A-519-81
Hardev Singh (requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(intimé)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et juge suppléant
MacKay—Toronto, 18 novembre 1981 et 25 jan-
vier 1982.
Contrôle judiciaire — Demandes d'examen — Immigration
— Dépôt, dans les délais, de la demande de réexamen du
statut de réfugié — Documents devant accompagner la
demande — L'intimé fait valoir que le requérant n'a pas
déposé sa demande dans le délai prescrit par l'art. 40(1) du
Règlement sur l'immigration de 1978, savoir 15 jours après
que le Ministre lui eut fait connaître sa décision — Rien dans
le dossier n'indique que le délai de 15 jours n'ait pas été
respecté — La Commission d'appel de l'immigration a rejeté
la demande, le requérant n'ayant pas déposé la déclaration
sous serment comme l'exige l'art. 70(2) de la Loi sur l'immi-
gration de 1976 — L'intimé soutient que la Commission est
tenue d'instruire la demande seulement si celle-ci est accom-
pagnée de la déclaration — Il échet de déterminer si la
disposition relative au dépôt de la déclaration sous serment est
impérative — La demande d'annulation de la décision rendue
par la Commission est rejetée — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2 » Supp.), c. 10, art. 28 — Loi sur l'immigration
de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 70(1),(2), 71(1) — Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, art.
11 — Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172,
art. 40(1).
Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation de la
décision par laquelle la Commission d'appel de l'immigration a
rejeté une demande de réexamen du statut de réfugié. Le
requérant n'a pas déposé sa déclaration sous serment comme
l'exige le paragraphe 70(2) de la Loi sur l'immigration de
1976. L'intimé fait valoir que la Commission n'est tenue d'ins-
truire la demande prévue au paragraphe 71(1) que s'il s'agit de
la demande visée au paragraphe 70(2), le paragraphe 71(1)
faisant état de la «demande visée au paragraphe 70(2)». Par
conséquent, comme la demande n'est pas accompagnée de la
déclaration, l'obligation, qui incombe à la Commission en vertu
du paragraphe 71(1), d'«examiner [la demande]» ne s'applique
pas. Il échet de déterminer si la disposition portant que la
déclaration sous serment doit être déposée avec la demande de
réexamen est impérative.
Arrêt: la demande est rejetée.
Le juge Heald dissident: Le dossier n'indique nullement que
la demande de réexamen a été signifiée après les 15 jours
prévus par le paragraphe 40(1) du Règlement. En vertu du
paragraphe 71(1), la Commission est tenue d'«examiner [la
demande]», laquelle est la «demande visée au paragraphe
70(2)». Cependant, ce dernier paragraphe définit la «demande»
comme la «demande présentée ... en vertu du paragraphe (1)».
Ainsi, c'est la demande prévue au paragraphe 70(1) qui doit
être examinée par la Commission. Sous le régime de la loi
antérieure à la Loi sur l'immigration de 1976, les documents à
joindre à la demande étaient essentiellement les mêmes que
ceux prévus aux alinéas 70(2)a) à d) (sauf que l'ancienne Loi
ne prévoyait pas l'interrogatoire sous serment et qu'une copie
de cet interrogatoire n'était pas nécessaire). Aux termes de
l'ancienne Loi, la Commission était tenue d'examiner la décla-
ration, tandis que le paragraphe 71(1) de la nouvelle Loi
prévoit que la Commission examine la demande. L'emploi du
mot «demande» constitue une modification qui a «un but», et
signifie clairement que la demande de statut de réfugié au sens
de la Convention doit être examinée par la Commission, qu'elle
soit accompagnée ou non des documents énumérés au paragra-
phe 70(2).
Le juge Urie: Il y a lieu, pour les motifs exposés par le juge
Heald, de rejeter l'argument de l'intimé selon lequel le requé-
rant n'a pas fait sa demande de réexamen dans les délais. Pour
interpréter la loi applicable, il ne faut jamais oublier que la
Commission a pour rôle de juger si «le demandeur pourra
vraisemblablement ... établir le bien-fondé [de sa demande] à
l'audition». La Commission n'était pas en mesure de décider si
oui ou non il y a lieu de donner suite à la revendication du
statut de réfugié au sens de la Convention si elle n'était pas au
courant des preuves produites à l'appui. En l'absence de ces
renseignements, il se peut que la Commission ne soit pas en
mesure de s'acquitter de l'obligation, qu'elle tient de la loi, de
décider si l'appel doit suivre son cours. La Commission a eu
raison de conclure que faute de la déclaration sous serment, elle
ne pouvait recevoir l'appel, bien qu'elle y ait vu un défaut de
compétence, ce dont on doute. La demande visée au paragraphe
70(2) est la demande «accompagnée» de la copie de l'interroga-
toire et de la déclaration. C'est par la même formulation que le
législateur a prévu l'annexion à la demande d'une copie de
l'interrogatoire et d'une déclaration. Par conséquent, si cette
formulation est interprétée comme signifiant qu'une déclaration
n'est pas essentielle, un requérant pourrait choisir aussi de ne
pas produire la copie de l'interrogatoire. Si l'on ne voyait dans
le paragraphe 70(2) qu'une disposition facultative, la Commis
sion pourrait, pour décider s'il y a lieu de donner suite à
l'affaire, n'avoir à sa disposition que les documents qui sont
favorables au requérant. Il n'est toutefois pas nécessaire que la
demande et la déclaration soient déposées en mime temps,
pourvu que celle-ci soit produite avant que la Commission n'ait
fini d'instruire la demande. Le paragraphe 70(2) prévoit que la
déclaration doit être produite, et, en ce sens, on peut dire que
cette disposition est impérative. Bien que le requérant soit seul
juge de l'étendue des renseignements qu'il doit fournir pour se
conformer aux alinéas a) à d), si ces renseignements sont
insuffisants, il court le risque d'un résultat qui ne serait pas à
son avantage.
Le juge suppléant MacKay: Bien qu'il soit possible que
certaines dispositions de l'article 70 soient facultatives, celle
portant que la déclaration sous serment doit être déposée avec
la demande de réexamen est impérative. Ceci découle de l'em-
ploi du mot «doit» au paragraphe 70(2). Rien dans la loi ni dans
d'autres textes ne permet à la Commission d'écarter l'exigence
d'une déclaration.
Jurisprudence: arrêt mentionné: Brayhead (Ascot) Ltd. c.
Berkshire County Council [1964] 2 Q.B. 303. Arrêt exa-
miné: Bathurst Paper Ltd. c. Le Ministre des Affaires
municipales de la province du Nouveau-Brunswick [1972]
R.C.S. 471.
DEMANDE de contrôle judiciaire.
A COMPARU:
Hardev Singh pour son propre compte.
AVOCATS:
Robert Hubbard pour l'intimé.
REQUÉRANT POUR SON PROPRE COMPTE:
Hardev Singh, Toronto.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD (dissident): Il s'agit en l'espèce
d'une demande, fondée sur l'article 28, d'examen
et d'annulation de la décision en date du 2 septem-
bre 1981 de la Commission d'appel de l'immigra-
tion qui a rejeté la demande de réexamen du statut
de réfugié présentée par le requérant. La Commis
sion n'a pas reçu la demande du requérant [TRA-
DUCTION] «par ce motif qu'il n'a pas déposé la
déclaration prévue au paragraphe 70(2) de la Loi
sur l'immigration de 1976 et que le dossier est
incomplet» (annexe I du dossier conjoint, page 4).
Elle a donc déclaré la demande irrecevable parce
qu'à son avis, elle n'avait pas compétence pour
instruire au fond cette demande, parce que celle-ci
n'était pas accompagnée de la déclaration prévue
au paragraphe 70(2) précité'.
L'article 70 de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, c. 52, est ainsi conçu:
70. (1) La personne qui a revendiqué le statut de réfugié
au sens de la Convention et à qui le Ministre a fait savoir par
écrit, conformément au paragraphe 45(5), qu'elle n'avait pas
ce statut, peut, dans le délai prescrit, présenter à la Commis
sion une demande de réexamen de sa revendication.
(2) Toute demande présentée à la Commission en vertu du
paragraphe (I) doit être accompagnée d'une copie de l'inter-
rogatoire sous serment visé au paragraphe 45(1) et contenir
ou être accompagnée d'une déclaration sous serment du
demandeur contenant
a) le fondement de la demande;
b) un exposé suffisamment détaillé des faits sur lesquels
repose la demande;
c) un résumé suffisamment détaillé des renseignements et
des preuves que le demandeur se propose de fournir à
l'audition; et
d) toutes observations que le demandeur estime pertinen-
tes.
A l'appui de la décision de la Commission,
l'avocat de l'intimé fait valoir en premier lieu que
le requérant n'a pas déposé sa demande de réexa-
men dans le délai prescrit par le paragraphe 40(1)
du Règlement sur l'immigration de 1978,
DORS/78-172, savoir 15 jours après que le Minis-
tre lui eut fait connaître sa décision, et que la
Commission a eu raison de ne pas retenir compé-
tence par ce motif comme par le motif rappelé plus
haut. Il ressort des motifs de la Commission que ce
n'est pas par ce motif qu'elle a refusé d'exercer sa
compétence. Je ne saurais donc accueillir cet argu
ment puisque rien dans le dossier produit n'indique
que le délai de 15 jours n'a pas été respecté. La
lettre par laquelle le Ministre a signifié au requé-
rant sa conclusion que ce dernier n'était pas un
réfugié au sens de la Convention, est datée du 16
juin 1981 et lui a été signifiée à personne le 9
juillet 1981. Le paragraphe 40(1) du Règlement
prévoit que la demande de réexamen doit être
présentée à la Commission dans les 15 jours de la
réception par le requérant de la signification, par
écrit, de la décision du Ministre. Ce paragraphe
prévoit aussi que la demande doit être faite par
écrit et remise à un agent d'immigration ou dépo-
sée auprès de la Commission. En l'espèce, la
demande de réexamen est datée du 23 juillet 1981
(dossier conjoint, page 16), donc dans le délai de
quinzaine, et le dossier n'indique nullement qu'elle
a été signifiée après les 15 jours prévus par le
paragraphe 40(1) du Règlement. En conséquence,
comme la date de la demande se trouve à l'inté-
rieur du délai de quinzaine, je ne suis pas disposé,
faute de preuve contraire, à conclure à une infrac
tion au paragraphe 40(1) du Règlement, laquelle
empêcherait la Commission de connaître de cette
demande. Je rejetterais donc ce premier argument
de l'avocat de l'intimé.
A titre de deuxième argument, l'avocat de l'in-
timé soutient que la Commission n'est tenue d'ins-
truire la demande prévue au paragraphe 71(1) de
la Loi sur l'immigration de 1976 que s'il s'agit de
la demande visée au paragraphe 70(2) (précité) de
la même Loi, le paragraphe 71(1) faisant état de
la «demande visée au paragraphe 70(2)». Il en
conclut que le paragraphe 71(1) ne vise que les
demandes conformes au paragraphe 70(2), et
comme en l'espèce la demande n'est pas accompa-
gnée de la déclaration visée au paragraphe 70(2),
que l'obligation faite à la Commission par le para-
graphe 71(1) d'«examiner [la demande]» ne s'ap-
plique pas aux faits de la cause.
Je ne saurais accueillir cet argument. Le para-
graphe 71(1) de la Loi sur l'immigration de 1976
est rédigé en ces termes:
71. (1) La Commission, saisie d'une demande visée au para-
graphe 70(2), doit l'examiner sans délai. A la suite de cet
examen, la demande suivra son cours au cas où la Commission
estime que le demandeur pourra vraisemblablement en établir
le bien-fondé à l'audition; dans le cas contraire, aucune suite
n'y est donnée et la Commission doit décider que le demandeur
n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
Par ce paragraphe, la Commission est tenue
d'«examiner [la demande]», laquelle est la
«demande visée au paragraphe 70(2)». Cependant,
ce dernier paragraphe définit la «demande» comme
la «demande présentée ... en vertu du paragraphe
(1)». Ainsi, c'est la demande prévue au paragraphe
70(1) qui doit être examinée par la Commission.
C'est pour identifier de façon précise la demande
qu'elle «doit . .. examiner sans délai», c'est-à-dire
celle prévue au paragraphe 70(1), que le paragra-
phe 71(1) fait référence au paragraphe 70(2).
Avant la promulgation de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976, qui investit la Commission d'appel de
l'immigration du pouvoir de contrôler, sur
demande, les décisions du Ministre relatives au
statut de réfugié au sens de la Convention, la
Commission avait compétence en la matière lors-
qu'elle était saisie d'un appel formé contre une
ordonnance d'expulsion, sous le régime de l'article
11 de la Loi sur la Commission d'appel de l'im-
migration, S.R.C. 1970, c. I-3. Les alinéas 11(2)a)
à d) inclusivement de cette dernière Loi énumé-
raient les documents à joindre à la demande. Il
s'agit essentiellement des mêmes documents que
ceux qui sont prévus aux alinéas a) à d) inclusive-
ment du paragraphe 70(2). La seule différence
tient à ce que la Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration (précitée) ne prévoyait pas l'interro-
gatoire sous serment et que, par suite, le paragra-
phe 11(2) ne précisait pas que la demande devait
être accompagnée d'une copie de l'interrogatoire,
alors que sous le régime de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976, le Ministre rend une décision pré-
liminaire sur le statut de réfugié, et un agent
d'immigration supérieur doit procéder à un inter-
rogatoire sous serment (paragraphe 45(1)). Cepen-
dant, lorsqu'on compare les dispositions impérati-
ves qui régissent l'instruction par la Commission,
on note une différence importante de libellé entre
les deux articles. Le paragraphe 11(3) de l'an-
cienne Loi sur la Commission d'appel de l'immi-
gration enjoint à un groupe de membres de la
Commission formant quorum d'«immédiatement
examiner la déclaration mentionnée au paragraphe
(2) i ...» i tandis que i le i paragraphe 71(1) de la
nouvelle Loi prévoit que la Commission doit «...
examiner sans délai [la demande] ...» (c'est moi
qui souligne dans les deux cas). Sous le régime de
l'ancienne Loi, la Commission n'avait, pour éclai-
rer sa décision, que la déclaration; maintenant, elle
peut consulter la copie de l'interrogatoire sous
serment (qui, en l'espèce, a été versée au dossier et
mise à sa disposition) et aussi la déclaration visée
au paragraphe 70(2), si elle est versée au dossier.
Ainsi donc, ce que prévoit la nouvelle Loi, c'est
l'examen de la demande, et non de la déclaration.
Selon la jurisprudence bien établie, «Il est rai-
sonnable de croire que les modifications aux lois
ont un but, à moins que des indices intrinsèques,
ou des indices extrinsèques recevables, démontrent
qu'on n'ait voulu qu'en polir le stylez. A mon avis,
l'emploi du mot «demande» constitue une modifi
cation qui a «un but», et signifie clairement que la
demande de statut de réfugié au sens de la Con
vention doit être examinée par la Commission,
qu'elle soit accompagnée ou non des documents
énumérés au paragraphe 70(2). Il est fort possible
que si le requérant ne joint pas à sa demande la
déclaration prévue au paragraphe 70(2), il risque
d'indisposer la Commission. Dans les cas cepen-
dant où les faits sont bien établis par l'interroga-
toire sous serment, il serait superflu d'exiger la
production d'une déclaration qui ne ferait que les
répétera. Quoi qu'il en soit, j'estime qu'il s'agit là
2 Citation tirée du jugement rendu par le juge Laskin (tel
était alors son titre) dans Bathurst Paper Ltd. c. Le Ministre
des Affaires municipales de la province du Nouveau-Bruns-
wick [1972] R.C.S. 471, aux pp. 477 et 478.
3 Dans nombre de recours fondés sur l'article 28 contre les
décisions similaires que la Commission d'appel de l'immigra-
tion a rendues en vertu du paragraphe 71(1), j'ai constaté que
par la déclaration requise par le paragraphe 70(2), le requérant
se contentait de dire qu'il s'en remettait à la copie de l'interro-
d'une question de jugement et qu'il appartient au
requérant de prendre la décision. En l'espèce, la
copie de l'interrogatoire sous serment a été versée
au dossier et la Commission est tenue de la pren-
dre en considération. Que le défaut de production
d'une déclaration par le requérant soit délibéré ou
accidentel, cette omission ne tire pas à consé-
quence puisque, à mon avis, elle n'empêche pas la
Commission d'exercer la compétence qu'elle tient
du paragraphe 71(1) ni de prendre la conclusion à
laquelle elle est tenue par ce paragraphe.
En l'espèce, le requérant a joint à sa demande la
copie de l'interrogatoire, mais non la déclaration.
Quelle eût été la situation s'il n'avait déposé ni la
copie de l'interrogatoire ni la déclaration, ou bien,
s'il avait déposé la déclaration, mais non la copie
de l'interrogatoire? J'estime que dans l'une et l'au-
tre de ces deux hypothèses, la Commission aurait
eu compétence pour instruire la demande, et doit
le faire. Dans le cas où la Commission n'a devant
elle ni copie de l'interrogatoire ni déclaration, je
pense qu'elle rejetterait fort probablement la
demande faute de documents à l'appui. Cepen-
dant, la seconde hypothèse susmentionnée présente
plus de difficultés. Voici comment j'interprète le
dessein de la Loi: c'est d'abord le Ministre qui
rend une conclusion préliminaire sur le- statut de
réfugié (article 45). Le paragraphe 45(1) prévoit
que le requérant doit être interrogé sous serment à
propos de sa revendication de ce statut. La copie
de cet interrogatoire est alors transmise au comité
consultatif sur le statut de réfugié qui conseille le
Ministre à ce sujet. Ce dernier décide alors si
l'intéressé est ou non un réfugié au sens de la
Convention. Les articles 70 et 71 prévoient la,
procédure qui régit le réexamen du statut de réfu-
gatoire sous serment. Pareille déclaration, n'est donc pas con-
forme aux prescriptions des alinéas 70(2)a), b) et c). Je laisse
de côté l'alinéa 70(2)d), dont la prescription n'est pas impéra-
tive. Pour autant que je sache, la Commission n'a décliné
compétence.dans aucune de ces affaires par ce motif que les
prescriptions des alinéas 70(2)a), b) et c) n'avaient pas été
respectées. Je ne vois rien qui distingue le cas où aucune
déclaration n'a été déposée, du cas où la déclaration est viciée
dans la mesure où les dispositions du paragraphe 70(2) n'ont
pas été suivies. Récemment, j'ai vu un cas où la Commission a
retenu compétence et a jugé la demande au fond, bien que le
requérant eût déposé un document manuscrit de quatre pages,
avec pièces jointes, sans date et sans prestation de serment,
alors que le paragraphe 70(2) requiert une déclaration sous
serment. (Voir Singh c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immi-
gration, numéro du greffe A-544-81, annexe I du dossier
conjoint, page 4.)
gié par la Commission d'appel de l'immigration.
La Commission contrôle, en effet, la décision du
Ministre, laquelle était fondée sur: a) la copie de
l'interrogatoire sous serment, et b) les recomman-
dations du comité consultatif sur le statut de réfu-
gié qui a, lui aussi, étudié la copie de l'interroga-
toire. Cette copie est donc un document important
dans le processus de décision suivi par le Ministre.
Cependant, quand l'affaire passe devant la Com
mission pour réexamen, les alinéas 70(2)a) et b)
autorisent le requérant à répéter, s'il le souhaite,
chacun des faits relatés dans l'interrogatoire sous
serment, et même à en ajouter d'autres. Il s'ensuit
que dans certains cas où la copie de l'interroga-
toire n'a pas été produite mais où la déclaration a
été déposée, il se peut que celle-ci soit bien plus
détaillée que celle-là. Il est vrai que la déclaration
ne donne pas lieu à un contre-interrogatoire, tandis
que lors de l'interrogatoire sous serment, le requé-
rant est interrogé dans le détail par un agent
d'immigration supérieur. Toutefois, c'est à la
Commission de décider, à la lumière des faits de la
cause, quelle valeur elle accorde à la déclaration
présentée en vertu du paragraphe 70(2), en l'ab-
sence de la copie de l'interrogatoire, et à mon avis,
elle a compétence pour le faire.
Par ces motifs, j'accueillerais la demande fondée
sur l'article 28, annulerais la décision en date du 2
septembre 1981 de la Commission d'appel de l'im-
migration et lui renverrais l'affaire pour instruc
tion de la demande telle qu'elle a été déposée 4 .
* * *
4 Je sais que par cette décision, j'ai en fait conclu que le mot
«doit», qui figure au paragraphe 70(2), devrait s'interpréter
comme dénotant une directive et non une obligation. Je suis
arrivé à cette conclusion après avoir considéré l'objet et la
portée de la Loi sur l'immigration de 1976, du moins en ce qui
concerne la décision sur le statut de réfugié et le réexamen de
cette décision. L'objet de la Loi, c'est que quiconque revendique
le statut de réfugié au sens de la Convention, et se le voit
refuser par le Ministre, a le droit, pourvu que sa demande soit
présentée dans les délais, de faire réviser par la Commission
d'appel de l'immigration cette décision relative à son statut. Si
l'on interprète le mot «doit» du paragraphe 70(2) comme
marquant une obligation, on refuse à tout requérant qui ne
dépose pas la copie de l'interrogatoire ou la déclaration, ou qui
produit une déclaration non conforme aux alinéas 70(2)a) à c),
le droit de faire entendre sa demande de réexamen au fond.
Étant donné que nombre de ces requérants ne connaissent pas
très bien les lois, procédures et usages canadiens, et que dans
bien des cas, ils ne connaissent bien ni l'une ni l'autre langue
officielle et n'ont, très souvent, aucun conseil juridique pour la
rédaction de leur demande fondée sur le paragraphe 70(1), il
semble peu probable que le législateur ait entendu priver ceux
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: J'ai pris connaissance des motifs
du jugement prononcés par le juge Heald. Je con-
viens qu'il y a lieu, par les motifs qu'il a exposés,
de rejeter l'argument de l'intimé selon lequel le
requérant n'a pas fait sa demande de réexamen
dans les délais. Je ne saurais cependant, sauf le
respect que je lui dois, souscrire à la décision qu'il
entend réserver à la demande fondée par le requé-
rant sur l'article 28, en accueillant son deuxième
motif de recours contre la décision de la Commis
sion d'appel de l'immigration (désignée ci-dessous
«la Commission»). Voici les raisons qui motivent
mon désaccord.
Pour plus de commodité, je reproduis ci-dessous
les paragraphes applicables de la Loi sur l'immi-
gration de 1976, bien que mon collègue le juge
Heald les ait déjà cités dans les motifs de son
jugement:
70. (1) La personne qui a revendiqué le statut de réfugié au
sens de la Convention et à qui le Ministre a fait savoir par écrit,
conformément au paragraphe 45(5), qu'elle n'avait pas ce
statut, peut, dans le délai prescrit, présenter à la Commission
une demande de réexamen de sa revendication.
(2) Toute demande présentée à la Commission en vertu du
paragraphe (1) doit être accompagnée d'une copie de l'interro-
gatoire sous serment visé au paragraphe 45(1) et contenir ou
être accompagnée d'une déclaration sous serment du deman-
deur contenant
a) le fondement de la demande;
b) un exposé suffisamment détaillé des faits sur lesquels
repose la demande;
c) un résumé suffisamment détaillé des renseignements et des
preuves que le demandeur se propose de fournir à l'audition;
et
d) toutes observations que le demandeur estime pertinentes.
71. (1) La Commission, saisie d'une demande visée au para-
graphe 70(2), doit l'examiner sans délai. A la suite de cet
examen, la demande suivra son cours au cas où la Commission
d'entre eux qui n'observent pas à la lettre les conditions du
paragraphe 70(2), d'une instruction complète et équitable de
leur demande par la Commission. En outre, si l'on interprète le
paragraphe 70(2) comme créant une obligation, le fait de ne
pas “accompagner» la demande de la copie de l'interrogatoire et
de la déclaration, peut constituer aussi une omission rédhibi-
toire. Le cas pourrait bien se produire où la demande et la copie
de l'interrogatoire et la déclaration soient toutes déposées dans
le délai, mais pas ensemble. Il va de soi qu'une irrégularité si
minime et qui ne tire pas à conséquence, ne devrait pas vicier la
demande et priver la Commission de sa compétence pour
entendre la cause (voir Maxwell on the Interpretation of
Statutes, 12 e édition, pages 314 et 315).
estime que le demandeur pourra vraisemblablement en établir
le bien-fondé à l'audition; dans le cas contraire, aucune suite
n'y est donnée et la Commission doit décider que le demandeur
n'est pas un réfugié au sens de la Convention.
Pour interpréter ces paragraphes, il ne faut
jamais oublier que la Commission a pour rôle de
juger si «le demandeur pourra vraisemblablement
... établir le bien-fondé [de sa demande] à l'audi-
tion ...»„ et si elle parvient à cette conclusion, de
permettre à la demande de suivre son cours. Il
s'agit en quelque sorte d'un processus d'instruction
préliminaire dont le résultat, on ne saurait trop
insister là-dessus, est d'une importance capitale
pour le requérant. Que le législateur ait reconnu
l'importance de ce processus, voilà qui ressort,
comme le juge Heald l'a souligné, du fait que la
Loi actuellement en vigueur ajoute plusieurs
étapes obligatoires à la procédure de réexamen que
prévoyait la Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration, abrogée à l'heure actuelle.
Un agent d'immigration supérieur doit procéder
à un interrogatoire sous serment si, au cours de
l'enquête, le requérant revendique le statut de
réfugié au sens de la Convention (paragraphe
45(1)). La revendication et la copie de l'interroga-
toire sous serment doivent être transmises au
Ministre pour décision (paragraphe 45(2)).
Celui-ci doit les soumettre au comité consultatif
sur le statut de réfugié, et sur réception de l'avis du
comité, déterminer si oui ou non la personne est un
réfugié au sens de la Convention (paragraphe
45(4)). Ces dispositions ne figuraient ni à la Loi
sur la Commission d'appel de l'immigration, ni à
la Loi sur l'immigration, S.R.C. 1952 (Supp.), c.
325.
Comme le juge Heald l'a fait remarquer aussi,
celui qui se prévalait de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration pour interjeter appel
devant cette Commission en revendiquant le statut
de réfugié visé par la Convention, était tenu de
joindre à son avis d'appel des documents qui sont
essentiellement les mêmes que les documents
prévus aux alinéas 70(2)a) à d) inclusivement. La
Loi actuellement en vigueur prévoit qu'en cas de
rejet par le Ministre de la revendication du statut
de réfugié au sens de la Convention, la demande de
réexamen adressée à la Commission «doit être
accompagnée» d'une copie de l'interrogatoire sous
serment et «contenir ou être accompagnée d'une
déclaration sous serment du demandeur" (para-
graphe 70(2)).
Comme indiqué plus haut, il incombe entre
autres à la Commission lorsqu'elle décide s'il y a
lieu de donner suite à l'appel, de prendre en consi-
dération la déclaration contenant tous les éléments
dont font état les alinéas a) à d) du paragraphe
70(2). L'alinéa c), par exemple, prévoit l'inclusion
dans cette déclaration d'«un résumé suffisamment
détaillé des renseignements et des preuves que le
demandeur se propose de fournir à l'audition»
[c'est moi qui souligne]. La Commission est-elle en
mesure de décider si oui ou non, il y a lieu de
donner suite à la revendication du statut de réfugié
au sens de la Convention si elle n'est pas au
courant des preuves produites à l'appui (et dont
l'ampleur est laissée au jugement du requérant)?
Je ne le pense pas. Il faut présumer que le législa-
teur a voulu faire de cette condition un élément
important du processus de décision de la Commis
sion quant à la question de savoir si elle devait
procéder à une audition complète. En l'absence de
ces renseignements, ainsi que des renseignements
dont les autres alinéas du paragraphe 70(2)
requièrent l'inclusion dans la déclaration, il se peut
que la Commission ne soit pas en mesure de
s'acquitter de l'obligation, qu'elle tient de la loi, de
décider si l'appel doit suivre son cours. Il s'ensuit à
mon avis que la Commission a eu raison de con-
clure que faute de la déclaration sous serment, elle
ne pouvait recevoir l'appel, bien qu'elle y ait vu un
défaut de compétence, ce dont je doute. Ce qui
importe en l'espèce, ce n'est pas la qualification de
la cause, mais bien la justesse de la décision qu'a
rendue la Commission en refusant de donner suite
à l'affaire.
Ma conviction est d'autant plus renforcée par le
libellé du paragraphe 71(1), qui s'ouvre sur ces
mots: «La Commission, saisie d'une demande visée
au paragraphe 70(2) ...». La demande visée par ce
dernier paragraphe n'est pas la «demande» prévue
au paragraphe 70(1); mais cette demande «accom-
pagnée» de la copie de l'interrogatoire, et qui doit
«contenir» une déclaration ou en être «accompa-
gnée». Ainsi donc, la demande que le paragraphe
71(1), commande à la Commission d'«examiner
sans délai ...», c'est la demande accompagnée de
la copie de l'interrogatoire et contenant la déclara-
tion ou accompagnée de cette dernière, et non la
«demande» tout court.
Ma conviction se trouve encore raffermie par
l'impératif du paragraphe 70(2), savoir que la
demande soit «accompagnée» d'une copie de l'in-
terrogatoire et doive «contenir ou être accompa-
gnée» d'une déclaration. C'est pratiquement par la
même formulation que le législateur a prévu l'an-
nexion à la demande d'une copie de l'interroga-
toire et d'une déclaration. Puisqu'il en est ainsi, les
conséquences découlant de l'inclusion ou du défaut
d'inclusion devraient être les mêmes. Si le requé-
rant peut se prévaloir de pareille interprétation
pour choisir de ne pas déposer de déclaration, il
pourra choisir de ne pas produire la copie de
l'interrogatoire. Ainsi donc, si le requérant esti-
mait que la copie de l'interrogatoire sous serment
renferme des preuves qui lui sont défavorables, il
pourrait choisir de la garder par-devers soi, et de
ne soumettre qu'une déclaration qui l'avantage. Si
l'on voit dans le paragraphe 70(2) une disposition
facultative et non impérative, la Commission peut,
pour décider s'il y a lieu de donner suite à l'affaire,
n'avoir à sa disposition, conformément au choix du
requérant, que les documents qui sont favorables à
ce dernier, et non ceux qui lui nuisent. L'aptitude
de la Commission à rendre une décision juste à la
lumière de tous les documents en serait limitée, et
elle ne serait plus à même de remplir le mandat
que la loi lui confie. Pareille limitation des pou-
voirs de la Commission n'est certainement pas
prévue par le législateur pour ce qui est du nouvel
examen des décisions du Ministre.
Cela ne signifie pas qu'il faut déposer la
demande et la déclaration en même temps, faute
de quoi la demande serait rejetée. Pour autant que
la demande soit déposée dans le délai prévu par le
Règlement (paragraphe 40(1)), il n'est pas néces-
saire de produire la déclaration en même temps
pour se conformer aux articles pertinents de la loi.
Lorsque la loi requiert que la demande soit accom-
pagnée d'une déclaration, il s'agit, à mon avis,
d'une directive; aussi n'est-il pas à craindre que les
prescriptions du paragraphe 70(2) doivent être
observées à la lettre. Ce que prévoit le paragraphe
71(1), c'est, à mon avis, que la demande (avec la
copie de l'interrogatoire sous serment et la déclara-
tion) soit instruite sans délai. Si la déclaration est
produite avant que la Commission n'ait fini d'ins-
truire la demande, que cette déclaration ait été
déposée en même temps que la demande ou après,
elle doit être prise en considération. Cela fait
partie de l'obligation imposée par le paragraphe
71(1) à la Commission.
On peut tenir le même raisonnement en ce qui
concerne la crainte que la Commission ne décide
que le requérant ne s'est pas conformé comme il
convient aux alinéas a) à d) inclusivement.
Comme indiqué plus haut, il importe au plus haut
point de ne pas oublier que la Commission est
requise par le paragraphe 71(1) de juger si à
l'audition, le demandeur pourra vraisemblable-
ment établir le bien-fondé de sa demande. Il
appert que le paragraphe 70(2) a été formulé de
façon à garantir que le requérant fournira à la
Commission les renseignements nécessaires pour
qu'elle puisse se faire une opinion en connaissance
de cause. Comme je l'ai dit, le paragraphe 70(2)
prévoit que la déclaration doit être produite par le
requérant et, en ce sens, on peut dire que cette
disposition est impérative. Cependant, le requérant
est seul juge de l'étendue des renseignements qu'il
doit fournir pour se conformer aux alinéas a) à d)
inclusivement. S'il choisit de ne pas informer la
Commission du fondement de sa demande, tel que
le prévoit l'alinéa a), il court le risque de la voir
passer à côté. S'il décide de ne pas faire les
représentations supplémentaires que prévoit l'ali-
néa d), ou s'il ne fournit aucun des renseignements
visés par les alinéas b) et c), et se fonde, par
exemple, sur la seule copie de l'interrogatoire sous
serment, il court le risque d'un résultat qui ne
serait pas à son avantage.
Pour atteindre le but fixé par la loi en matière
de nouvel examen (c'est-à-dire pour parvenir à
l'opinion susmentionnée), il n'est pas nécessaire
que le requérant fournisse les renseignements
prévus par les alinéas a) à c), s'il décide de le faire
par référence à la copie de l'interrogatoire sous
serment ou encore d'une manière que la Commis
sion pourrait juger insatisfaisante. Dans cet ordre
d'idées et pour autant qu'il s'agisse du respect des
alinéas susdits, le paragraphe 70(2) constitue une
directive et non une disposition impératives. La
Commission rend alors sa décision, comme la loi
5 Comparer: Brayhead (Ascot) Ltd. c. Berkshire County
Council [1964] 2 Q.B. 303 aux pp. 313 et 314.
l'y oblige, à la lumière des documents produits par
le requérant.
Par ces motifs, je conclus que la Commission n'a
pas commis une erreur en refusant de recevoir la
demande de réexamen du requérant et de permet-
tre qu'elle suive son cours. En conséquence, je
rejetterais la demande fondée en l'espèce sur
l'article 28.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Le requérant
n'a pas produit avec sa demande de réexamen du
statut de réfugié au sens de la Convention, présen-
tée devant la Commission d'appel de l'immigra-
tion, la déclaration sous serment requise par le
paragraphe 70(2) de la Loi sur l'immigration de
1976.
S'il est possible de dire que certaines dispositions
de cet article, relatives au contenu de la déclara-
tion, constituent des directives, celle portant que la
déclaration sous serment doit être déposée avec la
demande de réexamen est impérative.
Si la loi donnait au requérant le choix de décider
s'il y a lieu de joindre une déclaration à sa
demande de réexamen de statut de réfugié, c'est le
mot «peut» qui aurait été employé au lieu du mot
«doit», au paragraphe 70(2) de la loi.
Je ne trouve rien dans la loi, ni dans les règles
qui permette à la Commission de dispenser le
requérant de déposer la déclaration sous serment,
ou encore de procéder au réexamen en l'absence de
cette déclaration.
C'est au requérant qu'il incombe de se confor-
mer aux dispositions de la loi lorsqu'il présente une
demande de réexamen de sa revendication, faute
de quoi, il ne peut se plaindre du rejet de sa
demande.
Par ces motifs et par les motifs prononcés par le
juge Urie, auxquels je souscris, je rejetterais cette
demande.
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