Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-3710-79
Commonwealth Construction Company Limited (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Walsh—Van- couver, 15, 16 et 23 mars 1982.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Paiements effectués en 1974 et en 1975 par suite d'un jugement Ces paiements n'ont été déclarés comme revenu qu'en 1977, le jugement ayant été porté en appel Les paiements étaient soumis à l'engagement par la demanderesse de s'abstenir de toute procédure d'exécution, de rembourser toute somme qui pourrait être déduite par la Cour d'appel, et d'un cautionne- ment de la société mère de la demanderesse Appel aban- donné en 1977 II échet d'examiner si ces paiements devraient être inclus dans le revenu pour les années d'imposi- tion 1974 et 1975 ou pour l'année d'imposition 1977 La demanderesse fait valoir que la somme ne pouvait être défini- tivement fixée tant qu'il n'aurait pas été statué sur l'appel, et que les paiements étaient simplement des dépôts La défen- deresse prétend que les paiements devraient être déclarés en 1974 et 1975, puisque toute réduction ou retranchement cons- tituerait une somme transférée ou créditée au compte d'une réserve ou à un compte de prévoyance, ce qu'interdit l'art. 18(1)e) de la Loi Toujours selon la défenderesse, même si les sommes dont le paiement a été ordonné par le jugement n'avaient pas été payées, elles auraient constitué des sommes recevables qui, en vertu de l'art. 12(1)b) de la Loi, doivent être déclarées Les paiements n'étaient pas des dépôts, la deman- deresse étant libre de faire usage de l'argent comme elle l'entendait, même si les sommes payées étaient sujettes à remboursement en cas d'infirmation du jugement S'il y avait des rapports contractuels créés par les conditions préala- bles aux paiements, il s'agissait alors d'un contrat soumis à une condition résolutoire incertaine Le jugement demeure valable à titre de décision finale jusqu'à ce qu'il soit infirmé, et il constitue une détermination de la somme payable Les paiements devaient être déclarés dans le revenu lors de leur réception, nonobstant une possibilité de remboursement Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 12(1)b), 18(1)e).
Dans une action en détermination du rang des privilèges entre les détenteurs de privilèges et le bailleur de fonds, la Société de développement du Manitoba (S.D.M.), la Cour du Banc de la Reine a jugé que les droits des détenteurs de privilèges avaient la priorité. La Cour de comté, liée par la décision de la Cour supérieure, a accueilli l'action en privilège de constructeur intentée par la demanderesse. En 1974, la somme adjugée par le jugement et l'intérêt a été versée à la demanderesse sous réserve de l'engagement par celle-ci de s'abstenir de toute procédure d'exécution, de rembourser toute somme qui pourrait être déduite du jugement par la Cour d'appel du Manitoba, et d'un cautionnement de la société mère de la demanderesse. En 1975, une somme a été versée à la demanderesse à titre de dépens. La S.D.M. a interjeté appel de la décision rendue par la Cour de comté, mais, en 1977, elle a
abandonné l'appel en contrepartie de la remise par la demande- resse d'une partie des sommes qu'elle avait versées à celle-ci. La demanderesse n'a pas déclaré les sommes reçues pendant les années d'imposition 1974 et 1975 avant l'année d'imposition 1977. La demanderesse prétend que tant que l'appel était pendant, la somme à laquelle elle avait droit ne pouvait être définitivement fixée, puisque si l'appel formé par la S.D.M. était accueilli quant à la question des privilèges, la garantie de la créance de la demanderesse par l'enregistrement de son privilège de constructeur ne vaudrait rien. La demanderesse soutient donc que le paiement des sommes adjugées par les jugements n'était qu'un dépôt. La défenderesse fait valoir que les sommes versées à la demanderesse en 1974 et en 1975 devraient être incluses dans le revenu. Subsidiairement, la défenderesse prétend que toute réduction ou retranchement de l'un quelconque desdits montants constitue une déduction d'une somme transférée ou créditée au compte d'une réserve ou à un compte de prévoyance, ce qu'interdit l'alinéa 18(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Finalement, selon la défenderesse, même si les sommes dont le paiement a été ordonné par le jugement n'avaient pas été payées, elles auraient constitué des sommes recevables pour le contribuable qui, en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi, devraient être déclarées comme telles. Il échet d'examiner si les paiements devraient être inclus dans le revenu pour les années d'imposition 1974 et 1975 ou pour l'année d'imposition 1977.
Jugement: l'appel formé par la demanderesse contre les cotisations pour ses années d'imposition 1974 et 1975 est rejeté avec dépens. Les sommes versées n'étaient pas des dépôts. Lorsqu'une somme est payée à titre de dépôt, le bénéficiaire ne peut l'utiliser ni en jouir. Les paiements étaient sujets à rem- boursement en tout ou en partie si un appel infirmait le jugement initial ordonnant le versement, mais cela ne fait pas d'eux de simples dépôts. Si les conditions dans lesquelles le paiement des sommes ordonnées.. par les jugements a été fait créaient des rapports contractuels entre la demanderesse et la S.D.M., il ne s'agissait alors que d'un contrat soumis à une condition résolutoire qui était incertaine et qui pouvait ne jamais se réaliser. La demanderesse était libre d'utiliser entre- temps l'argent comme elle l'entendait pendant que l'appel était en cours et n'était pas, comme l'a prétendu la demanderesse, dans la situation d'une société qui emprunte de l'argent à une banque et qui fait usage du produit de l'emprunt dans ses activités. Car, dans ce cas, ce produit ne serait pas imposable, puisqu'il y a alors une obligation évidente de remboursement de la somme empruntée qui, bien que ce soit une entrée de caisse pour l'emprunteur, ne constitue toutefois pas un revenu entre ses mains. Dans l'affaire Meteor Homes Ltd. v. Minister of National Revenue (1960), 61 DTC 1001, il est dit ceci: «Ce ne sont pas toutes les conditions qui empêchent la comptabilisation du revenu; l'éventualité doit être réelle et valable ... la validité d'une loi doit être présumée jusqu'à preuve du contraire, et jusque-là, toute obligation monétaire qu'elle impose devrait être traitée comme une dette active». On pourrait en dire autant d'un jugement susceptible d'être infirmé en appel. L'affaire R. v. Hess (n° 2), [1949] 4 D.L.R. 199, pose un principe juridique fondamental. Il y est dit que: «Le jugement rendu par une cour supérieure compétente est une décision finale en elle-même qui demeure valable à moins d'être annulée en appel. Ce jugement est final quant à toutes les questions pertinentes qui y sont
tranchées....» Le jugement de la Cour de comté constituait une détermination de la somme payable. La simple possibilité que ces sommes puissent être remboursées en tout ou en partie n'aurait pas pour effet d'écarter l'obligation de les inclure dans le revenu lors de leur réception.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Meteor Homes Ltd. v. Minister of National Revenue (1960), 61 DTC 1001 (C.É.); R. v. Hess (n° 2), [1949] 4 D.L.R. 199 (C.A.C: B.); Nouvion v. Freeman (1889), 15 App. Cas. 1 (H.L.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Dominion Taxicab Association v. Minister of National Revenue (1954), 54 DTC 1020 (C.S.C.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Kenneth B. S. Robertson, Limited v. Minister of Natio nal Revenue, [1944] CTC 75 (C.É.); The Minister of National Revenue v. Atlantic Engine Rebuilders Limited, [1967] R.C.S. 477; 67 DTC 5155; Minister of National Revenue v. John Colford Contracting Company Limited (1960), 60 DTC 1131 (C.É.); Minister of National Reve nue v. Pine Ridge Property Ltd. (1971), 71 DTC 5392 (C.F. 1' inst.); Minister of National Revenue v. Benaby Realties Limited (1967), 67 DTC 5275 (C.S.C.); Pica- dilly Hotels Ltd. v. Her Majesty the Queen (1978), 78 DTC 6444 (C.F. lre inst.).
DÉCISION CITÉE:
Brown v. Helvering, Commissioner of Internal Revenue, 291 U.S. 193 (Cir.).
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
B. J. Wallace et B. D. Fulton pour la demanderesse.
W. H. Heinrich et J. Deane pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Lawson, Lundell, Lawson & McIntosh, Van- couver, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Par suite d'un jugement rendu en sa faveur le 24 novembre 1974 par le juge Ferg de la Cour de comté du Pas, et bien qu'appel ait été interjeté, la demanderesse a reçu, au cours de son année d'imposition 1974, la somme de $6,072,595 et, au cours de son année d'imposition 1975, la somme de $725,221, titre de dépens. Il
s'agit en l'espèce de savoir si ces sommes auraient être déclarées, aux fins de l'impôt, comme revenu pour ces années, ainsi que le prétend la défenderesse, ou comme revenu pour 1977, ainsi que le prétend la demanderesse. Car, en 1977, aux termes d'un accord intervenu entre la demande- resse et la Société de développement du Manitoba (S.D.M.), qui lui avait versé lesdites sommes, l'ap- pel a été abandonné sur acceptation par la deman- deresse de remettre à la S.D.M. $455,000 des sommes que celle-ci avait versées à la demande- resse en 1974 et 1975.
Alors que le point litigieux à trancher est com- parativement simple, les faits sont plutôt com plexes. La demanderesse, société de construction, a conclu une série de contrats en vue de construire au Pas (Manitoba) pour Churchill Forest Indus tries (C.F.I.) une fabrique de pâte à papier, ainsi que, par la suite, une fabrique de papier, une scierie et un atelier des machines. C'est la S.D.M. qui fournissait le financement. Les paiements furent versés à l'échéance jusqu'à la fin de 1970. C'est alors que la C.F.I. manqua à ses engage ments de paiement à la S.D.M., ce qui eut pour résultat la nomination pour elle d'un séquestre- gérant, le 7 janvier 1971. Insatisfaits de la façon dont le séquestre exerçait ses fonctions, les créan- ciers de la C.F.I., dont la demanderesse, mirent la C.F.I. en faillite le 6 décembre 1971. Entre-temps, le 2 mars 1971, la demanderesse avait saisi la Cour de comté du Pas pour faire valoir sa créance contre le projet, en vertu de la Loi sur le privilège du constructeur'.
D'après la S.D.M., la demanderesse et d'autres détenteurs de privilèges ne devaient pas lui être préférés, et en 1971, la Cour du Banc de la Reine du Manitoba fut saisie de deux actions pour tran- cher la question des privilèges. Le 16 août 1972, le juge en chef Tritschler de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba rendit des jugements, décla- rant que les droits des détenteurs de privilèges prenaient rang avant ceux de la S.D.M. Ces déci- sions firent l'objet d'un appel et l'appel fut entendu, mais de l'accord des parties, savoir le séquestre de M.P. Industrial Mills, Limited, une entreprise du consortium C.F.I., la S.D.M. et le syndic de faillite du consortium C.F.I., on sollicita la Cour d'appel de s'abstenir de prononcer ses
1 S.R.M. 1970, chap. M80.
motifs de jugement. Toutefois, au printemps de 1973, le juge Dickson, un des trois juges qui avaient entendu l'appel, fut nommé à la Cour suprême du Canada et, en conséquence, il était tenu de rendre ses motifs pour toutes les affaires pendantes. Aussi déposa-t-il ses motifs le 15 juin 1973. L'avocat qui occupait à l'époque pour la demanderesse en prit alors connaissance. D'ordre du juge en chef de la Cour d'appel du Manitoba, ces motifs furent par la suite mis sous scellés; ils ne sont donc pas disponibles, et on doit souligner que la Cour d'appel du Manitoba n'a rendu aucun arrêt à l'égard du jugement du juge en chef Tritschler.
Dans ses motifs de jugement prononcés le 24
novembre 1974 l'égard de l'action relative au privilège de constructeur intentée devant la Cour de comté du Pas, le juge Ferg s'est dit lié par la décision non infirmée du juge en chef Tritschler pour ce qui est des privilèges respectifs de la demanderesse et de la S.D.M. Parmi les autres questions dont il était saisi figurait la question du quantum des différentes créances pour des ajouts et modifications, ce qui n'est pas inhabituel dans les actions relatives à des contrats, et dans son jugement, il ordonna le paiement à la demande- resse de la somme de $4,573,601.55 avec intérêt. Aucune décision n'a été rendue quant aux dépens, les parties étant invitées à soumettre leurs observa tions à une date ultérieure, et en cas de désaccord, à s'adresser à la Cour. Le jugement dit qu'aucune demande formelle d'ordonnance de vente du bien déclaré soumis au privilège n'avait été soumise à la Cour, mais que la Cour rendrait une ordonnance à cet égard si le paiement de la somme déclarée due n'était pas effectué dans un délai raisonnable.
Le 24 décembre 1974, la S.D.M. déposa un avis d'appel de ce jugement, mais, entre-temps, la demanderesse et la S.D.M. conclurent un accord en vertu duquel la S.D.M. acceptait de payer immédiatement la somme adjugée par le jugement avec intérêt, soit un total de $6,072,595, en contre- partie de l'engagement par la demanderesse de s'abstenir de toute procédure d'exécution, de rem- bourser toute somme qui pourrait être déduite de ce montant par la Cour d'appel du Manitoba, et d'un cautionnement de $1,500,000 fournir par Guy F. Atkinson Company, société américaine qui était l'unique actionnaire de la demanderesse.
Le 6 mars 1975, le juge Ferg rendit jugement quant aux dépens de l'action en privilège de cons- tructeur, condamnant la S.D.M. à payer à la demanderesse, à titre de dépens, la somme de $725,221, dont versement fut effectué au cours de l'année financière 1975 de la demanderesse.
En février 1976, la S.D.M. déposa un avis modi- fié d'appel de la décision rendue par le juge Ferg, formant notammment appel de la question des dépens. En avril 1977, un accord fut conclu entre la demanderesse et la S.D.M. par lequel celle-ci acceptait d'abandonner son appel formé contre ladite décision. Les deux parties s'engagèrent à signer une décharge réciproque, et la demande- resse accepta de remettre à la S.D.M. $455,000 des sommes versées en 1974 et 1975.
Ce n'est que dans son année d'imposition 1977 que la demanderesse a déclaré les sommes reçues en 1974 et 1975. La défenderesse a procédé à de nouvelles cotisations de façon à inclure ces sommes dans les déclarations d'impôt de 1974 et 1975 de la demanderesse. A la suite d'une déclaration modi- fiée de 1977, datée du 4 août 1978, la demande- resse a demandé que la somme de $5,997,816 représentant ces montants, après rajustement, soit retranchée de son revenu de 1977. Le ministre du Revenu national a accédé à cette demande et a cotisé la demanderesse en conséquence le 12 avril 1979, de telle sorte qu'il n'y aurait pas versement en double des cotisations si les nouvelles cotisations établies par la défenderesse pour les années d'im- position 1974 et 1975 étaient confirmées à la suite de ces présentes procédures.
Dans sa déclaration pour l'année d'imposition 1974, la demanderesse a déduit aux fins des états financiers, une réserve de $600,000 titre de frais afférents à l'appel du jugement rendu par la Cour de comté du Pas, en plus de prévoir une réserve pour des frais judiciaires s'élevant à $200,000. En effectuant la conciliation du revenu aux fins des états financiers et du revenu aux fins d'impôt, la demanderesse a déduit $5,472,595 titre de [TRA- DUCTION] «somme accordée par le jugement rendu par la Cour de comté du Pas, moins la réserve pour les frais de l'appel> interjeté par la S.D.M. Dans sa déclaration pour l'année d'imposition 1975 et pour concilier son revenu aux fins des états financiers et son revenu aux fins d'impôt, la demanderesse a inclus dans son revenu la somme de $5,472,595 et
elle a, d'autre part, déduit la somme de $5,997,816 à titre de «somme accordée par le jugement rendu par la Cour de comté du Pas, moins la réserve pour les frais de l'appel>.
Dans sa nouvelle cotisation pour l'année d'impo- sition 1974, la défenderesse y a rajouté lesdites sommes réclamées par la demanderesse à titre de déduction de revenu et, de même, pour l'année d'imposition 1975, elle a rajouté la somme de $525,221 représentant le montant du surcroît de déduction réclamé par la demanderesse de 1974 à 1975 pour le jugement du Pas, moins la réserve pour les frais d'appel*. Faisant valoir que les sommes payées à la demanderesse en 1974 et 1975 devraient être incluses dans le revenu, le Ministre soutient aussi, subsidiairement, que toute réduc- tion ou retranchement de l'un quelconque desdits montants constitue une déduction d'une somme transférée ou créditée au compte d'une réserve ou à un compte de prévoyance, ce qu'interdit l'alinéa 18(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63.
Les parties ne contestent pas les chiffres consi- dérés, et reconnaissent qu'au cas la Cour d'ap- pel du Manitoba déciderait qu'à toute époque en cause, la créance de la S.D.M. passait avant celle de la demanderesse, il n'aurait plus rien resté à distribuer à la demanderesse ou à tout autre créan- cier, puisque la somme due à la S.D.M. dépassait de beaucoup ce qui pouvait être tiré de la vente éventuelle des actifs des fabriques de pâte à papier et de papier. La question du rang des privilèges était donc très importante, et bien que le fait que l'avocat de la demanderesse ait pris connaissance des motifs de jugement soumis par le juge Dickson relativement à l'appel ait pu quelque peu influer sur le conseil, donné à son client à l'égard de l'accord de 1977, de remettre une petite portion de l'argent payé en 1974 et 1975, de simples ouï-dire quant aux motifs de jugement rédigés par l'un des trois juges qui avaient entendu un appel juge-
* Une conciliation des sommes déclarées dans les états finan ciers et celles déclarées pour fins d'impôt a été produite comme pièce D-2, et on trouve d'autres explications des chiffres à la page 3 et à la note 10 (page 21) de la déclaration d'impôt de 1974 de la demanderesse et à la page 51 et à la note 8 (page 68) de sa déclaration de 1975. Les chiffres utilisés dans la nouvelle cotisation du Ministre figurent respectivement aux pages 96 et 98. (Tous les numéros de page donnés sont ceux de la pièce D-1, qui contient les déclarations d'impôt.)
ment n'a jamais été rendu ne sauraient être pris en considération pour trancher le présent litige, et ce, même s'ils auraient pu indiquer que la demande- resse risquait, dans une certaine mesure, de ne pouvoir percevoir ni rembourser les sommes allouées par le jugement rendu par le juge Ferg, car ce jugement, n'ayant pas été infirmé en appel, est resté en vigueur jusqu'au désistement de l'appel par suite de l'accord de 1977.
Il convient d'ajouter qu'aucune demande de sursis à l'exécution en attendant le sort de l'appel n'a jamais été faite et le montant alloué par le jugement n'a pas non plus été consigné à la Cour, mais qu'il a été versé en totalité à la demanderesse sans restriction aucune quant à son emploi. L'en- gagement, antérieur au versement de 1974, de rembourser toute somme qui pourrait en être déduite par la Cour d'appel du Manitoba constitue simplement une reconnaissance de ce qu'il aurait fallu faire en tout état de cause. Et le cautionne- ment de $1,500,000 fourni par la société mère de la demanderesse s'ajoutait, bien entendu, à la garantie, offerte par la demanderesse elle-même, de tout remboursement qui pourrait être requis, mais demeurait seulement une garantie et ne limi- tait nullement l'emploi que ferait entre-temps la demanderesse de ces fonds.
La demanderesse a cité cinq témoins, savoir Michael J. Mercury, c.r., avocat manitobain pen dant les époques en cause, Robert G. Urquhart, actuellement président et directeur général, qui est au service de la demanderesse depuis 1968 et qui était directeur de son siège principal au Canada à l'époque, devenu vice-président et directeur en 1972, Ritchie McCloy, c.a., associé dans le cabinet d'experts-comptables de Peat, Marwick, Mitchell & Company, qui a déposé à titre d'expert cité comme témoin, John Dawson, c.a., de Coopers & Lybrand, qui était le vérificateur de la société demanderesse pour toutes les années en cause et George Stekl, c.a., également associé de Coopers & Lybrand, qui était son spécialiste en droit fiscal et qui a donné des conseils relatifs aux déclarations d'impôt faites pour les années en question. La défenderesse n'a cité aucun témoin.
La demanderesse prétend que tant que l'appel était pendant, la somme à laquelle elle, avait droit ne pouvait être considérée comme définitivement fixée, et, en fait, cette somme a été réduite de
$455,000 par l'accord de 1977. En outre, il y avait le risque que si l'appel de la S.D.M. était accueilli quant à la question des privilèges, la garantie de la créance de la demanderesse par l'enregistrement de son privilège de constructeur ne vaudrait rien. Bien qu'il ne soit pas sans intérêt de noter que la demanderesse n'a manifestement pas jugé ce risque trop grand, puisque dans ses états finan ciers, elle a simplement mis de côté une somme de $600,000 pour cette éventualité, c'est la manière dont la demanderesse a inscrit ces sommes en 1974 et en 1975 dans ses déclarations d'impôt en ne les considérant pas comme revenu dans ces années qui est le point litigieux en l'espèce.
Selon le témoignage de Me Mercury, après le jugement Tritschler, les créances de la plupart des créanciers privilégiés ont été réglées par suite d'un accord en date du 5 avril 1973, ce règlement consistant dans le paiement de 90% des créances plus intérêts et frais, ou encore, de 100% des créances avec frais mais sans intérêt. La demande- resse n'a pas souscrit à cet accord et a maintenu son action qui avait été intentée en février 1972 et qui était rendue à un stade avancé. Cette action a donné lieu à 266 jours d'audition, prenant fin en mai 1973, et à deux mois de débat en juillet et août, ce qui explique les frais importants qui se sont élevés à plus de $600,000. Cette offre a été faite après que l'appel formé contre le jugement du juge en chef Tritschler eut été entendu, mais, comme il a été indiqué, aucun arrêt n'a été rendu. Toujours selon Me Mercury, l'entreprise s'était avérée des plus fâcheuses, avec de sérieuses réper- cussions politiques, trois gouvernements manito- bains successifs et la Société de développement du Manitoba étant placés dans la situation difficile d'avoir à expliquer comment quelque $145,000,- 000 avaient été avancés à des sociétés constituées par des promoteurs étrangers et utilisés dans l'ex- ploitation d'immeubles qui ne valaient que $60,000,000.
A des fins de transaction, la S.D.M. avait estimé la créance de la demanderesse à quelque $4,200,- 000. Dans l'action intentée devant la Cour de comté, on a demandé $5,600,000 et le jugement rendu a finalement adjugé quelque $4,600,000 plus intérêt, le total étant ainsi porté à plus de $6,000,000, comme il a été mentionné. Plusieurs discussions en vue d'une transaction avaient eu lieu et, à un moment donné, la S.D.M. avait fait une offre verbale de $4,800,000 en mai 1972, qui fut
rejetée. Mercury se préoccupait quelque peu de ce qui pourrait arriver si l'appel poursuivait son cours, surtout après avoir pris connaissance des motifs du juge Dickson dans l'appel contre le jugement Tritschler, mais la seule personne à qui il a communiqué ces renseignements est M. Fenton, décédé depuis, qui était alors au service de la société demanderesse et de qui il avait reçu ses instructions à l'époque. Il a déposé qu'il n'a jamais été nécessaire d'inscrire le jugement du juge Ferg au cadastre. Il avait l'impression que la dernière chose que la Société de développement du Mani- toba désirait était de voir le bien-fonds saisi par suite du jugement. C'est pourquoi le paiement a promptement été effectué malgré l'appel formé contre le jugement. Les mémoires d'appel furent déposés entre juin et décembre 1976, et la deman- deresse a finalement accepté, en 1977, de réduire le total de sa créance de $455,000 pour obtenir le désistement de l'appel. Il avait calculé que le client risquait, dans cet appel, de perdre un total de $1,400,000, sans compter l'intérêt, à part la ques tion du rang des créances.
M. McCloy, l'expert cité comme témoin par la demanderesse, dépose qu'il existe deux méthodes généralement reconnues de calculer le revenu en matière de contrats de construction à long terme, savoir la méthode de comptabilisation du revenu à l'achèvement des travaux selon laquelle tout revenu, et donc tout bénéfice, tirés d'un contrat ne sont comptabilisés qu'à l'exécution d'une bonne partie du contrat, et la méthode de comptabilisa- tion proportionnelle du revenu voulant qu'un revenu, et donc un bénéfice, soient comptabilisés proportionnellement, en établissant le pourcentage que représentent les dépenses déjà engagées par rapport aux coûts totaux estimatifs du contrat. Les pertes sont comptabilisées au fur et à mesure de leur survenance. Cette dernière méthode, celle qu'a employée la demanderesse, exige de l'entre- preneur qu'il soit à même d'estimer avec une préci- sion raisonnable le montant total des dépenses à engager à l'occasion du contrat jusqu'à l'exécution de ce dernier, lesquels coûts totaux sont retranchés du prix total du contrat pour obtenir une estima tion raisonnable du bénéfice tiré du contrat tout entier. Un pourcentage du marché total égal au pourcentage d'exécution du marché est comptabi- lisé dans le revenu de la société pour l'exercice financier faisant l'objet de la déclaration. Par con-
séquent, une partie équivalente du bénéfice tiré du marché est également comptabilisée.
Il dépose en outre qu'une situation l'on fait usage de jugement est celle la société est partie à un procès qui pourrait entraîner sa responsabilité financière. En pareils cas, le vérificateur communi que avec le procureur de la société et engage des discussions avec la direction pour tirer au clair les faits du litige et obtenir de la direction une prévi- sion du risque financier que représente ce litige en vue d'une évaluation du bien-fondé de cette prévi- sion. La comptabilisation de cette dette éventuelle se fait d'habitude soit au moyen d'une remarque faite dans l'état financier, faisant état de la dette éventuelle (comme cela s'est fait, en l'espèce, dans les états financiers de la société) ou, lorsque la dette prévue peut être quantifiée et déterminée compte tenu de sa probabilité prépondérante, par la constitution d'une réserve à cet effet. Il conclut dans son affidavit: [TRADUCTION] «lorsqu'une société reçoit une somme allouée par un jugement, et que ce jugement fait l'objet d'un appel à la fin de l'exercice financier de la société, la pratique ordinaire veut qu'on ne reconnaisse comme revenu aucune partie de la somme adjugée par le juge- ment, si la direction et le procureur de la société estiment que ce jugement ne sera pas confirmé en appel». [C'est moi qui souligne.]
Bien qu'il ressorte du témoignage de M. Urqu- hart et du procureur de la société, Me Mercury, qu'il existait un risque d'infirmation en appel, et qu'au pire, la créance assortie d'un privilège de constructeur pourrait se révéler sans valeur, on croyait néanmoins que la somme de $600,000 était, dans les états financiers de la société, une réserve suffisante pour le risque. On ne saurait donc prétendre que «la direction et le procureur de la société estiment que le jugement ne sera pas confirmé en appel». En fait, comme le montre le témoignage de Me Mercury, même après avoir pris connaissance des motifs de jugement du juge Dick- son soumis en juin 1973 relativement à l'appel du jugement Tritschler, motifs qui l'ont inquiété quel- que peu, il a néanmoins refusé de recommander un règlement des actions devant le juge Ferg, même lorsque la défenderesse a proposé la possibilité de régler pour $4,800,000. Finalement en 1977, il n'a réduit la créance de la demanderesse que de $455,- 000 en contrepartie du désistement de l'appel.
Le témoignage de M. McCloy portait principa- lement sur les états financiers de la société, et il y est conclu que les renvois en bas des états finan ciers de 1974 et de 1975 relativement au litige en appel constituaient une manière prudente de comptabilisation du point de vue de la vérification. Ce qui ne tranche pas de façon concluante la question de savoir si les sommes reçues auraient être déclarées pour fins d'impôt pour ces années-là.
M. Dawson, vérificateur de la demanderesse, déclare qu'en inscrivant une réserve de $600,000 dans la cotisation, l'effet possible de l'appel a été pris en considération. En acceptant cette réserve ainsi que les renvois, il n'a pas tenu compte des motifs de jugement du juge Dickson et, en fait, n'en a entendu parler que plus tard. Après avoir discuté de la justesse de la décision prise tant avec la direction qu'avec le procureur de la société relativement à l'appel, il n'aurait commenté l'éva- luation de cette situation par la direction, telle que cela se traduisait dans les états financiers, que s'il avait pensé qu'ils avaient tout à fait tort.
M. Stekl, qui, à titre d'associé des vérificateurs de la société, a approuvé les déclarations d'impôt, dépose qu'aucun certificat d'ingénieurs n'avait été établi pour approuver les sommes pour lesquelles le privilège de constructeur avait été invoqué. Il s'agit là, toutefois, d'une des questions qui étaient en litige devant le juge Ferg, et on peut la considérer comme tranchée par le jugement rendu par ce dernier. Dans son témoignage, il dit considérer qu'un jugement en appel crée une situation qui est moins certaine qu'un certificat d'approbation déli- vré par l'ingénieur, qui lie le propriétaire. D'après lui, les déclarations d'impôt déposées étaient con- formes au droit jurisprudentiel et à la pratique comptable en matière fiscale.
Les parties ont cité une jurisprudence abon- dante, quoiqu'il ne semble y avoir aucune décision portant directement sur la question de savoir com ment considérer un paiement effectué en vertu d'un jugement porté en appel. Bien que les avocats de la demanderesse et de la défenderesse se soient tous deux appuyés sur la décision qui fait jurispru dence, Kenneth B. S. Robertson, Limited v. Minis ter of National Revenue 2 , jugement rendu par feu
2 [1944] CTC 75 (Cl.).
le président Thorson, une lecture attentive de cette décision m'amène à conclure qu'elle est bien peu utile à la demanderesse. A la page 88, le président fait mention de l'arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Brown v. Helvering, Commissioner of Internai Revenue, 291 U.S. 193 (Cir.), et cite le passage suivant extrait de l'opi-
nion du juge Brandeis à la page 199:
[TRADUCTION] Les surcommissions constituaient le revenu brut de l'année elles étaient recevables. Pour chaque com mission de ce genre, il y avait l'obligation—une obligation éventuelle—de retourner une partie proportionnelle en cas d'annulation. Mais le simple fait qu'une partie de cette commis sion puisse devoir faire l'objet d'un remboursement dans une année future en cas d'annulation ou de réassurance n'affecte pas son caractère de revenu.... Dès réception de cette somme, le droit de l'agent général sur celle-ci était absolu. Il n'était soumis à aucune restriction contractuelle ou autre quant à son pouvoir d'en disposer, de l'utiliser ou d'en jouir.
Le président conclut que les commissions escomptées reçues par l'appelante pour le compte des assureurs et remises à ceux-ci n'étaient pas imposables dès leur réception puisqu'elles étaient soumises à un rajustement futur, et pourraient devoir être remboursées en partie si elles dépas- saient la commission acquise, selon la rémunéra- tion globale vérifiée, qui ne pouvait être détermi- née que lors de la régularisation annuelle. Il s'appuie toutefois sur le libellé du contrat. A la page 91, il dit ceci:
[TRADUCTION] La «commission escomptée» payée par l'em- ployeur aux assureurs et reçue par l'appelante en leur nom, avait, à mon sens, un caractère différent car, en vertu du contrat entre les assureurs et l'employeur, ainsi qu'il est indiqué dans le certificat d'indemnisation, il était convenu que la com mission escomptée devait être «détenue à titre de dépôt», et son emploi faisait l'objet de dispositions précises. Elle devait être imputée à la commission vérifiée lors de la régularisation annuelle qui devait se faire, mais pas avant.
A la page 92, il expose que lorsqu'une somme est payée à titre de dépôt, le bénéficiaire ne peut l'utiliser ni en jouir.
La demanderesse prétend que la somme adjugée par le jugement de 1974 et les frais alloués en 1975 par un jugement subséquent n'étaient que des dépôts. Je ne suis pas de cet avis. Ils étaient sujets à remboursement en tout ou en partie si un appel infirmait le jugement initial ordonnant leur paie- ment, mais cela ne fait pas d'eux de simples dépôts. Si, comme le prétend la demanderesse, les conditions dans lesquelles le paiement des sommes ordonnées par les jugements a été fait créaient des
rapports contractuels entre la demanderesse et la S.D.M., il ne s'agissait alors que d'un contrat soumis à une condition résolutoire qui était incer- taine et qui pouvait ne jamais se réaliser. La demanderesse était libre d'utiliser entre-temps l'ar- gent comme elle l'entendait pendant que l'appel était en cours, et n'était pas, comme l'a prétendu la demanderesse, dans la situation d'une société qui emprunte de l'argent à une banque et qui fait usage du produit de l'emprunt dans ses activités. Car dans ce cas, ce produit ne serait pas imposa- ble, puisqu'il y a alors une obligation évidente de remboursement de la somme empruntée qui, bien que ce soit une entrée de caisse pour l'emprunteur, ne constitue toutefois pas un revenu entre ses mains. La demanderesse demande aussi, à titre hypothétique, ce qui arriverait si, une fois l'impôt payé sur les sommes reçues en 1974 et 1975, la Cour d'appel déclarait que cet impôt n'aurait pas être payé pour ces années-là, mais seulement pour 1977, mais qu'elle ne pourrait obtenir redres- sement en 1977 pour les sommes payées en 1974 et 1975 que si, en 1977, elle avait suffisamment d'autres revenus dont le trop-perçu pourrait être déduit. Bien entendu, le contraire de cet argument est que si la demanderesse n'était pas tenue de payer l'impôt sur les sommes reçues en 1974 et 1975, elle aurait pu, en 1977, lorsque, selon ses prétentions, l'impôt serait devenu exigible, avoir fait faillite, et, ayant utilisé les fonds de 1974 et
1975 1977, ne paierait jamais d'impôt sur ces sommes. Ces arguments ne sont que de pures hypothèses et n'ont aucune valeur.
La demanderesse a également mentionné l'af- faire The Minister of National Revenue v. Atlan- tic Engine Rebuilders Limited', mais, encore, il s'agissait de l'imposition d'un dépôt qui avait été fait relativement à la remise en état de moteurs automobiles et qui devait être remboursé au con- cessionnaire sur livraison d'un moteur usagé du même modèle. Le jugement majoritaire de la Cour suprême, qui a confirmé le jugement du juge Thur - low, tel était alors son titre ([[1965] 1 R.C.É. 647], 64 DTC 5178), dit ceci aux pages 479 et 480 [Recueils des arrêts de la Cour suprême]:
[TRADUCTION] A mon avis, la question de fond en l'espèce est de savoir si dans la déclaration de ses bénéfices pour l'année, l'intimée aurait pu, en toute franchise, inclure la somme en question. Il me semble qu'il n'y a qu'une seule réponse possible:
3 [1967] R.C.S. 477; 67 DTC 5155.
non. Elle savait qu'il était possible qu'elle ne puisse retenir aucune partie de cette somme, et qu'il était probable que 96 pour cent de cette somme devraient être retournés aux dépo- sants dans un avenir proche. Le fait que l'intimée soit devenue la propriétaire en droit de l'argent déposé chez elle, et que cet argent n'ait pas constitué un fonds de fiducie entre ses mains ne me semble pas pertinent; on peut en dire autant de l'argent déposé par un client à une banque, lequel argent fait partie des avoirs de celle-ci, mais non de ses bénéfices. Considérer ces dépôts comme s'ils étaient des recettes commerciales ordinaires de l'intimée reviendrait à ignorer tous les faits de la situation.
Dans l'affaire Minister of National Revenue v. John Colford Contracting Company Limited 4 , le juge Kearney a tranché la question des paiements provisoires faits à un entrepreneur pour lesquels un certificat de l'ingénieur n'avait pas encore été reçu. A la page 1133, il s'exprime en ces termes:
[TRADUCTION] L'élément essentiel de la question des paie- ments provisoires est de savoir si le contribuable est fondé à ne pas tenir compte des paiements réellement reçus au cours de l'année 1953 jusqu'à la délivrance par l'architecte ou l'ingé- nieur du certificat mentionné dans le contrat.
Après avoir renvoyé à un article de la Loi de l'impôt sur le revenu et à la jurisprudence anté- rieure, il dit ceci à la page 1134:
[TRADUCTION] A mon avis, le raisonnement précédent s'ap- plique mutatis mutandis en l'espèce, et je pense que les paie- ments provisoires, qu'ils soient effectués sur demande ou autre- ment au cours d'une année relativement aux contrats en question, doivent entrer en ligne de compte dans l'année de leur réception, et on ne peut les passer sous silence en les déposant dans un compte d'attente comme c'est le cas en l'espèce.
La défenderesse invoque aussi l'affaire Meteor Homes Ltd. v. Minister of National Revenues, il est cité, à la page 1008 du jugement, le passage suivant de l'ouvrage de Mertens, Law of Federal Income Taxation, Vol. 2, chap. 12, page 132:
[TRADUCTION] Ce ne sont pas toutes les conditions qui empêchent la comptabilisation du revenu; l'éventualité doit être réelle et valable. Une condition qui suspend la création d'un droit légal de demander paiement exclut effectivement la comp- tabilisation du revenu jusqu'à ce que la condition se soit réalisée, mais la réalisation possible d'une condition résolutoire (qui entraîne la résolution d'une obligation) ne peut donner lieu à la remise à plus tard de la comptabilisation. (Les italiques sont de moi).
A la même page du jugement, il est dit ceci:
[TRADUCTION] En l'espèce, il n'existait aucune condition suspensive pour empêcher les autorités provinciales d'intenter une action contre l'appelante; et que la loi en vertu de laquelle l'action a été intentée puisse plus tard être déclarée ultra vires constituait une condition résolutoire. A mon avis, la validité
4 (1960), 60 DTC 1131 (C.E.).
5 (1960), 61 DTC 1001 (C.E.).
d'une loi doit être présumée jusqu'à preuve du contraire, et jusque-là, toute obligation monétaire qu'elle impose devrait être traitée comme une dette active.
A mon sens, on pourrait en dire autant de l'effet d'un jugement susceptible d'être infirmé en appel. A ce sujet, il a été fait mention de l'affaire pénale R. v. Hess (no 2) à la page 203 6 :
[TRADUCTION] Le jugement rendu par une cour supérieure compétente est une décision finale en elle-même qui demeure valable à moins d'être annulée en appel. Ce jugement est final quant à toutes les questions pertinentes qui y sont tranchées
Cette décision pose un principe juridique fonda- mental qui est réitéré avec insistance dans l'affaire Nouvion v. Freeman', aux pages 10 et 11:
[TRADUCTION] Bien qu'un appel puisse être en cours, une cour compétente a finalement et définitivement établi l'existence d'une dette, et ce, même si on a octroyé un droit d'appel par lequel une cour supérieure peut infirmer cette décision. A l'époque du procès, il existe un jugement qui doit être présumé valide jusqu'à ce qu'il soit modifié ou infirmé par un tribunal d'instance supérieure, et qui établit définitivement l'existence de la dette dont le recouvrement est sollicité dans ce pays.
Dans l'affaire Minister of National Revenue v. Pine Ridge Property Ltd. 8 portant sur une indem- nité d'expropriation qui a fait l'objet d'un appel, l'appel étant par la suite rejeté, le juge suppléant Sheppard dit ceci à la page 5399:
[TRADUCTION] Dans l'espèce présente, les conclusions des arbi- tres furent prononcées le 22 septembre 1966 ... et au cours de l'année d'imposition de la compagnie intimée. L'appel irreceva- ble interjeté auprès du juge Verchere ne proroge pas la date à laquelle les fonds sont exigibles.
Dans l'affaire Minister of National Revenue v. Benaby Realties Limited 9 , une autre décision en matière d'expropriation, le juge Judson s'exprime en ces termes à la page 5276:
[TRADUCTION] A mon avis, l'argument du Ministre est bien fondé. Il est vrai qu'à l'époque de l'expropriation, le contribua- ble a acquis le droit de recevoir une indemnité en remplacement du terrain, mais en l'absence d'un accord exécutoire entre les parties, ou d'un jugement fixant l'indemnité, le propriétaire n'avait pas plus qu'un droit de réclamer l'indemnité, et rien ne peut être pris en compte à titre de montant exigible en raison de l'expropriation. [C'est moi qui souligne.]
6 [1949] 4 D.L.R. 199 (C.A.C.-B.). ' (1889), 15 App. Cas. 1 (H.L.).
8 (1971), 71 DTC 5392 (C.F. l'° inst.).
9 (1967), 67 DTC 5275 (C.S.C.).
Plus loin, dans la même affaire, il dit ceci après avoir mentionné une décision britannique dont il doute qu'elle soit applicable au Canada la page 5276]:
[TRADUCTION] L'application de cette décision à la Loi de l'impôt sur le revenu canadienne est discutable. Cette décision laisse entendre que les comptes peuvent être laissés non arrêtés jusqu'à la confirmation des bénéfices résultant d'une certaine opération, et que les comptes pour une période au cours de laquelle une opération a eu lieu peuvent être rouverts après la confirmation des bénéfices.
Si la loi le prévoit, il ne saurait y avoir d'objection à cela, mais la Loi de l'impôt sur le revenu canadienne ne prévoit aucune disposition à ce sujet. Pour fins d'impôt sur le revenu, les comptes ne peuvent être laissés non arrêtés jusqu'à la détermination définitive des bénéfices.
En l'espèce, à la différence des affaires d'expro- priation, la somme due a été déterminée par le jugement du juge Ferg. Le remboursement subsé- quent par la demanderesse de la somme de $455,- 000, en 1977, la suite d'un accord prévoyant le désistement de l'appel pourrait valablement être déduit, dans la déclaration d'impôt de 1977 de la demanderesse, comme dépense encourue par celle-ci, mais cela n'affecte pas la nature imposa- ble des sommes réellement reçues en 1974 et 1975.
Dans l'affaire Picadilly Hotels Ltd. v. Her Majesty the Queen 10 , le juge Collier se livre à cette analyse à la page 6446:
[TRADUCTION] Le procès subséquent et la possibilité d'annula- tion par ordonnance judiciaire d'un contrat de vente ne sau- raient, à mon avis, changer la nature de l'opération originaire à l'époque de sa conclusion.
J'estime que la situation n'est pas non plus modifiée, parce que la demanderesse pouvait être tenue responsable, à l'égard de l'opération, en cas d'octroi éventuel de dommages-intérêts. La question de savoir si les dommages-intérêts auraient pu être compensés à même le prix de vente est discutable. Même en présumant cela, il y a quand même eu une aliénation ou vente en 1970. Le prix de vente réel aurait pu, pour d'autres fins dont celles d'impôt, devoir être modifié par la suite.
La demanderesse a fait état du jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Dominion Taxicab Association v. Minister of National Revenue". Dans cet arrêt, il y avait à déterminer la nature du dépôt de $500 fait par chaque pro- priétaire de taxi à l'association, dépôt qui devait lui être remboursé quand il quitterait l'association. La Cour suprême a jugé que ce dépôt ne devait pas
10 (1978), 78 DTC 6444 (C.F. 1fe inst.). " (1954), 54 DTC 1020 (C.S.C.).
être considéré comme un revenu. Le regretté juge Cartwright [tel était alors son titre], qui rendait le jugement de la Cour, dit ceci à la page 1022:
[TRADUCTION] ... j'estime qu'en l'espèce, l'appelante a eu raison de considérer la somme de $40,500.00 comme une dette différée envers ses membres, et que, à moins et jusqu'au moment de la réalisation des conditions nécessaires pour confé- rer la propriété absolue d'un dépôt à l'appelante, et pour éteindre donc sa dette envers le membre déposant, un tel dépôt ne saurait être légitimement considéré comme un bénéfice tiré des affaires de l'appelante.
Il s'agissait, encore une fois, d'une cause portant sur des dépôts, ce que ne sont toutefois pas, à mon avis, les paiements reçus par la demanderesse en exécution du jugement et à l'acquit des frais. Plus loin, à la page 1022, le jugement dit en outre:
[TRADUCTION] L'espèce présente se distingue de l'affaire Diamond Taxicab Association Ltd. v. Minister of National Revenue, (1952) R.C.É. 331, [52 DTC 1100] confirmée par cette Cour sans motifs écrits. Dans cette affaire-là, il a été jugé que les sommes en question avaient été payées à l'association purement et simplement à titre de partie de la contrepartie des services qu'elle avait fournis; il n'a nullement été question de dépôt.
La défenderesse soutient en outre que les sommes reçues en 1974 et 1975 doivent être inclu- ses dans le revenu et que les considérer autrement aurait pour effet indirect de créer une réserve interdite par l'alinéa 18(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Toujours selon la défenderesse, même si les sommes dont le paiement a été ordonné par le jugement n'avaient pas été payées, elles auraient constitué des sommes recevables pour le contribuable qui, en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi, devraient être déclarées comme telles.
En conclusion, compte tenu de la jurisprudence mentionnée et des faits de l'espèce, je conclus que le jugement du juge Ferg constituait une détermi- nation de la somme payable, que ladite somme a été payée en 1974, que les frais fixés par un deuxième jugement ont été versés en 1975, et que la simple possibilité que ces sommes puissent devoir être remboursées en tout ou en partie, comme cela s'est réalisé en 1977, et ce, jusqu'à concurrence de $455,000, n'aurait pas pour effet d'écarter l'obligation de les inclure dans le revenu lors de leur réception.
L'appel formé par la demanderesse contre les cotisations d'impôt sur le revenu pour ses années d'imposition 1974 et 1975 est rejeté avec dépens.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.