A-91-80
La Reine (Appelante)
c.
J. E. Cranswick (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Le Dain et le juge
suppléant Kelly—Toronto, 2 décembre 1981 et 11
janvier 1982.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Appel — Vente
d'une partie de l'actif de la société — Le sous-ministre a
réimposé l'intimé, actionnaire minoritaire de la filiale, en
ajoutant à son revenu le montant versé par la société mère —
Il échet d'examiner si la somme payée à un actionnaire
minoritaire par l'actionnaire majoritaire d'une société est un
revenu — Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art.
3, 9 tels que modifiés.
Il s'agit de l'appel d'un jugement de la Division de première
instance, laquelle a accueilli l'appel formé à l'encontre de
nouvelles cotisations en vertu desquelles le montant qu'avait
versé à l'intimé Westinghouse Electric Corporation («Westing-
house Electric»), l'actionnaire majoritaire de Westinghouse
Canada Limited (»WCL») a été ajouté au revenu imposable de
celui-ci pour l'année d'imposition 1977. En 1976, WCL a
accepté de vendre son entreprise d'appareils électroménagers.
Dans le but de prévenir toute contestation à l'égard de la vente
d'une partie de l'actif de la société, Westinghouse Electric a
offert aux actionnaires de WCL l'alternative suivante: le rachat
de leurs actions à $26 chacune ou le paiement d'une somme de
$3.35 par action à chacun d'eux. L'intimé s'est prévalu de la
seconde proposition et a reçu la somme totale de $2,144 pour
ses 640 actions ordinaires de WCL. La Division de première
instance a accueilli l'appel en jugeant que la somme payée ne
constituait pas un revenu. Il échet d'examiner si la somme
payée à un actionnaire minoritaire par l'actionnaire majoritaire
d'une société constitue un revenu entre les mains du
bénéficiaire.
Arrêt: l'appel est rejeté. La somme reçue par l'intimé ne
constitue pas un revenu gagné ou tiré de ses actions, lesquelles
seraient, en l'espèce, la seule source possible de revenu. En
l'absence d'une définition législative expresse qui élargisse la
portée de la notion de revenu tiré d'une source spécifique, je me
dois de conclure que le revenu provenant d'une source est celui
qui est habituellement gagné au moyen de cette source ou que
l'on s'attend habituellement à tirer de cette source. Le revenu
qui est habituellement gagné au moyen d'actions consiste en
dividendes que paie la société intéressée. La somme reçue en
l'espèce revêt un caractère inhabituel et inattendu, et l'on ne
peut chercher délibérément à se l'assurer à titre de revenu tiré
d'actions; elle provient d'une source sur laquelle l'intimé n'avait
aucune raison de compter pour gagner un revenu afférent à ses
actions. La Cour convient avec le juge de première instance
qu'il s'agit là d'un «gain imprévisible».
Arrêts examinés: Federal Farms Ltd. c. Le ministre du
Revenu national [1959] R.C.É. 91; Walker c. Carnaby
[1970] 1 All E.R. 502; Simpson c. John Reynolds & Co.
(Insurances) Ltd. [1975] 2 All E.R. 88; Murray c. Good-
hews [1978] 2 All E.R. 40.
APPEL, en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
W. Lefebvre et Beverly Hobby pour l'appe-
lante.
D. J. M. Brown et P. K. Tamaki pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Blake, Cassels & Graydon, Toronto, pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: La Cour se prononce sur
l'appel d'un jugement de la Division de première
instance [[1980] 2 C.F. 563]. Celle-ci accueillait
l'appel formé contre la nouvelle cotisation d'impôt
sur le revenu de l'intimé pour l'année d'imposition
1977.
Il échet d'examiner si la somme payée à un
actionnaire minoritaire par l'actionnaire majori-
taire d'une société, pour prévenir toute plainte
éventuelle au sujet de la vente d'une partie de
l'actif de la société, constitue un revenu entre les
mains du bénéficiaire.
Les faits de la cause, qui ne sont pas contestés,
sont consignés dans l'exposé conjoint des faits qui
a été déposé en Division de première instance. On
peut les résumer comme suit. L'intimé était, à
l'époque qui nous intéresse, un actionnaire de
Westinghouse Canada Limited (ci-après appelée
«Westinghouse Canada» ou «WCL»), dont l'action-
naire majoritaire était Westinghouse Electric Cor
poration (ci-après appelée «Westinghouse Elec
tric»). En 1974, Westinghouse Electric a vendu son
entreprise d'appareils électroménagers à la société
américaine White Consolidated Industries Inc., et
Westinghouse Canada a accepté de vendre certains
éléments de l'actif de son entreprise d'appareils
électroménagers à WCI Canada Limited, la filiale
canadienne de White Consolidated Industries Inc.,
moyennant leur valeur comptable nette à être
payée par WCI Canada Limited, et la somme de
$8 millions à être payée par Westinghouse Elec
tric. Cette vente n'a pas été consommée parce que
l'autorisation requise par la Loi sur l'examen de
l'investissement étranger, S.C. 1973-74, c. 46, n'a
pas été accordée. En 1976, Westinghouse Canada
a accepté de vendre son entreprise d'appareils
électroménagers à Canadian Appliance Manufac
turing Company Limited (ttCAMCO») pour un
prix inférieur de $6 millions à la valeur comptable
de l'entreprise à la date du 31 décembre 1976. La
vente a été conclue le 30 juin 1977. Le 8 février
1977, Westinghouse Electric a fait aux autres
actionnaires de Westinghouse Canada cette offre
alternative: a) le rachat de leurs actions à $26
chacune; ou b) le paiement d'une somme de $3.35
par action à chaque actionnaire. L'intimé, s'étant
prévalu du choix b), a reçu la somme totale de
$2,144 pour ses 640 actions ordinaires de Westing-
house Canada. L'explication de cette offre de
Westinghouse Electric se trouve au paragraphe 10
de l'exposé conjoint des faits:
[TRADUCTION] 10. L'offre faite par Westinghouse Electric
visait des fins de gestion. Elle avait également pour but de
prévenir toute contestation ou action qui pourrait être intentée
de la part d'actionnaires minoritaires de WCL, à l'égard de la
vente de la division d'appareils électroménagers, notamment à
la suite du refus des autorités d'approuver la vente à WCI
Canada Limited, en application de la Loi sur l'examen de
l'investissement étranger. Elle n'a pas été motivée par le fait
que les actionnaires de WCL auraient eu des revendications
exécutoires contre Westinghouse Electric.
Dans son rapport préliminaire aux actionnaires
pour l'année 1976, Westinghouse Canada en a fait
état en ces termes:
[TRADUCTION] Vous vous souviendrez que Westinghouse
Canada a fait l'annonce suivante dans un communiqué de
presse publié le 11 novembre 1976 ... «Westinghouse Canada
met au point un projet en vertu duquel les actionnaires—autres
que Westinghouse Electric Corporation—se verront offrir des
avantages en compensation de la perte des avantages qu'ils
auraient reçus si le projet initial de vente à White Consolidated
Industries avait abouti».
En résumé, Westinghouse Canada offre à ses actionnaires
l'alternative entre un paiement direct de $3.35 par action, à
être payé en espèces par Westinghouse Electric, et la cession de
leurs actions à Westinghouse Electric contre la somme de $26
l'action, prix qui comprend une prime par rapport à la dernière
cote. Le paiement en espèces a pour but de placer les actionnai-
res dans la situation qui eût été la leur si la vente à White
Consolidated avait abouti. Pour les actionnaires qui préfèrent
vendre leurs actions à cause de la vente de l'entreprise d'appa-
reils électroménagers ou pour toute autre raison, l'offre d'achat
comprend une prime qui s'ajoute à la dernière cote.
Il ressort des dépositions faites par l'intimé en
première instance qu'il n'était ni actionnaire ni
employé de Westinghouse Electric, qu'il n'avait
aucun lien avec cette société, qu'il ne participait à
aucun accord conclu avec elle, qu'il n'avait eu
aucun contact antérieur avec cette société au sujet
de l'offre et qu'il en ignorait tout jusqu'au moment
où il l'a reçue; qu'il n'avait aucun contact avec les
autres actionnaires minoritaires de Westinghouse
Canada et qu'il ne savait pas s'il y avait eu une
quelconque action en justice. Il ressort de ce témoi-
gnage que, s'il était déçu de ce que le projet de
vente à WCI Canada Limited n'eût pas abouti, il
n'a envisagé aucune action à la suite de la vente
subséquente de l'entreprise d'appareils électromé-
nagers de Westinghouse Canada.
L'intimé n'a pas inclus la somme de $2,144
reçue de Westinghouse Electric dans le calcul de
son revenu pour l'année d'imposition 1977. Par
avis de nouvelle cotisation en date du 25 septembre
et du 31 octobre 1978, le sous-ministre du Revenu
national a réimposé l'intimé pour 1977 en ajoutant
à son revenu les sommes de $1,474 et de $670, soit
un total de $2,144. L'intimé a fait appel de ces
nouvelles cotisations.
La Division de première instance a accueilli
l'appel en jugeant que la somme payée ne consti-
tuait pas un revenu.
L'appelante soutient que la somme payée par
Westinghouse Electric à l'intimé constitue un
revenu tiré d'un bien au sens des articles 3 et 9 de
la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c.
148, modifiée par S.C. 1970-71-72, c. 63, et qu'en
tout cas, il s'agit d'un revenu tiré d'une «source» au
sens de l'article 3. Cet article porte que le revenu
d'un contribuable pour une année d'imposition
comprend tout revenu «dont la source se situe à
l'intérieur ou à l'extérieur du Canada, y compris,
sans restreindre la portée générale de ce qui pré-
cède, le revenu tiré de chaque charge, emploi,
entreprise et bien». De son côté, l'article 9 dispose
que «le revenu tiré par un contribuable d'une
entreprise ou d'un bien pour une année d'imposi-
tion est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.»
L'appelante soutient que si l'intimé a reçu un
paiement, c'est uniquement grâce à sa qualité d'ac-
tionnaire de Westinghouse Canada et que ses
actions constituent donc la source du paiement.
Les avocats en présence ont admis qu'il s'agit en
l'espèce d'une affaire inhabituelle et qu'il n'y a
aucun précédent directement applicable. L'avocat
de l'appelante invoque par analogie certaines affai-
res dans lesquelles il a été jugé que des sommes
d'argent, reçues à titre exceptionnel, constituaient
un revenu à cause d'un lien particulier avec un
emploi ou une charge. Il cite l'arrêt La Reine c.
Poynton 72 DTC 6329, dans lequel il a été jugé
que des [TRADUCTION] «ristournes clandestines»
reçues par l'employé d'une société constituaient
des avantages au titre, dans l'exercice ou en vertu
de son emploi. Il cite également la décision Her-
bert c. McQuade [1902] 2 K.B. 631, où il a été
décidé que l'allocation versée à un ecclésiastique
qui jouissait d'un bénéfice, et tirée d'un fonds de
dotation établi à l'intention des ecclésiastiques
dont le revenu provenant du bénéfice n'atteignait
pas £200 par an, constituait un revenu sous forme
de casuel ou d'avantage attaché à sa charge. Il cite
enfin la cause Ryall c. Hoare (1923) 8 T.C. 521,
où il a été jugé que les commissions reçues par les
administrateurs pour avoir cautionné le découvert
en banque de la société constituaient un revenu
imposable à titre de «casuel». L'avocat de l'appe-
lante soutient qu'en l'espèce, la somme payée par
Westinghouse Electric à l'intimé constitue un
«casuel» tenant au fait que l'intimé était un action-
naire de Westinghouse Canada.
Pour conclure que la somme reçue par l'intimé
ne constituait pas un revenu, le juge de première
instance s'est fondé surtout sur le jugement rendu
par le juge Cameron dans Federal Farms Limited
c. M.R.N. [1959] R.C.E. 91, et sur les critères qui
y sont exposés. Cette affaire portait sur les dons ou
subventions provenant d'un fonds constitué pour
venir en aide aux victimes d'un ouragan suivi d'une
inondation. Après avoir passé en revue diverses
décisions dont J. Gliksten & Son, Ltd. c. Green
[1929] A.C. (C.L.) 381, et London Investment and
Mortgage Co., Ltd. c. Inland Revenue Commis
sioners [1958] 2 All E.R. 230, selon lesquelles les
prestations d'assurance ou autres réparations pour
perte de stock constituaient un revenu, le juge
Cameron a conclu que l'affaire en instance se
distinguait de ces autres causes par ce motif que le
contribuable n'avait fait aucune contribution au
fonds de secours et n'avait aucun droit de réclamer
un paiement de fonds, à l'opposé des affaires d'as-
surances, d'indemnité pour expropriation ou d'in-
demnité pour dommages de guerre. Il a conclu [à
la page 97] que la somme reçue par l'appelante du
fonds de secours était [TRADUCTION] «un don
volontaire à titre personnel, et rien de plus.» Il
ajoute [à la page 98], dans le même ordre d'idées:
[TRADUCTION] «Il appert que le don dont s'agit a
été fait à titre purement personnel et n'a absolu-
ment aucun rapport avec les affaires commerciales
de l'appelante.»
Le juge de première instance a relevé en l'espèce
les nombreux critères qui ont permis au juge
Cameron de distinguer un secours d'une prestation
d'assurance. Il déclare [à la page 568]:
Le juge Cameron a distingué cette cause de J. Gliksten & Son
Ltd. c. Green (supra) au motif a) qu'il s'agissait d'un don, b)
que ce don provenait de personnes qui n'avaient aucun lien
d'affaires avec le contribuable, c) qu'il n'avait aucun rapport
avec l'entreprise du contribuable, d) que le contribuable n'avait
pas le droit légal d'exiger ce don, e) qu'au moment des pertes, il
ne pouvait s'attendre à le recevoir, et f) qu'il était peu probable
que cela se reproduise jamais.
Eu égard à ces critères, le juge de première
instance tire la conclusion suivante des faits de la
cause [aux pages 568 et 569]:
A part ce paragraphe 10, aucune preuve n'a été administrée
pour préciser la nature des contestations ou actions que West-
inghouse Electric voulait prévenir par les paiements faits aux
actionnaires minoritaires qui conservaient leurs actions. Si une
action avait été intentée contre certaines parties intéressées à la
suite de l'annulation de la vente, les sommes que le demandeur
eût recouvrées ne présenteraient certainement pas les caracté-
ristiques d'un revenu. Quoi qu'il en soit, il est indéniable que du
point de vue du demandeur, la somme qu'il a reçue représentait
un paiement volontaire et aucun lien n'existait entre le payeur
et le contribuable, lequel ne devait nullement s'attendre à
recevoir cette somme avant d'en avoir reçu l'offre (pièce 2). Il
est très peu probable qu'il reçoive encore quelque chose à ce
titre. Cette somme pourrait donc être qualifiée de gain imprévi-
sible. Je suis persuadé qu'il ne s'agissait pas là d'un revenu au
sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'avocat de l'intimé fait siens les critères relevés
par le juge de première instance dans l'analyse de
la décision Federal Farms, et soumet une liste plus
détaillée dans son mémoire, comme suit:
[TRADUCTION] a) L'intimé ne possédait aucun droit d'action
à l'égard de ce paiement;
b) L'intimé n'a fait aucun effort soutenu pour obtenir ce
paiement;
c) L'intimé n'a ni recherché ni sollicité ce paiement de
quelque façon que ce soit;
d) L'intimé ne s'attendait pas à recevoir ce paiement ni
expressément, ni selon l'usage;
e) Il n'a nullement été prévu que ce paiement aurait une
suite;
f) Ce paiement ne venait pas d'une source habituelle de
revenus pour l'intimé;
g) Ce paiement ne constituait ni la contrepartie ni la recon
naissance de biens, de services ou de quoi que ce fût, fournis
ou à fournir par l'intimé; il n'a pas été gagné par l'intimé par
suite de quelque activité ou poursuite de profit, ni de quelque
autre manière.
L'avocat de l'intimé cite plusieurs décisions où
ces critères ont été appliqués ou mis en lumière.
Ces décisions portent en grande majorité sur le
rapport entre une somme d'argent payée et une
charge, un emploi, une entreprise ou un commerce
qui constituent une source de revenu. Il n'y est
nullement question d'actions en tant que source de
revenu; ces décisions sont donc peu utiles lorsqu'il
s'agit de déterminer ce qui constitue un revenu
provenant d'une telle source. Plusieurs d'entre elles
font ressortir la distinction entre le gain tiré d'une
charge ou d'un emploi, d'une entreprise ou d'un
commerce d'une part, et un don fait à titre person
nel au contribuable, d'autre part. Cette distinction
se dégage des arrêts Seymour c. Reed [1927] A.C.
(C.L.) 554, et Moore c. Griffiths [1972] 3 All
E.R. 399, qui portent sur des sommes payées à
titre exceptionnel à des athlètes pour leurs exploits,
ainsi que des arrêts Walker c. Carnaby [1970] 1
All E.R. 502, et Simpson c. John Reynolds & Co.
(Insurances) Ltd. [1975] 2 All ER. 88, deux
décisions qui portent sur des sommes d'argent
payées volontairement à des vérificateurs et des
courtiers d'assurances à la fin de leur emploi, à la
fois pour les remercier de leur travail et en com
pensation de la perte d'emploi. Ces deux dernières
affaires, où il a été jugé que les sommes payées
constituaient un don et non un revenu tiré de
l'entreprise des bénéficiaires, se rapprochent dans
une certaine mesure de l'affaire en instance. Ces
sommes ont été payées, comme en l'espèce, sans
aucune obligation légale mais pour atténuer un
revers de fortune; il s'agit, en d'autres termes,
d'une manifestation de bonne volonté. Dans une
affaire quelque peu semblable, Murray c. Good-
hews [1978] 2 All E.R. 40, il a été jugé que les
sommes payées volontairement à la fin du bail par
les propriétaires de locaux commerciaux à leurs
locataires, ne constituaient pas un revenu tiré de
l'entreprise des locataires qui ont reçu cette
somme. La Cour a jugé que ces sommes ont été
payées en reconnaissance des nombreuses années
de bonnes relations entre les propriétaires et les
locataires ainsi que pour maintenir l'image et la
bonne réputation des propriétaires dans le com
merce.
L'avocat de l'intimé cite encore les arrêts
Graham c. Green [1925] 2 K.B. 37 et M.R.N. c.
Morden [1962] R.C.É. 29, où il a été jugé que les
activités des joueurs en cause n'avaient pas atteint
les proportions d'une entreprise et que leurs gains
au jeu ne devaient pas être considérés comme un
revenu tiré d'une entreprise. Si je comprends bien,
l'avocat de l'intimé a cité ces arrêts à l'appui du
critère selon lequel le revenu doit être le fruit d'un
effort soutenu.
Compte tenu de tous les critères avancés par
l'avocat de l'intimé, qui sont tous pertinents bien
qu'aucun d'eux ne soit concluant en soi, j'estime
que la somme reçue par l'intimé ne constitue pas
un revenu gagné ou tiré de ses actions, lesquelles
seraient, en l'espèce, la seule source possible de
revenu. En l'absence d'une définition législative
expresse qui élargisse la portée de la notion de
revenu tiré d'une source spécifique, je me dois de
conclure que le revenu provenant d'une source est
celui qui est habituellement gagné au moyen de
cette source ou que l'on s'attend habituellement à
tirer de cette source. Le revenu qui est habituelle-
ment gagné au moyen d'actions consiste en divi-
dendes que paie la société intéressée. La somme
reçue en l'espèce revêt un caractère inhabituel et
inattendu, et l'on ne peut chercher délibérément à
se l'assurer à titre de revenu tiré d'actions; elle
provient d'une source sur laquelle l'intimé n'avait
aucune raison de compter pour gagner un revenu
afférent à ses actions. Je conviens avec le juge de
première instance qu'il s'agit là d'un «gain
imprévisible.»
Par ces motifs, je rejette l'appel avec dépens.
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris à ces
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.