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A-61-77
John Danch (Requérant)
c.
Maurice J. Nadon et la Reine (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Le Dain— Ottawa, le 15 septembre et le 10 novembre 1977.
Examen judiciaire On a communiqué au requérant les recommandations de son licenciement de la G.R.C. Incom- pétence Allégations d'incompétence faites devant le comité de révision après la communication La Commission d'appel a recommandé le licenciement sans audition du requérant et sans la présence de son conseiller juridique La procédure des infractions ressortissant au service n'a pas été appliquée Les principes de justice naturelle ont-ils été violés? Aurait-on appliquer la procédure des infractions ressortis- sant au service? Conséquences de la prise en considération de matières n'ayant pas fait l'objet d'un avis Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, c. R-9, art. 13, 21, 26, 38, 41 Règlement sur la Gendarmerie royale du Canada, DORS/72-624, art. 150, 151, 173 Ordres perma nents IL13.M.1.c., IL14.C.6, IL15.C.3, IL 16.F.11 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2eSupp.), c. 10, art. 28.
Cette demande introduite en vertu de l'article 28 vise l'exa- men et l'annulation de la décision de l'intimé Nadon portant licenciement du requérant de la Gendarmerie royale du Canada pour incompétence. On a notifié au requérant un avis de recommandation de licenciement, et, utilisant la procédure établie par des Ordres permanents du Commissaire, le requé- rant en a fait appel devant un comité de révision qui a examiné le cas et a recommandé le licenciement du requérant. Celui-ci allègue que le pouvoir de licencier pour incompétence est de caractère disciplinaire et crée une infraction ressortissant au service, pour laquelle des procédures, autres que celles appli- quées, ont été établies par le Règlement. En outre, plusieurs principes de justice naturelle n'ont pas été bien suivis. Enfin, le requérant n'aurait pas reçu notification de l'avis relativement aux allégations présentées au comité et servant de fondement aux recommandations.
Arrêt (le juge Pratte dissident): la demande est accueillie.
Le juge Pratte dissident: Le pouvoir de licenciement conféré au Commissaire n'est restreint par aucune disposition de la Loi, laquelle soumet ledit pouvoir à des exigences procédurales semblables à celles prévues pour les sanctions en cas d'infrac- tions ressortissant au service. Le Parlement a ainsi montré son intention de ne pas soumettre ce pouvoir aux considérations de justice naturelle. Bien que ce pouvoir doive s'exercer de façon équitable, il est absolu et soumis seulement aux conditions prévues à cet effet dans les Règlements et les ordres perma nents exigeant la notification des recommandations de licencie- ment et du droit d'en faire appel par écrit. Si lesdites exigences sont respectées, le pouvoir de licenciement est exercé de façon valable même si toutes les exigences de justice naturelle n'ont pas été satisfaites. Bien que le dossier soumis au comité de révision et au Commissaire contienne des renseignements défa- vorables au requérant relativement à des faits mis en lumière après notification audit requérant de l'avis de recommandation
de licenciement, le dossier n'indique pas que le Commissaire se soit fondé sur ces renseignements dans sa décision. En consé- quence, la demande devrait être rejetée.
Le juge Urie: La décision de licencier un membre de la Gendarmerie est de nature essentiellement administrative. Alors que certaines plaintes auraient pu entraîner des inculpa- tions ressortissant au service, aucune inculpation n'a été faite et il n'est pas nécessaire de suivre les procédures applicables dans ces circonstances. La Loi et le Règlement permettent évidem- ment l'application des procédures et exigent que le Commis- saire agisse sur une base quasi judiciaire. L'assujettissement des membres de la Gendarmerie à certaines restrictions à leurs droits les prive de plusieurs droits découlant de la justice naturelle, y compris le droit à un procès ou une audition et le droit à un conseiller juridique. Le caractère limité du droit d'appel ne doit pas s'étendre jusqu'à permettre des injustices évidentes telles que l'utilisation, dans la décision, de documents obtenus postérieurement à la notification de l'avis de recom- mandation, sans en révéler l'existence, car il n'est pas possible de déterminer l'influence desdits documents dans la décision de licenciement. Ceci constitue une erreur de droit.
Le juge Le Dain: Les droits procéduraux du requérant, relativement à la recommandation de licenciement, sont limités à ceux expressément prévus par l'article 151 du Règlement et l'Ordre permanent II.14.C.6 ou y implicites. La présentation d'allégations au comité de révision impose aux intimés l'obliga- tion de convaincre la Cour que ces allégations n'ont pas été prises en considération par le comité et le Commissaire, et n'ont pas influencé leur décision en quoi que ce soit. Le dossier ne montre pas que les intimés ont satisfait à cette obligation. En fait, il serait virtuellement impossible de satisfaire à cette obligation. Après la présentation des allégations au comité, on aurait en donner notification au requérant et lui donner en même temps l'occasion d'y répondre dans son appel.
Arrêts appliqués: Kedward c. La Reine [1976] 1 C.F. 57; La Reine et Archer c. White [1956] R.C.S. 154; McCleery c. La Reine [1974] 2 C.F. 339.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
D. W. Scott, c.r., et J. B. Carr -Harris pour le
requérant.
P. Mclnenly pour les intimés.
PROCUREURS:
Scott & Aylen, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE (dissident): J'ai lu les motifs de jugement préparés par mon collègue Urie. Tout en partageant la plupart des avis qu'il a exprimés,
je ne souscris pas à ses conclusions selon lesquelles il faudrait accueillir la demande.
Conformément à l'article 13(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, c. R-9, «... un ... membre peut être congédié ou renvoyé par le Commissaire en tout temps avant l'expiration de la durée de son engagement». Le pouvoir ainsi conféré au Commissaire n'est res- treint par aucune disposition de la Loi', laquelle ne soumet ledit pouvoir à aucune exigence procédu- rale semblable à celles prévues pour les sanctions en cas d'infractions ressortissant au service. A mon avis, le Parlement a ainsi montré son intention de ne pas soumettre le pouvoir de licenciement du Commissaire aux considérations de justice natu- relle. Bien que, selon les intentions du Parlement, ce pouvoir doive s'exercer de façon équitable, ledit pouvoir est néanmoins absolu et soumis seulement aux conditions prévues à cet effet dans les Règle- ments et les ordres permanents adoptés en vertu de l'article 21 de la Loi 2 .
Certaines dispositions des Règlements et des ordres permanents garantissent qu'un membre de la Gendarmerie ne sera pas licencié sans avoir l'occasion de se faire entendre'. Règlements et
' Le seul autre article de la Loi mentionnant le licenciement est l'article 38. Il prévoit que, lorsqu'un membre a été déclaré coupable d'une infraction ressortissant au service, l'officier prononçant la déclaration de culpabilité peut recommander que le membre soit destitué de la Gendarmerie.
2 Voici le libellé de l'article 21:
21. (1) Le gouverneur en conseil peut édicter des règle- ments sur l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'effi- cacité, l'administration et le bon gouvernement de la Gendar- merie et, en général, sur la réalisation des objets de la présente loi et la mise à exécution de ses dispositions.
(2) Sous réserve de la présente loi et des règlements établis en conformité du paragraphe (1), le Commissaire peut édicter des règles, appelées «ordres permanents», visant l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'efficacité, l'ad- ministration et le bon gouvernement de la Gendarmerie.
' Lesdites dispositions sont contenues dans le règlement 151 et l'ordre permanent reproduit à l'article 11.14.C.6 du manuel administratif. En voici le libellé:
151. Tout membre doit être informé immédiatement de toute recommandation faite en vue de son licenciement de la Gendarmerie.
Ordre permanent 11.14....
C. 6. Tout membre dont la destitution est recommandée peut en appeler par écrit au commissaire.
En vertu de ces deux dispositions, la décision de licenciement d'un membre faite par le Commissaire doit l'être sur une base
ordres permanents ne prévoient cependant pas, de façon générale, que le pouvoir de licenciement du Commissaire doive être exercé suivant une procé- dure quasi judiciaire et en appliquant toutes les règles de justice naturelle. Ils édictent seulement deux exigences précises: toute recommandation de licenciement doit être notifiée au membre de la G.R.C., et celui-ci a le droit d'en appeler par écrit. Il s'agit des deux seules réserves procédurales limitant l'exercice du pouvoir de licenciement du Commissaire, lequel est absolu à tout autre égard. A condition que lesdites exigences soient respec- tées, le pouvoir de licenciement est, à mon avis, exercé de façon valable, en dépit du fait que toutes les exigences de justice naturelle n'ont pas été satisfaites.
En conséquence, à mon avis, la seule question consiste à déterminer si le requérant a reçu l'avis prévu par l'article 151 du Règlement et a pu exercer le droit d'appel prévu dans les Ordres permanents. En accord avec les motifs exposés par le juge Urie, je constate que le seul argument sérieux présenté par le requérant sur ce point se rapporte au fait que le dossier soumis au comité de révision et au Commissaire contient des renseigne- ments défavorables au requérant relativement à des faits mis en lumière après notification audit requérant de l'avis de recommandation de licencie- ment.
A mon avis—et sur ce point, je ne suis plus d'accord avec mon collègue Urie—cet argument n'est pas valable parce que le dossier n'indique pas que le Commissaire se soit fondé sur ce renseigne- ment dans sa décision. A part ce renseignement, le dossier contient des preuves péremptoires des insuffisances du requérant et prouve de façon con- vaincante qu'en dépit des avertissements, le rende- ment de ce dernier ne s'est pas amélioré. Ainsi que l'a fait ressortir le juge Urie dans ses motifs, le mémoire présenté au président de la Commission
judiciaire ou quasi judiciaire au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Telle est au moins la conséquence du jugement rendu par cette cour dans McCleery c. La Reine [1974] 2 C.F. 339. Comme la compétence de la Cour n'a pas été mise en doute dans le présent procès, il ne m'est pas nécessaire, tenant compte de la conclusion à laquelle je suis arrivé, d'examiner si la décision rendue dans McCleery peut être réconciliée avec celle récemment rendue par la Cour suprême du Canada dans Martineau et Butters c. Le Comité de discipline des détenus de l'Institution de Matsqui [1978] 1 R.C.S. 118.
d'appel par l'inspecteur Becker [TRADUCTION] «reconnaît la possibilité d'injustice» dans l'utilisa- tion de renseignements douteux. Dans de telles circonstances, je pense qu'il serait invraisemblable que la Commission, dont l'inspecteur Becker fait partie, ait pris en considération lesdits renseigne- ments. Il est vrai que la Commission, dans sa décision confirmée par le Commissaire, a constaté que le rendement du requérant «continue» à être insatisfaisant; et ce serait cet emploi du verbe au temps présent qui aurait amené mon collègue Urie à la conclusion que la Commission a tenu compte des renseignements relatifs à des incidents posté- rieurs à la notification des recommandations. Je ne ferai pas une telle déduction. Je conviens qu'il aurait été grammaticalement plus correct pour la Commission d'employer le verbe au passé; cepen- dant, lorsque ce passage de la décision est inter- prété dans son contexte, il exprime simplement, à mon avis, la constatation, faite par la Commission, que, suivant les allégations figurant dans la recom- mandation de licenciement, le rendement du requérant ne s'est pas amélioré malgré les avertis- sements et les conseils.
Pour ces motifs, je rejette la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Cette demande introduite en vertu de l'article 28 vise l'examen et l'annulation de la décision de l'intimé Maurice J. Nadon, alors commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (ci-après parfois appelée la Gendarmerie), décision rendue en application de la Loi sur la Gendarme- rie royale du Canada (ci-après appelée la Loi) et des règlements y relatifs, le 2 décembre 1976 et apparemment communiquée au requérant vers le 7 décembre 1976. Par ladite décision, le requérant était licencié pour incompétence.
Voici les faits brièvement résumés. Le requérant est entré dans la Gendarmerie en mars 1955; ainsi, au moment de son licenciement, il appartenait à ce corps policier depuis environ vingt et un ans et sept mois. Des preuves produites, il appert que, de façon générale, son service a été jugé satisfaisant depuis son engagement en 1955 jusqu'à 1972 envi-
ron, quoique, de temps en temps, on ait lui donner des conseils et des avertissements relatifs à ses atermoiements et retards dans l'exécution de ses fonctions et à ses défaillances en administration et en organisation. L'évaluation et l'examen de son rendement montrent clairement qu'il excellait dans le domaine des relations publiques et qu'il était un assez bon enquêteur et un agent de police bien informé.
Au début de 1973, l'évaluation et l'examen de son rendement montraient, cependant, que le requérant avait [TRADUCTION] «complètement échoué dans certaines de ses fonctions administra- tives». De plus, on a constaté qu'il avait tardé à plusieurs reprises à remettre ses rapports et à compléter les dossiers courants d'ordre financier. En conséquence, en mars 1973, il reçut un «avertis- sement officiel» écrit, en application des Ordres permanents du Commissaire, après comparution devant le commandant de sa sous-division. Le requérant a accusé réception de l'avertissement en y apposant sa signature.
En juillet 1973, il reçut un autre avertissement officiel pour [TRADUCTION] «inefficacité persis- tante» dans sa manière de s'acquitter de ses fonc- tions. L'avertissement se réfère à ses pratiques administratives médiocres dans le passé et à un incident plus récent relatif à son défaut de rendre compte convenablement de certaines «punitions volontaires» à lui infligées dans l'accomplissement de ses tâches en tant que commandant de détache- ment. Le caporal Danch accusa réception, encore une fois, de l'avertissement en y apposant sa signature.
Les preuves produites révèlent que d'autres inci dents, survenus au cours des années 1973, 1974 et 1975, montrent que le requérant ne s'est pas amé- lioré dans l'accomplissement de ses fonctions, en particulier dans le domaine administratif, et, comme conséquence, en juillet 1975, il reçut un autre avertissement, dont voici un extrait:
[TRADUCTION] En conséquence, compte tenu du fait que vous n'avez nullement tenu compte des mesures disciplinaires précédentes, je dois vous avertir, dans les termes les plus vigoureux, que la manière dont vous exécutez vos tâches cou- rantes et votre attitude désinvolte ne peuvent pas être tolérées plus longtemps; une amélioration immédiate et de longue durée est requise à cet égard, faute de quoi je recommanderai votre licenciement pour incompétence.
En vertu des Ordres permanents du Commis- saire applicables en la matière, le caporal Danch a fait appel contre ledit avertissement; le comité de révision a confirmé l'avertissement officiel, mais a fait certaines recommandations auxquelles je ne crois pas nécessaire de renvoyer aux fins des pré- sents motifs.
En 1976, les rapports d'activité ainsi que l'éva- luation et l'examen de son rendement montraient qu'aucun progrès n'avait été fait par lui dans l'accomplissement de ses devoirs, à cause de son manque de capacité d'organisation, de ses ater- moiements, de son refus de déléguer son pouvoir et de ses déficiences d'ordre administratif en général. Après bien des enquêtes et rapports faits en 1976, lesquels reconnaissent les qualités du requérant en tant qu'agent de police et indiquent les domaines dans lesquels il serait le mieux qualifié au sein de la Gendarmerie, l'adjoint du commandant de la sous-division a rendu un avis de recommandation de licenciement du requérant pour incompétence, avec raisons justificatives, et l'avis a été notifié au requérant le 13 octobre 1976 dans un hôpital il était admis le même jour aux fins d'opération chirurgicale.
Le caporal Danch a alors recouru aux procédu- res d'appel prévues en application des Ordres per manents du Commissaire. Un comité de révision, qui déclare dans son rapport qu'il a [TRADUC- TION] «examiné soigneusement les services et les dossiers personnels, les rapports d'activité, les rap ports de la section des sous-officiers, la recomman- dation de licenciement et l'appel», a unanimement constaté que:
[TRADUCTION] (1) Les procédures administratives ont été appliquées correctement.
(2) Le caporal DANCH a eu un long passé d'atermoiements, de manque d'initiative et de défaut d'accomplissement des fonc- tions administratives nécessaires relativement à ses devoirs.
(3) Entre 1959 et 1975, le caporal DANCI-J a fait l'objet de quatre avertissements pour inattention, négligence dans l'ac- complissement de ses responsabilités administratives, ineffica- cité persistante, manque continu d'initiative et exécution médiocre.
(4) Les surveillants du requérant lui ont fait, à de nombreuses occasions, des recommandations à propos de son rendement.
(5) Ledit rendement continue à être insatisfaisant.
(6) Le caporal DANCH a montré qu'il n'est pas qualifié pour servir dans la Gendarmerie.
RECOMMANDATIONS
Le comité de révision recommande que:
(1) L'appel du caporal DANCH soit rejeté.
(2) Le caporal DANCH soit licencié pour incompétence en vertu de l'article 173 du Règlement.
Le rapport a été confirmé par le Commissaire Nadon le 2 décembre 1976. Le dossier ne montre pas de façon claire que le Commissaire aurait ordonné formellement le licenciement du requé- rant, mais en tout cas, c'est contre la décision du Commissaire, après la notification officielle de celle-ci au requérant, que la présente demande a été faite en application de l'article 28.
L'avocat du requérant attaque ladite décision principalement pour trois raisons.
Il allègue tout d'abord que le pouvoir de licen- cier pour incompétence est évidemment de carac- tère disciplinaire. En conséquence, on a effective- ment créé une infraction ressortissant au service. Les procédures applicables en matière disciplinaire ont été édictées dans la Partie II de la Loi, et, en application de l'article 26 de celle-ci, lesdites pro- cédures ont été incorporées au Règlement en ce qui concerne les infractions ressortissant au ser vice. L'avocat prétend qu'elles n'ont pas été appli- quées par l'intimé Nadon lorsque celui-ci a décidé que le requérant était incompétent aux fins de l'article 173 des Règlements promulgués en appli cation de la Loi, mais que ledit intimé a suivi les directives procédurales du Commissaire, lesquelles seraient incompatibles avec celles requises en matière d'infractions ressortissant au service. Ainsi, le licenciement du requérant pour incompé- tence ne serait pas valable.
Voici le libellé des articles pertinents de la Loi, des Règlements et des directives procédurales du Commissaire:
13. (1) Les officiers de la Gendarmerie détiennent leurs fonctions au gré du gouverneur en conseil.
(2) Sauf s'il est nommé pour une fonction temporaire, chaque membre autre qu'un officier doit, lors de sa nomination, signer un acte d'engagement pour une période n'excédant pas cinq ans, mais un tel membre peut être congédié ou renvoyé par le Commissaire en tout temps avant l'expiration de la durée de son engagement.
. .
26. Tout membre qui viole un ordre permanent du Commis- saire ou quelque règlement établi sous le régime de la Partie I, ou omet de se conformer à un tel ordre ou règlement, est coupable d'une infraction qualifiée d'infraction mineure ressor- tissant au service et peut être jugé et puni ainsi que le prescrit la présente Partie.
Suivent, dans la Partie II, des articles prescri- vant les méthodes d'arrêt, de détention, les tribu- naux compétents, la forme et la procédure des accusations, le procès et les sanctions. L'article 38 donne pouvoir à l'officier prononçant la déclara- tion de culpabilité de recommander, s'il le juge à propos, que le membre reconnu coupable soit desti- tué de la Gendarmerie. L'article 41 décrit la procé- dure d'appel ouverte audit membre, et les articles 42 45 les méthodes applicables pour trancher ces appels.
L'article 21 permet d'édicter des Règlements et des ordres permanents 4 . Voici le libellé des articles 150, 151 et 173 des Règlements applicables à notre matière:
150. Un membre, sauf un officier, peut être licencié de la Gendarmerie pour n'importe laquelle des raisons suivantes:
a) inaptitude;
b) incompétence;
c) décès;
d) désertion;
e) révocation;
j) ordonnance du Ministre pour répondre aux nécessités du
service;
g) permutation;
h) âge maximal;
i) fin de la période de service maximale;
j) démission; ou
k) retraite volontaire.
151. Tout membre doit être informé immédiatement de toute recommandation faite en vue de son licenciement de la Gendarmerie.
173. Le Commissaire peut recommander le renvoi d'un offi- cier et peut renvoyer un membre autre qu'un officier qui n'a pas la compétence requise pour servir dans la Gendarmerie.
Les Ordres permanents du Commissaire com- plètent les Règlements précités. Tous ces ordres sont contenus dans un manuel d'administration. Celui-ci contient aussi des directives adressées aux officiers et aux membres de la G.R.C. et indiquant les procédures à utiliser dans l'application de la Loi, des Règlements et des ordres permanents.
4 21. (1) Le gouverneur en conseil peut édicter des règle- ments sur l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'effica- cité, l'administration et le bon gouvernement de la Gendarme- rie et, en général, sur la réalisation des objets de la présente loi et la mise à exécution de ses dispositions.
(2) Sous réserve de la présente loi et des règlements établis en conformité du paragraphe (1), le Commissaire peut édicter des règles, appelées *ordres permanents., visant l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'efficacité, l'administration et le bon gouvernement de la Gendarmerie.
L'article II.14 traite du licenciement d'un membre de la Gendarmerie, et II.14.C.6 est un Ordre permanent déclarant que:
Tout membre dont la destitution est recommandée peut en appeler par écrit au commissaire.
A l'appui de son allégation voulant qu'un licen- ciement obligatoire en vertu des Règlements soit une peine de caractère disciplinaire, l'avocat du requérant a invoqué l'article II.13 traitant du règlement des plaintes et de la discipline des mem- bres. Il n'a cité aucun Ordre permanent du Com- missaire à l'appui de son allégation, mais l'article II.13.M., dans sa plaidoirie sert à cet égard. Il s'agit d'une directive procédurale portant le titre
«Appels (voir les articles 41 44 de la Loi sur la G.R.C., et les Règles 82, 85 et 87 du Règlement de la G.R.C.)».
Voici le libellé de l'article I1.13.M.1.c:
Licenciements obligatoires
1. Si vous vous estimez mécontent ou lésé du fait d'une recom- mandation, en faveur de votre licenciement, suivez les modali- tés spécifiées à l'Annexe II.13.6, page 2.
1. Signifiez un avis écrit d'appel, énonçant les motifs et les données sur lesquels l'appel repose, dans un délai de quatre jours après notification de la recommandation, ou réception de la transcription au cas la recommandation est faite en vertu de l'article 38 de la Loi sur la G.R.C.
L'article précité décrit comment un membre de ce corps policier applique le droit à l'appel qui lui est accordé par l'article II.14.C.6; le requérant a exercé ce droit. Selon les allégations de l'avocat, l'insertion des dispositions précitées dans un article traitant de la discipline montre évidemment qu'un licenciement obligatoire pour incompétence est de caractère disciplinaire et doit donc être considéré comme une infraction ressortissant au service en application de la Partie II de la Loi. Le fait qu'il n'ait pas été traité ainsi rend nulle la décision du Commissaire.
Il faut se fonder sur la Loi et sur les Règlements et les ordres permanents établis en vertu de ladite loi pour établir le caractère des recommandations pour licenciement. Bien que les directives procédu- rales puissent avoir quelque signification margi- nale, elles n'ont pas force de loi. Les articles 25 et 26 de la Loi décrivent respectivement les infrac tions majeures et mineures ressortissant au service. Certaines des plaintes portées à l'encontre du caporal Danch auraient pu entraîner des accusa tions en vertu de l'article 26. En fait, aucune
accusation n'a, cependant, été portée contre lui et les procédures qui auraient été applicables ne sont pas pertinentes dans la présente affaire. L'article II.13.M./.c. indique simplement au membre com ment exercer son droit d'appel contre une recom- mandation pour licenciement. Il ne peut pas servir de fondement pour la conversion d'un licenciement de caractère non disciplinaire en un licenciement de caractère disciplinaire considéré comme une sanction infligée après le procès, en vertu de l'arti- cle 38 de la Loi. L'article 13(2) et les articles 150 et 173 du Règlement autorisent nettement la pro- cédure adoptée en l'espèce.
Dans Kedward c. La Reine', le juge Thurlow, en réponse à l'allégation voulant que l'appelant était passible d'être mis en accusation et jugé en appli cation des dispositions disciplinaires de la Loi pour refus d'être muté, a traité de cette allégation d'une façon qui, à mon avis, s'applique avec la même force ici, nonobstant le fait qu'il n'y avait rien dans la nature du litige qui exigeait une décision dans Kedward alors qu'on pourrait soutenir qu'il y a un litige dans la présente affaire. Le juge Thurlow s'est ainsi exprimé:
Si l'on présume que le refus de l'appelant équivalait à une infraction ressortissant au service pour laquelle il aurait été passible d'une peine disciplinaire, nous ne pensons pas qu'il ait le droit d'exiger d'être poursuivi ni qu'une telle poursuite doive nécessairement précéder une recommandation en vue d'un licenciement. Nous ne pensons pas non plus qu'à l'issue des poursuites, le cas échéant, l'appelant aurait été à l'abri d'un licenciement pour motif d'incompétence. A notre avis, la pré- tention de l'appelant n'est pas fondée.
Le requérant a prétendu, en second lieu, que l'intimé Nadon aurait manqué de respecter, ou aurait insuffisamment respecté, les règles de jus tice naturelle sur plusieurs points. A cet égard, il est généralement admis que les Règlements et ordres permanents imposent au Commissaire le devoir de donner suite à une recommandation de licenciement pour incompétence d'un membre de la G.R.C., sur une base au moins quasi judiciaire 6 . En conséquence, de l'avis de l'avocat, le requérant aurait droit, dans la présente affaire, à une audi tion verbale parce que la décision de licenciement rendue à son égard affecterait défavorablement son droit à gagner sa vie, son droit à la retraite et sa réputation. Dans Kedward c. La Reine (supra) la Cour a statué que, sur la question de compé-
' [1976] 1 C.F. 57, à la page 59.
6 Voir McCleery c. La Reine [1974] 2 C.F. 339.
tence, il n'y a aucun droit à un procès formel ou une audition verbale. L'avocat cherche à établir la différence entre l'affaire Kedward et la présente sur le fondement que, dans la présente affaire, ainsi qu'il l'a écrit dans son exposé des faits et de la loi, [TRADUCTION] «il y avait, et il y a encore, un conflit aigu relatif aux faits servant de fonde- ment à la détermination de la compétence du requérant.» Il n'y avait aucun conflit ou litige de ce genre dans Kedward. L'appelant dans cette affaire a toujours refusé sa mutation. Ce point ne faisait l'objet d'aucune contestation, il n'y avait donc pas de litige, et, par voie de conséquence, pas de nécessité d'une audition.
A mon avis, cette distinction n'est pas valable. La Gendarmerie est de caractère paramilitaire. A cause de ce caractère spécial, ses membres sont inévitablement soumis à certaines restrictions rela- tivement à des droits dont ils jouiraient s'ils n'étaient pas dans la Gendarmerie. Dans La Reine et Archer c. White', le juge Rand, traitant de ces restrictions et des devoirs et responsabilités des membres de la Gendarmerie, s'est ainsi exprimé: [TRADUCTION] Ces conditions forment des éléments essentiels d'un statut volontairement adopté et qui affecte les droits civils prévus par la législation générale, c'est-à-dire les actes et la conduite permis aux citoyens.
Et de nouveau à la page 159:
[TRADUCTION] Le Parlement a énuméré les entorses à la discipline qui entraînent une sanction et, afin de permettre à la Gendarmerie d'y faire face, il l'a dotée de ses propres tribu- naux. Il n'est pas nécessaire de s'étendre sur les raisons qui justifient cette façon de faire. Prima facie, il convient de considérer un pareil code comme étant l'unique moyen prévu pour atteindre ce but donné. Ainsi, en l'absence d'un abus de pouvoir tel qu'il situerait l'acte en dehors des limites de la loi et dans la mesure l'acte est autorisé, il n'appartient pas à une cour supérieure, dans l'exercice d'une compétence depuis long- temps établie relative à la surveillance des tribunaux inférieurs, d'intervenir dans la conduite des affaires internes d'un tel organisme.
Bien que le juge Rand parle de sanctions en raison d'infractions, son raisonnement s'applique a fortiori à un autre aspect de la gestion interne, savoir le droit de licencier un membre de la G.R.C. parce que celui-ci n'a pas la compétence nécessaire pour assurer son service. En outre, ce raisonne- ment continue à être applicable nonobstant le fait que la Loi a été substantiellement modifiée depuis que ledit jugement a été rendu. Il n'y a eu aucun
[1956] R.C.S. 154, à la page 158.
changement dans la nécessité, pour une organisa tion militaire ou paramilitaire, d'agir en mécon- naissant certains droits dont pourrait tenir compte une autre sorte d'organisation. Pour ces motifs, à mon avis, la décision de la Cour dans Kedward, statuant qu'il n'y a pas de droit à audition verbale dans des matières de ce genre, ne peut être écartée ici par une distinction basée sur les faits de la cause.
Pour les mêmes motifs, le requérant n'a pas droit en l'espèce à un conseiller juridique. Les directives procédurales lui permettent d'utiliser les services d'un agent des relations du personnel pour l'aider dans la préparation de l'appel, mais, à mon avis, son droit ne va pas plus loin à cet égard. Il a décidé de ne pas utiliser ladite aide. Comme il n'a pas le droit susmentionné, il ne peut contre-inter- roger des témoins, invoquer des preuves viva voce ou plaider en vue d'une commutation de peine, ainsi que l'avait prétendu son avocat. Ses droits ont été limitativement définis par les Règlements et les ordres permanents. Aussi longtemps que Règlements et ordres permanents sont équitable- ment appliqués, il ne peut pas prétendre que les règles de justice naturelle n'ont pas été respectées.
Comme troisième moyen d'appel, il a été, cepen- dant, soutenu que les Règlements et ordres perma nents n'auraient pas été équitablement appliqués en ce sens que le requérant n'aurait pas reçu notification de l'avis, ou ne l'aurait pas reçu de façon convenable, relativement aux allégations ser vant de fondement à son licenciement pour incom- pétence, ce qui priverait d'efficacité le droit d'ap- pel prévu à l'article II.14.C.6 des Ordres permanents du Commissaire.
L'avis de recommandation de licenciement ren- voie seulement, dans la carrière du requérant, à des incidents postérieurs à 1972. Celui-ci allègue que les documents déposés devant le comité de révision et le Commissaire contiennent des référen- ces supplémentaires à des incidents survenus au cours de trois périodes différentes:
a) des allégations figurant à son dossier et tou- chant son rendement antérieur à 1972;
b) des allégations touchant [TRADUCTION] «le profil de service» (lequel est un résumé de tout le dossier du requérant et a été présenté au conseil de
révision et au Commissaire) et des matières inclu- ses dans ledit dossier, qui seraient survenues entre 1972 et octobre 1976 et n'auraient pas été men- tionnées dans l'avis de recommandation de licenciement;
c) des allégations d'inefficacité administrative contenues dans le profil de service et dans d'autres documents et qui, quoique faits relativement à la période 1972 à 1976, n'auraient jamais été men- tionnées dans aucun document antérieur au moment le requérant a reçu notification de l'avis de recommandation de licenciement.
L'avocat allègue que le requérant n'a eu nulle connaissance des matières précitées parce que l'avis n'en a pas fait mention. Il n'a donc pas eu la possibilité de les réfuter ou de les critiquer dans son appel. Selon l'avocat, l'absence de ces men tions rendrait nulle la décision du Commissaire.
En outre, l'avocat déclare que le soi-disant «profil de service», préparé par un membre du comité de révision antérieurement aux délibéra- tions dudit comité, et couvrant la carrière du requérant depuis son engagement, ne mettrait pas en lumière ses points forts en tant que membre de la Gendarmerie, mais insisterait sur ses points faibles. Pour reprendre les termes de l'avocat, le profil de service [TRADUCTION] «chercherait sim- plement à donner des arguments à la poursuite». En tout cas, à son avis, ledit profil aurait être mis à la disposition du requérant afin qu'il puisse présenter des doléances relativement aux matières y contenues et qui n'auraient pas été mentionnées dans l'avis de recommandation de licenciement.
Quant à cette prétention, il faudrait tout d'abord souligner qu'à mon avis le requérant, tout en ayant le droit, en vertu des Règlements et ordres permanents, de prendre connaissance des faits servant de fondement à l'avis de recomman- dation, n'a pas celui d'examiner toutes les preuves étayant les renvois aux faits, ni celui d'en être avisé. Toute vue différente serait inconciliable avec le principe, cité plus haut, qu'en s'engageant volon- tairement dans une organisation paramilitaire, le volontaire accepte une restriction à certains de ses droits dont il pourrait jouir autrement dans la vie civile. Il importe de remarquer que, dans la vie civile, le droit de licencier un employé relève stric-
terrent de la direction. Le licenciement est un acte de nature administrative, et, à moins qu'il ne soit couvert par une convention collective ou un statut, l'employé licencié n'a pas le droit de faire appel contre son licenciement. La présente action vise donc à élargir les droits habituels dont jouirait une personne en dehors de la Gendarmerie. Il est inad missible que le droit restreint d'appel contre une décision essentiellement administrative de la Gen- darmerie ouvre la porte à des droits qui, normale- ment, ne pourraient être exercés dans la vie civile, au moins aussi longtemps que ladite décision est rendue de façon équitable.
Après un examen soigneux de tous les éléments de preuve auxquels renvoie l'avocat, je ne suis pas convaincu qu'il ait démontré que des faits perti- nents, non mentionnés dans l'avis de recommanda- tion, auraient été pris en considération par le comité de révision et le Commissaire pour appuyer ladite recommandation et, subséquemment, pour ordonner le licenciement. Le caporal Danch a été mis au courant de tous les faits sur lesquels se sont fondés le comité et le Commissaire. Il n'a pas été mis au courant de toutes les preuves se rapportant auxdits faits mais, pour rappeler une déclaration précitée, ce n'était pas un droit pour lui permettre de prendre connaissance desdites preuves. Mais il connaissait évidemment la plupart des preuves pro- duites et le simple renvoi, dans l'avis, à un fait suffisait pour attirer son attention sur l'existence de telles preuves et lui faire comprendre qu'il pourrait les utiliser. Ainsi le renvoi à des «avertis- sements officiels» qu'il avait reçu et dont il avait accusé réception, était fondé sur des preuves avec lesquelles il était tout à fait familier. La même observation s'applique aux révisions et classements pendant la période considérée. Alors que, dans son profil de service, des renvois ont été faits, en passant à, sa carrière dans la Gendarmerie depuis l'établissement dudit profil, ce dernier a clairement montré la carrière du caporal Danch postérieure- ment à 1972 et constitue une analyse équitable et impartiale de ses points forts aussi bien que de ses points faibles durant la période en question. A mon avis, le caporal Danch ne peut grâce à cet argu ment avoir gain de cause dans sa demande intro- duite en vertu de l'article 28.
Pose, cependant, un problème peut-être plus dif- ficile, son argument touchant des allégations con-
cernant la conduite du requérant à laquelle aucun renvoi n'a été fait dans l'avis de recommandation, parce que lesdites allégations n'avaient pas été faites avant la notification dudit avis le 13 octobre 1976 et, par conséquent, le requérant n'avait pu présenter aucune doléance y afférente. Lesdites allégations sont à deux volets, le premier découlant des enquêtes menées après réception de l'appel du caporal Danch.
Dans son appel, celui-ci a surtout essayé de réfuter les nombreuses allégations à deux matières soulevées dans l'avis de recommandation, en expo- sant qu'il n'est pas responsable des infractions y énumérées. Il allègue qu'il s'agirait d'infractions commises par son surveillant immédiat, le sergent Durling ou d'autres membres de la Gendarmerie. En conséquence, l'officier commandant la sous- division a ordonné au sergent Durling de s'expli- quer sur les accusations portées par le caporal Danch dans sa plaidoirie. Ledit sergent s'est expli- qué par lettre. Le caporal Danch n'a jamais pris connaissance de celle-ci, alors même qu'il s'agit d'une dénégation, avec quelques preuves à l'appui, des allégations du requérant. Je suis d'avis que rien n'oblige à donner au caporal Danch l'occasion de répondre à une réponse, pour ainsi dire. Il a pré- senté certaines allégations dans son appel. Afin de déterminer si lesdites allégations ont quelque fon- dement, on a pensé qu'il serait raisonnable, et je me rallie volontiers à ce point de vue, de donner à l'objet desdites allégations l'occasion de relater sa version des événements litigieux. Lorsqu'ils reçoi- vent ces explications, les officiers en cause ont suffisamment de preuves pour décider eux-mêmes du poids à accorder à chaque version, en vue de la décision finale sur la compétence ou l'incompé- tence du caporal Danch à continuer son service dans la Gendarmerie.
La seconde allégation a trait à la découverte, par les surveillants du requérant, d'autres exem- ples de négligence de celui-ci dans l'accomplisse- ment de ses devoirs ou d'atermoiements dans leur exécution postérieurement à la notification de l'avis de recommandation. Il n'est pas nécessaire de traiter de ces exemples spécifiques. Il suffit de mentionner que le caporal Danch n'en a pas eu connaissance.
On peut traiter cette allégation de deux façons différentes.
Tout d'abord, on peut considérer ces exemples spécifiques comme autant de faits qui auraient être révélés au requérant et auraient pu lui servir de fondement pour présenter des doléances, s'il le désirait, au Commissaire, avant que celui-ci prenne sa décision finale.
Ensuite, on peut soutenir que lesdits exemples spécifiques ne seraient que des preuves supplémen- taires renforçant les accusations générales, faites dans l'avis de recommandation, relativement à des habitudes de travail critiquables, des atermoie- ments et des négligences dans l'accomplissement des tâches. Ces exemples étant des éléments de preuve, il n'était pas nécessaire de les communi- quer au requérant.
Je pense qu'ici lesdits exemples supplémentaires tombent dans la première catégorie et auraient être révélés au requérant. Ils montrent bien la difficulté de faire une distinction nette entre les faits et la preuve. Pour parler de manière réaliste, lesdits exemples ont à la fois le caractère de faits et celui de preuves. Ils sont semblables à quelques- uns des exemples de paresse générale et d'ater- moiements auxquels des renvois ont été faits dans l'avis de recommandation et à propos desquels le requérant aurait pu faire des observations, s'il le désirait. Il aurait pu aussi se justifier relativement aux exemples supplémentaires, mais on ne lui a pas donné l'occasion de le faire. A mon avis, on aurait lui donner cette occasion, mais en l'es- pèce la seule question consiste à déterminer si, en fait, le comité de révision et le Commissaire se sont fondés, dans leur décision, sur ces exemples spécifiques.
La démarche préférable aurait certainement consisté à ne faire aucun renvoi à ces exemples supplémentaires, et ne pas les verser au dossier produit devant le comité de révision et le Commis- saire; ainsi il n'aurait pu avoir aucune allégation de violation d'une règle de justice naturelle. Il est intéressant de noter à cet égard que l'inspecteur Becker, membre du comité de révision qui a pré- paré le profil de service, s'est ainsi prononcé dans ledit document:
[TRADUCTION] Depuis la notification de la recommandation pour révocation, d'autres incidents ont été découverts concer-
nant le rendement du caporal DANCH, comme on peut le constater dans TAB 36. 8 Comme le caporal DANCH n'a pas eu l'occasion de réfuter lesdits documents ou allégations, aucun commentaire y afférent ne sera fait pour le moment. [C'est moi qui souligne.]
L'inspecteur Becker se rendait certainement compte de l'injustice qu'il y aurait à utiliser de tels documents et allégations, mais ceux-ci ont été quand même laissés dans le dossier.
La mesure dans laquelle lesdits documents et allégations ont été utilisés n'est pas seulement une question de spéculation puisque le comité de révi- sion, dans son rapport dont les conclusions ont été reproduites plus haut dans les présents motifs, a déclaré: [TRADUCTION] «(5) Son rendement conti nue à laisser à désirer.» Puis viennent les recom- mandations qui ont été confirmées par le Commis- saire. Du temps présent employé pour le verbe dans le passage précité, il faudrait déduire que, dans ses délibérations, le comité a effectivement tenu compte des exemples supplémentaires de négligence et d'atermoiement. Comme le Commis- saire a confirmé les recommandations du comité, la même déduction doit s'appliquer à lui.
Ainsi que je l'ai dit plus haut, la décision de licencier un membre de la Gendarmerie est de nature essentiellement administrative. Par suite de ses Ordres permanents reconnaissant le droit d'ap- pel contre des recommandations de licenciement pour incompétence, le Commissaire a, dans une mesure limitée, transformé ladite décision en un acte quasi judiciaire. Le caractère limité du droit d'appel ne doit pas s'étendre jusqu'à permettre des injustices évidentes dans l'application de la procé- dure d'appel. A mon avis, l'utilisation, dans la décision, de documents obtenus postérieurement à la notification de l'avis de recommandation, sans en révéler l'existence au membre en question, est évidemment inéquitable car il n'est pas possible de déterminer l'influence desdits documents dans la décision de licenciement, ce qui constitue une erreur de droit. Si les documents supplémentaires n'avaient pas été utilisés ou versés au dossier pré- senté au Commissaire, il n'y aurait pas eu, à mon sens, d'erreur révisable. Mais, en l'espèce, il est nécessaire, à mon avis, d'annuler l'ordre de licenciement.
8 Ce tableau renvoie à des documents qui se trouvaient apparemment au dossier examiné par le comité et, présumé- ment, par le Commissaire.
En arrivant à cette conclusion, je tiens le plus grand compte des conseils donnés par le juge Rand dans l'arrêt White (supra) à savoir que:
[TRADUCTION] Ainsi, en l'absence d'un abus de pouvoir tel qu'il situerait l'acte en dehors des limites de la loi ... il n'appartient pas à une cour supérieure ... d'intervenir dans la conduite des affaires internes d'un tel organisme.
Dans la présente affaire, cependant, je suis d'avis qu'on n'a pas convenablement respecté les Ordres permanents dont la promulgation a été autorisée par la Loi; c'est une erreur nécessitant, pour les motifs rendus, l'intervention de la Cour.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Je conviens qu'il n'y a aucun fondement à l'allégation du requérant vou- lant que la procédure spéciale prévue par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada pour les procès concernant les infractions ressortissant au service, ou toute autre procédure analogue, soit appliquée au licenciement d'un membre pour incompétence à continuer son service dans la Gen- darmerie, lorsqu'une partie de la conduite invo- quée à titre de justification de la révocation pour- rait constituer une infraction ressortissant au service. On peut admettre qu'il ne faudrait pas soumettre un membre à un licenciement discipli- naire pour des actes manifestement considérés par la Gendarmerie comme constituant une infraction ressortissant au service, sans lui permettre de béné- ficier de la procédure prévue par la Loi; mais tel n'est pas le cas en l'espèce. La présente destitution est fondée sur une longue suite d'accomplissements peu satisfaisants des devoirs administratifs. Elle n'est pas de caractère disciplinaire, mais s'appuie sur la conclusion que le requérant n'est pas apte à continuer à servir dans la Gendarmerie à cause de son attitude générale et de son rendement.
Je conviens avec mon collègue Pratte que les droits procéduraux du requérant, relativement à la recommandation de licenciement, sont limités à ceux expressément prévus par l'article 151 du Règlement et l'Ordre permanent II.14.C.6 ou y implicites. Ces dispositions excluent manifeste- ment le droit à une audition verbale. En ce qui concerne le droit à l'assistance d'un avocat, rien ne s'oppose à ce que le requérant y ait recours pour la
préparation écrite de son appel. Il n'est pas ques tion de refuser le droit à un conseiller juridique dans une procédure ne prévoyant pas pour le requérant le droit de comparaître, d'exposer verba- lement ses griefs, de produire des preuves et de procéder à des contre-interrogatoires. Dans la mesure le droit à la notification et à la rédac- tion d'un appel écrit comporte une certaine obliga tion de révélation au requérant, je suis convaincu que celui-ci a été suffisamment renseigné, par la lecture de l'avis de recommandation de licencie- ment, sur la matière étayant ladite recommanda- tion. L'Ordre permanent II.15.C.3 dit ceci: [TRA- DUCTION] «Aucun membre n'aura accès à son propre dossier relatif au service, au personnel, à la santé ou à la sécurité», ce qui réduit nécessaire- ment l'obligation de révélation découlant du droit d'appel reconnu par l'Ordre permanent II.14.C.6, mais, dans la procédure d'appel prévue, le requé- rant a droit à l'aide de l'agent des relations du personnel, pour la préparation de son appel, et ledit agent a droit d'accès aux dossiers, en vertu de l'Ordre permanent II.16.F.11. Le requérant avait aussi connaissance personnelle de ses rapports A-26, et il a évidemment pris connaissance des autres faits allégués. En résumé, je suis d'avis que le requérant avait suffisamment de moyens pour répondre aux accusations dirigées contre lui, car l'affaire avait été exposée dans l'avis de recom- mandation de licenciement.
Ainsi que le montrent les motifs de jugement rendus par mes collègues les juges Pratte et Urie, le principal litige est survenu par suite de la manière dont des allégations de rendement peu satisfaisant, postérieures à l'avis de recommanda- tion de licenciement et au dépôt de l'appel par le requérant, ont été versées au dossier présenté devant le comité de révision et le Commissaire, sans que le requérant en ait été prévenu.
Ces «incidents supplémentaires», au nombre de cinq ou six, énoncés avec beaucoup de détails dans le mémoire soumis par le sergent Durling en date du 6 novembre 1976, au commandant de la sous- division de Halifax, sont de caractère grave. Si, jugé d'après l'ensemble de son dossier, le requérant pouvait bénéficier de quelque doute ou clémence, en tenant spécialement compte de la suggestion, faite à un moment donné, de l'affecter à un poste plus convenable dans le domaine des relations
publiques, lesdites allégations ou accusations sup- plémentaires feraient pencher le jugement contre lui. Il suffira de remarquer l'importance qu'y atta- chent les officiers supérieurs. L'inspecteur M. J. McInnis, commandant adjoint de la sous-division de Halifax, envoya le mémoire de Durling, le 8 novembre 1976, au commandant divisionnaire «H» à Halifax, avec les commentaires suivants tapés en bas de la page:
[TRADUCTION] EXPÉDIÉ pour information et documentation. Ainsi qu'il est indiqué dans le mémoire, des incidents supplé- mentaires concernant le rendement du caporal Danch ont été découverts depuis ma recommandation en vue de son licencie- ment (voir mes lettres en date du 13 et du 14 octobre 1976 il est rapporté que le caporal Danch ne s'est pas présenté devant moi, le 13 octobre 1976, malgré la convocation à cet égard).
Ces incidents supplémentaires s'ajoutent à d'autres rensei- gnements concernant le rendement et l'attitude du caporal Danch, étayent ma recommandation de licenciement. Pour le moment, la sous-division n'envisage aucune action, à cet égard, autre que le rapport et le dépôt des documents dans le dossier.
Un mémoire en date du 9 novembre 1976, envoyé par le surintendant chef D. J. Wright, commandant de la division «H», au Commissaire, à l'appui de la recommandation de licenciement, évoque les allégations subséquentes de rendement non satisfaisant. Ce mémoire tout en indiquant qu'elles ne doivent pas faire l'objet d'une action indépendante ou séparée en attendant la suite donnée à la recommandation, n'indique pas claire- ment qu'elles ne doivent pas influencer la décision à prendre sur ladite recommandation, ainsi que le suggèrent les passages suivants du mémoire:
[TRADUCTION] Veuillez trouver ci-joint notre correspon- dance complète jusqu'à la recommandation de licenciement du caporal DANCH et à son appel, et ainsi que des preuves supplé- mentaires subséquentes de service médiocre, pour lesquelles aucune action n'a été engagée, mais qui ont été versées au dossier en attendant la suite donnée à la présente recommanda- tion.
Une correspondance récente en date du 6 novembre 76, ajoute comme suit des preuves du manque d'assiduité de la part de ce membre dans l'accomplissement de ses fonctions:
Ainsi qu'il a été dit plus haut, nous n'envisageons aucune action à propos de ces autres violations évidentes de la disci pline, en attendant la suite donnée à la recommandation de licenciement et à l'appel du caporal DANCH.
Dans son mémoire en date du 25 novembre 1976 présenté au président du comité de révision, l'offi- cier responsable (Inspecteur W. J. Becker) de la direction de la discipline et des réclamations de
voyages, a attiré l'attention du comité sur les allégations subséquentes de rendement non satis- faisant énoncées dans le mémoire de Durling, et aussi apparemment dans le mémoire de Wright. Voici ce qu'il dit:
[TRADUCTION] Depuis la notification de la recommandation pour révocation, d'autres incidents ont été découverts concer- nant le rendement du caporal DANCH, comme on peut le constater dans TAB 36. Comme le caporal DANCH n'a pas eu l'occasion de réfuter lesdits documents ou allégations, aucun commentaire y afférent ne sera fait pour le moment.
En expédiant les documents relatifs à la notification au caporal DANCH, à son appel, etc., le commandant de la division aH» a indiqué, que le caporal DANCH est très vite devenu presque intraitable, et il demande instamment que la recommandation de destitution soit examinée favorablement.
Le litige consiste à déterminer si les allégations subséquentes de rendement non satisfaisant ont privé le requérant de la faculté d'appel auquel il a droit ou, en d'autres termes, de l'occasion équita- ble de répondre aux allégations faites contre lui. Tout en constatant la rigueur de l'analyse faite par mon collègue Pratte, je ne suis pas convaincu, par la manière dont les allégations subséquentes ont été relatées et versées au dossier présenté devant le comité et le Commissaire, que le requérant ait été traité de façon équitable dans son appel. J'adopte l'avis de mon collègue Urie sur cet aspect du procès. En l'espèce, il faut laisser aux intimés la charge de convaincre la Cour que lesdites alléga- tions subséquentes n'ont pas été prises en considé- ration par le comité et par le Commissaire ou n'ont pas influencé leur décision en quoi que ce soit; et à mon avis, le dossier ne montre pas que les intimés ont satisfait à cette obligation. En fait, en l'espèce, il serait virtuellement impossible de satisfaire à cette obligation. Après la présentation des alléga- tions au comité, on aurait en donner notifica tion au requérant et lui donner en même temps l'occasion d'y répondre dans son appel.
Avant d'en terminer avec cette matière je dois faire remarquer que je me suis demandé si nous sommes réellement obligés de conclure que la déci- sion de cette cour dans McCleery c. La Reine [1974] 2 C.F. 339 a été effectivement annulée par la Cour suprême du Canada dans le jugement Matsqui 9 , auquel mon collègue Pratte a renvoyé
9 Martineau et Butters c. Le Comité de discipline des déte- nus de l'Institution de Matsqui [1978] 1 R.C.S. 118.
dans ses motifs de jugement. Selon mon avis res- pectueux, tel n'est pas le cas. A part les autres circonstances qui rendent les deux affaires diffé- rentes, le droit de présenter sa cause sur le fonde- ment d'une recommandation de licenciement logi- quement implicite dans les dispositions de l'article 151 du Règlement prévoyant la notification d'un avis, repose évidemment sur une disposition obliga- toire de la loi, ainsi que le reconnaît l'avis de la majorité dans Matsqui. En outre, l'article 26 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, en prescrivant la violation d'un ordre permanent cons- tituait une infraction mineure ressortissant au ser vice, qui rend le membre de la G.R.C. passible de procès et de sanction, établit la différence entre des ordres permanents et des directives, celles-ci étant considérées par quatre membres de la Cour suprême, dans Matsqui, comme n'ayant pas force de «loi» au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Pour ces motifs, j'accueille la demande et annule la décision du Commissaire portant licenciement du requérant pour incompétence et l'excluant des rangs, de la Gendarmerie.
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