T-2140-79
Dopplemayr Lifts Ltd. et Alpine-Lift A.G. et
toutes les personnes ayant un droit sur la cargai-
son chargée â bord du navire Alster Express
(demanderesses)
c.
Hapag-Lloyd Aktiengesellschaft et les propriétai-
res et les affréteurs du navire Alster Express et le
navire Alster Express (défendeurs)
et
La Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada (tierce-partie)
Division de première instance, juge Dubé—
Montréal, 10 février; Ottawa, 11 mars 1982.
Droit maritime — Contrats — Transport maritime et ferro-
viaire — Marchandises chargées à bord du container pour
transport maritime, puis transférées à une compagnie de
chemin de fer pour livraison intérieure — Cargaison endom-
magée par suite d'un déraillement — Le connaissement ferro-
viaire est sujet à l'ordonnance n» R-13820 rendue par la
Commission canadienne des transports et portant sur les con
ditions particulières du transport de containers à l'importation
ou à l'exportation par les chemins de fer — En vertu de
l'ordonnance, la responsabilité du transporteur ferroviaire est
limitée à la moins élevée des sommes suivantes: 1) à la valeur
du contenu du container à l'endroit et au moment où il a été
chargé ($32,063.66); 2) à $20,000; ou 3) à une somme égale à
la responsabilité de la compagnie de navigation, conformément
au connaissement maritime — Les Règles de La Haye limitent
la responsabilité du transporteur, au cours du voyage mari
time, à $600 par container — Le litige porte sur la responsabi-
lité de la tierce-partie en vertu du connaissement maritime —
La responsabilité est limitée à $600, les Règles de La Haye
ayant été, par extension, incorporées dans le connaissement —
Le connaissement porte l'estampille «Connaissement direct» et
y est indiqué que l'envoi est d'un expéditeur en Allemagne à un
consignataire au Canada — Règle 475 de la Cour fédérale.
Jurisprudence: décision appliquée: La Société des alcools
du Québec c. Les propriétaires et affréteurs du navire
«Dort Europe», Cour fédérale, T-1465-75, jugement en
date du 27 juin 1979.
MÉMOIRE spécial des points à décider en vertu
de la Règle 475.
AVOCATS:
Marc Nadon pour les demanderesses.
Peter W. Davidson pour les défendeurs.
Jacques Perron pour la tierce-partie.
PROCUREURS:
Martineau Walker, Montréal, pour les
demanderesses.
Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal,
pour les défendeurs.
Giard, Gagnon, Montréal, pour la tierce-par-
tie.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE DUBÉ: Les parties se sont entendues
sur l'exposé des faits et soumettent la cause au
tribunal pour adjudication de la question telle que
posée en vertu des dispositions de la Règle 475 de
la Cour fédérale.
Il appert qu'en octobre 1977, la demanderesse
(«Dopplemayr») achetait de la codemanderesse
Alpine-Lift A.G. («Alpine») de St. Margrethen, en
Suisse, de l'équipement de remontée mécanique à
être expédié à Kelowna, Colombie-Britannique,
par voie maritime de Hambourg à Halifax et par
chemin de fer jusqu'à destination. Le 14 novembre
1977, en route vers Vancouver, le wagon transpor-
tant le container renfermant l'équipement a dé-
raillé endommageant ainsi considérablement le
container et le contenu.
C'est l'expéditrice Alpine qui a fait charger
l'équipement à bord du container de 40 pieds,
lequel a été transporté jusqu'au port de Hambourg
pour embarquement sur le navire Alster Express.
Le 9 novembre 1977, le container a été transféré
du terminus maritime de Halifax à la tierce-partie
(«CN»). CN admet sa responsabilité à l'égard de
l'accident et son obligation d'indemniser les défen-
deresses principales sous réserve des termes et
conditions du contrat de transport. Par contre, les
défenderesses principales concèdent devoir indem-
niser les demanderesses, mais seulement dans la
mesure de la responsabilité de la tierce-partie.
Toutes les parties admettent que les dommages
s'élèvent à $32,063.66.
Le connaissement maritime Hapag-Lloyd, émis
à Hambourg, révèle à sa face les éléments suivants
qui sont pertinents à la question. La cargaison est
ainsi décrite: [TRADUCTION] «1 container de 40
pieds—équipement de remontée mécanique dé-
monté». Le connaissement porte aussi l'estampille:
[TRADUCTION] «Connaissement direct—Charge-
ment, arrimage et comptage par le chargeur». Les
conditions suivantes méritent également d'être
retenues.
Sous la rubrique [TRADUCTION] «Définitions»: *
[TRADUCTION] Le terme «marchandises» s'entend également
des containers et autres colis déclarés comme contenant les
marchandises, ainsi que les marchandises visées et décrites aux
présentes; le terme «colis» s'entend également des containers.
Au paragraphe intitulé [TRADUCTION] «Res-
ponsabilité et Juridiction», l'alinéa 2c) et les sous-
alinéas 1), 5) et 7):
[TRADUCTION] 2. ...
c) Si le lieu de réception ou le lieu de livraison prévu aux
présentes, ou les deux à la fois, sont des points intérieurs
(transport de bout en bout), la responsabilité du transporteur
à l'égard du transport des marchandises est fixée comme suit:
1) pendant le voyage en mer, conformément aux disposi
tions de toute loi dans laquelle sont incorporées les Règles
de La Haye telles qu'elles figurent à la Convention inter-
nationale pour l'unification de certaines règles en matière
de connaissement, signée en août 1924 Bruxelles, et
rappelées à l'alinéa a) ci-dessus;
5) pendant le transport intérieur en Amérique du Nord, le
transporteur s'engage à s'assurer, à titre de mandataire du
chargeur, le transport effectué par des transporteurs inté-
rieurs agréés par les autorités compétentes pour le trans
port intérieur aux États-Unis ou au Canada, ce transport
étant assujetti aux contrats et tarifs de ces transporteurs
intérieurs. Le transporteur garantit l'exécution des obliga
tions desdits transporteurs intérieurs sous réserve de leurs
contrats et tarifs.
7) En cas de perte ou d'avarie au cours du transport de
bout en bout et si l'on ne peut pas établir qui avait la garde
des marchandises au moment de la perte ou de l'avarie, la
perte ou l'avarie est réputée survenue au cours du voyage
en mer, et le transporteur sera tenu responsable, dans le
cas des marchandises à destination d'un port américain,
conformément à la Carriage of Goods by Sea Act des
États-Unis, promulguée le 16 avril 1936, et dans le cas des
marchandises à destination d'un port canadien, conformé-
ment à la Loi du transport des marchandises par eau,
1936.
Le connaissement ferroviaire intervenu entre
CN et Montreal Shipping Co. Ltd., l'agent et le
représentant du transporteur maritime, est sujet
aux termes et conditions de l'ordonnance générale
T-5 de la Commission canadienne des transports et
également de l'ordonnance n° R-13820 portant sur
les conditions particulières du transport de contai
ners à l'importation ou à l'exportation par les
chemins de fer canadiens.
Les dispositions pertinentes de ladite ordon-
nance R-13820 se lisent comme suit:
* La traduction française des clauses du connaissement pro-
vient du Bureau des Traductions.
1. (A) Le transporteur (ci-après dénommé le «Transporteur»)
de tout container qui est la propriété d'un transporteur
autre qu'un transporteur par chemin de fer ou qu'un
transporteur public ne sera pas tenu responsable de la
perte, de l'avarie ou du retard d'un container ou de son
contenu, à moins que la perte ou l'avarie ne soit causée
ou ne résulte de la négligence du Transporteur, et sous
réserve toutefois, qu'en aucun cas la responsabilité du
transporteur ne dépasse les montants suivants:
(ii) Pour ce qui concerne les containers de 40 pieds et
leur contenu
(aa) pour ce qui concerne le container, la valeur au
livre compte tenu de l'amortissement, ou la
somme de $2,500, en prenant le montant le
moins élevé, et
(bb) pour ce qui concerne le contenu d'un tel contai
ner, (1) la valeur de ce contenu à l'endroit et
au moment où il a été chargé dans le container
(y compris les frais de transport s'ils ont été
payés et les droits s'ils ont été payés ou sont
payables et n'ont pas été remboursés ou ne sont
pas remboursables), (2) la somme de $20,000
ou (3) une somme égale à la responsabilité de
la compagnie de navigation, conformément au
connaissement maritime, en prenant le mon-
tant le moins élevé ...
Les parties conviennent que la responsabilité du
transporteur maritime aux termes de la Conven
tion internationale de La Haye, telle qu'applicable
au départ du port allemand de Hambourg en
octobre 1977, était de $600 par paquet ou colis, et
que si la perte avait eu lieu en mer, la responsabi-
lité du transporteur maritime aurait été de ce
montant pour le container en entier (y compris
l'équipement). Les parties sont donc d'accord que
la responsabilité du CN conformément au sous-ali-
néa 1(A)(ii)(bb) de l'ordonnance R-13820 précité
doit être le moindre de:
1) la valeur du contenu du container à l'endroit et au moment
où il a été chargé, soit $32,063.66;
2) la somme de $20,000.00;
3) une somme égale à la responsabilité de la compagnie de
navigation, conformément au connaissement maritime.
Les deux premières sommes étant connues,
soient $32,063.66 et $20,000, il s'agit de déter-
miner la responsabilité du CN conformément au
connaissement maritime et c'est précisément la
question que les parties ont posée à la suite de leur
exposé des faits; elle se lit:
QUESTION
Aux fins de permettre aux parties de déterminer le moindre
des trois (3) montants précisés comme devant être la limite de
la responsabilité du transporteur ferroviaire au terme de 1. (A)
(ii) (bb) de l'Ordonnance R-13820, quelle interprétation doit
être faite de la phrase »Une somme égale à la responsabilité de
la compagnie de navigation, conformément au connaissement
maritime»?
Il s'agit donc d'un double renvoi. Alors que le
connaissement maritime définit la responsabilité
quant au transport intérieur comme étant assujet-
tie au contrat de transport et au tarif ferroviaire,
ledit tarif nous retourne au connaissement.
Attendu que le renvoi perpétuel répugne, c'est au
connaissement qu'il faut chercher la réponse au
problème.
Si la perte avait eu lieu en mer, il est indéniable
que les Règles de La Haye auraient été applica-
bles, tel que reconnu d'ailleurs par les parties. Les
Règles de La Haye ne s'appliquent cependant
qu'au transport maritime de palan à palan et ne
s'étendent normalement pas au transport terrestre,
à moins que l'extension ne soit prévue au connais-
sement pour le transport de bout en bout.
Il apparaît à la face même du connaissement
que l'expéditeur est de Hambourg et que le consi-
gnataire est à Vancouver, C.-B. Le port d'embar-
quement est Hambourg et l'endroit de livraison est
Vancouver. Le connaissement est estampillé «Con-
naissement direct». La responsabilité du transport
maritime ainsi que du transport intérieur y est
prévue. Au cours du voyage maritime, les Règles
de La Haye limitent les responsabilités du trans-
porteur à $600 par container. Pour ce qui est du
transport terrestre, la responsabilité est assujettie
au contrat et tarif des transporteurs intérieurs. En
vertu de ladite disposition 1(A)(ii)(bb)(3), la res-
ponsabilité du transporteur est limitée à une
somme égale à la responsabilité de la compagnie
de navigation conformément au connaissement
maritime, à mon sens, limitée donc à sa responsa-
bilité maritime de $600 par container.
L'alinéa 2c)7) du connaissement fournit un
indice supplémentaire à l'effet que les Règles de
La Haye ne s'appliquent pas seulement en mer
mais également là où l'on ne peut pas établir qui
avait la garde des marchandises au moment de la
perte ou de l'avarie. J'en conclus donc que les
Règles de La Haye ont été, par extension, incorpo-
rées dans le connaissement et gouvernent tout le
voyage.
Dans la cause La Société des alcools du Québec
c. Les propriétaires et affréteurs du navire «Dari
Europe»', j'ai été appelé à interpréter la même
ordonnance n° R-13820 et une clause de connaisse-
ment semblable: j'ai conclu que la somme égale à
la responsabilité de la compagnie de navigation
conformément au connaissement maritime était la
limite par unité prévue par les Règles de La Haye,
que je considérais comme ayant été incorporées
dans le connaissement pour valoir pour le transport
de bout en bout.
Il faut assumer en droit que le législateur ne
parle pas pour rien dire. Si, comme le prétendent
les demanderesses, la disposition 1(A)(ii)(bb)(3)
vise une somme égale à la responsabilité illimitée
d'un transporteur terrestre, cette disposition ne
serait rien d'autre qu'une répétition de la disposi
tion 1(A)(ii)(bb)(1), savoir la valeur intégrale de
la perte. En d'autres termes, la responsabilité de la
compagnie de navigation conformément au con-
naissement dont il s'agit n'est pas égale à la res-
ponsabilité illimitée d'un transporteur intérieur,
mais à celle qu'elle a assumée en vertu de ce
document: la responsabilité prévue en vertu des
Règles de La Haye. Après tout, la disposition (3) a
pour objet de limiter la responsabilité du transpor-
teur terrestre, non de l'élargir.
Donc, en réponse à la question posée, «Une
somme égale à la responsabilité de la compagnie
de navigation, conformément au connaissement
maritime» est la somme de $600. Dans les circons-
tances, conformément à l'entente écrite entre les
parties, cette somme portera intérêt au taux de
12% par année depuis le 1°r décembre 1977 et les
parties demanderesses supporteront les frais des
procédures tant à l'égard de la défenderesse princi-
pale qu'à l'égard de la tierce-partie pour une
action de la classe II.
' Cour fédérale, T-1465-75, jugement en date du 27 juin
1979. Les trois premiers mots de l'avant-dernier paragraphe de
ce jugement devraient se lire: «Le premier montant», et non «Le
troisième montant».
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