A-61-77
John Danch (Requérant)
c.
Maurice J. Nadon et la Reine (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Le Dain—
Ottawa, le 15 septembre et le 10 novembre 1977.
Examen judiciaire — On a communiqué au requérant les
recommandations de son licenciement de la G.R.C. — Incom-
pétence — Allégations d'incompétence faites devant le comité
de révision après la communication — La Commission d'appel
a recommandé le licenciement sans audition du requérant et
sans la présence de son conseiller juridique — La procédure
des infractions ressortissant au service n'a pas été appliquée —
Les principes de justice naturelle ont-ils été violés? —
Aurait-on dû appliquer la procédure des infractions ressortis-
sant au service? — Conséquences de la prise en considération
de matières n'ayant pas fait l'objet d'un avis — Loi sur la
Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, c. R-9, art. 13,
21, 26, 38, 41 — Règlement sur la Gendarmerie royale du
Canada, DORS/72-624, art. 150, 151, 173 — Ordres perma
nents IL13.M.1.c., IL14.C.6, IL15.C.3, IL 16.F.11 — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2eSupp.), c. 10, art. 28.
Cette demande introduite en vertu de l'article 28 vise l'exa-
men et l'annulation de la décision de l'intimé Nadon portant
licenciement du requérant de la Gendarmerie royale du Canada
pour incompétence. On a notifié au requérant un avis de
recommandation de licenciement, et, utilisant la procédure
établie par des Ordres permanents du Commissaire, le requé-
rant en a fait appel devant un comité de révision qui a examiné
le cas et a recommandé le licenciement du requérant. Celui-ci
allègue que le pouvoir de licencier pour incompétence est de
caractère disciplinaire et crée une infraction ressortissant au
service, pour laquelle des procédures, autres que celles appli-
quées, ont été établies par le Règlement. En outre, plusieurs
principes de justice naturelle n'ont pas été bien suivis. Enfin, le
requérant n'aurait pas reçu notification de l'avis relativement
aux allégations présentées au comité et servant de fondement
aux recommandations.
Arrêt (le juge Pratte dissident): la demande est accueillie.
Le juge Pratte dissident: Le pouvoir de licenciement conféré
au Commissaire n'est restreint par aucune disposition de la Loi,
laquelle soumet ledit pouvoir à des exigences procédurales
semblables à celles prévues pour les sanctions en cas d'infrac-
tions ressortissant au service. Le Parlement a ainsi montré son
intention de ne pas soumettre ce pouvoir aux considérations de
justice naturelle. Bien que ce pouvoir doive s'exercer de façon
équitable, il est absolu et soumis seulement aux conditions
prévues à cet effet dans les Règlements et les ordres perma
nents exigeant la notification des recommandations de licencie-
ment et du droit d'en faire appel par écrit. Si lesdites exigences
sont respectées, le pouvoir de licenciement est exercé de façon
valable même si toutes les exigences de justice naturelle n'ont
pas été satisfaites. Bien que le dossier soumis au comité de
révision et au Commissaire contienne des renseignements défa-
vorables au requérant relativement à des faits mis en lumière
après notification audit requérant de l'avis de recommandation
de licenciement, le dossier n'indique pas que le Commissaire se
soit fondé sur ces renseignements dans sa décision. En consé-
quence, la demande devrait être rejetée.
Le juge Urie: La décision de licencier un membre de la
Gendarmerie est de nature essentiellement administrative.
Alors que certaines plaintes auraient pu entraîner des inculpa-
tions ressortissant au service, aucune inculpation n'a été faite et
il n'est pas nécessaire de suivre les procédures applicables dans
ces circonstances. La Loi et le Règlement permettent évidem-
ment l'application des procédures et exigent que le Commis-
saire agisse sur une base quasi judiciaire. L'assujettissement des
membres de la Gendarmerie à certaines restrictions à leurs
droits les prive de plusieurs droits découlant de la justice
naturelle, y compris le droit à un procès ou une audition et le
droit à un conseiller juridique. Le caractère limité du droit
d'appel ne doit pas s'étendre jusqu'à permettre des injustices
évidentes telles que l'utilisation, dans la décision, de documents
obtenus postérieurement à la notification de l'avis de recom-
mandation, sans en révéler l'existence, car il n'est pas possible
de déterminer l'influence desdits documents dans la décision de
licenciement. Ceci constitue une erreur de droit.
Le juge Le Dain: Les droits procéduraux du requérant,
relativement à la recommandation de licenciement, sont limités
à ceux expressément prévus par l'article 151 du Règlement et
l'Ordre permanent II.14.C.6 ou y implicites. La présentation
d'allégations au comité de révision impose aux intimés l'obliga-
tion de convaincre la Cour que ces allégations n'ont pas été
prises en considération par le comité et le Commissaire, et n'ont
pas influencé leur décision en quoi que ce soit. Le dossier ne
montre pas que les intimés ont satisfait à cette obligation. En
fait, il serait virtuellement impossible de satisfaire à cette
obligation. Après la présentation des allégations au comité, on
aurait dû en donner notification au requérant et lui donner en
même temps l'occasion d'y répondre dans son appel.
Arrêts appliqués: Kedward c. La Reine [1976] 1 C.F. 57;
La Reine et Archer c. White [1956] R.C.S. 154; McCleery
c. La Reine [1974] 2 C.F. 339.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
D. W. Scott, c.r., et J. B. Carr -Harris pour le
requérant.
P. Mclnenly pour les intimés.
PROCUREURS:
Scott & Aylen, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE (dissident): J'ai lu les motifs
de jugement préparés par mon collègue Urie. Tout
en partageant la plupart des avis qu'il a exprimés,
je ne souscris pas à ses conclusions selon lesquelles
il faudrait accueillir la demande.
Conformément à l'article 13(2) de la Loi sur la
Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, c.
R-9, «... un ... membre peut être congédié ou
renvoyé par le Commissaire en tout temps avant
l'expiration de la durée de son engagement». Le
pouvoir ainsi conféré au Commissaire n'est res-
treint par aucune disposition de la Loi', laquelle ne
soumet ledit pouvoir à aucune exigence procédu-
rale semblable à celles prévues pour les sanctions
en cas d'infractions ressortissant au service. A mon
avis, le Parlement a ainsi montré son intention de
ne pas soumettre le pouvoir de licenciement du
Commissaire aux considérations de justice natu-
relle. Bien que, selon les intentions du Parlement,
ce pouvoir doive s'exercer de façon équitable, ledit
pouvoir est néanmoins absolu et soumis seulement
aux conditions prévues à cet effet dans les Règle-
ments et les ordres permanents adoptés en vertu de
l'article 21 de la Loi 2 .
Certaines dispositions des Règlements et des
ordres permanents garantissent qu'un membre de
la Gendarmerie ne sera pas licencié sans avoir
l'occasion de se faire entendre'. Règlements et
' Le seul autre article de la Loi mentionnant le licenciement
est l'article 38. Il prévoit que, lorsqu'un membre a été déclaré
coupable d'une infraction ressortissant au service, l'officier
prononçant la déclaration de culpabilité peut recommander que
le membre soit destitué de la Gendarmerie.
2 Voici le libellé de l'article 21:
21. (1) Le gouverneur en conseil peut édicter des règle-
ments sur l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'effi-
cacité, l'administration et le bon gouvernement de la Gendar-
merie et, en général, sur la réalisation des objets de la
présente loi et la mise à exécution de ses dispositions.
(2) Sous réserve de la présente loi et des règlements
établis en conformité du paragraphe (1), le Commissaire
peut édicter des règles, appelées «ordres permanents», visant
l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'efficacité, l'ad-
ministration et le bon gouvernement de la Gendarmerie.
' Lesdites dispositions sont contenues dans le règlement 151
et l'ordre permanent reproduit à l'article 11.14.C.6 du manuel
administratif. En voici le libellé:
151. Tout membre doit être informé immédiatement de
toute recommandation faite en vue de son licenciement de la
Gendarmerie.
Ordre permanent 11.14....
C. 6. Tout membre dont la destitution est recommandée peut
en appeler par écrit au commissaire.
En vertu de ces deux dispositions, la décision de licenciement
d'un membre faite par le Commissaire doit l'être sur une base
ordres permanents ne prévoient cependant pas, de
façon générale, que le pouvoir de licenciement du
Commissaire doive être exercé suivant une procé-
dure quasi judiciaire et en appliquant toutes les
règles de justice naturelle. Ils édictent seulement
deux exigences précises: toute recommandation de
licenciement doit être notifiée au membre de la
G.R.C., et celui-ci a le droit d'en appeler par écrit.
Il s'agit là des deux seules réserves procédurales
limitant l'exercice du pouvoir de licenciement du
Commissaire, lequel est absolu à tout autre égard.
A condition que lesdites exigences soient respec-
tées, le pouvoir de licenciement est, à mon avis,
exercé de façon valable, en dépit du fait que toutes
les exigences de justice naturelle n'ont pas été
satisfaites.
En conséquence, à mon avis, la seule question
consiste à déterminer si le requérant a reçu l'avis
prévu par l'article 151 du Règlement et a pu
exercer le droit d'appel prévu dans les Ordres
permanents. En accord avec les motifs exposés par
le juge Urie, je constate que le seul argument
sérieux présenté par le requérant sur ce point se
rapporte au fait que le dossier soumis au comité de
révision et au Commissaire contient des renseigne-
ments défavorables au requérant relativement à
des faits mis en lumière après notification audit
requérant de l'avis de recommandation de licencie-
ment.
A mon avis—et sur ce point, je ne suis plus
d'accord avec mon collègue Urie—cet argument
n'est pas valable parce que le dossier n'indique pas
que le Commissaire se soit fondé sur ce renseigne-
ment dans sa décision. A part ce renseignement, le
dossier contient des preuves péremptoires des
insuffisances du requérant et prouve de façon con-
vaincante qu'en dépit des avertissements, le rende-
ment de ce dernier ne s'est pas amélioré. Ainsi que
l'a fait ressortir le juge Urie dans ses motifs, le
mémoire présenté au président de la Commission
judiciaire ou quasi judiciaire au sens de l'article 28 de la Loi
sur la Cour fédérale. Telle est au moins la conséquence du
jugement rendu par cette cour dans McCleery c. La Reine
[1974] 2 C.F. 339. Comme la compétence de la Cour n'a pas
été mise en doute dans le présent procès, il ne m'est pas
nécessaire, tenant compte de la conclusion à laquelle je suis
arrivé, d'examiner si la décision rendue dans McCleery peut
être réconciliée avec celle récemment rendue par la Cour
suprême du Canada dans Martineau et Butters c. Le Comité de
discipline des détenus de l'Institution de Matsqui [1978] 1
R.C.S. 118.
d'appel par l'inspecteur Becker [TRADUCTION]
«reconnaît la possibilité d'injustice» dans l'utilisa-
tion de renseignements douteux. Dans de telles
circonstances, je pense qu'il serait invraisemblable
que la Commission, dont l'inspecteur Becker fait
partie, ait pris en considération lesdits renseigne-
ments. Il est vrai que la Commission, dans sa
décision confirmée par le Commissaire, a constaté
que le rendement du requérant «continue» à être
insatisfaisant; et ce serait cet emploi du verbe au
temps présent qui aurait amené mon collègue Urie
à la conclusion que la Commission a tenu compte
des renseignements relatifs à des incidents posté-
rieurs à la notification des recommandations. Je ne
ferai pas une telle déduction. Je conviens qu'il
aurait été grammaticalement plus correct pour la
Commission d'employer le verbe au passé; cepen-
dant, lorsque ce passage de la décision est inter-
prété dans son contexte, il exprime simplement, à
mon avis, la constatation, faite par la Commission,
que, suivant les allégations figurant dans la recom-
mandation de licenciement, le rendement du
requérant ne s'est pas amélioré malgré les avertis-
sements et les conseils.
Pour ces motifs, je rejette la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Cette demande introduite en
vertu de l'article 28 vise l'examen et l'annulation
de la décision de l'intimé Maurice J. Nadon, alors
commissaire de la Gendarmerie royale du Canada
(ci-après parfois appelée la Gendarmerie), décision
rendue en application de la Loi sur la Gendarme-
rie royale du Canada (ci-après appelée la Loi) et
des règlements y relatifs, le 2 décembre 1976 et
apparemment communiquée au requérant vers le 7
décembre 1976. Par ladite décision, le requérant
était licencié pour incompétence.
Voici les faits brièvement résumés. Le requérant
est entré dans la Gendarmerie en mars 1955; ainsi,
au moment de son licenciement, il appartenait à ce
corps policier depuis environ vingt et un ans et sept
mois. Des preuves produites, il appert que, de
façon générale, son service a été jugé satisfaisant
depuis son engagement en 1955 jusqu'à 1972 envi-
ron, quoique, de temps en temps, on ait dû lui
donner des conseils et des avertissements relatifs à
ses atermoiements et retards dans l'exécution de
ses fonctions et à ses défaillances en administration
et en organisation. L'évaluation et l'examen de son
rendement montrent clairement qu'il excellait dans
le domaine des relations publiques et qu'il était un
assez bon enquêteur et un agent de police bien
informé.
Au début de 1973, l'évaluation et l'examen de
son rendement montraient, cependant, que le
requérant avait [TRADUCTION] «complètement
échoué dans certaines de ses fonctions administra-
tives». De plus, on a constaté qu'il avait tardé à
plusieurs reprises à remettre ses rapports et à
compléter les dossiers courants d'ordre financier.
En conséquence, en mars 1973, il reçut un «avertis-
sement officiel» écrit, en application des Ordres
permanents du Commissaire, après comparution
devant le commandant de sa sous-division. Le
requérant a accusé réception de l'avertissement en
y apposant sa signature.
En juillet 1973, il reçut un autre avertissement
officiel pour [TRADUCTION] «inefficacité persis-
tante» dans sa manière de s'acquitter de ses fonc-
tions. L'avertissement se réfère à ses pratiques
administratives médiocres dans le passé et à un
incident plus récent relatif à son défaut de rendre
compte convenablement de certaines «punitions
volontaires» à lui infligées dans l'accomplissement
de ses tâches en tant que commandant de détache-
ment. Le caporal Danch accusa réception, encore
une fois, de l'avertissement en y apposant sa
signature.
Les preuves produites révèlent que d'autres inci
dents, survenus au cours des années 1973, 1974 et
1975, montrent que le requérant ne s'est pas amé-
lioré dans l'accomplissement de ses fonctions, en
particulier dans le domaine administratif, et,
comme conséquence, en juillet 1975, il reçut un
autre avertissement, dont voici un extrait:
[TRADUCTION] En conséquence, compte tenu du fait que
vous n'avez nullement tenu compte des mesures disciplinaires
précédentes, je dois vous avertir, dans les termes les plus
vigoureux, que la manière dont vous exécutez vos tâches cou-
rantes et votre attitude désinvolte ne peuvent pas être tolérées
plus longtemps; une amélioration immédiate et de longue durée
est requise à cet égard, faute de quoi je recommanderai votre
licenciement pour incompétence.
En vertu des Ordres permanents du Commis-
saire applicables en la matière, le caporal Danch a
fait appel contre ledit avertissement; le comité de
révision a confirmé l'avertissement officiel, mais a
fait certaines recommandations auxquelles je ne
crois pas nécessaire de renvoyer aux fins des pré-
sents motifs.
En 1976, les rapports d'activité ainsi que l'éva-
luation et l'examen de son rendement montraient
qu'aucun progrès n'avait été fait par lui dans
l'accomplissement de ses devoirs, à cause de son
manque de capacité d'organisation, de ses ater-
moiements, de son refus de déléguer son pouvoir et
de ses déficiences d'ordre administratif en général.
Après bien des enquêtes et rapports faits en 1976,
lesquels reconnaissent les qualités du requérant en
tant qu'agent de police et indiquent les domaines
dans lesquels il serait le mieux qualifié au sein de
la Gendarmerie, l'adjoint du commandant de la
sous-division a rendu un avis de recommandation
de licenciement du requérant pour incompétence,
avec raisons justificatives, et l'avis a été notifié au
requérant le 13 octobre 1976 dans un hôpital où il
était admis le même jour aux fins d'opération
chirurgicale.
Le caporal Danch a alors recouru aux procédu-
res d'appel prévues en application des Ordres per
manents du Commissaire. Un comité de révision,
qui déclare dans son rapport qu'il a [TRADUC-
TION] «examiné soigneusement les services et les
dossiers personnels, les rapports d'activité, les rap
ports de la section des sous-officiers, la recomman-
dation de licenciement et l'appel», a unanimement
constaté que:
[TRADUCTION] (1) Les procédures administratives ont été
appliquées correctement.
(2) Le caporal DANCH a eu un long passé d'atermoiements, de
manque d'initiative et de défaut d'accomplissement des fonc-
tions administratives nécessaires relativement à ses devoirs.
(3) Entre 1959 et 1975, le caporal DANCI-J a fait l'objet de
quatre avertissements pour inattention, négligence dans l'ac-
complissement de ses responsabilités administratives, ineffica-
cité persistante, manque continu d'initiative et exécution
médiocre.
(4) Les surveillants du requérant lui ont fait, à de nombreuses
occasions, des recommandations à propos de son rendement.
(5) Ledit rendement continue à être insatisfaisant.
(6) Le caporal DANCH a montré qu'il n'est pas qualifié pour
servir dans la Gendarmerie.
RECOMMANDATIONS
Le comité de révision recommande que:
(1) L'appel du caporal DANCH soit rejeté.
(2) Le caporal DANCH soit licencié pour incompétence en vertu
de l'article 173 du Règlement.
Le rapport a été confirmé par le Commissaire
Nadon le 2 décembre 1976. Le dossier ne montre
pas de façon claire que le Commissaire aurait
ordonné formellement le licenciement du requé-
rant, mais en tout cas, c'est contre la décision du
Commissaire, après la notification officielle de
celle-ci au requérant, que la présente demande a
été faite en application de l'article 28.
L'avocat du requérant attaque ladite décision
principalement pour trois raisons.
Il allègue tout d'abord que le pouvoir de licen-
cier pour incompétence est évidemment de carac-
tère disciplinaire. En conséquence, on a effective-
ment créé une infraction ressortissant au service.
Les procédures applicables en matière disciplinaire
ont été édictées dans la Partie II de la Loi, et, en
application de l'article 26 de celle-ci, lesdites pro-
cédures ont été incorporées au Règlement en ce
qui concerne les infractions ressortissant au ser
vice. L'avocat prétend qu'elles n'ont pas été appli-
quées par l'intimé Nadon lorsque celui-ci a décidé
que le requérant était incompétent aux fins de
l'article 173 des Règlements promulgués en appli
cation de la Loi, mais que ledit intimé a suivi les
directives procédurales du Commissaire, lesquelles
seraient incompatibles avec celles requises en
matière d'infractions ressortissant au service.
Ainsi, le licenciement du requérant pour incompé-
tence ne serait pas valable.
Voici le libellé des articles pertinents de la Loi,
des Règlements et des directives procédurales du
Commissaire:
13. (1) Les officiers de la Gendarmerie détiennent leurs
fonctions au gré du gouverneur en conseil.
(2) Sauf s'il est nommé pour une fonction temporaire,
chaque membre autre qu'un officier doit, lors de sa nomination,
signer un acte d'engagement pour une période n'excédant pas
cinq ans, mais un tel membre peut être congédié ou renvoyé par
le Commissaire en tout temps avant l'expiration de la durée de
son engagement.
. .
26. Tout membre qui viole un ordre permanent du Commis-
saire ou quelque règlement établi sous le régime de la Partie I,
ou omet de se conformer à un tel ordre ou règlement, est
coupable d'une infraction qualifiée d'infraction mineure ressor-
tissant au service et peut être jugé et puni ainsi que le prescrit
la présente Partie.
Suivent, dans la Partie II, des articles prescri-
vant les méthodes d'arrêt, de détention, les tribu-
naux compétents, la forme et la procédure des
accusations, le procès et les sanctions. L'article 38
donne pouvoir à l'officier prononçant la déclara-
tion de culpabilité de recommander, s'il le juge à
propos, que le membre reconnu coupable soit desti-
tué de la Gendarmerie. L'article 41 décrit la procé-
dure d'appel ouverte audit membre, et les articles
42 45 les méthodes applicables pour trancher ces
appels.
L'article 21 permet d'édicter des Règlements et
des ordres permanents 4 . Voici le libellé des articles
150, 151 et 173 des Règlements applicables à
notre matière:
150. Un membre, sauf un officier, peut être licencié de la
Gendarmerie pour n'importe laquelle des raisons suivantes:
a) inaptitude;
b) incompétence;
c) décès;
d) désertion;
e) révocation;
j) ordonnance du Ministre pour répondre aux nécessités du
service;
g) permutation;
h) âge maximal;
i) fin de la période de service maximale;
j) démission; ou
k) retraite volontaire.
151. Tout membre doit être informé immédiatement de
toute recommandation faite en vue de son licenciement de la
Gendarmerie.
173. Le Commissaire peut recommander le renvoi d'un offi-
cier et peut renvoyer un membre autre qu'un officier qui n'a
pas la compétence requise pour servir dans la Gendarmerie.
Les Ordres permanents du Commissaire com-
plètent les Règlements précités. Tous ces ordres
sont contenus dans un manuel d'administration.
Celui-ci contient aussi des directives adressées aux
officiers et aux membres de la G.R.C. et indiquant
les procédures à utiliser dans l'application de la
Loi, des Règlements et des ordres permanents.
4 21. (1) Le gouverneur en conseil peut édicter des règle-
ments sur l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'effica-
cité, l'administration et le bon gouvernement de la Gendarme-
rie et, en général, sur la réalisation des objets de la présente loi
et la mise à exécution de ses dispositions.
(2) Sous réserve de la présente loi et des règlements établis
en conformité du paragraphe (1), le Commissaire peut édicter
des règles, appelées *ordres permanents., visant l'organisation,
l'entraînement, la discipline, l'efficacité, l'administration et le
bon gouvernement de la Gendarmerie.
L'article II.14 traite du licenciement d'un membre
de la Gendarmerie, et II.14.C.6 est un Ordre
permanent déclarant que:
Tout membre dont la destitution est recommandée peut en
appeler par écrit au commissaire.
A l'appui de son allégation voulant qu'un licen-
ciement obligatoire en vertu des Règlements soit
une peine de caractère disciplinaire, l'avocat du
requérant a invoqué l'article II.13 traitant du
règlement des plaintes et de la discipline des mem-
bres. Il n'a cité aucun Ordre permanent du Com-
missaire à l'appui de son allégation, mais l'article
II.13.M., dans sa plaidoirie sert à cet égard. Il
s'agit d'une directive procédurale portant le titre
«Appels (voir les articles 41 44 de la Loi sur la
G.R.C., et les Règles 82, 85 et 87 du Règlement de
la G.R.C.)».
Voici le libellé de l'article I1.13.M.1.c:
Licenciements obligatoires
1. Si vous vous estimez mécontent ou lésé du fait d'une recom-
mandation, en faveur de votre licenciement, suivez les modali-
tés spécifiées à l'Annexe II.13.6, page 2.
1. Signifiez un avis écrit d'appel, énonçant les motifs et les
données sur lesquels l'appel repose, dans un délai de quatre
jours après notification de la recommandation, ou réception
de la transcription au cas où la recommandation est faite en
vertu de l'article 38 de la Loi sur la G.R.C.
L'article précité décrit comment un membre de
ce corps policier applique le droit à l'appel qui lui
est accordé par l'article II.14.C.6; le requérant a
exercé ce droit. Selon les allégations de l'avocat,
l'insertion des dispositions précitées dans un article
traitant de la discipline montre évidemment qu'un
licenciement obligatoire pour incompétence est de
caractère disciplinaire et doit donc être considéré
comme une infraction ressortissant au service en
application de la Partie II de la Loi. Le fait qu'il
n'ait pas été traité ainsi rend nulle la décision du
Commissaire.
Il faut se fonder sur la Loi et sur les Règlements
et les ordres permanents établis en vertu de ladite
loi pour établir le caractère des recommandations
pour licenciement. Bien que les directives procédu-
rales puissent avoir quelque signification margi-
nale, elles n'ont pas force de loi. Les articles 25 et
26 de la Loi décrivent respectivement les infrac
tions majeures et mineures ressortissant au service.
Certaines des plaintes portées à l'encontre du
caporal Danch auraient pu entraîner des accusa
tions en vertu de l'article 26. En fait, aucune
accusation n'a, cependant, été portée contre lui et
les procédures qui auraient été applicables ne sont
pas pertinentes dans la présente affaire. L'article
II.13.M./.c. indique simplement au membre com
ment exercer son droit d'appel contre une recom-
mandation pour licenciement. Il ne peut pas servir
de fondement pour la conversion d'un licenciement
de caractère non disciplinaire en un licenciement
de caractère disciplinaire considéré comme une
sanction infligée après le procès, en vertu de l'arti-
cle 38 de la Loi. L'article 13(2) et les articles 150
et 173 du Règlement autorisent nettement la pro-
cédure adoptée en l'espèce.
Dans Kedward c. La Reine', le juge Thurlow, en
réponse à l'allégation voulant que l'appelant était
passible d'être mis en accusation et jugé en appli
cation des dispositions disciplinaires de la Loi pour
refus d'être muté, a traité de cette allégation d'une
façon qui, à mon avis, s'applique avec la même
force ici, nonobstant le fait qu'il n'y avait rien dans
la nature du litige qui exigeait une décision dans
Kedward alors qu'on pourrait soutenir qu'il y a un
litige dans la présente affaire. Le juge Thurlow
s'est ainsi exprimé:
Si l'on présume que le refus de l'appelant équivalait à une
infraction ressortissant au service pour laquelle il aurait été
passible d'une peine disciplinaire, nous ne pensons pas qu'il ait
le droit d'exiger d'être poursuivi ni qu'une telle poursuite doive
nécessairement précéder une recommandation en vue d'un
licenciement. Nous ne pensons pas non plus qu'à l'issue des
poursuites, le cas échéant, l'appelant aurait été à l'abri d'un
licenciement pour motif d'incompétence. A notre avis, la pré-
tention de l'appelant n'est pas fondée.
Le requérant a prétendu, en second lieu, que
l'intimé Nadon aurait manqué de respecter, ou
aurait insuffisamment respecté, les règles de jus
tice naturelle sur plusieurs points. A cet égard, il
est généralement admis que les Règlements et
ordres permanents imposent au Commissaire le
devoir de donner suite à une recommandation de
licenciement pour incompétence d'un membre de
la G.R.C., sur une base au moins quasi judiciaire 6 .
En conséquence, de l'avis de l'avocat, le requérant
aurait droit, dans la présente affaire, à une audi
tion verbale parce que la décision de licenciement
rendue à son égard affecterait défavorablement
son droit à gagner sa vie, son droit à la retraite et
sa réputation. Dans Kedward c. La Reine (supra)
la Cour a statué que, sur la question de compé-
' [1976] 1 C.F. 57, à la page 59.
6 Voir McCleery c. La Reine [1974] 2 C.F. 339.
tence, il n'y a aucun droit à un procès formel ou
une audition verbale. L'avocat cherche à établir la
différence entre l'affaire Kedward et la présente
sur le fondement que, dans la présente affaire,
ainsi qu'il l'a écrit dans son exposé des faits et de
la loi, [TRADUCTION] «il y avait, et il y a encore,
un conflit aigu relatif aux faits servant de fonde-
ment à la détermination de la compétence du
requérant.» Il n'y avait aucun conflit ou litige de ce
genre dans Kedward. L'appelant dans cette affaire
a toujours refusé sa mutation. Ce point ne faisait
l'objet d'aucune contestation, il n'y avait donc pas
de litige, et, par voie de conséquence, pas de
nécessité d'une audition.
A mon avis, cette distinction n'est pas valable.
La Gendarmerie est de caractère paramilitaire. A
cause de ce caractère spécial, ses membres sont
inévitablement soumis à certaines restrictions rela-
tivement à des droits dont ils jouiraient s'ils
n'étaient pas dans la Gendarmerie. Dans La Reine
et Archer c. White', le juge Rand, traitant de ces
restrictions et des devoirs et responsabilités des
membres de la Gendarmerie, s'est ainsi exprimé:
[TRADUCTION] Ces conditions forment des éléments essentiels
d'un statut volontairement adopté et qui affecte les droits civils
prévus par la législation générale, c'est-à-dire les actes et la
conduite permis aux citoyens.
Et de nouveau à la page 159:
[TRADUCTION] Le Parlement a énuméré les entorses à la
discipline qui entraînent une sanction et, afin de permettre à la
Gendarmerie d'y faire face, il l'a dotée de ses propres tribu-
naux. Il n'est pas nécessaire de s'étendre sur les raisons qui
justifient cette façon de faire. Prima facie, il convient de
considérer un pareil code comme étant l'unique moyen prévu
pour atteindre ce but donné. Ainsi, en l'absence d'un abus de
pouvoir tel qu'il situerait l'acte en dehors des limites de la loi et
dans la mesure où l'acte est autorisé, il n'appartient pas à une
cour supérieure, dans l'exercice d'une compétence depuis long-
temps établie relative à la surveillance des tribunaux inférieurs,
d'intervenir dans la conduite des affaires internes d'un tel
organisme.
Bien que le juge Rand parle de sanctions en
raison d'infractions, son raisonnement s'applique a
fortiori à un autre aspect de la gestion interne,
savoir le droit de licencier un membre de la G.R.C.
parce que celui-ci n'a pas la compétence nécessaire
pour assurer son service. En outre, ce raisonne-
ment continue à être applicable nonobstant le fait
que la Loi a été substantiellement modifiée depuis
que ledit jugement a été rendu. Il n'y a eu aucun
[1956] R.C.S. 154, à la page 158.
changement dans la nécessité, pour une organisa
tion militaire ou paramilitaire, d'agir en mécon-
naissant certains droits dont pourrait tenir compte
une autre sorte d'organisation. Pour ces motifs, à
mon avis, la décision de la Cour dans Kedward,
statuant qu'il n'y a pas de droit à audition verbale
dans des matières de ce genre, ne peut être écartée
ici par une distinction basée sur les faits de la
cause.
Pour les mêmes motifs, le requérant n'a pas
droit en l'espèce à un conseiller juridique. Les
directives procédurales lui permettent d'utiliser les
services d'un agent des relations du personnel pour
l'aider dans la préparation de l'appel, mais, à mon
avis, son droit ne va pas plus loin à cet égard. Il a
décidé de ne pas utiliser ladite aide. Comme il n'a
pas le droit susmentionné, il ne peut contre-inter-
roger des témoins, invoquer des preuves viva voce
ou plaider en vue d'une commutation de peine,
ainsi que l'avait prétendu son avocat. Ses droits
ont été limitativement définis par les Règlements
et les ordres permanents. Aussi longtemps que
Règlements et ordres permanents sont équitable-
ment appliqués, il ne peut pas prétendre que les
règles de justice naturelle n'ont pas été respectées.
Comme troisième moyen d'appel, il a été, cepen-
dant, soutenu que les Règlements et ordres perma
nents n'auraient pas été équitablement appliqués
en ce sens que le requérant n'aurait pas reçu
notification de l'avis, ou ne l'aurait pas reçu de
façon convenable, relativement aux allégations ser
vant de fondement à son licenciement pour incom-
pétence, ce qui priverait d'efficacité le droit d'ap-
pel prévu à l'article II.14.C.6 des Ordres
permanents du Commissaire.
L'avis de recommandation de licenciement ren-
voie seulement, dans la carrière du requérant, à
des incidents postérieurs à 1972. Celui-ci allègue
que les documents déposés devant le comité de
révision et le Commissaire contiennent des référen-
ces supplémentaires à des incidents survenus au
cours de trois périodes différentes:
a) des allégations figurant à son dossier et tou-
chant son rendement antérieur à 1972;
b) des allégations touchant [TRADUCTION] «le
profil de service» (lequel est un résumé de tout le
dossier du requérant et a été présenté au conseil de
révision et au Commissaire) et des matières inclu-
ses dans ledit dossier, qui seraient survenues entre
1972 et octobre 1976 et n'auraient pas été men-
tionnées dans l'avis de recommandation de
licenciement;
c) des allégations d'inefficacité administrative
contenues dans le profil de service et dans d'autres
documents et qui, quoique faits relativement à la
période 1972 à 1976, n'auraient jamais été men-
tionnées dans aucun document antérieur au
moment où le requérant a reçu notification de
l'avis de recommandation de licenciement.
L'avocat allègue que le requérant n'a eu nulle
connaissance des matières précitées parce que
l'avis n'en a pas fait mention. Il n'a donc pas eu la
possibilité de les réfuter ou de les critiquer dans
son appel. Selon l'avocat, l'absence de ces men
tions rendrait nulle la décision du Commissaire.
En outre, l'avocat déclare que le soi-disant
«profil de service», préparé par un membre du
comité de révision antérieurement aux délibéra-
tions dudit comité, et couvrant la carrière du
requérant depuis son engagement, ne mettrait pas
en lumière ses points forts en tant que membre de
la Gendarmerie, mais insisterait sur ses points
faibles. Pour reprendre les termes de l'avocat, le
profil de service [TRADUCTION] «chercherait sim-
plement à donner des arguments à la poursuite».
En tout cas, à son avis, ledit profil aurait dû être
mis à la disposition du requérant afin qu'il puisse
présenter des doléances relativement aux matières
y contenues et qui n'auraient pas été mentionnées
dans l'avis de recommandation de licenciement.
Quant à cette prétention, il faudrait tout
d'abord souligner qu'à mon avis le requérant, tout
en ayant le droit, en vertu des Règlements et
ordres permanents, de prendre connaissance des
faits servant de fondement à l'avis de recomman-
dation, n'a pas celui d'examiner toutes les preuves
étayant les renvois aux faits, ni celui d'en être
avisé. Toute vue différente serait inconciliable avec
le principe, cité plus haut, qu'en s'engageant volon-
tairement dans une organisation paramilitaire, le
volontaire accepte une restriction à certains de ses
droits dont il pourrait jouir autrement dans la vie
civile. Il importe de remarquer que, dans la vie
civile, le droit de licencier un employé relève stric-
terrent de la direction. Le licenciement est un acte
de nature administrative, et, à moins qu'il ne soit
couvert par une convention collective ou un statut,
l'employé licencié n'a pas le droit de faire appel
contre son licenciement. La présente action vise
donc à élargir les droits habituels dont jouirait une
personne en dehors de la Gendarmerie. Il est inad
missible que le droit restreint d'appel contre une
décision essentiellement administrative de la Gen-
darmerie ouvre la porte à des droits qui, normale-
ment, ne pourraient être exercés dans la vie civile,
au moins aussi longtemps que ladite décision est
rendue de façon équitable.
Après un examen soigneux de tous les éléments
de preuve auxquels renvoie l'avocat, je ne suis pas
convaincu qu'il ait démontré que des faits perti-
nents, non mentionnés dans l'avis de recommanda-
tion, auraient été pris en considération par le
comité de révision et le Commissaire pour appuyer
ladite recommandation et, subséquemment, pour
ordonner le licenciement. Le caporal Danch a été
mis au courant de tous les faits sur lesquels se sont
fondés le comité et le Commissaire. Il n'a pas été
mis au courant de toutes les preuves se rapportant
auxdits faits mais, pour rappeler une déclaration
précitée, ce n'était pas un droit pour lui permettre
de prendre connaissance desdites preuves. Mais il
connaissait évidemment la plupart des preuves pro-
duites et le simple renvoi, dans l'avis, à un fait
suffisait pour attirer son attention sur l'existence
de telles preuves et lui faire comprendre qu'il
pourrait les utiliser. Ainsi le renvoi à des «avertis-
sements officiels» qu'il avait reçu et dont il avait
accusé réception, était fondé sur des preuves avec
lesquelles il était tout à fait familier. La même
observation s'applique aux révisions et classements
pendant la période considérée. Alors que, dans son
profil de service, des renvois ont été faits, en
passant à, sa carrière dans la Gendarmerie depuis
l'établissement dudit profil, ce dernier a clairement
montré la carrière du caporal Danch postérieure-
ment à 1972 et constitue une analyse équitable et
impartiale de ses points forts aussi bien que de ses
points faibles durant la période en question. A mon
avis, le caporal Danch ne peut grâce à cet argu
ment avoir gain de cause dans sa demande intro-
duite en vertu de l'article 28.
Pose, cependant, un problème peut-être plus dif-
ficile, son argument touchant des allégations con-
cernant la conduite du requérant à laquelle aucun
renvoi n'a été fait dans l'avis de recommandation,
parce que lesdites allégations n'avaient pas été
faites avant la notification dudit avis le 13 octobre
1976 et, par conséquent, le requérant n'avait pu
présenter aucune doléance y afférente. Lesdites
allégations sont à deux volets, le premier découlant
des enquêtes menées après réception de l'appel du
caporal Danch.
Dans son appel, celui-ci a surtout essayé de
réfuter les nombreuses allégations à deux matières
soulevées dans l'avis de recommandation, en expo-
sant qu'il n'est pas responsable des infractions y
énumérées. Il allègue qu'il s'agirait d'infractions
commises par son surveillant immédiat, le sergent
Durling ou d'autres membres de la Gendarmerie.
En conséquence, l'officier commandant la sous-
division a ordonné au sergent Durling de s'expli-
quer sur les accusations portées par le caporal
Danch dans sa plaidoirie. Ledit sergent s'est expli-
qué par lettre. Le caporal Danch n'a jamais pris
connaissance de celle-ci, alors même qu'il s'agit
d'une dénégation, avec quelques preuves à l'appui,
des allégations du requérant. Je suis d'avis que rien
n'oblige à donner au caporal Danch l'occasion de
répondre à une réponse, pour ainsi dire. Il a pré-
senté certaines allégations dans son appel. Afin de
déterminer si lesdites allégations ont quelque fon-
dement, on a pensé qu'il serait raisonnable, et je
me rallie volontiers à ce point de vue, de donner à
l'objet desdites allégations l'occasion de relater sa
version des événements litigieux. Lorsqu'ils reçoi-
vent ces explications, les officiers en cause ont
suffisamment de preuves pour décider eux-mêmes
du poids à accorder à chaque version, en vue de la
décision finale sur la compétence ou l'incompé-
tence du caporal Danch à continuer son service
dans la Gendarmerie.
La seconde allégation a trait à la découverte,
par les surveillants du requérant, d'autres exem-
ples de négligence de celui-ci dans l'accomplisse-
ment de ses devoirs ou d'atermoiements dans leur
exécution postérieurement à la notification de
l'avis de recommandation. Il n'est pas nécessaire
de traiter de ces exemples spécifiques. Il suffit de
mentionner que le caporal Danch n'en a pas eu
connaissance.
On peut traiter cette allégation de deux façons
différentes.
Tout d'abord, on peut considérer ces exemples
spécifiques comme autant de faits qui auraient dû
être révélés au requérant et auraient pu lui servir
de fondement pour présenter des doléances, s'il le
désirait, au Commissaire, avant que celui-ci
prenne sa décision finale.
Ensuite, on peut soutenir que lesdits exemples
spécifiques ne seraient que des preuves supplémen-
taires renforçant les accusations générales, faites
dans l'avis de recommandation, relativement à des
habitudes de travail critiquables, des atermoie-
ments et des négligences dans l'accomplissement
des tâches. Ces exemples étant des éléments de
preuve, il n'était pas nécessaire de les communi-
quer au requérant.
Je pense qu'ici lesdits exemples supplémentaires
tombent dans la première catégorie et auraient dû
être révélés au requérant. Ils montrent bien la
difficulté de faire une distinction nette entre les
faits et la preuve. Pour parler de manière réaliste,
lesdits exemples ont à la fois le caractère de faits et
celui de preuves. Ils sont semblables à quelques-
uns des exemples de paresse générale et d'ater-
moiements auxquels des renvois ont été faits dans
l'avis de recommandation et à propos desquels le
requérant aurait pu faire des observations, s'il le
désirait. Il aurait pu aussi se justifier relativement
aux exemples supplémentaires, mais on ne lui a
pas donné l'occasion de le faire. A mon avis, on
aurait dû lui donner cette occasion, mais en l'es-
pèce la seule question consiste à déterminer si, en
fait, le comité de révision et le Commissaire se sont
fondés, dans leur décision, sur ces exemples
spécifiques.
La démarche préférable aurait certainement
consisté à ne faire aucun renvoi à ces exemples
supplémentaires, et ne pas les verser au dossier
produit devant le comité de révision et le Commis-
saire; ainsi il n'aurait pu avoir aucune allégation
de violation d'une règle de justice naturelle. Il est
intéressant de noter à cet égard que l'inspecteur
Becker, membre du comité de révision qui a pré-
paré le profil de service, s'est ainsi prononcé dans
ledit document:
[TRADUCTION] Depuis la notification de la recommandation
pour révocation, d'autres incidents ont été découverts concer-
nant le rendement du caporal DANCH, comme on peut le
constater dans TAB 36. 8 Comme le caporal DANCH n'a pas eu
l'occasion de réfuter lesdits documents ou allégations, aucun
commentaire y afférent ne sera fait pour le moment. [C'est moi
qui souligne.]
L'inspecteur Becker se rendait certainement
compte de l'injustice qu'il y aurait à utiliser de tels
documents et allégations, mais ceux-ci ont été
quand même laissés dans le dossier.
La mesure dans laquelle lesdits documents et
allégations ont été utilisés n'est pas seulement une
question de spéculation puisque le comité de révi-
sion, dans son rapport dont les conclusions ont été
reproduites plus haut dans les présents motifs, a
déclaré: [TRADUCTION] «(5) Son rendement conti
nue à laisser à désirer.» Puis viennent les recom-
mandations qui ont été confirmées par le Commis-
saire. Du temps présent employé pour le verbe
dans le passage précité, il faudrait déduire que,
dans ses délibérations, le comité a effectivement
tenu compte des exemples supplémentaires de
négligence et d'atermoiement. Comme le Commis-
saire a confirmé les recommandations du comité,
la même déduction doit s'appliquer à lui.
Ainsi que je l'ai dit plus haut, la décision de
licencier un membre de la Gendarmerie est de
nature essentiellement administrative. Par suite de
ses Ordres permanents reconnaissant le droit d'ap-
pel contre des recommandations de licenciement
pour incompétence, le Commissaire a, dans une
mesure limitée, transformé ladite décision en un
acte quasi judiciaire. Le caractère limité du droit
d'appel ne doit pas s'étendre jusqu'à permettre des
injustices évidentes dans l'application de la procé-
dure d'appel. A mon avis, l'utilisation, dans la
décision, de documents obtenus postérieurement à
la notification de l'avis de recommandation, sans
en révéler l'existence au membre en question, est
évidemment inéquitable car il n'est pas possible de
déterminer l'influence desdits documents dans la
décision de licenciement, ce qui constitue une
erreur de droit. Si les documents supplémentaires
n'avaient pas été utilisés ou versés au dossier pré-
senté au Commissaire, il n'y aurait pas eu, à mon
sens, d'erreur révisable. Mais, en l'espèce, il est
nécessaire, à mon avis, d'annuler l'ordre de
licenciement.
8 Ce tableau renvoie à des documents qui se trouvaient
apparemment au dossier examiné par le comité et, présumé-
ment, par le Commissaire.
En arrivant à cette conclusion, je tiens le plus
grand compte des conseils donnés par le juge Rand
dans l'arrêt White (supra) à savoir que:
[TRADUCTION] Ainsi, en l'absence d'un abus de pouvoir tel
qu'il situerait l'acte en dehors des limites de la loi ... il
n'appartient pas à une cour supérieure ... d'intervenir dans la
conduite des affaires internes d'un tel organisme.
Dans la présente affaire, cependant, je suis d'avis
qu'on n'a pas convenablement respecté les Ordres
permanents dont la promulgation a été autorisée
par la Loi; c'est une erreur nécessitant, pour les
motifs rendus, l'intervention de la Cour.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Je conviens qu'il n'y a
aucun fondement à l'allégation du requérant vou-
lant que la procédure spéciale prévue par la Loi
sur la Gendarmerie royale du Canada pour les
procès concernant les infractions ressortissant au
service, ou toute autre procédure analogue, soit
appliquée au licenciement d'un membre pour
incompétence à continuer son service dans la Gen-
darmerie, lorsqu'une partie de la conduite invo-
quée à titre de justification de la révocation pour-
rait constituer une infraction ressortissant au
service. On peut admettre qu'il ne faudrait pas
soumettre un membre à un licenciement discipli-
naire pour des actes manifestement considérés par
la Gendarmerie comme constituant une infraction
ressortissant au service, sans lui permettre de béné-
ficier de la procédure prévue par la Loi; mais tel
n'est pas le cas en l'espèce. La présente destitution
est fondée sur une longue suite d'accomplissements
peu satisfaisants des devoirs administratifs. Elle
n'est pas de caractère disciplinaire, mais s'appuie
sur la conclusion que le requérant n'est pas apte à
continuer à servir dans la Gendarmerie à cause de
son attitude générale et de son rendement.
Je conviens avec mon collègue Pratte que les
droits procéduraux du requérant, relativement à la
recommandation de licenciement, sont limités à
ceux expressément prévus par l'article 151 du
Règlement et l'Ordre permanent II.14.C.6 ou y
implicites. Ces dispositions excluent manifeste-
ment le droit à une audition verbale. En ce qui
concerne le droit à l'assistance d'un avocat, rien ne
s'oppose à ce que le requérant y ait recours pour la
préparation écrite de son appel. Il n'est pas ques
tion de refuser le droit à un conseiller juridique
dans une procédure ne prévoyant pas pour le
requérant le droit de comparaître, d'exposer verba-
lement ses griefs, de produire des preuves et de
procéder à des contre-interrogatoires. Dans la
mesure où le droit à la notification et à la rédac-
tion d'un appel écrit comporte une certaine obliga
tion de révélation au requérant, je suis convaincu
que celui-ci a été suffisamment renseigné, par la
lecture de l'avis de recommandation de licencie-
ment, sur la matière étayant ladite recommanda-
tion. L'Ordre permanent II.15.C.3 dit ceci: [TRA-
DUCTION] «Aucun membre n'aura accès à son
propre dossier relatif au service, au personnel, à la
santé ou à la sécurité», ce qui réduit nécessaire-
ment l'obligation de révélation découlant du droit
d'appel reconnu par l'Ordre permanent II.14.C.6,
mais, dans la procédure d'appel prévue, le requé-
rant a droit à l'aide de l'agent des relations du
personnel, pour la préparation de son appel, et
ledit agent a droit d'accès aux dossiers, en vertu de
l'Ordre permanent II.16.F.11. Le requérant avait
aussi connaissance personnelle de ses rapports
A-26, et il a évidemment pris connaissance des
autres faits allégués. En résumé, je suis d'avis que
le requérant avait suffisamment de moyens pour
répondre aux accusations dirigées contre lui, car
l'affaire avait été exposée dans l'avis de recom-
mandation de licenciement.
Ainsi que le montrent les motifs de jugement
rendus par mes collègues les juges Pratte et Urie,
le principal litige est survenu par suite de la
manière dont des allégations de rendement peu
satisfaisant, postérieures à l'avis de recommanda-
tion de licenciement et au dépôt de l'appel par le
requérant, ont été versées au dossier présenté
devant le comité de révision et le Commissaire,
sans que le requérant en ait été prévenu.
Ces «incidents supplémentaires», au nombre de
cinq ou six, énoncés avec beaucoup de détails dans
le mémoire soumis par le sergent Durling en date
du 6 novembre 1976, au commandant de la sous-
division de Halifax, sont de caractère grave. Si,
jugé d'après l'ensemble de son dossier, le requérant
pouvait bénéficier de quelque doute ou clémence,
en tenant spécialement compte de la suggestion,
faite à un moment donné, de l'affecter à un poste
plus convenable dans le domaine des relations
publiques, lesdites allégations ou accusations sup-
plémentaires feraient pencher le jugement contre
lui. Il suffira de remarquer l'importance qu'y atta-
chent les officiers supérieurs. L'inspecteur M. J.
McInnis, commandant adjoint de la sous-division
de Halifax, envoya le mémoire de Durling, le 8
novembre 1976, au commandant divisionnaire «H»
à Halifax, avec les commentaires suivants tapés en
bas de la page:
[TRADUCTION] EXPÉDIÉ pour information et documentation.
Ainsi qu'il est indiqué dans le mémoire, des incidents supplé-
mentaires concernant le rendement du caporal Danch ont été
découverts depuis ma recommandation en vue de son licencie-
ment (voir mes lettres en date du 13 et du 14 octobre 1976 où il
est rapporté que le caporal Danch ne s'est pas présenté devant
moi, le 13 octobre 1976, malgré la convocation à cet égard).
Ces incidents supplémentaires s'ajoutent à d'autres rensei-
gnements concernant le rendement et l'attitude du caporal
Danch, étayent ma recommandation de licenciement. Pour le
moment, la sous-division n'envisage aucune action, à cet égard,
autre que le rapport et le dépôt des documents dans le dossier.
Un mémoire en date du 9 novembre 1976,
envoyé par le surintendant chef D. J. Wright,
commandant de la division «H», au Commissaire, à
l'appui de la recommandation de licenciement,
évoque les allégations subséquentes de rendement
non satisfaisant. Ce mémoire tout en indiquant
qu'elles ne doivent pas faire l'objet d'une action
indépendante ou séparée en attendant la suite
donnée à la recommandation, n'indique pas claire-
ment qu'elles ne doivent pas influencer la décision
à prendre sur ladite recommandation, ainsi que le
suggèrent les passages suivants du mémoire:
[TRADUCTION] Veuillez trouver ci-joint notre correspon-
dance complète jusqu'à la recommandation de licenciement du
caporal DANCH et à son appel, et ainsi que des preuves supplé-
mentaires subséquentes de service médiocre, pour lesquelles
aucune action n'a été engagée, mais qui ont été versées au
dossier en attendant la suite donnée à la présente recommanda-
tion.
Une correspondance récente en date du 6 novembre 76, ajoute
comme suit des preuves du manque d'assiduité de la part de ce
membre dans l'accomplissement de ses fonctions:
Ainsi qu'il a été dit plus haut, nous n'envisageons aucune
action à propos de ces autres violations évidentes de la disci
pline, en attendant la suite donnée à la recommandation de
licenciement et à l'appel du caporal DANCH.
Dans son mémoire en date du 25 novembre 1976
présenté au président du comité de révision, l'offi-
cier responsable (Inspecteur W. J. Becker) de la
direction de la discipline et des réclamations de
voyages, a attiré l'attention du comité sur les
allégations subséquentes de rendement non satis-
faisant énoncées dans le mémoire de Durling, et
aussi apparemment dans le mémoire de Wright.
Voici ce qu'il dit:
[TRADUCTION] Depuis la notification de la recommandation
pour révocation, d'autres incidents ont été découverts concer-
nant le rendement du caporal DANCH, comme on peut le
constater dans TAB 36. Comme le caporal DANCH n'a pas eu
l'occasion de réfuter lesdits documents ou allégations, aucun
commentaire y afférent ne sera fait pour le moment.
En expédiant les documents relatifs à la notification au caporal
DANCH, à son appel, etc., le commandant de la division aH» a
indiqué, que le caporal DANCH est très vite devenu presque
intraitable, et il demande instamment que la recommandation
de destitution soit examinée favorablement.
Le litige consiste à déterminer si les allégations
subséquentes de rendement non satisfaisant ont
privé le requérant de la faculté d'appel auquel il a
droit ou, en d'autres termes, de l'occasion équita-
ble de répondre aux allégations faites contre lui.
Tout en constatant la rigueur de l'analyse faite par
mon collègue Pratte, je ne suis pas convaincu, par
la manière dont les allégations subséquentes ont
été relatées et versées au dossier présenté devant le
comité et le Commissaire, que le requérant ait été
traité de façon équitable dans son appel. J'adopte
l'avis de mon collègue Urie sur cet aspect du
procès. En l'espèce, il faut laisser aux intimés la
charge de convaincre la Cour que lesdites alléga-
tions subséquentes n'ont pas été prises en considé-
ration par le comité et par le Commissaire ou n'ont
pas influencé leur décision en quoi que ce soit; et à
mon avis, le dossier ne montre pas que les intimés
ont satisfait à cette obligation. En fait, en l'espèce,
il serait virtuellement impossible de satisfaire à
cette obligation. Après la présentation des alléga-
tions au comité, on aurait dû en donner notifica
tion au requérant et lui donner en même temps
l'occasion d'y répondre dans son appel.
Avant d'en terminer avec cette matière je dois
faire remarquer que je me suis demandé si nous
sommes réellement obligés de conclure que la déci-
sion de cette cour dans McCleery c. La Reine
[1974] 2 C.F. 339 a été effectivement annulée par
la Cour suprême du Canada dans le jugement
Matsqui 9 , auquel mon collègue Pratte a renvoyé
9 Martineau et Butters c. Le Comité de discipline des déte-
nus de l'Institution de Matsqui [1978] 1 R.C.S. 118.
dans ses motifs de jugement. Selon mon avis res-
pectueux, tel n'est pas le cas. A part les autres
circonstances qui rendent les deux affaires diffé-
rentes, le droit de présenter sa cause sur le fonde-
ment d'une recommandation de licenciement logi-
quement implicite dans les dispositions de l'article
151 du Règlement prévoyant la notification d'un
avis, repose évidemment sur une disposition obliga-
toire de la loi, ainsi que le reconnaît l'avis de la
majorité dans Matsqui. En outre, l'article 26 de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, en
prescrivant la violation d'un ordre permanent cons-
tituait une infraction mineure ressortissant au ser
vice, qui rend le membre de la G.R.C. passible de
procès et de sanction, établit la différence entre
des ordres permanents et des directives, celles-ci
étant considérées par quatre membres de la Cour
suprême, dans Matsqui, comme n'ayant pas force
de «loi» au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale.
Pour ces motifs, j'accueille la demande et annule
la décision du Commissaire portant licenciement
du requérant pour incompétence et l'excluant des
rangs, de la Gendarmerie.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.