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A-666-78
Le registraire des marques de commerce (appe- lant)
c.
L'Association des brasseries du Canada (intimée)
Cour d'appel, juges Pratte, Ryan et juge suppléant Kerr—Ottawa, 28 janvier et 16 février 1982.
Appel d'une décision de la Division de première instance qui a accueilli l'appel de l'intimée d'une décision du registraire des marques de commerce L'intimée a demandé le dépôt de la forme et de la couleur d'une bouteille à titre de marque de certification Le registraire a rejeté la demande pour le motif que l'intimée essayait de déposer »un façonnement de .. contenants» qui, en soi, constituait un signe distinctif Le juge de première instance a jugé que le mot »marque» contenu dans la définition de l'expression marque de certification comprend un signe tel le façonnement de biens ou de leurs contenants Il échet de déterminer si tout ce qui peut être déposé à titre de marque de commerce traditionnelle (marque de commerce servant à distinguer des marchandises de celles des autres) peut aussi être déposé à titre de marque de certification (marque de commerce servant à attester que les marchandises répondent à certaines normes) Appel accueilli Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 2, 13.
APPEL. AVOCATS:
L. P. Chambers, c.r. et B. J. Hobby pour
l'appelant.
J. Fogo pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La Cour est saisie de l'appel d'un jugement de la Division de première instance [[1979] 1 C.F. 849] qui a accueilli l'appel formé par l'intimée à l'encontre d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce avait rejeté la demande de dépôt d'une marque de certification, présentée par l'intimée.
L'intimée est une association formée de sociétés canadiennes de brassage qui s'emploie à favoriser le commerce de brasserie au Canada, mais elle ne
produit ni ne vend elle-même de la bière. L'intimée a produit auprès du registraire des marques de commerce une demande de dépôt d'une marque de certification qui serait employée pour indiquer que les marchandises, en liaison avec lesquelles elle serait employée, sont fabriquées au Canada par une brasserie canadienne qui est affiliée à l'intimée ou qui est détentrice d'une licence de l'intimée. La marque se compose de la forme et de la couleur (ambre sombre) d'une bouteille qui porte l'inscrip- tion «Canada» près de sa base; elle est illustrée par le dessin qui suit, lequel a été soumis avec la demande de l'intimée:
Le registraire a rejeté la demande de l'intimée au motif que la marque de certification proposée ne pouvait être déposée parce qu'à son avis, elle constituait un signe plutôt qu'une marque, et ne pouvait donc répondre à la définition que donne d'une «marque de certification» l'article 2 de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10.
Pour comprendre la décision du registraire, il faut garder à l'esprit les définitions que donne d'une «marque de commerce», d'une «marque de certification» et d'un «signe distinctif» l'article 2:
2....
«marque de commerce» signifie
a) une marque qui est employée par une personne aux fins ou en vue de distinguer des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par elle, de marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou de services loués ou exécutés, par d'autres,
b) une marque de certification,
c) un signe distinctif, ou
d) une marque de commerce projetée;
«marque de certification» signifie une marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, des marchandises ou services qui sont d'une norme définie en ce qui concerne
a) la nature ou qualité des marchandises ou services,
b) les conditions de travail dans lesquelles les marchandises ont été produites ou les services exécutés,
c) la catégorie de personnes qui a produit les marchandises ou exécuté les services, ou
d) la région à l'intérieur de laquelle les marchandises ont été produites ou les services exécutés,
de marchandises ou services qui ne sont pas d'une telle norme définie;
«signe distinctif» signifie
a) un façonnement de marchandises ou de leurs contenants, ou
b) un mode d'envelopper ou empaqueter des marchandises,
dont la présentation est employée par une personne afin de distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises qu'elle a fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou les services loués ou exécutés par elle, des marchandises que d'autres ont fabriquées, vendues, données à bail ou louées et des services loués ou exécutés par d'autres;
Si je comprends bien la décision du registraire, celui-ci présume que l'intimée essayait de déposer «un façonnement de .. . contenants», et il décide que cela ne constitue pas une marque de certifica tion parce qu'à son avis, le mot «marque» contenu dans la définition de l'expression «marque de certi fication» doit recevoir une interprétation restrictive qui exclut le «façonnement de marchandises ou de leurs contenants» et le «mode d'envelopper ou empaqueter des marchandises».
L'intimée a fait casser cette décision par un appel devant la Division de première instance. Le juge de première instance a jugé que le mot «marque» contenu dans la définition de l'expression «marque de certification» est employé dans un sens large qui comprend un signe tel le façonnement de biens ou de leurs contenants. Il a en conséquence accueilli l'appel, annulé la décision du registraire et lui a renvoyé le dossier pour qu'il puisse rendre une décision sur la demande de l'intimée, en pre- nant comme point de départ que ce que l'intimée cherche à déposer est bien une «marque» au sens ce mot est employé dans la définition de l'ex- pression «marque de certification». L'appel porte sur cette décision.
La définition d'une «marque de commerce» que donne l'article 2 comprend quatre catégories de
marques de commerce. Toutefois, ces quatre caté- gories peuvent se diviser en deux classes: certaines marques de commerce sont employées par une personne pour distinguer ses marchandises de celles d'autres personnes, alors que d'autres mar- ques de commerce sont employées pour certifier que des biens rencontrent une certaine norme. Les marques de commerce qui tombent dans cette deuxième classe s'appellent maintenant des «mar- ques de certification»; quant aux premières, je vais les appeler les «marques de commerce traditionnel- les». La principale question en litige dans cet appel est de savoir si tout ce qui peut être enregistré à titre de marque de commerce traditionnelle peut aussi être déposé à titre de marque de certification. Si j'ai bien compris son jugement, le juge de première instance a répondu à cette question par l'affirmative parce qu'il n'a pu trouver aucun motif de conclure que le mot «marque», contenu dans la définition de l'expression «marque de certifica tion», n'est pas employé dans son sens le plus large et qu'il n'a trouvé aucun motif à l'appui de la conclusion selon laquelle le Parlement avait l'in- tention d'exclure du dépôt à titre de marque de certification, un signe tel un façonnement de con- tenant. En toute déférence, je ne peux partager son avis.
Lorsqu'on lit ensemble les définitions de «marque de commerce» et de «marque de certifica tion», il est évident qu'une marque de commerce traditionnelle peut consister soit en une marque ou en un signe', alors qu'au contraire, une marque de certification est nécessairement une marque. Cela me porte fortement à conclure qu'un signe ne peut être déposé à titre de marque de certification. S'il en était autrement, le même mot «marque» serait employé dans deux sens différents dans les défini- tions de «marque de commerce» et de «marque de certification». Que le même mot soit employé à l'intérieur du même article de la Loi dans deux sens différents ne me semble pas impossible, mais me paraît tout de même fort peu probable. Je dois reconnaître que le mot «marque» est employé dans d'autres articles de la Loi dans un sens très large; toutefois, dans tous ces cas, le contexte indique que le mot n'est pas employé dans un sens restreint. En
' Dans ces motifs, j'emploie le mot «signe» au sens de «façon- nement de marchandises ou de leurs contenants» ou de «mode d'envelopper ou empaqueter des marchandises».
l'espèce, le contexte indique le contraire. Le con- texte dans lequel le mot «marque» est employé dans les définitions de «marque de commerce» et de «marque de certification» semble indiquer que ce mot est employé dans un sens restreint qui exclut un signe.
De plus, il ressort d'autres dispositions de la Loi que le Parlement avait l'intention d'exclure un signe du dépôt à titre de marque de certification. La définition de «marque de commerce» comprend deux types de marques de commerce traditionnel- les: le type décrit à l'alinéa a) de la définition et le type appelé «signe distinctif». Il en est ainsi parce que la Loi contient des règles spéciales qui ne s'appliquent qu'aux signes distinctifs sans toutefois viser les autres types de marques de commerce traditionnelles ou les marques de certification. On trouve ces règles spéciales à l'article 13:
13. (1) Un signe distinctif n'est enregistrable que si
a) le signe a été employé au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenu distinctif à la date de la production d'une demande d'enregistrement le concernant, et que si
b) l'emploi exclusif, par le requérant, de ce signe distinctif en liaison avec les marchandises ou services avec lesquels il a été employé n'a pas vraisemblablement pour effet de restreindre de façon déraisonnable le développement d'un art ou d'une industrie.
(2) Aucun enregistrement d'un signe distinctif ne gêne l'em- ploi de toute particularité utilitaire incorporée dans le signe distinctif.
(3) L'enregistrement d'un signe distinctif peut être rayé par la Cour fédérale du Canada, sur demande de toute personne intéressée, si la cour décide que l'enregistrement est vraisembla- blement devenu de nature à restreindre d'une façon déraisonna- ble le développement d'un art ou d'une industrie.
Il me semble que l'existence de ces règles s'ex- plique par les conséquences graves qui peuvent découler de l'octroi d'un monopole pour l'emploi d'un signe en liaison avec des biens. Que ce signe soit employé comme marque de commerce tradi- tionnelle ou comme marque de certification, les conséquences qui résultent de l'octroi d'un mono- pole sont les mêmes. Si le Parlement avait eu l'intention qu'un signe employé en liaison avec des biens puisse être déposé à titre de marque de certification, il n'aurait pas limité l'application des règles contenues à l'article 13 aux «signes distinc- tifs»; il aurait étendu l'application de ces règles aux marques de certification qui consistent en un signe employé en liaison avec des biens.
Par ces motifs, je pense qu'un signe ne peut être déposé à titre de marque de certification.
Puisque je crois que la marque de certification que l'intimée voulait déposer est soit «un façonne- ment de marchandises ou de leurs contenants» ou «un mode d'envelopper ou empaqueter des mar- chandises», j'accueille l'appel, je casse le jugement de la Division de première instance et je rétablis la décision par laquelle le registraire a rejeté la demande de l'intimée. J'accorde à l'appelant les frais, à la fois devant cette Cour et devant la Division de première instance.
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris à ces motifs.
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