A-272-76
La Reine (Appelante) (Défenderesse)
c.
Canadien Pacifique Limitée (Intimée) (Demande-
resse)
Cour d'appel, les juges Pratte et Ryan et le juge.
suppléant MacKay—Toronto, le 13 octobre;
Ottawa, le 3 novembre 1977.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — (1) Le revenu
reçu par l'intimée sur des obligations d'une compagnie non
résidente dans laquelle elle détenait une participation majori-
taire l'a-t-il été a titre de dividende en vertu de l'art. 8(3) ou
de versements d'intérêt? — (2) Allocation d l'égard du coût en
capital — Dépenses effectuées après que les tierces parties
eurent convenu de procéder au remboursement — Opérations
concernant des dépenses effectuées par l'intimée pour son
propre compte et des dépenses effectuées pour le compte d'une
tierce partie tenue, par après, de rembourser — Un montant
égal au remboursement effectué par les tierces parties doit-il
être soustrait du coût en capital des biens? — Loi de l'impôt
sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 8(3), 20(5)e), 28(1),
84A(3).
Il s'agit de l'appel d'un jugement de la Division de première
instance ayant fait droit à l'appel interjeté par l'intimée de la
cotisation de son impôt sur le revenu pour l'année 1965. L'appel
soulève des problèmes ayant trait à deux différentes questions:
la détermination, comme intérêts ou dividendes, de certains
paiements reçus par l'intimée ainsi que le calcul de l'allocation
à l'égard du coût en capital à laquelle l'intimée a droit.
(1) Intérêt ou dividende: En calculant son revenu pour l'an-
née 1965, l'intimée a pris pour acquis qu'une somme reçue
d'une filiale américaine était réputée avoir été reçue à titre de
dividende en vertu de l'article 8(3) de la Loi de l'impôt sur le
revenu et que, de ce fait, elle avait droit de réclamer la.
déduction autorisée par l'article 28(1). Le juge de première
instance a rejeté la prétention de l'appelante selon laquelle la
somme n'a pu être réputée avoir été reçue à titre de dividende.
La seule question litigieuse est de savoir si l'article 8(3) s'appli-
que au dividende versée par une corporation qui n'est pas
assujettie aux dispositions de la Partie I de la Loi.
(2) L'allocation à l'égard du coût en capital: L'intimée,
agissant à la requête de tierces parties, a effectué des dépenses
de capital, ou des dépenses qui sont réputées l'être, après
entente que la tierce partie paierait à l'intimée un montant ne
dépassant pas les dépenses. L'intimée a calculé l'allocation à
l'égard du coût en capital qui lui revenait pour ces biens, en ne
tenant pas compte des montants reçus des tierces parties pour
déterminer leur coût en capital. L'appelante fait valoir que du
coût en capital de ces biens doit être soustrait un montant égal
aux sommes reçues des tierces parties. L'appelante a divisé les
huit opérations à l'étude en deux catégories: (1) les cas où
l'intimée a effectué elle-même les dépenses pour son propre
compte et (2) les cas oû l'intimée a effectué la dépense pour le
compte d'une tierce partie qui l'a remboursée par la suite. Les
cas relevant de la seconde catégorie ont été examinés
séparément.
a) Le Parc industriel de la vallée de l'Athabaska: L'intimée
a été partiellement remboursée de la somme qu'elle a dépensée
pour prolonger sa voie ferrée. L'appelante prétend que les
remboursements reçus doivent être déduits du montant réelle-
ment dépensé afin de déterminer l'allocation à l'égard du coût
en capital.
b) L'Administration de la voie mafitime du Saint-Laurent:
L'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent, dans
une opération visant à relocaliser les voies ferrées de l'intimée, a
remboursé l'intimée des dépenses qu'elle a engagées en effec-
tuant une petite partie des travaux nécessités par le projet de
nouvelle localisation.
c) Les voies de garage: L'intimée, propriétaire des éléments
métalliques faisant partie des voies de garage, a fait l'acquisi-
tion, pour une somme nominale, des parties susceptibles de se
détériorer et a réclamé le bénéfice d'une allocation à l'égard du
coût en capital fondée sur le coût de la construction de la voie
de garage moins le coût des matériaux de la voie. L'appelante
conteste cette prétention que le premier juge a accueillie.
Arrêt: (1) en ce qui concerne la question de l'intérêt ou du
dividende, la décision du juge de première instance était bien
fondée. Le mot «corporation» se trouvant dans la dernière partie
de l'article 8(3) n'est pas utilisé dans un sens étroit. Les mots «à
moins que la corporation n'ait droit de déduire le montant ainsi
payé dans le calcul de son revenu» renvoient seulement aux
corporations régies par la Partie I de la Loi de l'impôt sur le
revenu. Mais ce n'est pas parce que le mot «corporation» est
utilisé dans un sens étroit; c'est simplement parce que seules les
corporations régies par la Partie I peuvent remplir la condition
prévue par cette disposition de l'article.
(2) En ce qui concerne les opérations où l'intimée a effectué
des dépenses pour son propre compte, le juge de première
instance a eu raison de rejeter la prétention de l'appelante. Il a
été établi dans Birmingham Corp. c. Barnes que «le coût réel
pour» un contribuable de biens susceptibles de dépréciation est
égal au montant versé par le contribuable. En ce qui concerne
les opérations où l'intimée aurait effectué une dépense pour le
compte d'une tierce partie qui l'a remboursée par la suite,
l'intimée ne peut avoir gain de cause. a) Il n'y a aucun
fondement aux prétentions de l'appelante en ce qui concerne le
Parc industriel de la vallée de l'Athabaska, puisque la dépense
engagée par l'intimée dans cette opération l'a été pour son
propre compte. b) L'intimée ne peut réclamer l'allocation à
l'égard du coût en capital pour les frais engagés par elle dans
l'opération conclue avec l'Administration de la voie maritime
aux motifs que cette dépense ne représente pas ce qu'il en coûte
à l'intimée pour acquérir un bien susceptible de dépréciation ni
n'est réputée une dépense de capital en vertu de l'article
84A(3). Même s'il est exact que l'intimée a acquis, à la suite
des négociations avec l'Administration, un bien susceptible de
dépréciation, il demeure que le coût en capital de la nouvelle
voie correspond à la valeur de l'ancienne. c) L'intimée n'a pas
le droit de réclamer, relativement à la voie de garage, une
allocation à l'égard du coût en capital calculée sur la base
indiquée. La somme dépensée par l'intimée pour construire la
voie de garage n'est pas, pour elle, une dépense de capital. La
somme représente simplement, pour l'intimée, le coût d'exécu-
tion d'un contrat de construction au profit d'un client. La
dépense ne peut pas être réputée un débours de capital en vertu
de l'article 84A(3) puisque cet article traite seulement des
dépenses effectuées pour des biens appartenant au contribuable.
Arrêt appliqué: Birmingham Corp. c. Barnes [1935] A.C.
292.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
G. W. Ainslie, c.r., et C. M. Fien pour
l'appelante.
M. S. Bistrisky pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Le contentieux, Canadien Pacifique Limitée,
Montréal, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit en l'espèce de l'appel
d'un jugement de la Division de première instance'
ayant fait droit à l'appel interjeté par l'intimée de
la cotisation de son impôt sur le revenu pour
l'année 1965. L'appel soulève des problèmes ayant
trait à deux différentes questions: la détermina-
tion, comme intérêts ou dividendes, de certains
paiements reçus par l'intimée ainsi que le calcul de
l'allocation à l'égard du coût en capital à laquelle
l'intimée a droit.
I—Intérêt ou dividende
En 1965, l'intimée a reçu la somme de $841,871
de Soo Line Railroad Company, une corporation
américaine dans laquelle elle détenait une partici
pation majoritaire. Cette somme correspondait à
l'intérêt dû par Soo Line Railroad Company en
vertu d'obligations gagées sur les bénéfices déte-
nues par l'intimée. En calculant son revenu, l'inti-
mée a pris pour acquis que la somme de $841,871
était réputée avoir été reçue à titre de dividende en
vertu de l'article 8(3) de la Loi de l'impôt sur le
revenu et que, en conséquence, elle avait droit de
réclamer, pour cette somme, la déduction autorisée
par l'article 28(1). L'appelante prétend, ce qui a
été rejeté par le savant juge de première instance,
qu'en vertu de l'article 8(3), la somme de $841,871
ne peut pas être réputée avoir été reçue à titre de
dividende.
L'article 8(3) se lit comme suit:
1 [1976] 2 C.F. 563.
8....
(3) [Intérêt sur une obligation gagée sur les bénéfices.] Un
montant annuel ou autrement périodique payé par une corpora
tion à un contribuable concernant une obligation gagée sur les
bénéfices ou une débenture gagée sur les bénéfices est censé
avoir été reçu par le contribuable comme dividende, à moins
que la corporation n'ait droit de déduire le montant ainsi payé
dans le calcul de son revenu.
Il est reconnu
a) que les versements d'intérêt en question
étaient des «montant[s] annuel[s] ou autrement
périodique[s] ... concernant [des] obligation[s]
gagée[s] sur les bénéfices» au sens de l'article
8(3); et
b) qu'en 1965, Soo Line Railroad Company
était une corporation constituée en vertu de la
législation des États-Unis, n'était pas une per-
sonne résidant au Canada, n'exerçait pas une
entreprise au Canada et n'était pas régie par les
dispositions de la Partie I de la Loi de l'impôt
sur le revenu.
La seule question litigieuse entre les parties est
de savoir si l'article 8(3) s'applique à l'intérêt versé
par une corporation comme Soo Line Railroad
Company, qui n'est pas assujettie aux dispositions
de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu.
D'après l'appelante, le mot «corporation» utilisé
à l'article 8(3) renvoie exclusivement aux corpora
tions régies par la Partie I de la Loi de l'impôt sur
le revenu. Pour appuyer cette prétention, l'avocat
a, en fait, avancé un seul argument. D'après lui, il
est évident que la dernière partie de l'article 8(3),
«à moins que la corporation n'ait droit de déduire
le montant ainsi payé dans le calcul de son
revenu», s'applique seulement aux corporations
régies par la Partie I de la Loi de l'impôt sur le
revenu puisque les autres corporations n'ont pas à
calculer leur revenu en vertu de la Partie I de la
Loi. Il a ajouté que si le mot «corporation» se
trouvant dans la dernière partie de l'article 8(3)
est utilisé dans ce sens étroit, il est alors raisonna-
ble de croire qu'il est également utilisé dans ce
sens au début de ce paragraphe.
A mon avis, cet argument repose sur un raison-
nement erroné. Le mot «corporation» se trouvant
dans la dernière partie de l'article 8(3) n'est pas
utilisé dans un sens étroit. Il est vrai que les mots
«à moins que la corporation n'ait droit de déduire
le montant ainsi payé dans le calcul de son revenu»
renvoient seulement aux corporations régies par la
Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu. Mais ce
n'est pas parce que le mot «corporation» est utilisé
dans un sens étroit; c'est simplement parce que
seules les corporations régies par la Partie I de la
Loi de l'impôt sur le revenu peuvent remplir la
condition prévue par cette disposition de l'article.
Je suis donc d'avis que le premier juge a eu
raison de rejeter la prétention de l'appelante sur
cette question.
II—L'allocation à l'égard du coût en capital
L'allocation à l'égard du coût en capital accor-
dée aux contribuables en vertu des règlements
adoptés en application de l'article 11(1)a) est cal-
culée par rapport à «ce que coûtent en capital ...
au contribuable» les biens en question. 2 En outre,
dans les cas visés à l'article 84A(3), le coût en
capital est réputé être le montant de la dépense
supportée par le contribuable. 3
De nombreuses fois avant la fin de l'année 1965,
l'intimée, agissant à la requête d'une tierce partie,
a effectué des dépenses de capital, ou des dépenses
qui sont réputées être des dépenses de capital après
entente que la tierce partie paierait à l'intimée un
montant ne dépassant pas les dépenses. Dans le
2 Voir les articles 11(1)a) et 20(5)e) ainsi que l'article
1100(8) des Règlements.
3 L'article 84A(3) mentionne une règle spéciale applicable
aux compagnies de chemin de fer. Il prévoit qu'en remplissant
certaines conditions, les dépenses engagées pour la réparation,
le remplacement, la modification ou la rénovation d'un réseau
de chemin de fer appartenant au contribuable sont réputées
être des dépenses de capital. Il se lit comme suit:
84n....
(3) [Réparations, remplacement, etc.] Lorsque, d'après une
classification et un système uniformes de comptes et relevés
prescrits par la Commission canadienne des transports confor-
mément à la Loi sur les chemins de fer, un montant à l'égard
d'une dépense supportée par un contribuable, pour ou concer-
nant la réparation, le remplacement, la modification ou la
rénovation de biens du contribuable susceptibles de déprécia-
tion, d'une catégorie prescrite par des règlements du gouver-
neur en conseil établis aux fins du présent article, doit être
inscrit dans les livres du contribuable autrement qu'à titre de
dépense,
a) aucune déduction ne peut être faite à l'égard de cette
dépense dans le calcul du revenu du contribuable pour une
année d'imposition; et
b) aux fins de l'article 20 et des règlements établis selon
l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11, le contribuable
est réputé avoir acquis, au moment où la dépense a été
effectuée, des biens susceptibles de dépréciation de cette
catégorie à un coût en capital égal audit montant.
calcul de son revenu pour l'année 1965, l'intimée a
calculé l'allocation à l'égard du coût en capital qui
lui revenait pour les biens qu'elle avait acquis (ou
qu'elle était réputée avoir acquis) en ne tenant pas
compte des montants reçus de la tierce partie pour
déterminer leur coût en capital. L'appelante con-
teste cette méthode de calcul et soutient que, du
coût en capital de ces biens, établi par l'intimée,
doit être soustrait un montant égal aux sommes
reçues de la tierce partie. Ainsi se présente en
termes généraux la question soulevée dans cette
partie de l'affaire.
Du fait que l'intimée avait effectué de nombreu-
ses opérations soulevant des problèmes compara-
bles, les parties ont convenu avant le début du
procès de fournir des preuves pour seulement un
certain nombre d'opérations, et que la décision de
la Cour lierait les parties pour résoudre les diffi-
cultés soulevées par les autres opérations.
La preuve a donc été fournie pour neuf opéra-
tions caractéristiques. Le premier juge a accueilli
la prétention de l'appelante (défenderesse en pre-
mière instance) pour l'une de ces opérations, mais,
dans les huit autres cas, il a jugé en faveur de
l'intimée. Cet appel est dirigé contre cette partie
du jugement relatif à ces huit cas; l'intimée ne
conteste pas la décision relative à l'autre opération.
Dans le mémoire de l'appelante, les huit opéra-
tions en question sont divisées en deux catégories:
(1) les cas où l'intimée a, selon l'appelante, effec-
tué elle-même les dépenses pour son propre compte
et (2) les cas où l'intimée a, selon l'appelante,
effectué la dépense pour le compte de la tierce
partie qui l'a remboursée par la suite.
Dans la première catégorie, l'appelante classe
cinq opérations qui peuvent être citées d'une
manière abrégée comme l'opération DIGUE CANSO,
l'opération BELL TÉLÉPHONE, l'opération 25
PÉRIODES CONVERSION, l'opération UNITED
GRAIN GROWERS et l'opération FEDERAL GRAIN.
Dans ces cinq affaires, l'appelante reconnaît que
l'intimée elle-même a, à la requête d'une tierce
partie, effectué des dépenses en vue d'améliorer ses
biens après que cette dernière eut convenu de
rembourser l'intimée d'un montant couvrant les
dépenses.
L'appelante soutient que pour ces transactions
«le coût en capital pour le contribuable, de biens
susceptibles de dépréciation» au sens de l'article
20(5)e), correspond au coût net supporté par le
contribuable et que la dépense visée à l'article
84A(3) se rapporte à ce que le contribuable «a
réellement dépensé après déduction>. Par consé-
quent, dans les cinq opérations considérées, «le
coût en capital pour» l'intimée, ou la dépense
qu'elle a supportée correspond, selon l'appelante,
au montant des débours engagés par l'intimée
moins la contribution de la tierce partie.
A mon avis, le savant premier juge a eu raison
de rejeter cette prétention qui me semble aller à
l'encontre de la décision de la Chambre des Lords
dans Birmingham Corp. c. Barnes 4 suivant
laquelle «le coût réel pour» un contribuable de
biens susceptibles de dépréciation est égal au mon-
tant versé par le contribuable. Lord Atkin a
déclaré dans cette affaire (à la page 298):
[TRADUCTION] Il me semble que ce qu'un homme paie pour la
construction ou l'achat d'un ouvrage est ce qu'il lui coûte; et
cela, qu'on lui ait donné les fonds nécessaires à la construction
ou à l'achat ou qu'on l'ait assuré de lui remettre ceux-ci après
qu'il aura réglé les travaux ou encore, qu'une fois le travail
exécuté, on lui ait promis ou donné les fonds pour le dédomma-
ger de ses débours.
L'avocat de l'appelante a soutenu que la déci-
sion dans Birmingham doit être distinguée sur
deux motifs. Dans cette affaire-là, a-t-il déclaré, la
dépense de capital n'avait pas été engagée à la
demande de la tierce partie et la contribution de la
tierce partie n'avait pas été affectée à un but
particulier.
Quant à la première distinction proposée, je
dirai simplement qu'elle m'apparaît totalement
hors de propos; quant à la seconde, je ne la com-
prends pas. Dans les cinq opérations en question,
l'intimée a conclu des contrats avec des tierces
parties en vertu desquels l'intimée a convenu d'ef-
fectuer des dépenses de capital et, en retour, les
tierces parties ont convenu de verser à l'intimée
des sommes couvrant les dépenses qu'elle a effec-
tuées ou qu'elle devait effectuer. Dans ces circons-
tances je ne comprends pas comment elle peut dire
4 [1935] A.C. 292.
que les sommes versées par les tierces parties
étaient «affectées» et n'étaient pas à la libre dispo
sition de l'intimée.
En conséquence je suis d'avis que le premier
juge a eu raison de rejeter la prétention de l'appe-
lante pour ce premier groupe de cinq opérations.
Les trois opérations restantes sont celles où,
selon l'appelante, la dépense de capital n'a pas été
effectuée par l'intimée pour son propre compte et a
été, dans les faits, effectuée par une tierce partie.
Je les examinerai séparément sous les rubriques
utilisées dans le mémoire de l'appelante.
a) Le Parc industriel de la vallée de l'Athabaska
En 1959, afin d'aider la mise en valeur d'un parc
industriel établi par Alberta Mining Corporation,
l'intimée a convenu avec cette compagnie de pro-
longer sa voie ferrée afin de desservir le Parc, étant
convenu qu'Alberta Mining Corporation rembour-
serait l'intimée des frais du prolongement. De
1959 à 1962, l'intimée a dépensé $119,000 pour
construire le prolongement et elle a reçu d'Atha-
baska Valley Development Corporation, succes-
seur d'Alberta Mining Corporation, les sommes de
$24,793 et $15,949 en remboursement partiel de
cette dépense. L'appelante prétend que pour déter-
miner l'allocation à l'égard du coût en capital à
laquelle l'intimée a droit, les sommes de $24,793 et
$15,949 doivent être déduites du montant réelle-
ment dépensé par l'intimée pour prolonger sa voie
ferrée.
Je ne trouve aucun fondement à la prétention de
l'appelante suivant laquelle la dépense engagée
dans cette opération n'a pas été effectuée par
l'intimée pour son propre compte. A cet égard, je
ne peux pas distinguer cette opération des cinq
autres que j'ai déjà exminées. En conséquence, je
suis d'avis que le savant premier juge a eu raison
de rejeter la prétention de l'appelante pour cette
opération.
b) L'Administration de la voie maritime du
Saint-Laurent
Afin de construire la voie maritime du Saint-
Laurent, l'Administration de la voie maritime du
Saint-Laurent a dû acquérir une partie de la voie
ferrée de l'intimée qui a donc dû être déviée. A
cette fin, le 30 octobre 1959, l'Administration et
l'intimée ont conclu un accord prévoyant que:
a) l'Administration doit construire la déviation
à ses propres frais sur les terrains qu'elle
acquerra;
b) l'Administration peut conclure un accord
avec l'intimée pour qu'une partie des travaux
nécessaires à la construction de la déviation soit
faite par l'intimée, dans ce cas, l'Administration
remboursera l'intimée des dépenses qu'elle a
engagées; et
c) après l'achèvement de la voie ferrée sur le
nouveau site, l'Administration est tenue de la
céder à l'intimée qui, en retour cédera à l'Admi-
nistration les terrains qu'elle veut acquérir.
Conformément à l'accord, l'Administration s'est
portée acquéreur des terrains et a effectué les
travaux nécessaires pour la nouvelle localisation de
la voie ferrée. Toutefois, l'intimée a effectué une
petite partie des travaux pour une valeur de $314,-
852, laquelle somme a été remboursée par l'Admi-
nistration conformément à l'accord.
L'unique question demandant une réponse est
celle de savoir si l'intimée peut réclamer l'alloca-
tion à l'égard du coût en capital pour cette dépense
de $314,852. A mon avis, cette question doit rece-
voir une réponse négative parce que cette dépense
ne représente pas ce qu'il en coûte à l'intimée pour
acquérir un bien susceptible de dépréciation ni
n'est réputée une dépense de capital en vertu de
l'article 84A(3).
L'intimée n'a pas dépensé la somme de $314,852
afin d'acquérir un bien, mais plutôt pour exécuter
des travaux pour l'Administration de la voie mari
time du Saint-Laurent sur une voie ferrée qui
appartenait alors à l'Administration. Il est vrai
qu'à la suite des négociations avec l'Administra-
tion, l'intimée a acquis un bien susceptible de
dépréciation: la nouvelle voie ferrée cédée par
l'Administration en échange de l'ancienne. Cepen-
dant, pour l'intimée, le coût en capital de cette
nouvelle voie correspond à la valeur de l'ancienne
et non aux sommes dépensées par l'intimée pour
effectuer, au profit de l'Administration, des tra-
vaux relatifs à la construction de la nouvelle voie.
En outre, je crois que la dépense de $314,852 ne
peut pas être réputée de la nature d'une dépense de
capital en vertu de l'article 84A(3). Par ses propres
mots, cet article s'applique seulement à «une
dépense supportée par un contribuable, pour ou
concernant la réparation, le remplacement, la
modification ou la rénovation de biens du contri-
buable susceptibles de dépréciation». La somme de
$314,852 a été dépensée par l'intimée pour effec-
tuer des travaux de construction pour l'Adminis-
tration de la voie maritime du Saint-Laurent sur
une voie ferrée appartenant à cette dernière; ce
n'était pas une dépense visée par l'article 84A(3).
En conséquence, je suis d'avis de modifier la
décision de la Division de première instance pour
cette opération.
c) Les voies de garage
Il est une pratique courante pour l'intimée de
conclure un accord en vertu duquel elle construit
une voie de garage particulière pour un client. En
vertu d'un tel accord, l'intimée construit la voie de
garage pour son client aux frais de ce dernier avec,
cependant, cette exception que l'intimée fournit à
ses propres frais, ce qui est appelé les «matériaux
de la voie» (ce sont apparemment les parties non
sujettes à détérioration comme le rail, les ouvrages
en acier, etc.), ces matériaux de la voie restent la
propriété de l'intimée et sont loués au client pour
la durée de l'accord. L'accord prévoit que l'intimée
enlèvera les matériaux de la voie à la fin de
l'accord.
Dans l'opération qui nous intéresse, l'intimée, au
lieu d'enlever les matériaux de la voie après la fin
de l'accord, a conclu un nouvel accord avec son
client en vertu duquel ce dernier, en contrepartie
de la somme d'un dollar, a cédé et a abandonné à
l'intimée son droit sur la voie de garage. Comme
l'intimée était déjà propriétaire des matériaux de
la voie, elle a donc acquis la partie de la voie de
garage qui était susceptible de se détériorer et a
réclamé, pour ce nouveau bien, le bénéfice d'une
allocation à l'égard du coût en capital fondée sur le
coût de la construction de la voie de garage moins
le coût des matériaux de la voie. L'appelante con-
teste cette prétention que le premier juge a
accueillie.
A mon avis, l'intimée n'a pas le droit de récla-
mer une allocation à l'égard du coût en capital
calculée sur cette base. La somme dépensée par
l'intimée pour construire la voie de garage n'est
pas, pour elle, une dépense de capital. Cette
somme représente simplement, pour l'intimée, le
coût d'exécution d'un contrat de construction au
profit d'un client. La dépense en question ne peut
pas également être réputée un débours de capital
en vertu de l'article 84A(3) puisque cet article
traite seulement des dépenses effectuées pour des
biens appartenant au contribuable.
Par conséquent, je suis d'avis que le jugement de
la Division de première instance doit également
être modifié sur cette question.
Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir l'ap-
pel, d'annuler le jugement de la Division de pre-
mière instance et de renvoyer la cotisation d'impôt
sur le revenu de l'intimée pour l'année 1965 au
ministre du Revenu national pour qu'il établisse
une nouvelle cotisation sur la base
a) que l'intimée n'a pas le droit à l'allocation à
l'égard du coût en capital réclamée pour
(i) le coût de la partie des voies de garage
susceptible de se détériorer, et
(ii) la dépense de $314,852 effectuée confor-
mément à l'accord conclu avec l'Administra-
tion de la voie maritime du Saint-Laurent;
et
b) que le jugement de la Division de première
instance est par ailleurs bien fondé.
A mon avis, l'intimée a droit aux dépens en
première instance, mais doit payer les frais de
l'appelante en appel.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris.
■ * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris.
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