé des doutes sérieux sur la compétence de notre juridiction de connaître de l'action si les demanderesses l'intentaient contre la Esso. Notre juridiction sans doute est habilitée à connaître d'une action contre la Reine du chef du Canada pour établir si certains articles de la Loi sur les eaux intérieures du Nord, ou de son Règlement d'application, ne sont pas des excès de pouvoirs; il ne s'ensuit pas que les sujets de droit privé puissent ester l'un contre l'autre sur le fondement de cette Loi en la Cour fédérale du Canada. Dans l'espèce Alda Enterprises Limited c. La Reine et autres', mon collègue le juge Collier a jugé que, certes, la demanderesse pouvait engager une action en dom- mages-intérêts contre la Couronne devant notre juridiction; elle n'avait cependant pas démontré que ces procédures contre la ville de Faro étaient appuyées par «l'existence d'une législation fédérale applicable»; il s'ensuivait qu'elle ne pouvait obtenir jugement contre la ville. Le juge Collier proposa un critère fort pratique pour juger de la compé- tence à l'égard d'un seul défendeur [aux pages 110 et 111]:
Un critère parfois utile pour trancher une question de compé- tence consiste à se demander si la Cour serait compétente si l'action était intentée contre un seul des défendeurs au lieu d'être greffée à une action contre d'autres défendeurs qui sont à bon droit soumis à la compétence de la Cour. Dans le cas de la réclamation de la défenderesse à l'encontre de la ville de Faro,
1 Alda Enterprises Limited c. La Reine, le Commissaire du territoire du Yukon, le gouvernement du territoire du Yukon et la ville de Faro et Cyprus Anvil Mining Corporation, [1978] 2 C.F. 106 (C.F. 1" inst.).
si ce critère est utilisé, la réponse doit être non. En toute franchise, Me Parker accepte cette réponse. En de telles cir- constances, d'après lui, la compétence reviendrait à la Cour suprême du Yukon. Je présume que le droit applicable alors serait les lois et la common law du territoire.
Dans l'espèce Waterside Cargo Cooperative c. Le Conseil des ports nationaux 2 , la Cour refusa une intervention à titre de partie défenderesse parce qu'aucune cause de demande fondée sur le droit fédéral ne pouvait être prouvée. Le juge Collier souligna qu'il n'existait en vertu des Règles de la Cour fédérale aucune procédure autorisant l'intervention comme partie défenderesse de ceux dont les droits, certes, pouvaient subir un préju- dice, mais contre lesquels n'existait aucune cause de demande 3 .
Au cours de l'instruction, l'avocat de la Esso s'est référé à l'espèce Chitty et autres c. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes 4 . Etait en cause aussi la demande d'intervention d'une défenderesse (en réalité de deux défenderesses) à l'instance. L'action a été intentée par des membres d'une association com- munautaire qui voulaient obtenir un jugement déclaratoire qui aurait dit que la Loi sur la radio- diffusion, S.R.C. 1970, chap. B-11, ne permettait pas au CRTC de connaître des demandes de trans- fert de contrôle portant sur des licences de télévi- sion par câble. Les requérantes soutenaient que le jugement déclaratoire auquel concluaient les demandeurs, s'il était accordé, leur porterait un préjudice sérieux car les demandeurs ou des tiers pourraient en fait contester leurs licences. La ques tion de la compétence ne fut pas soulevée; je décidai qu'afin d'assurer une solution complète et effective du litige, les deux requérantes seraient mises en cause comme parties défenderesses.
2 (1979), 107 D.L.R. (3d) 576 (C.F. 1re inst.).
3 L'avocat de la requérante a invoqué la Règle 5 (la règle des lacunes) mais n'a pu démontrer que les Règles de la Cour des territoires du Nord-Ouest [Règles de la Cour suprême, DORS/79-768] prévoyait semblable procédure. La Règle 48 des territoires du Nord-Ouest est essentiellement semblable à notre Règle 1716.
Stephen Chitty, Dorothia Atwater, Wayne Kerr, Sharron Lang, David Coulson, Ulla Sorrenson, Peter Hay et la Ligue canadienne de la radiodiffusion c. Le Conseil de la radiodiffu- sion et des télécommunications canadiennes, [1978] 1 C.F. 830 (C.F. l re inst.).
Cette décision fut rendue avant les deux arrêts de la Cour suprême du Canada touchant la compé- tence de la Cour fédérale, soit l'arrêt McNamara Construction (Western) Limited et autre c. La Reine et autress et l'arrêt Quebec North Shore Paper Company et autre c. Canadien Pacifique Limitée et autre 6 , que les avocats ont tous deux invoqués dans l'espèce Alda. L'essence des arrêts de la Cour suprême, c'est «l'existence d'une législa- tion fédérale applicable» sur laquelle on puisse s'appuyer pour saisir notre juridiction. Le point aurait-il été soulevé dans l'espèce Chitty qu'on aurait pu soutenir que la Loi sur la radiodiffusion constituait une législation fédérale suffisante pour justifier d'une action contre le CRTC et les deux parties licenciées en vertu de cette Loi.
Il échet d'examiner en l'espèce si la Loi sur les eaux intérieures du Nord est une législation fédé- rale suffisante pour fonder une action, non seule- ment contre la Reine, en jugements déclaratoires relatifs à la validité de certains articles de la Loi et du Règlement, mais aussi contre une licenciée, telle la Esso, en vertu de cette Loi. En d'autres mots, la Nation dénée et l'Association des Métis peuvent-elles à bon droit engager une action contre la Esso et en saisir notre juridiction, indépendam- ment de tout droit d'action dont elles disposeraient contre la Reine? La Esso n'a certainement pas réussi à m'indiquer quel article de la Loi permet- trait aux demanderesses d'ester ainsi contre elle, et pour quel objet'. Le seul point litigieux lors de l'instruction de l'action sera la validité de certains articles du Règlement et de la Loi. A cet égard, les intérêts de la Esso ne diffèrent pas de ceux de Sa
5 McNamara Construction (Western) Limited et Fidelity Insurance Company of Canada et Sa Majesté La Reine et J. Stevenson & Associés et Stevenson, Raines, Barrett, Hutton, Seaton & Associés et Lockerbie & Hole Western Limited et J. Stevenson & Associés et Stevenson, Raines, Barrett, Hutton, Seaton & Associés et Sa Majesté La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654.
6 Quebec North Shore Paper Company et Quebec and Onta- rio Transportation Company Limited et Canadien Pacifique Limitée et Incan Ships Limited, [1977] 2 R.C.S. 1054.
1 Selon la Loi, les contrevenants à certains de ses articles commettent des infractions, mais le paragraphe 37(2) porte qu'aucun recours devant les tribunaux civils n'est suspendu ni atteint du fait de l'existence de ces infractions. Tout recours de ce genre devant les tribunaux civils est du ressort des juridic- tions locales, non de la Cour fédérale.
Majesté la Reine: toutes deux concluent à la vali- dité de la législation et de toute autorisation ou licence délivrée sur son fondement.
Cette demande en intervention de la requérante à titre de défenderesse est donc rejetée avec dépens.
ORDONNANCE
La demande est rejetée avec dépens.
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