T-3982-76
Sam Pupatello, Vince Pupatello et Pupatello
Bros. Limited (Demandeurs)
c.
Le ministre du Revenu national. (Défendeur)
Division de première instance, le juge Walsh—
Toronto, le 3 octobre; Ottawa, le 11 octobre 1977.
Impôt sur le revenu — Avis de nouvelle cotisation —
Demande à tierce partie déposée et argent recouvré — Le
contribuable est-il redevable de l'impôt dès réception de l'avis
de nouvelle cotisation? Et y a-t-il des clauses sur le recouvre-
ment? — Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148,
modifié par S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 152(1),(2),(3),(4), 158,
222, 224, 248(1) — The Income Tax Act (Ontario), S.R.O.
1970, c. 217, art. 17.
Les demandeurs ont reçu, en 1976, des avis de nouvelle
cotisation pour les années 1967 1971. Malgré la réception,
par les demandeurs, d'un certain nombre de bulletins d'envoi de
fonds, envoyés par le défendeur, l'avocat des demandeurs a
avisé le défendeur que les demandeurs n'étaient redevables
d'aucun impôt par suite de l'envoi des avis de nouvelle cotisa-
tion et l'avocat a déposé des avis formels d'opposition. Plus
tard, la compagnie demanderesse et la Banque de Montréal ont
reçu des demandes à tierce partie,—une procédure de saisie. La
présente action cherche à obtenir un jugement déclaratoire aux
fins d'interpréter les procédures de recouvrement applicables
par le ministre du Revenu national pour percevoir les impôts
exigibles par suite d'un avis de nouvelle cotisation ayant fait
l'objet d'une opposition: plus spécialement, les demandeurs ont
allégué qu'ils ne sont redevables d'aucun impôt par suite de la
réception d'un avis de nouvelle cotisation, et demandent que le
défendeur rembourse l'argent déjà perçu avec des intérêts, et
qu'une injonction soit rendue pour empêcher le défendeur
d'appliquer toute procédure prévue dans la Loi relativement
aux montants réclamés dans les avis de nouvelle cotisation.
Arrêt: la demande est rejetée. Manifestement, à lire la
définition de la cotisation à l'article 248(1), quoiqu'il soit bien
établi qu'une cotisation est différente d'un avis de cotisation et
qu'une nouvelle cotisation ne remplace pas toujours la cotisa-
tion initiale, l'exigence de l'article 158(1), savoir que le
contribuable doit faire des versements durant une période
déterminée qui suit l'expédition par la poste de l'avis de cotisa-
tion, doit également s'appliquer à l'avis de nouvelle cotisation.
Il serait absurde de conclure qu'aucune disposition ne prévoit
un délai avant l'expiration duquel le montant réclamé dans
l'avis de nouvelle cotisation doit être versé, qu'un avis d'opposi-
tion ait été ou non signifié ou un appel interjeté. Un contribua-
ble pourrait éviter indéfiniment le versement du montant
demandé en s'abstenant de déposer un avis d'opposition ou
d'interjeter appel, et en feignant d'ignorer toute réclamation de
paiement, au moins jusqu'au moment où le défendeur cherche
recouvrement par une poursuite devant le tribunal. Quoique le
montant dû puisse être recouvré par une poursuite devant tout
tribunal compétent conformément à l'article 222, il peut aussi
être recouvré par toute autre manière prévue par la Loi. Il
serait absurde de prétendre que la Reine doit intenter des
procès pour recouvrer des impôts à la suite d'une nouvelle
cotisation, tout particulièrement lorsqu'il serait vraisemblable-
ment soutenu en défense que les impôts réclamés ne sont pas
exigibles. Le même litige serait plaidé à la suite d'un avis de
procès.
Arrêt appliqué: R. c. Lambert [1974] 1 C.F. 693, confirmé
par [1977] 1 C.F. 199. Arrêt examiné: Pure Spring Co.
Ltd. c. M.R.N. [1946] R.C.E. 471. Arrêt examiné: Scott c.
M.R.N. [1961] R.C.É. 120. Distinction faite avec l'arrêt:
Cyrus J. Moulton Ltd. c. La Reine [1976] 1 C.F. 437.
Arrêt mentionné: Abrahams c. M.R.N. [1967] 1 R.C.E.
314. Arrêt mentionné: Walkem c. M.R.N. [1971] C.T.C.
513. Arrêt mentionné: R. c. Williams [1975] C.T.C. 392.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
R. Stikeman pour les demandeurs.
N. A. Helfield pour le défendeur.
PROCUREURS:
Robertson, Lane, Perrett, Toronto, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La présente action, qui cher-
che à obtenir un jugement déclaratoire de la Cour
aux fins d'interpréter les procédures de recouvre-
ment applicables par le ministre du Revenu natio
nal pour percevoir les impôts exigibles par suite
d'un avis de nouvelle cotisation, celle-ci ayant fait
l'objet d'une opposition, a été jugée en première
instance sur le fondement d'un exposé convenu des
faits. Les parties n'ont cité aucun témoin. Ledit
exposé dit, entre autres, que les deux particuliers
demandeurs sont les seuls actionnaires de la com-
pagnie demanderesse, entreprise de construction et
de réparation commerciales et industrielles dans la
région de Windsor (Ontario). Tous les demandeurs
ont reçu des avis de cotisation pour les années
d'imposition allant de 1967 1971, et tous ont
versé leurs impôts en conséquence. Le 16 janvier
1976, les demandeurs Sam et Vince Pupatello
reçurent des avis de nouvelle cotisation, et le 20
janvier 1976 la compagnie demanderesse en reçut
un aussi. L'examen desdits avis révèle que les
nouvelles cotisations ont été établies par suite de la
découverte de bénéfices non déclarés sur des ventes
de propriétés immobilières pendant chacune des
années considérées, et qu'une amende a été impo
sée, pour chacune desdites années, en application
des dispositions de l'article 163(2) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, et aussi
de l'article 17 de The Income Tax Act, S.R.O.
1970, c. 217, (Loi de l'impôt de la province de
l'Ontario) pour omission volontaire dans les décla-
rations d'impôt. En tout cas, aucune partie n'a
soulevé le point litigieux né de l'application de
l'article 152(4) et (5) de la Loi à de nouvelles
cotisations faites plus de quatre ans après les coti-
sations initiales, si c'était bien là les circonstances
de l'espèce, ce que le dossier ne révèle pas.
A la suite de l'envoi des avis de nouvelle cotisa-
tion, l'exposé convenu des faits révèle que les
demandeurs reçurent des bulletins d'envoi de fonds
en février, mars, mai, juin et juillet, et qu'en
réponse aux premiers de ces bulletins, leurs avo-
cats envoyèrent des lettres avisant le défendeur
qu'ils ne se croyaient pas tenus de payer des impôts
à cause de l'envoi desdits avis de nouvelle cotisa-
tion. Le 19 avril 1976, des avis formels d'opposi-
tion aux nouvelles cotisations furent déposés. Le
16 septembre 1976, la compagnie demanderesse
reçut du défendeur une demande à tierce partie la
requérant de verser chaque mois à celui-ci 50 p.
100 de tout argent qu'elle pourrait devoir à chacun
des autres demandeurs. Le 28 septembre 1976, la
Banque de Montréal reçut une demande à tierce
partie la requérant de payer au receveur général
du Canada la somme de $3,150 sur tout montant
dû ou à devoir à la compagnie demanderesse. En
conséquence de ces avis, le 4 octobre 1976, les
demandeurs versèrent $32,904.40 au receveur
général du Canada pour le compte de Sam Pupa-
tello, et $26,451.87 pour le compte de Vince Pupa-
tello, lesdits montants étant le total, augmenté des
intérêts, des réclamations faites dans les avis de
nouvelles cotisations adressés aux demandeurs, et
le 4 octobre 1976, la Banque de Montréal versa
$3,150 au receveur général du Canada, pour le
compte de la compagnie demanderesse, conformé-
ment à la réclamation.
Dans leur exposé modifié introductif d'instance,
les demandeurs soutiennent que l'article de la Loi
qui habilite le défendeur à lancer une telle
demande comporte une condition préalable fonda-
mentale,
à savoir que la personne doit d'abord être
débitrice en vertu de la Loi pour que la saisie-arrêt
puisse être déclenchée; ils soutiennent aussi que ces
demandes ont été envoyées pour recouvrer des
montants énoncés dans les avis de nouvelles cotisa-
tions, et que nul n'est tenu de faire des versements
à la suite de l'envoi d'avis de nouvelle cotisation,
mais seulement d'avis de cotisation. Les deman-
deurs ont également soutenu qu'il y a une diffé-
rence fondamentale entre un avis de cotisation et
un avis de nouvelle cotisation, et que la Loi ne
prévoit aucune procédure de recouvrement ni
aucune obligation de paiement à la suite de ce
dernier avis. En conséquence, ils demandent à la
Cour de déclarer que les demandeurs ne doivent
verser aucune somme au receveur général du
Canada par suite de l'envoi d'avis de nouvelle
cotisation, d'ordonner au défendeur de leur rem-
bourser tous les montants susmentionnés, d'un
total de $62,506.27 plus les intérêts, et de rendre
une injonction pour empêcher le défendeur de se
prévaloir de tout ou partie des dispositions sur le
recouvrement de la Loi de l'impôt sur le revenu, à
l'égard des demandeurs et relativement aux mon-
tants réclamés dans lesdits avis de nouvelle
cotisation.
Dans ses conclusions en défense, le défendeur
invoque les dispositions, ci-après reproduites, des
articles 152(1),(2),(3) et (4), 158(1), 248(1), 222
et 224 de la Loi de l'impôt sur le revenu:
152. (1) Le Ministre doit, avec toute la diligence possible,
examiner chaque déclaration de revenu et fixer l'impôt pour
l'année d'imposition et l'intérêt et les pénalités payables, s'il y a
lieu.
(2) Après examen d'une déclaration, le Ministre envoie un
avis de cotisation à la personne qui a produit la déclaration.
(3) Le fait qu'une cotisation est inexacte ou incomplète ou
qu'aucune cotisation n'a été faite n'a pas d'effet sur les respon-
sabilités du contribuable à l'égard de l'impôt prévu par la
présente Partie.
(4) Le Ministre peut, à une date quelconque, fixer des
impôts, intérêts ou pénalités en vertu de la présente Partie, ou
donner avis par écrit, à toute personne qui a produit une
déclaration de revenu pour une année d'imposition, qu'aucun
impôt n'est payable pour l'année d'imposition, et peut,
a) à une date quelconque, si le contribuable ou la personne
produisant la déclaration
(i) a fait une présentation erronée des faits, par négli-
gence, inattention ou omission volontaire, ou a commis
quelque fraude en produisant la déclaration ou fournissant
quelque renseignement sous le régime de la présente loi, ou
(ii) a adressé au Ministre une renonciation, en la forme
prescrite, dans un délai de 4 ans à compter du jour de
l'expédition par la poste d'un avis de première cotisation
ou d'une notification portant qu'aucun impôt n'est payable
pour une année d'imposition, et
b) dans un délai de 4 ans à compter du jour mentionné au
sous-alinéa a) (ii) en tout autre cas,
procéder à de nouvelles cotisations ou en établir de supplémen-
taires, ou fixer des impôts, intérêts ou pénalités en vertu de la
présente Partie, selon que les circonstances l'exigent.
158. (1) Le contribuable doit, dans les 30 jours qui suivent
la date de l'expédition par la poste de l'avis de cotisation, payer
au receveur général du Canada toute fraction de l'impôt, des
intérêts et des pénalités demeurant alors impayée, qu'une oppo
sition ou un appel relatif à la cotisation soit ou non en instance.
248. (1) Dans la présente loi,
«cotisation» comprend une nouvelle cotisation;
222. Tous les impôts, intérêts, pénalités, frais et autres mon-
tants payables en vertu de la présente loi sont des dettes envers
Sa Majesté et recouvrables comme telles devant la Cour fédé-
rale du Canada ou devant tout autre tribunal compétent, ou de
toute autre manière prévue par la présente loi.
224. (1) Lorsque le Ministre sait ou soupçonne qu'une per-
sonne est endettée envers une personne tenue de faire un
paiement en vertu de la présente loi, ou est sur le point de le
devenir, ou est astreinte à faire un paiement à la personne en
question, il peut, par lettre recommandée ou par lettre signifiée
à personne, exiger de cette personne que les deniers autrement
payables à l'autre personne soient en totalité ou en partie versés
au receveur général du Canada à l'égard de l'obligation exis-
tant en vertu de la présente loi.
(2) Le récépissé du Ministre relatif à des fonds versés,
comme l'exige le présent article, constitue une quittance valable
et suffisante de l'obligation initiale jusqu'à concurrence du
paiement.
(3) Lorsque le Ministre a, sous le régime du présent article,
obligé un employeur à verser au receveur général du Canada, à
l'égard de l'obligation imposée à un employé en vertu de la
présente loi, des fonds payables par ailleurs par l'employeur à
l'employé à titre de rémunération, cette prescription s'applique
à tous les paiements qui seront effectués à l'avenir par l'em-
ployeur à l'employé à l'égard de la rémunération tant qu'il n'a
pas été satisfait à l'obligation imposée par la présente loi, et
exige que les paiements soient faits au receveur général sur
chaque versement de rémunération, selon le montant que le
Ministre peut avoir fixé dans la lettre recommandée.
(4) Toute personne qui s'est libérée d'une obligation envers
une personne astreinte à faire un paiement en vertu de la
présente loi, sans se soumettre à une prescription du présent
article, est tenue de payer à Sa Majesté un montant égal à
l'obligation acquittée ou au montant qu'elle était tenue, en
vertu du présent article, de payer au receveur général du
Canada, le moins élevé des deux montants étant à retenir.
Est-il pertinent d'avoir désigné comme défen-
deur le ministre du Revenu national à la place de
Sa Majesté la Reine, voilà un point litigieux qui
aurait pu être soulevé, mais ne l'a pas été. Dans
l'affaire Mastino Developments Limited c. La
Reine', traitant d'un appel proposé par le ministre
du Revenu national contre une décision de la
Commission de révision de l'impôt, la Cour était
requise de donner des instructions relativement à
la partie pertinente dans des procédures instituées
en appel contre des cotisations établies par le
ministre du Revenu national et dans des appels de
décisions de la Commission de révision de l'impôt.
Le juge en chef adjoint Noël a conclu que ces
appels devraient être interjetés par ou contre Sa
Majesté la Reine, selon le cas. Dans une autre
affaire similaire Weintraub c. La Reine 2 où il
s'agit d'un appel interjeté par le demandeur contre
une cotisation d'impôt sur le revenu, il a rendu une
décision dans le même sens. Les présentes procédu-
res ne traitent pas d'appels contre des cotisations,
mais ont pour objet un jugement déclaratoire rela-
tif à la procédure de recouvrement adoptée par le
Ministre à la suite d'une nouvelle cotisation. Dans
l'affaire Weintraub, le juge en chef adjoint Noël a
cependant déclaré aux pages 612 et 613, évoquant
l'un des arguments soulevés par le procureur géné-
ral relativement au fait que le ministre du Revenu
national a été désigné comme défendeur plutôt que
Sa Majesté la Reine:
Les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, d'après le
procureur général, font une distinction entre la fonction qui
consiste à établir une cotisation, qui est imposée au ministre du
Revenu national, et les impôts payables, lesquels, aux termes de
l'article 222 de la Loi, doivent être payés à Sa Majesté la
Reine, avec le résultat que Sa Majesté n'a pas d'intérêt lorsque
la Cour exerce le pouvoir qu'elle a de réviser, au cours d'un
procès, les cotisations qu'a établies le Ministre.
À la page 615, il se réfère à une déclaration faite
par lui dans l'affaire Mastino, relativement à: «...
la tendance qui se dessine au Canada visant à ne
plus utiliser des parties désignées et à désigner Sa
Majesté en qualité de partie lorsqu'elle est la
personne dont les droits ou les obligations statutai-
res sont en cause ...» . Il est évident que dans la
présente affaire, où le fond de l'appel n'est pas en
cause, mais plutôt les procédures de recouvrement
employées par le Ministre à la suite des avis de
nouvelle cotisation, et où les demandeurs cher-
' [1972] 1 C.F. 532.
2 [1972] 1 C.F. 611.
chent à recouvrer les sommes déjà versées au
receveur général du Canada, Sa Majesté la Reine
est très directement en cause et aurait dû être
désignée comme défenderesse plutôt que le minis-
tre du Revenu national. En tout cas, il peut être
statué que les demandeurs n'ont peut-être aucun
droit à requérir une injonction contre le défendeur
dans les présentes procédures.
Les allégations des demandeurs sont fondées sur
le libellé de l'article 158(1) (supra), lequel
requiert paiement dans les 30 jours qui suivent
l'expédition par la poste de «l'avis de cotisation» et
déclare ensuite que ceci s'applique, qu'une opposi
tion ou un appel relatif à la cotisation soit ou non
en instance. Les demandeurs soutiennent que ledit
article n'emploie pas l'expression «nouvelle cotisa-
tion», et comme les lois fiscales doivent être inter-
prétées de manière stricte, l'exigence de paiement
dans les 30 jours, nonobstant un avis d'opposition,
s'applique seulement à l'avis initial de cotisation et
non à l'avis de nouvelle cotisation. Des renvois ont
été faits à un jugement rendu par l'ancien prési-
dent Thorson dans l'affaire Pure Spring Company
Limited c. M.R.N. 3 , où il fait à la page 500, la
distinction entre la cotisation et l'avis de
cotisation:
[TRADUCTION] L'avis de cotisation n'est pas la même chose
que la cotisation. Le premier n'est qu'une feuille de papier alors
que le second est un acte administratif important.
Des renvois ont aussi été faits à un jugement rendu
par le juge Thurlow, maintenant juge en chef
adjoint, dans l'affaire Scott c. M.R.N. 4 où le point
litigieux consistait à déterminer si la nouvelle coti-
sation était faite dans le délai de quatre ans, l'avis
de nouvelle cotisation ayant été envoyé par la poste
(quoique de façon inappropriée, ainsi qu'il a été
constaté) au procureur qui avait antérieurement
agi pour le compte du contribuable, plutôt qu'au
contribuable lui-même, exactement quatre ans
après l'envoi de l'avis initial de cotisation. L'avis
avait été, postérieurement, envoyé encore une fois
à l'appelant, à une adresse où il l'avait reçu après
l'expiration du délai de quatre ans. En rendant son
jugement, M. le juge Thurlow se réfère à l'affaire
Pure Spring. Il cite ensuite le président Thorson à
la page 131:
3 [1946] R.C.É. 471.
4 [1961] R.C.É. 120.
[TRADUCTION] C'est l'opinion telle qu'elle est formée, et non
pas la matière sur laquelle elle est fondée, qui constitue l'une
des circonstances pertinentes de la cotisation. Suivant mon
inteprétation, la cotisation est le résultat de tous les facteurs
représentant l'obligation contributive, évalués de différentes
manières, et la détermination du total après que tous les calculs
ont été effectués.
et continue aux pages 131 et 132:
Voir aussi l'affaire Provincial Paper Ltd. c. M.R.N. ([1955]
R.C.É. 33.)
Mais, à mon avis, il ne s'ensuit pas que la notification d'un
avis de cotisation n'est pas elle-même partie intégrante de
l'opération ou de la procédure d'établissement de l'assiette
fiscale à laquelle la loi se réfère brièvement par le terme
«cotisation»; il ne s'ensuit pas non plus qu'au cas où la notifica
tion d'un avis ne ferait strictement pas partie de la cotisation
même, celle-ci serait achevée avant notification effective de
l'avis.
L'avocat du défendeur s'est aussi référé audit
jugement et a cité le passage suivant, extrait de la
page 134:
[TRADUCTION] Il n'est pas contesté que l'article 46(2) 5 qui
enjoint au Ministre d'envoyer «au contribuable un avis de
cotisation» s'applique à une nouvelle cotisation tout aussi bien
qu'à la cotisation initiale.
Ainsi il ne fait aucune distinction sur le plan de la
procédure.
Il y a cependant des différences entre un avis de
cotisation et un avis de nouvelle cotisation, et ce
point a été étudié dans un certain nombre d'affai-
res où la différence a été établie entre l'avis de
nouvelle cotisation remplaçant et rendant nul et
sans effet l'avis initial de cotisation et l'avis de
nouvelle cotisation qui ajoute simplement des
sommes supplémentaires à la cotisation initiale.
Dans la présente affaire, les cotisations initiales
ont déjà été versées, et l'avis de nouvelle cotisation
réclame des sommes supplémentaires, y compris
des amendes, et constitue en fait une cotisation
différente. Je me réfère aux affaires suivantes où
ces questions sont examinées: Abrahams c.
M.R.N. 6 , jugement rendu par le juge Jackett,
maintenant juge en chef. Cette jurisprudence a été
suivie par la suite dans bien d'autres affaires, dont
Walkem c. M.R.N.' et La Reine c. Lambert' ainsi
que le pourvoi contre ce jugement qui a confirmé,
5 (Maintenant article 152(2).)
6 [1967] 1 R.C.É. 314.
[1971] C.T.C. 513.
8 [1974] 1 C.F. 693.
quoique avec des réserves, les conclusions du tribu
nal de première instance statuant que les cotisa-
tions nouvellement imposées n'étaient pas de nou-
velles cotisations, mais des cotisations
supplémentaires. 9 Dans la dernière affaire [Lam-
bert c. La Reine], le contribuable avait essayé de
faire annuler un certificat délivré en vertu de
l'article 223 par suite de la nouvelle cotisation. A
la page 204 de la décision d'appel, le savant juge
en chef déclare:
Comme il apparaît de la revue que nous avons faite des
dispositions de la loi, il y a une différence entre
(a) l'obligation de payer l'impôt en vertu de la loi, et
(b) la «cotisation» (qu'il s'agisse d'une cotisation originaire,
d'une nouvelle cotisation ou d'une cotisation supplémen-
taire), qui n'est que la détermination ou le calcul du montant
de l'obligation fiscale.
Il s'ensuit que l'établissement d'une nouvelle cotisation ne fait
pas disparaître l'obligation de payer le montant d'impôt fixé
par une cotisation antérieure dès lors que ce montant est inclus
dans celui que fixe la nouvelle cotisation. L'appelant ne pouvait
réussir à moins qu'il ait eu raison de dire que le «montant
payable» mentionné au certificat avait cessé d'être exigible. A
notre avis, rien dans le dossier n'indique que ce montant avait
cessé d'être payable et il nous a même semblé que l'avocat de
l'appelant, dans sa plaidoirie, avait pris pour acquis que le
montant apparaissant au certificat était inclus dans le montant
fixé par les nouvelles cotisations.
Manifestement, à lire la définition de la cotisa-
tion à l'article 248(1) de la Loi (supra), quoiqu'il
soit bien établi qu'une cotisation est différente
d'un avis de cotisation et qu'une nouvelle cotisa-
tion ne remplace pas toujours la cotisation initiale,
l'exigence de l'article 158(1), à savoir que le con-
tribuable doit faire des versements dans les 30
jours qui suivent l'expédition par la poste de l'avis
de cotisation, doit également s'appliquer à l'avis de
nouvelle cotisation. Certainement, même les
demandeurs ne soutiennent pas que l'exigence de
l'article 152(2), à savoir que le Ministre doit
envoyer un avis de cotisation à la personne qui a
produit la déclaration, ne s'applique pas, de façon
similaire, à l'envoi de l'avis de nouvelle cotisation,
et il serait absurde de conclure que la Loi ne porte
aucune disposition prévoyant un délai avant l'expi-
ration duquel le montant réclamé dans l'avis de
nouvelle cotisation doit être versé, qu'un avis d'op-
position ait été ou non signifié ou un appel inter-
jeté. Si tel était le cas, un contribuable pourrait
éviter indéfiniment le versement du montant
demandé dans l'avis de nouvelle cotisation simple
9 [1977] 1 C.F. 199.
ment en s'abstenant de déposer un avis d'opposi-
tion ou d'interjeter appel, et en feignant d'ignorer
toute réclamation de paiement, comme l'on fait les
demandeurs dans la présente affaire, jusqu'à l'en-
voi des avis de la tierce partie. Les demandeurs ont
suggéré qu'il ne s'agit pas là d'un véritable danger
puisque Sa Majesté, se fondant sur l'article 222 de
la Loi, peut recouvrer devant la Cour fédérale ou
tout autre tribunal compétent les montants dus.
Ledit article ajoute cependant «ou de toute autre
manière prévue par la présente loi», et il serait
absurde de prétendre que Sa Majesté doit intenter
des procès pour recouvrer des impôts à la suite
d'une nouvelle cotisation, alors qu'il serait vrai-
semblablement soutenu en défense que les impôts
réclamés ne sont pas exigibles, quand, en consé-
quence de l'avis d'opposition, l'obligation fiscale
serait plaidée ailleurs de manière normale.
Les demandeurs soutiennent aussi qu'en applica
tion de l'article 223 de la Loi, Sa Majesté est
protégée par l'enregistrement d'un certificat
devant la Cour. L'opération serait ordinairement
suivie des procédures de saisie-arrêt des biens du
contribuable. Lorsqu'il 'a envoyé les avis à tierce
partie, lesquels entraînent les mêmes conséquences
qu'une saisie-arrêt en application de l'article 224
de la Loi, le Ministre a agi dans les limites de son
droit, car il s'agit là d'une des procédures de
recouvrement à sa disposition.
Les demandeurs ont, en outre, soutenu que l'in-
sistance du Ministre sur le paiement dans les 30
jours à compter de la date de nouvelle cotisation et
les procédures subséquentes de saisie-arrêt pour
exécuter ledit paiement leur ont imposé des char
ges, la compagnie demanderesse ayant dû contrac-
ter des dettes et emprunter pour effectuer les
paiements, bien que la nouvelle cotisation ait fait
l'objet d'opposition et d'appel en temps opportun.
Bien entendu, cet argument invoquant les ennuis
causés aux demandeurs en tant que contribuables
ne peut pas être soutenu. La même remarque
s'applique à l'exécution de la cotisation initiale
dans le délai de 30 jours expressément prévu par la
Loi, et aucune distinction importante ne peut être
faite entre l'exigibilité de montants dus en vertu
d'une cotisation initiale faisant l'objet d'un appel,
et l'exigibilité de montants supplémentaires par
suite d'une nouvelle cotisation qui peut également
faire l'objet d'un appel.
Les demandeurs se sont aussi appuyés sur l'af-
faire Cyrus J. Moulton Ltd. c. La Reine 10 , jugée
en Cour d'appel fédérale, dans laquelle le juge
Thurlow [maintenant juge en chef adjoint] s'est
ainsi prononcé aux pages 441 et 442:
En toute déférence, l'existence réelle de la dette de Micucci
envers la Couronne pour les montants payables en vertu de la
Loi au moment de la signification de l'avis en vertu du paragra-
phe 224(2) me semble, d'après les termes de l'article, un fait
fondamental dont dépend l'application à l'appelante de l'article
224; je ne vois aucun argument ni aucun précédent à l'appui de
la thèse selon laquelle la défenderesse n'aurait pas le droit de
contester l'existence d'un tel fait.
La question se posait, cependant, de savoir si un
jugement sommaire pourrait être rendu à la
requête de la Couronne aux fins d'obtenir une
décision contre l'appelante saisie en application de
la Règle 341 de la Cour fédérale, sans attendre la
résolution de toute autre question en litige entre
les parties. Le tiers saisi avait soutenu que tout
paiement fait par lui au contribuable après la
saisie-arrêt constituait un dépôt, à cause de l'exis-
tence du privilège de constructeur en faveur des
ouvriers dudit contribuable. Évidemment, les faits
sont très différents de ceux de la présente affaire,
puisque la compagnie demanderesse n'a pas con
testé qu'elle devait des sommes payables aux
demandeurs, pas plus que la Banque n'a contesté
qu'elle devait des sommes payables à la compagnie
demanderesse, le litige consistant à déterminer si
les trois demandeurs sont redevables des impôts
réclamés dans l'avis de nouvelle cotisation, ce qui,
à mon avis, n'est pas une question à soulever et à
résoudre dans des procédures survenues par suite
de saisie-arrêt entre les mains de tiers en applica
tion de l'article 224 de la Loi.
La dernière affaire intéressante est l'affaire La
Reine c. Williams", où il a été soutenu que l'enre-
gistrement d'un certificat en application de l'arti-
cle 223 de la Loi, suivi d'une saisie-arrêt des
terrains du contribuable, était contraire à la
Déclaration canadienne des droits. Dans ladite
affaire, le juge Kerr, concluant que cette théorie ne
pouvait pas être soutenue, s'est référé à une déci-
sion rendue par le juge Addy dans l'affaire Lam-
bert c. La Reine 12 . Le juge Addy avait déclaré ce
qui suit à la page 550:
10 [1976] 1 C.F. 437.
" [1975] C.T.C. 392.
12 [1975] C.F. 548.
Le demandeur prétend que l'article 223 de la Loi de l'impôt
sur le revenu est ultra vires parce qu'il enfreint la règle audi
alteram partem ou, subsidiairement, qu'il est nul et sans effet
parce que contraire à l'article 2e) de la Déclaration canadienne
des droits, au motif qu'il donnerait au ministre du Revenu
national le droit d'émettre un certificat fixant le montant dû
par le contribuable, sans entendre ce dernier ni même l'en
aviser, et le droit d'enregistrer ensuite à la Cour fédérale ledit
certificat qui est alors réputé avoir la même force et le même
effet qu'un jugement ....
[et à la page 555:]
Dans le cas de la Loi de l'impôt sur le revenu, lorsque les
biens d'un contribuable ont été saisis et qu'il est par la suite
établi qu'il n'était aucunement assujetti à l'impôt, ledit contri-
buable a évidemment droit à la restitution de ses biens. Le
principe audi alteram partem s'applique à la décision finale sur
l'assujettissement à l'impôt, qui est une question tout à fait
différente de la privation temporaire de biens ou même de la
perte permanente de biens, pourvu qu'il existe un droit à la
restitution des biens ou à une compensation pour leur perte.
L'intérêt public sous-jacent aux diverses législations fiscales,
conférant le pouvoir de déclarer qu'une somme est exigible
avant que la question de l'assujettissement à l'impôt ait été
définitivement tranchée et conférant le pouvoir de prendre les
mesures nécessaires pour s'assurer du paiement de cette
somme, par la saisie de biens et éventuellement leur vente, est
évidemment fondé sur le principe voulant que les autorités
fiscales disposent de certains moyens pour empêcher le contri-
buable de se soustraire au paiement de l'impôt en dilapidant les
biens ou en les soustrayant à leur juridiction. Lorsqu'est pré-
servé le droit fondamental du contribuable à une décision au
fond, sur la question de son assujettissement à l'impôt, comme
c'est le cas dans la Loi de l'impôt sur le revenu, les pouvoirs
conférés au ministre du Revenu national par l'article 223 afin
d'assurer une perception efficace et rapide des impôts ne consti
tuent pas une violation de la règle audi alteram partem et de la
Déclaration canadienne des droits. Cet article doit bien sür être
lu en corrélation avec les autres dispositions déjà mentionnées
de la Loi.
Pour tous les motifs susmentionnés, l'action des
demandeurs est rejetée avec dépens.
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