A-60-76
John A. Emms (Appelant) (Demandeur)
c.
La Reine représentée par le sous-ministre des
Affaires indiennes et du Nord canadien et la Com
mission de la Fonction publique (Intimées)
(Défenderesses)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge
suppléant Kerr—Ottawa, le 31 mai et le 15 juillet
1977.
Fonction publique — Relations du travail Prolongation
de la période de stage — Appelant (employé) bien informé de
cette prolongation Aucun avis écrit de la prolongation tel
que l'exige l'art. 30(3) du Règlement sur l'emploi dans la
Fonction publique — Employé renvoyé à l'expiration de la
période de prolongation — Validité de la prolongation —
L'art. 30(3) est-il impératif ou simplement facultatif? Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32,
art. 28 Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique,
DORS/67-129, art. 30, 31.
L'appelant a été renvoyé à l'expiration de la période de
prolongation de son stage. Bien qu'il ait été informé de cette
prolongation il n'a pas reçu d'avis écrit tel que l'exige le
paragraphe 30(3) du Règlement sur l'emploi dans la Fonction
publique. Au procès, le renvoi a été déclaré nul et sans effet,
mais l'appelant, n'étant pas satisfait de l'indemnité accordée
pour le salaire et autres bénéfices qu'il aurait reçus si on n'avait
pas mis fin à son emploi, a logé un pourvoi. Il s'agit de savoir si
l'exécution du devoir imposé par le paragraphe 30(3) est un
élément essentiel à l'exercice du pouvoir de prolongation de
sorte que le défaut d'exécuter ce devoir annulerait la
prolongation.
Arrêt: l'appel est rejeté et l'appel incident est accueilli. Le
paragraphe 30(3) impose l'obligation d'aviser par écrit l'em-
ployé immédiatement après que l'on a, prolongé la période de
stage. Il n'est pas nécessaire de définir le mot «immédiatement»
avec précision. Il suffit de dire que le mot envisage la possibilité
d'un intervalle entre la prolongation et le moment de donner
l'avis à l'employé. La communication de la façon spécifiée n'est
pas une partie essentielle ni une condition de la prolongation
elle-même. Le paragraphe n'est pas une condition subséquente
à la prolongation en ce que le défaut de ce faire entraînerait la
nullité de la prolongation à l'expiration de l'intervalle permis.
Arrêt approuvé: Brayhead (Ascot) Ltd. c. Berkshire
County Council [1964] 2 Q.B. 303.
APPEL.
AVOCATS:
M. W. Wright, c.r., et J. L. Shields pour
l'appelant.
I. G. Whitehall et Robert Côté pour les
intimées.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimées.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: M. Emms, l'appelant, a intenté
une action en Division de première instance 1 pour
obtenir une déclaration portant que son employeur
n'avait pas le droit de le renvoyer en vertu du
paragraphe 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique 2 , ainsi qu'une déclaration por-
tant que le renvoi est nul et sans effet. Il réclamait
également une somme d'argent suffisante pour
compenser le salaire et autres bénéfices qu'il aurait
reçus si on n'avait pas mis fin à son emploi. M.
Emms a obtenu les déclarations et on lui a accordé
une somme de $219.76 et ses frais dans l'action.
N'étant pas satisfait du montant accordé, M.
Emms a cependant logé un pourvoi relativement
au montant de l'indemnité. Il y a eu un appel
incident, celui dont nous sommes saisis, sollicitant
le renversement du jugement de la Division de
première instance et le rejet de l'action de M.
Emms.
M. Emms a été employé le lei avril 1970 titre
d'inspecteur, WP-2, au ministère des Affaires
indiennes et du Nord canadien. Il était de service à
Stony Rapids (Saskatchewan). Il a été considéré
stagiaire pendant un an. L'article 28 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique traite du stage.
Il prévoit:
28. (1) Un employé est considéré comme stagiaire depuis la
date de sa nomination jusqu'au terme de la période que la
Commission peut fixer pour tout employé ou classe d'employés.
(2) Si la personne nommée fait déjà partie de la Fonction
publique, le sous-chef peut, s'il le juge opportun, dans un cas
quelconque, réduire le stage ou en dispenser l'employé.
(3) A tout moment au cours du stage, le sous-chef peut
prévenir l'employé qu'il se propose de le renvoyer, et donner à
la Commission un avis de ce renvoi projeté, pour un motif -
déterminé, au terme du délai de préavis que la Commission
peut fixer pour tout employé ou classe d'employés. A moins que
la Commission ne nomme l'employé à un autre poste dans la
Fonction publique avant le terme du délai de préavis qui
' [1977] 1 C.F. 101.
2 S.R.C. 1970, c. P-32.
s'applique dans le cas de cet employé, celui-ci cesse d'être un
employé au terme de cette période.
(4) Lorsqu'un sous-chef prévient qu'il se propose de renvoyer
un employé pour un motif déterminé, conformément au para-
graphe (3), il doit fournir à la Commission les raisons de son
intention.
(5) Nonobstant la présente loi, une personne qui cesse d'être
un employé conformément au paragraphe (3)
a) doit, si elle a accédé à son poste alors qu'elle était déjà
membre de la Fonction publique, et
b) peut, dans tout autre cas,
être inscrite par la Commission sur telle liste d'admissibilité et
à tel rang sur cette liste qui, de l'avis de la Commission,
correspondent à ses aptitudes.
Les articles 30 et 31 du Règlement sur l'emploi
dans la Fonction publique 3 se rapportent égale-
ment au stage. Ils prévoient:
30. (1) La période de stage mentionnée au paragraphe (1)
de l'article 28 de la Loi pour un employé qui fait partie d'une
classe ou d'un groupe mentionnés à la colonne I de l'Annexe A
est la période indiquée en regard de cette classe ou de ce groupe
dans la colonne II de ladite Annexe.
(2) Le sous-chef peut prolonger la période de stage d'un
employé mais la période de prolongation ne doit pas dépasser la
période déterminée pour cet employé en conformité du paragra-
phe (1).
(3) Lorsque la période de stage d'un employé est prolongée,
le sous-chef doit immédiatement en aviser par écrit l'employé et
la Commission.
31. (1) Le délai de préavis mentionné au paragraphe (3) de
l'article 28 de la Loi, applicable dans le cas d'un employé qui
fait partie d'une classe ou d'un groupe mentionnés à la colonne
I de l'Annexe A, est le délai indiqué pour cet employé, en
regard de cette classe ou de ce groupe dans la colonne III de
ladite annexe, calculé à compter du jour où le sous-chef donne
le préavis à l'employé.
Le 26 février 1971, M. C. E. McKee, le surveil-
lant de district du ministère a écrit à M. Emms
laissant entrevoir la possibilité qu'il se rende au
bureau de Prince Albert pendant la troisième
semaine de mars afin qu'ils revoient ensemble
l'appréciation du rendement de M. Emms, appré-
ciation que M. McKee devait soumettre avant la
fin de la période de stage. Dans sa lettre, M.
McKee se réfère aux problèmes que M. Emms a
rencontrés dans l'exercice de ses fonctions d'ins-
pecteur.
Une appréciation en date du 26 mars 1971 a été
signée par M. Emms et M. McKee. Elle contenait
la mention «j'ai lu et discuté la présente apprécia-
i DORS/67-129.
tion.» Cette appréciation recommandait:
[TRADUCTION] une prolongation de six mois du stage du
demandeur pour lui permettre de résoudre son problème de
communication. Il serait en outre souhaitable d'étudier la possi-
bilité d'une mutation de M. Emms (le demandeur) et la
possibilité de le faire travailler dans le domaine du
développement.
Dans ses motifs le juge de première instance se
réfère à une rencontre entre M. Emms, M. McKee
et M. Clark, le supérieur de M. McKee, à Régina,
le 26 mars 1971. Le juge de première instance a
noté que les supérieurs de M. Emms n'étaient pas
satisfaits du travail accompli par ce dernier. Au
cours de la rencontre à Régina, on a discuté des
difficultés. Je cite maintenant les motifs du juge de
première instance [aux pages 106 et 107]:
Le demandeur affirme être sorti de la réunion avec l'impression
que les problèmes étaient réglés. Il n'a pu décrire exactement
ou fidèlement la façon dont ses problèmes ont été résolus mais,
dans son témoignage, il s'est efforcé de nous expliquer qu'il
avait l'impression qu'on avait abandonné l'idée d'une prolonga
tion de six mois de la période de stage pendant laquelle il devait
démontrer à ses supérieurs son aptitude à s'acquitter de ses
fonctions de façon satisfaisante. Je doute sérieusement que son
impression ait été justifiée.
Par lettre datée du 8 juillet 1971 (pièce P-4), c'est-à-dire
après la période initiale de stage mais au cours de la prolonga
tion de six mois, C. E. McKee évoquait de nouveau la façon
dont le demandeur accomplissait son travail ainsi que les sujets
abordés à la réunion du 26 mars 1971 et concluait:
[TRADUCTION] Étant donné les circonstances, je me propose
de recommander au directeur régional votre renvoi pendant
le stage; avant de ce faire je vous prie cependant de me
communiquer vos explications quant aux difficultés rencon-
trées et à votre incapacité à accomplir votre travail de façon
satisfaisante.
Dans sa réponse datée du 19 juillet 1971 (pièce P-5), le
demandeur expliquait ses difficultés et à la fin de la lettre, il
demandait qu'on lui indique la marche à suivre pour détermi-
ner, par l'intermédiaire du syndicat du personnel, quelle partie
de son service au sein du gouvernement fédéral ouvre droit à
pension. Dans cette lettre, le demandeur (qui tient à souligner
son aptitude exceptionnelle à communiquer avec les Indiens)
accepte de façon tacite son renvoi inévitable et ne conteste pas
non plus l'affirmation de McKee dans la lettre datée du 8 juillet
selon laquelle le demandeur était «stagiaire» à ce moment-là.
Au paragraphe 3 de sa déclaration, le demandeur allègue
que:
[TRADUCTION] 3. Le 31 mars 1971 ou vers cette date,
l'employeur a avisé verbalement le demandeur que le stage
mentionné au paragraphe 2 était prolongé de six mois.
(Le stage mentionné au paragraphe 2 va du 1" avril 1970 au 31
mars 1971.) Dans son témoignage le demandeur a contredit
cette allégation de sa déclaration.
Étant donné l'opinion que je me suis faite, il ne m'est pas
nécessaire de conclure que le demandeur a été avisé verbale-
ment de la prolongation de son stage de six mois, du 31 mars
1971 au 30 septembre 1971; si je devais le faire, je déciderais
que compte tenu des diverses communications orales et écrites,
le demandeur le savait ou aurait dû le savoir.
Je cite également ce passage [aux pages 108 et
1091:
Il me semble certain que les supérieurs du demandeur étaient
insatisfaits de la façon dont le demandeur s'acquittait de ses
fonctions pendant sa période de stage initiale de 12 mois et
envisageaient sérieusement de le renvoyer. Évidemment, le
demandeur s'est défendu et a tenté de dissiper les doutes
qu'avaient ses supérieurs sur ses capacités et sa compétence. Il
est également certain que la meilleure solution à ces difficultés
était de prolonger la période de stage de six mois.
Une recommandation à cet effet avait été faite dans l'appré-
ciation du demandeur, en date du 25 mars 1971. Cette appré-
ciation, que le demandeur a signée le 26 mars 1971 a fait
l'objet de discussions entre le demandeur et ses supérieurs. Le
demandeur semble avoir eu l'impression que les discussions
avaient aplani toutes les difficultés (ce qui malheureusement
n'était pas le cas), sans disposer cependant de motifs sérieux à
l'appui de sa conclusion. Je suis persuadé que le demandeur
savait très bien le 26 mars 1971 qu'on avait décidé de prolonger
son stage de six mois. Toutefois, je suis également convaincu
que le demandeur n'en a pas été immédiatement informé par
écrit par le sous-chef ou par un agent du ministère avec
l'autorisation du sous-chef.
Le juge de première instance a également dit [à la
page 109]:
Comme je l'ai déjà dit, je suis persuadé que le demandeur
savait que son stage avait été prolongé de six mois à compter du
31 mars 1971... .
Une appréciation, qui se voulait une apprécia-
tion de stage, a été préparée en date du 18 août
1971 et signée le 19 août 1971. Sous le titre
«Recommandation» apparaissait la note: [TRADUC-
TION] «Renvoyé en cours de stage à compter du 24
septembre 1971.» M. Emms a signé le rapport,
mais a noté par écrit sur le rapport qu'il contestait
la décision [TRADUCTION] «... pour les raisons
invoquées.»
Par lettre en date du 18 août 1971, M. McKee
informait M. Emms qu'il était renvoyé du minis-
tère des Affaires indiennes et du Nord canadien à
compter du 24 septembre 1971.
M. Emms a ensuite présenté un grief dans lequel
il qualifiait [TRADUCTION] «... l'appréciation du
19 août 1971 de document injuste, incomplet et
fallacieux». Il déclare:
[TRADUCTION] Je demande qu'on entreprenne une enquête
impartiale sur la question pour remédier à la situation et révéler
les motifs réels de mon renvoi. Je demande aussi la révision du
calcul de la période de mon emploi au service des Affaires
indiennes aux fins de la pension; je demande également qu'on
m'explique comment tant de surveillants ont pu m'accorder des
augmentations de salaire et des promotions si le rapport précité
est exact. Si je ne conteste pas le renvoi, je conteste
l'appréciation.
Sa mention d'un emploi antérieur donnant droit
à pension et aux promotions semble se rapporter à
une période qu'il avait passée dans la Fonction
publique quelque temps avant sa nomination en
avril 1970.
Son grief a été infructueux.
Peu après son renvoi, qui entrait en vigueur le
24 septembre 1971, M. Emms a obtenu un emploi
dans un ministère du gouvernement de la Saskat-
chewan jusqu'au 15 novembre 1971. Il a obtenu un
emploi temporaire dans un autre ministère du
gouvernement de la Saskatchewan du 15 novembre
1971 au 31 janvier 1973. Il a occupé d'autres
emplois pour le gouvernement de la Saskatchewan
en février 1973 tout d'abord à titre d'employé
temporaire et ensuite à titre d'employé permanent.
Il est important de garder à l'esprit les questions
sur lesquelles a porté le litige. Je cite donc de la
déclaration modifiée et de la défense. Voici le
libellé des paragraphes 2 à 6 de la déclaration:
[TRADUCTION] 2. Le demandeur était employé à titre d'ins-
pecteur au ministère des Affaires indiennes et du Nord cana-
dien pour le district de Prince Albert dans la province de la
Saskatchewan. Le demandeur était considéré comme stagiaire
depuis le 1" avril 1970 jusqu'au 31 mars 1971.
3. Le 31 mars 1971 ou vers cette date, l'employeur a avisé
verbalement le demandeur que le stage mentionné au paragra-
phe 2 était prolongé de six mois.
4. Le demandeur n'a pas reçu d'avis écrit de la prolongation de
sa période de stage tel que le requiert l'article 30(3) du
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique.
5. Par lettre en date du 18 août 1971 adressée au demandeur,
l'employeur de ce dernier a voulu mettre fin à l'emploi du
demandeur comme employé en stage à compter du 24 septem-
bre 1971.
6. Le demandeur prétend que puisque l'employeur ne s'est pas
conformé aux dispositions de l'article 30(3) du Règlement sur
l'emploi dans la Fonction publique, l'employeur n'a aucun
pouvoir de mettre fin à son emploi comme s'il était un employé
en stage.
Voici le libellé des paragraphes 2 à 5 de la
défense:
[TRADUCTION] Le sous-procureur général du Canada, agis-
sant au nom des défenderesses, répond ainsi à la déclaration:
2. Il nie les allégations contenues aux paragraphes 3 et 4 de la
déclaration et dit que le demandeur a reçu un avis écrit de la
prolongation de sa période de stage mentionnée au paragraphe
2 de la déclaration.
3. En ce qui a trait au paragraphe 5 de la déclaration il admet
que par lettre en date du 18 août 1971 de C. E. McKee,
surveillant de district, district de Prince Albert, ministère des
Affaires indiennes et du Nord canadien, envoyée au deman-
deur, il a été informé qu'il était renvoyé du ministère des
Affaires indiennes et du Nord canadien à compter du 24
septembre 1971.
4. Il nie les allégations du paragraphe 6 de la déclaration et dit
que l'employeur a respecté les dispositions de l'article 30(3) du
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique et qu'il avait
le droit de mettre fin à l'emploi du demandeur stagiaire.
5. Il prétend donc que le demandeur n'a pas droit au redresse-
ment demandé aux alinéas 6 a), b) et c) de la déclaration.
L'appelant, demandeur en première instance, ne
conteste donc pas qu'une décision de prolonger la
période de stage ait été prise. La question de fait
était de savoir si le demandeur avait reçu un avis
écrit de la prolongation de sa période de stage
conformément au paragraphe 30(3) du Règlement
sur l'emploi dans la Fonction publique. Il s'agis-
sait en droit de savoir si, dans l'éventualité où les
faits favorisent le demandeur, la période de stage
avait été prolongée. Dans l'affirmative, son renvoi
est bien fondé en droit; dans le cas contraire, on
prétend qu'il est nul.
Le juge de première instance a conclu [à la page
108] au «... caractère impératif du paragraphe (3)
de l'article 30 du Règlement sur l'emploi dans la
Fonction publique. Cela étant, toute mesure prise
en vertu de cet article et qui ne respecte pas en
tous points ses dispositions expresses, est donc
nulle.»
Il déclare [à la page 109]:
Il est question dans le Règlement d'un avis écrit, clair et sans
ambiguïté, adressé expressément au demandeur, l'informant
que son stage est prolongé pour une période déterminée qui doit
être précisée ....
Il a jugé que M. Emms n'a pas reçu l'avis écrit
requis. Il dit [à la page 1091:
L'appréciation du 25 mars 1971 n'était pas adressée au
demandeur, même s'il l'a lue et signée. Les lettres subséquentes
de McKee au demandeur font seulement allusion au fait que le
demandeur était encore stagiaire ....
Au sujet de l'appréciation il ajoute également [à la
page 106]:
Il faut souligner que cette appréciation a été préparée aux
fins de l'administration interne du ministère, qu'elle s'intitule
«appréciation annuelle» et non «appréciation de stage» et que la
prolongation du stage est une recommandation de C. E. McKee
à l'intention de son supérieur qui prit note de ces
recommandations.
Au cours des débats on nous a présenté la
question décisive comme étant celle de savoir si le
paragraphe 30(3) du Règlement est facultatif ou
impératif. Je suis d'avis que telle est la question, si
je comprends bien l'importance de la distinction 4 .
Le paragraphe 30(3) comporte, bien sûr, un ordre
en ce qu'il impose au sous-chef un devoir dont
l'inexécution peut avoir des conséquences légales.
Mais pour les fins présentes, telle n'est pas à mon
avis l'importance de la distinction entre «impératif»
et «facultatif». Il s'agit de savoir si l'exécution du
devoir imposé par le paragraphe est un élément
essentiel à l'exercice du pouvoir de prolongation.
Le défaut d'exécuter ce devoir annulera-t-il la
prolongation? Dans l'affirmative, le paragraphe
est impératif dans le sens où on a employé ce mot
aux fins de la distinction entre «impératif» et
«facultatif».
Il ressort d'un passage du jugement de M. le
juge Winn, dans l'arrêt Brayhead (Ascot) Ltd. c.
Berkshire County Council 5 , aux pages 313 et 314
qu'un article d'une loi ou d'un règlement peut être
impératif, mais non pas de façon à rendre nulle
une décision y relative au motif qu'on n'a pas
exécuté le devoir qu'il impose. M. le juge Winn
parlait d'un article dans une ordonnance d'aména-
gement général municipal et régional. Il a dit:
4 Voir Montreal Street Railway Company c. Normandin
[1917] A.C. 170.
5 11964] 2 Q.B. 303; voir également Howard c. Secretary of
State for the Environment [1975] Q.B. 235.
[TRADUCTION] Comme question d'interprétation, il semble
clair que l'article 5(9)a) exige (1) que l'avis de la décision soit
par écrit; (2) que les motifs soient énoncés par écrit; (3) que
l'avis soit accompagné d'une notification en la forme prescrite;
ces exigences peuvent être satisfaites par un seul document ou
par trois documents distincts.
En cas d'inobservation de l'exigence (1) des litiges peuvent
survenir quant au calcul du délai d'appel auprès du Ministre
fixé par l'article 16(1) de la Loi; en cas d'inobservation de
l'exigence (3) un requérant peut être laissé dans l'ignorance de
ses droits. Chacune de ces exigences est donc essentielle pour
les fins de la loi. L'interposition de l'exigence (2) milite forte-
ment contre toute opinion voulant qu'on puisse la considérer
comme étant simplement facultative; les trois exigences parais-
sent obligatoires. Il ne s'ensuit pas nécessairement que l'inob-
servation de l'une d'elles rendra l'avis nul en droit, et encore
moins que la décision dont on veut donner avis est en elle-même
sans effet légal. En l'espèce, la Cour n'a pas à étudier l'inobser-
vation de l'exigence (1) ni de l'exigence (3): seul l'effet de
l'inobservation de l'exigence (2) doit être décidé.
Nul doute que l'inobservation peut souvent avoir des consé-
quences fâcheuses pour un requérant; il peut juger nécessaire
de donner avis d'appel au Ministre avant de connaître la force
ou la faiblesse des arguments qui lui seront opposés. Cepen-
dant, il pourrait certainement exiger, de droit, un exposé des
motifs et, sous la menace ou l'effet d'une ordonnance de
mandamus, les obtenir, et il serait étonnant que le Ministre
n'ajourne pas son appel jusqu'à ce que les motifs aient été remis
et étudiés. Puisqu'il existe une obligation d'énoncer par écrit les
motifs, l'exigence (2) est certainement obligatoire. On peut
comparer les dispositions de l'article 12 de la Tribunal and
Enquiries Act, 1958, qui exige que, sur demande, les motifs
écrits d'une décision soient donnés en général: l'inobservation
de ces dispositions donnerait certainement lieu à un mandamus.
La question de savoir si l'avis de la décision en l'espèce, ou
une telle décision judiciaire, est nul en raison du défaut d'énon-
cer par écrit les motifs est d'un tout autre ordre: en dépit de
l'opinion incidente du juge Salmon, ce résultat extrême n'est
pas requis pour la réalisation effective des fins de la loi ni
voulu, comme question d'interprétation, par le Parlement.
L'ordre de présentation et le libellé des paragra-
phes 30(2) et (3) du Règlement sont significatifs.
Le paragraphe (2) confère au sous-chef le pouvoir
de prolonger la période de stage. On ne conteste
pas en l'espèce, qu'il y a eu décision de prolonger.
Je me référerai de nouveau à la déclaration du
juge de première instance portant qu'il était per-
suadé que M. Emms savait que son stage avait été
prolongé pour une période de six mois. Le juge de
première instance a fait cette déclaration après
avoir dit qu'il était persuadé que M. Emms savait
très bien le 26 mars 1971 qu'on avait décidé de
prolonger son stage; et après avoir également dit
que s'il devait le faire, il déciderait que M. Emms
savait ou aurait dû savoir que sa période de stage
avait été prolongée pour une période de six mois à
partir du 31 mars 1971. Alors, M. Emms savait
tout au moins qu'on désirait prolonger la période
de stage et il aurait dû savoir qu'elle avait été
prolongée.
Si je comprends bien, le paragraphe (3) impose
l'obligation d'aviser par écrit l'employé immédiate-
ment après que l'on a prolongé la période de stage.
Il n'est pas nécessaire de définir le mot «immédia-
tement» avec précision. Il suffit de dire que le mot
envisage la possibilité d'un intervalle entre la pro
longation et le moment de donner l'avis à l'em-
ployé. La communication de la façon spécifiée
n'est pas une partie essentielle ni une condition de
la prolongation elle-même. La prolongation pré-
cède l'obligation de donner l'avis.
Je me suis également demandé si l'obligation de
donner un avis écrit immédiatement est une condi
tion subséquente à la prolongation en ce que le
défaut de ce faire entraînerait la nullité de la
prolongation à l'expiration de l'intervalle permis.
Selon mon interprétation, le paragraphe n'attache
pas une conséquence aussi draconienne au défaut
de se conformer à la disposition. Il peut être
intéressant je crois, de souligner que la prolonga
tion de la période de stage peut bien être à l'avan-
tage mutuel de l'employeur et de l'employé. Une
telle prolongation peut accorder à l'employeur un
délai supplémentaire pour évaluer un employé dont
le travail n'a pas été tout à fait satisfaisant, et à
l'employé une autre chance de faire ses preuves
plutôt que d'être renvoyé. Il est aussi bien de ne
pas surcharger le pouvoir de prolongation avec les
risques inhérents à l'application littérale, et je ne
trouve aucune intention de ce faire.
Il est bien sûr souhaitable qu'un employé sache
le plus tôt possible qu'on a prolongé sa période de
stage et qu'il n'est pas devenu un employé perma
nent. Dans les circonstances, il pourrait, par exem-
ple, vouloir faire d'autrés plans d'avenir. Cepen-
dant, il n'est pas entièrement dépourvu de
protection. Le devoir imposé au sous-chef de
donner un avis par écrit immédiatement n'est pas
dépourvu d'effet, même s'il n'est pas une condition
suspensive ou résolutoire de la prolongation. Le
sous-chef a un devoir légal et il serait certainement
malavisé de le prendre à la légère. Et bien que
cette question ne se soulève pas en l'espèce, il se
peut qu'un employé qui subit un préjudice en
raison de l'inexécution de ce devoir, ait un recours
pour la perte qui en résulte.
Je conclus que la période de stage a été prolon-
gée et que M. Emms a été renvoyé pendant la
période de prolongation du stage. J'accueille l'ap-
pel incident. Je renverse le jugement de la Division
de première instance pour y substituer un juge-
ment rejetant l'action.
Suite à cette conclusion sur l'appel incident, je
rejette l'appel.
Les intimées ont droit aux dépens en cette cour
et en première instance, si elles les demandent.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je souscris.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.