T-1124-77
In re la demande de Hon Kwing Shum visant à
obtenir une ordonnance de prohibition à l'encontre
de Son Honneur le juge John L. McIntyre de la
Cour provinciale de la Colombie-Britannique, sié-
geant en sa qualité de magistrat aux termes de la
Loi sur les criminels fugitifs
Division de première instance, le juge Cattanach—
Vancouver, le 16 mai et le 2 juin 1977.
Compétence — Demande de bref de prohibition — Loi sur
les criminels fugitifs — Peine «d'emprisonnement de douze
mois avec travaux forcés» condition préalable à l'application
de la Loi — Définition large de «travaux forcés» dans la Loi
— Travaux forcés abolis au Canada et à Hong Kong —
Travail exigé des détenus à Hong Kong — Le magistrat est-il
compétent pour connaître de l'affaire compte tenu du fait que
l'infraction n'est pas punissable d'un emprisonnement d'un an
avec travaux forcés? — Loi sur les criminels fugitifs, S.R.C.
1970, c. F-32, art. 3, 12 — Code criminel, S.R.C. 1970, c.
C-34, art. 660.
Le requérant sollicite un bref de prohibition visant à empê-
cher un magistrat, agissant conformément à la Loi sur les
criminels fugitifs, de l'envoyer en prison pour qu'il y attende
son renvoi et soit jugé à Hong Kong. La Loi sur les criminels
fugitifs s'applique aux personnes qui ont commis un crime
punissable, dans la partie des royaumes ou territoires de Sa
Majesté, de l'emprisonnement pendant douze mois ou plus avec
travaux forcés. Même si la peine des travaux forcés a été abolie
à Hong Kong et au Canada, la Loi sur les criminels fugitifs n'a
jamais été modifiée. Les autorités de Hong Kong, par consé-
quent, font valoir que la Loi donne une définition très large de
l'expression travaux forcés et que le «travail utile» imposé aux
détenus en vertu des Prison Rules de Hong Kong entre dans
cette définition. La question est de savoir si le magistrat est
compétent pour connaître du litige compte tenu du fait que
l'infraction n'est pas punissable d'un emprisonnement de douze
mois ou plus «avec travaux forcés».
Arrêt: la demande est accueillie. La simple peine de prison et
l'emprisonnement avec travaux forcés sont deux peines diffé-
rentes. Parce que lord Parker avait opposé la simple peine
d'emprisonnement à l'emprisonnement rigoureux, on a pré-
tendu que l'«emprisonnement rigoureux» était synonyme d'«em-
prisonnement avec travaux forcés». Il ne s'ensuit pas que l'on
puisse assimiler à une peine avec travaux forcés ou même au
travail (au sens de l'anglais «labour»)* l'obligation d'exercer un
emploi utile faite aux détenus par les règles de prison, qui sont
des règles d'ordre purement administratif visant à la bonne
marche de l'établissement ainsi qu'à l'amélioration de la vie des
détenus en prison. Cette obligation ne fait pas partie de la peine
d'emprisonnement; elle n'est que la conséquence nécessaire de
l'incarcération des condamnés. Même si le droit de demander
l'examen du jugement du magistrat, en tant que persona desi-
gnata, existe en vertu de l'article 28, ce droit n'existe normale-
ment que s'il s'agit du jugement définitif du tribunal de juridic-
tion inférieure. Dans ce cas, on peut tenir compte de décisions
interlocutoires et de décisions en matière de procédure pour
établir que le tribunal n'a pas observé les principes de justice
* Note du traducteur—Parenthèse ajoutée dans la traduc-
tion.
naturelle ou qu'il a excédé sa compétence. En toute déférence
envers le juge de la Cour provinciale qui s'est déclaré compé-
tent pour entendre l'affaire, la présente cour en vient à la
conclusion contraire et accorde le bref de prohibition.
Arrêts mentionnés: R. c. Morton-Stewart, London Times,
27 mars 1953, p. 6; R. c. Boyd (1896) rapporté dans 18
C.C.C., aux pp. 167 et 168. Arrêt suivi: R. c. Governor of
Brixton Prison. Ex parte Percival [1907] 1 K.B. 696.
Arrêt approuvé: R. c. Governor of Brixton Prison. Ex
parte Sadri [1962] 1 W.L.R. 1304. Arrêt critiqué: R. c.
Dean (décision non publiée du juge Vanek de la Cour
provinciale du District judiciaire de York, en date du 17
mai 1974). Distinction faite avec l'arrêt examiné: Stafford
c. St. Louis (1957) 107 Law Journal 507.
DEMANDE de bref de prohibition.
AVOCATS:
H. A. D. Oliver et G. C. Deedman pour le
requérant.
M. M. de Weerdt, c.r., pour le gouvernement
de Hong Kong.
PROCUREURS:
Oliver, Waldock & Richardson, Vancouver,
pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour le
gouvernement de Hong Kong.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par avis de requête
introductif d'instance, le requérant vise à empê-
cher un magistrat de l'envoyer en prison pour qu'il
y attende son renvoi et soit jugé dans la colonie de
Hong Kong pour une infraction qu'il y aurait
commise au mépris de l'article 10 de la Prevention
of Bribery Ordinance, 1970 en vigueur dans cette
colonie de la Couronne.
Ladite ordonnance est entrée en vigueur le 14
mai 1971. Son article 10 est ainsi libellé:
[TRADUCTION] 10. (1) Toute personne actuellement ou
anciennement au service de la Couronne qui—
a) mène un train de vie supérieur au niveau correspondant à
ses émoluments publics, anciens ou actuels, ou qui
b) est à la tête de capitaux ou de biens sans aucune propor
tion avec ses émoluments publics, anciens ou actuels,
est coupable d'une infraction, à moins de justifier devant la
Cour l'origine de ces capitaux ou de ces biens ou son train de
vie.
Aux termes de l'article 12 de l'Ordonnance,
toute personne coupable d'une infraction aux
termes de l'article 10 est passible [TRADUCTION]
«d'une amende de cent mille dollars et d'une peine
d'emprisonnement de sept ans» lorsqu'elle est
déclarée coupable par voie de mise en accusation
et [TRADUCTION] «d'une amende de cinquante
mille dollars et d'une peine d'emprisonnement de
trois ans» lorsqu'elle est déclarée coupable par voie
de déclaration sommaire de culpabilité. Elle est
également condamnée à verser à la personne ou à
la collectivité publique en cause le montant ou la
valeur de tout avantage qu'elle en a tiré ou la
fraction de celui-ci que fixe la Cour.
Le magistrat contre lequel on cherche à obtenir
une ordonnance de prohibition agit conformément
à l'article 12 de la Loi sur les criminels fugitifs,
S.R.C. 1970, c. F-32, et je cite:
12. Si le mandat visé portant l'ordre d'arrêter le fugitif est
dûment légalisé, et s'il est fourni, sous réserve des dispositions
de la présente loi, des preuves qui donneraient lieu, d'après les
lois ordinairement appliquées par le magistrat, à une probable
et forte présomption que le fugitif a commis l'infraction men-
tionnée dans le mandat, et que cette infraction est de celles
auxquelles la présente loi est applicable, le magistrat doit
envoyer le fugitif en prison pour qu'il y attende son renvoi, et
adresser immédiatement au gouverneur général un certificat de
l'envoi en prison, avec le rapport qu'il juge opportun de présen-
ter sur l'affaire.
Le requérant soutient que l'infraction en cause
n'est pas régie par les dispositions de la Loi sur les
criminels fugitifs, compte tenu notamment de l'ar-
ticle 3, dont voici le libellé:
3. La présente loi s'applique à la trahison et à la piraterie, et
à toute infraction qualifiée félonie, délit, crime ou autrement,
qui pour lors est punissable, dans la partie des royaumes et
territoires de Sa Majesté où elle a été commise, soit par voie de
mise en accusation, soit sur dénonciation, de l'emprisonnement,
pendant douze mois ou plus avec travaux forcés, ou de toute
peine plus forte; et pour les fins du présent article, l'emprison-
nement rigoureux, et toute détention en prison à laquelle est
joint le travail, sous quelque nom que ce soit, sont réputés
emprisonnement avec travaux forcés.
Selon l'article 3 ci-dessus, il faut, pour que le
magistrat soit compétent, que l'infraction soit
«punissable ... de l'emprisonnement, pendant
douze mois ou plus avec travaux forcés, ou de
toute peine plus forte ...» .
L'infraction reprochée au requérant est punissa-
ble d'une forte amende et de l'emprisonnement
pendant plus de douze mois. Cependant, je n'inter-
prète pas l'article 3 comme voulant que la peine
d'emprisonnement de sept ou de trois ans entre
dans le cadre de l'expression «ou de toute peine
plus forte». L'interprétation naturelle serait que les
mots «ou plus» signifient une peine de plus de
douze mois avec travaux forcés.
Je ne considère pas non plus comme une peine le
fait que la Cour puisse ordonner le versement du
montant ou de la valeur d'un avantage donné. A
mon avis, il s'agit d'une ordonnance de restitution
ou d'une ordonnance visant à empêcher que le
criminel tire profit de son infraction. Je ne pense
pas non plus que l'infliction d'une amende, en plus
de l'emprisonnement, emporte qu'il s'agisse d'une
peine plus forte au sens de l'article 3. N'ayant pas
de preuve sur ce point, je présume que la Cour, en
déclarant un accusé coupable, a le choix d'infliger
l'amende maximale, une amende moins forte sans
peine d'emprisonnement, une peine d'emprisonne-
ment sans amende, ou l'amende et l'emprisonne-
ment. Autrement dit, l'imposition d'une amende de
cent mille dollars et de sept ans d'emprisonnement
en cas de déclaration de culpabilité par voie de
mise en accusation, ou l'imposition d'une amende
de cinquante mille dollars et de trois ans d'empri-
sonnement en cas de déclaration sommaire de
culpabilité, n'est pas obligatoire. La personne
déclarée coupable peut être punie de la sorte mais
il s'ensuit, je pense, que la Cour a le pouvoir
d'infliger une peine moins rigoureuse que le cumul
des peines maximales. Autrement dit, à mon avis,
il ne résulte pas du fait que l'emprisonnement
puisse être assorti d'une amende, à la discrétion de
la Cour, une peine plus forte que l'emprisonnement
«avec travaux forcés».
Par contre, il m'est difficile de croire que si la
peine maximum pour l'infraction en cause était
l'emprisonnement à vie, cette peine, tout comme la
peine capitale, le cas échéant, ne serait pas «plus
forte» que l'emprisonnement pendant sept ans avec
travaux forcés. Par conséquent, c'est ainsi que
j'interprète l'expression «ou de toute peine plus
forte» qui figure à l'article 3.
Au Royaume-Uni, la peine des travaux forcés
avec emprisonnement a été abolie en 1948. A
Hong Kong elle est abolie depuis plusieurs années;
en tout cas, elle n'existait plus en 1971 au moment
de l'infraction reprochée au requérant. Cette peine
a été abolie plus tard au Canada, comme dans la
plupart des royaumes de Sa Majesté, mais l'article
3 de la Loi sur les criminels fugitifs n'a pas été
modifiée comme l'a été la loi correspondante du
Royaume-Uni de laquelle il est issu. L'article 3 est
resté en vigueur dans sa formulation initiale.
Le point en litige dans la présente demande
ressort donc très clairement: il s'agit simplement
de savoir si le magistrat est incompétent parce que
l'infraction ne relève pas de l'article 3 en ce sens
qu'elle n'est pas punissable d'un emprisonnement
de plus de douze mois «avec travaux forcés».
C'est ce que prétend l'avocat du requérant.
L'avocat de la colonie de la Couronne de Hong
Kong, quant à lui, s'appuie sur les Prison Rules
édictées en vertu de la Prisons Ordinance de Hong
Kong, qui sont en vigueur depuis le 15 avril 1954.
Selon ce texte, tout condamné à une peine d'empri-
sonnement est tenu de faire un travail utile dix
heures par jour au maximum, sauf dispense ou
certificat médical. Les règles stipulent également
que la durée du travail peut être réduite certains
jours ou pour des raisons d'ordre religieux ou
d'appartenance à une caste.
L'avocat prétend que le travail utile imposé au
détenu entre dans la définition qui est donnée par
la disposition interprétative de l'article 3, que je
cite de nouveau:
... et pour les fins du présent article, l'emprisonnement rigou-
reux, et toute détention en prison à laquelle est joint le travail,
sous quelque nom que ce soit, sont réputés emprisonnement
avec travaux forcés. **
** Note du traducteur:
Dans le texte anglais de cette disposition, «travail» et «travaux
forcés» ont pour équivalent respectif «labour» et «forced
labour».
Pour l'intelligence de ce qui va suivre, le mot «travail» tradui-
sant, selon le cas, «works» ou «labour», nous l'avons fait suivre
de ce dernier, entre parenthèses, chaque fois que c'était celui-ci
qu'on trouvait dans le texte anglais; le mot «travail», employé
seul, rendra donc le mot anglais «work», sauf dans l'expression
«travaux forcés».
Pour que soit appliquée la sanction prévue pour
l'infraction reprochée au requérant en l'espèce, il
faut conclure que le «travail utile» visé par les
Prison Rules entre dans la définition du «travail»
(labour) visé par la disposition interprétative. Or,
les deux concepts ne se recoupent pas nécessaire-
ment dans le langage courant.
Les Prison Rules ont été édictées en application
de l'article 25(1)h) de la Prisons Ordinance, dont
voici le texte:
[TRADUCTION] 25. (1) Le gouverneur en conseil peut édic-
ter des règles portant sur—
h) la classification, l'habillement, l'entretien, l'emploi, la
discipline, l'instruction et la punition des détenus.
Le mot clé de la Prisons Ordinance est «l'em-
ploi» qui désigne l'état d'être employé et le mot
«employer», selon l'usage courant, signifie utiliser
son temps, c'est-à-dire s'occuper.
L'article 38 des Prison Rules, qui découle de
l'article 25(1)h) de la Prisons Ordinance, tombe
sous la rubrique «f) Travail»; en voici le texte:
[TRADUCTION] 38. Tout prisonnier est tenu de faire un
travail utile durant dix heures par jour au maximum dont,
autant que possible, huit heures au moins sont consacrées à du
travail en commun ou autre, hors cellule:
Le mot «travail» (au sens de l'anglais
«work»)*** implique une action exigeant un effort,
le fait de s'occuper de façon systématique. On y
retrouve un élément présent dans le terme
«emploi»: le fait d'occuper son temps.
Le mot «travail» (au sens de l'anglais
«labour»)*** implique le labeur physique, qu'on
peut aussi rendre par «travail ingrat».
Dans leur sens courant, on ne peut affirmer que
les mots en cause («labour» et «work») soient tout à
fait synonymes. On peut dire plutôt que l'expres-
sion «travail utile» qui figure à l'article 38 des
Prison Rules se rapproche du mot «emploi» et que
l'adjectif «utile» signifie qu'il ne s'agit pas d'un
travail pour le seul plaisir de travailler.
Il ressort de l'affaire Hodge c. La Reine
(1883-4) 9 App. Cas. 117 que, dans l'alinéa 15 de
*** Note du traducteur—Parenthèse ajoutée dans la
traduction.
l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord bri-
tannique, 1867 («L'infliction de punitions par voie
d'amende, pénalité, ou emprisonnement, dans le
but de faire exécuter toute loi de la province
décrétée au sujet des matières tombant dans
aucune des catégories de sujets énumérés dans le
présent article»), le mot «emprisonnement» désigne
l'incarcération avec ou sans son complément habi-
tuel, soit les travaux forcés.
La proposition converse n'est pas vraie. Quand
la peine édictée est l'emprisonnement avec travaux
forcés, il ne peut s'agir d'un emprisonnement sans
travaux forcés.
Dans la troisième édition de Halsbury's Laws of
England (édition lord Simonds), vol. 16, aux pages
585 et 586, on trouve l'article 1217 ainsi libellé:
[TRADUCTION] 1217. Application aux infractions. Les dis
positions de la Partie I du Fugitive Offenders Act de 1881 t)
s'appliquent à la trahison et à la piraterie, et à toute infraction
qui pour lors est punissable dans la partie des dominions de Sa
Majesté où elle a été commise, soit par voie de mise en
accusation u) soit sur dénonciation, de l'emprisonnement avec
travaux forcés a) pendant douze mois ou plus ou de toute peine
plus forte b).
Voici le texte de la note a):
[TRADUCTION] a) L'emprisonnement avec travaux forcés
comprend l'emprisonnement rigoureux et toute détention en
prison à laquelle est joint le travail (labour), sous quelque nom
que ce soit (Fugitive Offenders Act, 1881 (44 & 45 Vict., c.
69), art. 9). L'application de la Loi ne saurait être modifiée par
l'abolition de l'emprisonnement avec travaux forcés en Angle-
terre, du fait du Criminal Justice Act, 1948 (11 & 12 Geo. 6, c.
58), art. 1(2). Voir jugement contraire R. c. Morton-Stewart
(1953), Times, 27 mars, p. 6 (décision d'une cour australienne).
L'article 9 du Fugitive Offenders Act de 1881
était identique à l'article 3 de la Loi sur les
criminels fugitifs du Canada, S.R.C. 1970, c.
F-32. Avec l'abolition en Angleterre de la peine
des travaux forcés par le Criminal Justice Act de
1948, le Fugitive Offenders Act a subi des modifi
cations importantes [1967, c. 68 (R.-U.)]: les
infractions qui entraînent le renvoi du fugitif dans
une autre partie des royaumes de Sa Majesté sont
énumérées en annexe à la loi comme dans le cas de
la Loi sur l'extradition. L'abolition de la peine des
travaux forcés au Canada ne s'est pas traduite par
une modification équivalente de la loi canadienne
sur les criminels fugitifs.
Il fut un temps où, sous l'empire de la Loi sur
les pénitenciers, toute peine d'emprisonnement
dans un pénitencier était assortie des travaux
forcés. Aux termes de l'article 1057 du Code cri-
minel [S.R.C. 1927, c. 36], une peine d'emprison-
nement pouvait être assortie ou non de travaux
forcés, à la discrétion de la Cour, pour les infrac
tions visées par certaines parties du Code. Dans les
autres cas, la peine d'emprisonnement pouvait être
assortie des travaux forcés, si ces derniers faisaient
partie de la peine édictée pour l'infraction, et la
sentence devait préciser s'il s'agissait d'un empri-
sonnement avec travaux forcés. Par suite de l'abo-
lition des travaux forcés au Canada, l'article 1057
n'a pas été reproduit dans le Code criminel
refondu de 1955 mais on a ajouté l'article 660, qui
portait alors le numéro 653.
L'article 660 contient les dispositions suivantes:
660. (1) Une sentence d'emprisonnement doit être purgée
conformément aux dispositions et règles qui régissent l'institu-
tion à laquelle le prisonnier est condamné et une mention de
travaux forcés dans une condamnation ou sentence est censée
une mention de l'emploi des prisonniers que prévoient les
dispositions ou règles.
(2) Une condamnation ou sentence qui inflige des travaux
forcés ne doit pas être annulée ou écartée pour le seul motif que
la disposition qui crée l'infraction n'autorise pas l'imposition de
travaux forcés, mais elle doit être modifiée en conséquence.
A mon avis, l'article 660 et ses antécédents ne
sont pas utiles pour l'interprétation de l'article 3 de
la Loi sur les criminels fugitifs. Il y avait deux
peines différentes, l'emprisonnement et l'emprison-
nement avec travaux forcés; à mon avis, l'article
660 édicte des dispositions transitoires faisant suite
à l'abolition de la peine des travaux forcés comme
complément de l'emprisonnement. Aux termes de
l'article 660, une peine comprenant les travaux
forcés ne saurait être annulée pour cette seule
raison mais la sentence doit être modifiée par la
suppression des travaux forcés. Aux termes de
l'article 660(1), la peine d'emprisonnement doit
être purgée conformément aux règles qui régissent
l'établissement où le prisonnier est condamné à
séjourner et si elle est assortie d'une condamnation
aux travaux forcés, celle-ci est censée être une
mention de l'emploi des prisonniers que prévoient
les règles de l'établissement.
Il va de soi que les prisonniers dans les établisse-
ments pénitentiaires doivent se soumettre à une
certaine discipline. Le personnel de ces établisse-
ments doit jouir des pouvoirs nécessaires pour
mettre en vigueur cette discipline ainsi que les
normes de conduite nécessaires à la bonne marche
de ces établissements. Le fait que les détenus
fassent un travail utile rompt un peu la monotonie
de la détention qui, autrement, serait tout à fait
propice aux manquements à la discipline; cela
favorise en outre la resocialisation du prisonnier.
Il est certain que l'obligation du travail utile
faite au détenu résulte d'une règle purement admi
nistrative en vigueur dans les établissements en
question et qu'à ce titre, elle n'a aucun rapport
avec la peine elle-même.
Il s'agit simplement d'un fait accessoire à la
peine d'emprisonnement. En conséquence, je ne
vois pas comment on peut assimiler les règles de
prison exigeant que le détenu fasse un travail utile
à la peine d'emprisonnement avec travaux forcés
telle qu'on l'entendait avant l'abolition de la peine
des travaux forcés.
Il y a peu de jurisprudence sur la disposition
interprétative de l'article 3 de la Loi sur les crimi-
nels fugitifs.
Oliver Nugent, auteur de «Extradition and
Fugitive Offenders» dans la troisième édition de
Halsbury's Laws of England, estimait que l'aboli-
tion de la peine d'emprisonnement avec travaux
forcés en Angleterre n'affectait en rien l'applica-
tion du Fugitive Offenders Act parce qu'il est dit
que l'emprisonnement avec travaux forcés com-
prend l'emprisonnement rigoureux et toute déten-
tion en prison à laquelle est joint le travail
(labour) sous quelque nom que ce soit. Cela
découle de la note a). La note correspondante dans
les deux premières éditions de Halsbury's Laws of
England disait simplement:
[TRADUCTION] Ceci comprend l'emprisonnement rigoureux et
toute détention en prison à laquelle est joint le travail (labour),
sous quelque nom que ce soit.
La quatrième édition de Halsbury's Laws of
England a été établie après que le Fugitive
Offenders Act de 1881 eut été révoqué et on n'y
trouve aucune note.
Il est clair également que la décision rendue
dans l'affaire R. c. Morton-Stewart, London
Times, 27 mars 1953, page 6, n'a pas influencé
l'auteur de l'article dans la troisième édition
susmentionnée.
Voici le compte rendu de cette décision:
[TRADUCTION]
MORTON-STEWART MIS EN LIBERTÉ
De notre correspondant à
Perth (Australie) le 26 mars
Norman James Edward Morton-Stewart, homme d'affaires de
Birmingham ayant fait l'objet d'une procédure d'extradition, a
été mis en liberté aujourd'hui par le magistrat stipendiaire
suppléant R. P. Rodriguez. Le magistrat a déclaré que, pour
encourir l'extradition, une personne devrait être passible d'une
peine minimum d'emprisonnement de douze mois avec travaux
forcés et que, d'après le Criminal Jurisdiction Act anglais de
1948, la peine d'emprisonnement portée comme «emprisonne-
ment avec travaux forcés» avait été abolie. L'avocat de Morton-
Stewart a déclaré au magistrat que son client désirait retourner
en Angleterre, mais en liberté.
Les avocats des parties ont tenté en vain d'obte-
nir une copie de la décision du greffe de la cour
australienne en cause.
Cependant, il ressort de l'article de presse, dont
il n'a pas été fait état dans le Times Law Reports,
que le magistrat a jugé qu'on ne pouvait renvoyer
le criminel dans le royaume où il avait commis
l'infraction que s'il était passible d'une peine mini
mum d'emprisonnement avec travaux forcés, et
que, l'emprisonnement avec travaux forcés ayant
été aboli en Angleterre, il devait être mis en
liberté.
Dans Canadian Criminal Cases, vol. 18, aux
pages 167 et 168, on trouve la note suivante:
[TRADUCTION] Dans l'affaire R. c. Boyd (1896) 21 C.L.T.
80, le prévenu était accusé à Londres d'avoir commis à Mont-
réal une infraction à la Loi sur les douanes du Canada et l'on
demandait qu'il soit expulsé vers le Canada pour y être jugé.
Cependant, la peine prévue par l'ancienne Loi sur les douanes
qui était en vigueur à cette époque (S.R.C. 1886, c. 32, art.
192) pour la fabrication frauduleuse d'une facture et pour
fausse déclaration en douane était une amende, un emprisonne-
ment d'un an au maximum ou l'amende et l'emprisonnement; la
loi était muette sur la question des travaux forcés. Sir John
Bridge, président du tribunal de police de Bow Street mit le
détenu en liberté au motif que la loi anglaise 44-45 Vict., c. 69
ne s'appliquait qu'aux infractions punissables de travaux forcés,
lesquels ne pouvaient être imposés pour l'infraction en cause.
Dans l'affaire Rex. c. Governor of Brixton
Prison. Ex parte Percival [1907] 1 K.B. 696, le
juge en chef lord Alverstone a déclaré à la page
706, et je cite:
[TRADUCTION] A mon avis, selon l'art. 9 du Fugitive Offend
ers Act de 1881, le magistrat doit être convaincu que l'infrac-
tion «qualifié félonie, délit, crime ou autrement» est une infrac
tion «qui pour lors est punissable dans la partie des dominions
de Sa Majesté où elle a été commise, soit par voie de mise en
accusation, soit sur dénonciation, de l'emprisonnement, pendant
douze mois civils ou plus avec travaux forcés, ou de toute peine
plus forte.»
Cela signifie qu'avant de rendre une ordonnance
d'incarcération, le magistrat doit être convaincu
que l'infraction est punissable de l'emprisonnement
avec travaux forcés dans l'autre royaume de Sa
Majesté.
Dans l'affaire Ex parte Percival, le prisonnier a
été mis en liberté parce que le magistrat ne dispo-
sait pas de preuves suffisantes pour lui permettre
d'arriver à cette conclusion.
Dans Re Henry (1976) 23 C.C.C. (2e) 38, on
avait soutenu ce qui suit devant le juge Eckardt de
la Cour provinciale: comme l'article 3 de la Loi sur
les criminels fugitifs porte que l'infraction doit
être punissable de l'emprisonnement avec travaux
forcés pendant douze mois ou plus et comme la
peine des travaux forcés a été abolie en Angleterre,
la demande doit être rejetée parce que les infrac
tions reprochées au fugitif ne sont pas punissables
de l'emprisonnement avec travaux forcés en Angle-
terre. C'est précisément la thèse soutenue dans la
présente espèce.
Le savant magistrat a conclu à l'insuffisance de
preuve en ce qui concerne l'infraction alléguée et il
n'a donc pas eu à examiner l'argument selon lequel
l'infraction n'était pas punissable de l'emprisonne-
ment avec travaux forcés.
Dans une décision non publiée, La Reine c.
Dean, (17 mai 1974) Son Honneur le juge D.
Vanek de la Cour provinciale, District judiciaire
de York, disait ce qui suit:
[TRADUCTION] J'ai aussi considéré un autre moyen d'oppo-
sition à l'ordonnance prévue par l'article 12 de la Loi sur les
criminels fugitifs, bien que cette question n'ait pas été soulevée
par l'avocat du fugitif, Dean: les infractions faisant l'objet de la
dénonciation ne sont plus passibles de l'emprisonnement avec
travaux forcés en Angleterre et elles ne tombent donc pas sous
le coup de l'article 3 de la Loi. Celui-ci dispose que:
3. La présente loi s'applique à la trahison et à la piraterie,
et à toute infraction qualifiée félonie, délit, crime ou autre-
ment, qui pour lors est punissable, dans la partie des royau-
mes et territoires de Sa Majesté où elle a été commise, soit
par voie de mise en accusation, soit sur dénonciation, de
l'emprisonnement pendant douze mois ou plus avec travaux
forcés, ou de toute peine plus forte; et pour les fins du présent
article, l'emprisonnement rigoureux, et toute détention en
prison à laquelle est joint le travail [labour], sous quelque
nom que ce soit, sont réputés emprisonnement avec travaux
forcés.
Il appert que le Criminal Justice Act de 1948 a modifié le
droit criminel anglais en abrogeant toutes les mentions des
«travaux forcés» qui apparaissaient dans les lois du Royaume-
Uni traitant des sentences dans les cas d'infractions criminelles.
Il serait surprenant que, du fait de cette atténuation unilaté-
rale de la rigueur de ses lois pénales, le Royaume-Uni se soit vu
privé de son droit et ait perdu le bénéfice de l'extradition en
vertu de la loi canadienne, ce qu'aucun des deux pays ne visait
au départ. La définition des «travaux forcés» à l'article 3 inclut,
cependant, les peines rigoureuses. Les infractions reprochées en
l'espèce dans le mandat d'arrestation sont passibles d'une peine
de deux ans de prison pour l'une des accusations et d'une peine
beaucoup plus longue pour l'autre. Je considère qu'une peine de
deux ans ou plus imposée au Royaume-Uni, équivalente à une
peine qui, au Canada, est purgée dans un pénitencier et qui est
réservée aux infractions graves, constitue une peine rigoureuse.
En outre, cette sentence impliquerait l'accomplissement d'un
travail (labour) et s'inscrit donc dans le cadre d'une «détention
en prison à laquelle est joint le travail [labour]». Selon cette
interprétation, l'article 3 a pour but de rendre la Loi sur les
criminels fugitifs applicable aux infractions graves et non aux
infractions mineures. C'est l'idée contenue implicitement dans
le jugement qu'a rendu le juge McRuer, juge en chef de la
High Court, dans l'affaire Ex P. Rabin, quelques années après
l'abandon du concept des «travaux forcés» au Royaume-Uni
sans que personne n'invoque ou ne mentionne le moyen d'in-
compétence pour ce motif. Je juge que les infractions visées
tombent sous le coup de la Loi sur les criminels fugitifs.
Le juge de la Cour provinciale a conclu que la
peine d'emprisonnement de deux ans ou plus sans
travaux forcés constituait «un emprisonnement
rigoureux» et que pareille sentence impliquait un
certain travail (labour) et s'inscrivait donc dans le
cadre d'une «détention en prison à laquelle est joint
le travail [labour]» au sens de l'article 3 de la Loi
sur les criminels fugitifs.
Il a déclaré que le juge en chef McRuer de la
High Court avait implicitement adopté son inter-
prétation de l'article 3 dans l'affaire Ex parte
Rabin [1961] O.W.N. 231.
J'ai lu avec soin le jugement rendu dans cette
affaire et je n'y trouve rien qui puisse indiquer
qu'il constitue un précédent à l'appui de cette
thèse.
Le juge en chef McRuer a rappelé les disposi
tions de l'article 12 et de l'article 17 de la Loi sur
les criminels fugitifs portant que la preuve portée
à l'attention du magistrat doit donner lieu à une
probable et forte présomption que le fugitif a
commis les infractions qui lui sont reprochées
(article 12) et prévoyant le cas où son renvoi
constituerait une punition injuste, tyrannique ou
trop sévère. Il s'est dit d'avis qu'aux termes de
l'article 12, la preuve était peu convaincante et que
le retard considérable à intenter des poursuites,
joint à la distance, présentait un caractère tyranni-
que, car il serait difficile pour le fugitif de présen-
ter sa défense aussi tardivement. Le juge s'est
appuyé sur la décision dans le même sens de lord
Goddard. Le lord juge en chef avait refusé d'or-
donner le renvoi du fugitif parce que le retard en
cause était préjudiciable à sa défense, tyrannique
et donc injuste, vu les circonstances. Il n'a nulle-
ment indiqué que les infractions étaient mineures
et sans grande importance.
Dans l'affaire Stafford c. St. Louis (1957) 107
Law Journal 507, le juge en chef Mathieu -Perez et
le juge Williams de la Cour suprême de Trinidad
et Tobago ont rendu un jugement contraire aux
prétentions du requérant en l'espèce.
Le fugitif avait reconnu devant le magistrat qu'il
était coupable d'une infraction (évasion de prison)
mais il avait prétendu que l'évasion ne constituait
pas une infraction visée par le Fugitive Offenders
Act de 1881 parce qu'elle n'était pas punissable de
l'emprisonnement avec travaux forcés, cette peine
ayant été abolie par le Criminal Justice Act de
1948, [11 & 12 Geo. 6, c. 58].
L'article 9 de la Loi de 1881 est identique à
l'article 3 de la Loi sur les criminels fugitifs du
Canada. Le magistrat avait soutenu que toutes les
peines d'emprisonnement au Royaume-Uni équiva-
laient à une détention en prison à laquelle était
joint le travail (labour), au sens de l'article 9,
parce que, selon la Règle 56 des Prison Rules de
1949, les détenus devaient faire un travail utile dix
heures par jour au maximum (on retrouve la
même disposition dans les Prison Rules de Hong
Kong).
En appel, on a jugé que l'ordonnance du magis-
trat était bien fondée. L'évasion de prison était
punissable de l'emprisonnement avec travaux
forcés aux termes de l'article 29 du Criminal
Procedure Act de 1851, [14 & 15 Vict., c. 100],
(abrogé par la suite) mais l'abrogation de cet
article par le Criminal Justice Act de 1948 et
l'abolition de l'emprisonnement avec travaux
forcés n'ont pas affecté l'application de l'article 9
du Fugitive Offenders Act de 1881 en raison du
sens large qui y est donné à l'expression «emprison-
nement avec travaux forcés».
Par conséquent, d'un côté, nous avons les déci-
sions favorables aux prétentions du requérant, ren-
dues par des magistrats dans les affaires R. c.
Morton-Stewart et R. c. Boyd. De l'autre côté,
parmi les arrêts qui vont à l'encontre des préten-
tions du requérant, nous avons le jugement R. c.
Dean, également rendu par un magistrat, le juge-
ment Stafford c. St. Louis et l'opinion de l'auteur
de l'article «Extradition and Fugitive Offenders»
dans l'édition de lord Simond de Halsbury's Laws
of England.
Le plus concluant des jugements invoqués est
celui qui a été rendu dans l'affaire Stafford c. St.
Louis.
Cependant dans l'affaire Regina c. Governor of
Brixton Prison. Ex parte Sadri [1962] 1 W.L.R.
1304, le juge en chef lord Parker a déclaré à la
page 1308, et je cite:
[TRADUCTION] Avant de poursuivre, je dois dire que M.
Mathew qui s'occupe, je crois, de nombreuses affaires pour des
pays qui font des demandes d'extradition, désireux d'obtenir
toute l'aide possible de la présente cour, a souligné les difficul-
tés d'interprétation de l'expression «emprisonnement avec tra-
vaux forcés», surtout à cause de la définition complémentaire
des travaux forcés, savoir «toute détention en prison à laquelle
est joint «le travail (labour)». A vrai dire, il nous a demandé de
déclarer que toute peine d'emprisonnement devait être comprise
comme une condamnation aux travaux forcés, au sens de cet
article. J'hésiterais longtemps avant d'arriver à une telle con
clusion: il y a peut-être un bon nombre de cas où l'on peut
établir une distinction entre la simple peine de prison et l'em-
prisonnement rigoureux. Il n'est cependant pas nécessaire de
trancher cette question car, de toute façon, l'affidavit est
défectueux, en ce qu'il ne dit pas si les infractions sont punissa-
bles par voie de mise en accusation ou sur dénonciation.
Bien que cette déclaration du lord juge en chef
prenne la forme d'une simple opinion incidente, il
s'agit néanmoins d'une affirmation fort convain-
cante. On avait soutenu devant lord Parker qu'il
résultait de la disposition interprétative de l'article
9 de la Loi du Royaume-Uni (et de l'article 3 de la
Loi sur les criminels fugitifs du Canada) que tout
emprisonnement auquel était joint le travail
(labour), et il en était ainsi lorsque les règles de la
prison exigeaient que les détenus exercent un
emploi utile, devait être considéré comme un
«emprisonnement avec travaux forcés». Lord
Parker a exprimé de fortes réserves à propos de
cette conclusion.
L'affirmation de lord Parker est conforme à ma
propre conclusion que la simple peine de prison et
l'emprisonnement avec travaux forcés sont deux
peines différentes. L'emploi de l'expression «empri-
sonnement rigoureux» à l'article 3 ne me sert pas
beaucoup. Lord Parker oppose la simple peine
d'emprisonnement à l'emprisonnement rigoureux,
ce qui implique que «l'emprisonnement rigoureux»
est synonyme d'«emprisonnement avec travaux
forcés». Par ailleurs, je ne puis suivre le raisonne-
ment voulant qu'on puisse assimiler à une peine
avec travaux forcés ou même au travail (au sens de
l'anglais «labour»)**** l'obligation d'exercer un
emploi utile faite aux détenus par les règles de
prison, qui sont des règles d'ordre purement admi-
nistratif visant à la bonne marche de l'établisse-
ment ainsi qu'à l'amélioration de la vie des détenus
en prison. Cette obligation ne fait pas partie de la
peine d'emprisonnement; elle n'est que la consé-
quence nécessaire de l'incarcération des condam-
nés.
Il reste à savoir si la prohibition est le recours
qui convient.
Comme pour tous les autres brefs de préroga-
tive, l'octroi ou le refus de la prohibition est discré-
tionnaire et dépend des circonstances de l'espèce.
Il faut l'utiliser avec prudence, pour assurer la
justice, lorsqu'il n'y a pas d'autre recours. En
l'espèce, on aurait le droit de demander l'examen
du jugement du magistrat, en tant que persona
designata, en présentant une demande à la Cour
d'appel fédérale aux termes de l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale. Cependant, ce droit
n'existe normalement que s'il s'agit du jugement
définitif du tribunal de juridiction inférieure. Dans
ce cas, on peut tenir compte de décisions interlocu-
toires et de décisions en matière de procédure pour
établir que le tribunal n'a pas observé les principes
de justice naturelle ou qu'il a excédé sa
compétence.
D'autre part, bien que la prohibition soit discré-
tionnaire, il y a lieu de l'accorder quand l'incompé-
tence ressort du simple examen de la procédure.
Dans la présente espèce cette question a été
soulevée devant le savant juge de la Cour provin-
ciale, qui s'est déclaré compétent pour entendre
l'affaire sur le fond. Je ne suis pas du même avis.
**** Note du traducteur—Parenthèse ajoutée dans la
traduction.
Pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus au
contraire que le magistrat a excédé sa compétence
en décidant d'entendre la preuve et de rendre
jugement.
Pour ces motifs et vu les circonstances de l'es-
pèce, la demande doit être accueillie avec dépens.
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