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T-730-72
Xerox du Canada Limitée et Xerox Corporation (Demanderesses)
c.
IBM Canada Limited -IBM Canada Limitée (Défenderesse)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Thurlow—Toronto, le 21 novembre; Ottawa, le 30 novembre 1977.
Pratique Demande de renvoi en vertu de la Règle 500(1) pour statuer sur une question de fait Renvoi ordonné pour fixer le montant des dommages-intérêts à la suite de contrefa- çon Second appareil introduit sur le marché similaire à l'appareil muni des dispositifs contrefaits Introduction d'une seconde action concernant ce second appareil Le renvoi ordonné pour la fixation du montant des dommages- intérêts doit-il tenir compte de la commercialisation du second appareil? Cour compétente pour accorder l'ordonnance sollicitée Règle 500(1) de la Cour fédérale.
A l'issue d'une instruction antérieure, il fut jugé que la défenderesse avait contrefait diverses revendications protégées par les deux brevets des demanderesses et un renvoi fut ordonné pour fixer le montant du préjudice subi par les demanderesses. A la suite de ce jugement, la défenderesse a introduit sur le marché un second appareil, en grande partie identique à celui contrefait; les demanderesses ont, par conséquent, intenté une deuxième action en contrefaçon. Les demanderesses sollicitent en l'espèce, en vertu du paragraphe (1) de la Règle 500, une ordonnance désignant un juge qui agirait à titre d'arbitre pour trancher la question de fait suivante, à savoir si le renvoi ordonné pour la fixation du montant des dommages-intérêts doit tenir compte de la commercialisation, par la défenderesse, de son second appareil.
Arrêt: la demande est accueillie. Ni le jugement, ni l'interdic- tion qu'il prononce ni le pouvoir qu'il ordonne ne se limitent à la contrefaçon commise par suite de la commercialisation du Copier I, mais visent plutôt tout photocopieur IBM qui possède les dispositifs protégés par les deux brevets en cause. L'alléga- tion des demanderesses concernant l'emploi de certains disposi- tifs dans le Copier II soulève une question de fait plutôt qu'une question de droit concernant l'application du jugement. L'intro- duction, par les demanderesses, d'une deuxième action relative- ment au Copier II ne représente ni un choix de leur part ni un obstacle à la continuation de l'action en référé. Les demande- resses ne peuvent pas cumuler les dommages-intérêts accordés par la suite de la violation d'un même droit ou par suite d'un même préjudice, mais si vraiment la deuxième action fait double emploi, des moyens existent pour s'y opposer.
DEMANDE. AVOCATS:
D. F. Sim, c.r., pour les demanderesses.
W. B. Williston, c.r., pour la défenderesse.
PROCUREURS:
D. F. Sim, c.r., Toronto, pour les demanderes- ses.
Smart & Biggar, Ottawa, pour la défende- resse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Il est prévu au paragraphe (1) de la Règle 500 que:
Règle 500. (1) La Cour pourra, aux fins d'établir des comp- tes ou faire des enquêtes, ou pour statuer sur un point ou une question de fait en litige, renvoyer toute matière devant un juge désigné par le juge en chef adjoint, ou devant un protonotaire ou toute autre personne que la Cour estime compétente en l'occurrence, pour enquête et rapport.
Dans leur déclaration, les demanderesses avaient réclamé des dommages-intérêts ainsi que certaines autres mesures de redressement par suite de plu- sieurs contrefaçons prétendument commises par la défenderesse. Selon elles, cette dernière avait con- trefait plusieurs brevets en vendant et en louant dans ce pays
[TRADUCTION] ... des photocopieurs de type xérographique, désignés sous le nom de IBM COPIER par la défenderesse et fabriqués aux États-Unis d'Amérique ou dans certains autres pays connus d'elle mais inconnus des demanderesses, et sembla- bles à celui qu'elle avait exposé, entre autres, les 1" et 2 février 1972 dans le salon «Quebec Room» de l'hôtel Royal York, à Toronto (Ontario).
Après une instruction très longue, il fut jugé le 3 août 1977, entre autres, que la revendication 1 du brevet numéro 683,777 et les revendications 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet numéro 736,834 étaient valides et que la défenderesse y avait porté atteinte, que celle-ci devait cesser cette contrefa- çon en s'abstenant
[TRADUCTION] ... de fabriquer, d'utiliser, de vendre, d'offrir de vendre, de louer, d'offrir de louer, d'apprendre aux tiers à utiliser, ou de faire' n'importe quelle opération ayant pour objet un photocopieur auquel sont incorporés les mécanismes suivants:
a) un mécanisme destiné à alimenter en feuilles l'appareil et à détacher celles-ci du tambour xérographique rotatif, méca- nisme identique à celui décrit dans le mémoire descriptif, et dont l'exclusivité fait l'objet de la revendication 1 du brevet canadien numéro 683,777;
b) un mécanisme pour détacher les feuilles adhérant, par effet électrostatique, à la surface du tambour, mécanisme
' Ce jugement a été modifié par l'ordonnance du 19 septem- bre 1977 qui y a ajouté l'expression «sans licence» après le mot «faire». Une licence a été accordée.
identique à celui décrit dans le mémoire descriptif, et dont l'exclusivité fait l'objet des revendications 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet canadien numéro 736,834;
ou l'un de ces deux mécanismes seulement;
et
[TRADUCTION] ... qu'un renvoi est ordonné pour fixer le montant soit du préjudice subi par les demanderesses en raison de la contrefaçon, par la défenderesse, de ...
d) la revendication 1 du brevet canadien numéro 683,777, et
e) des revendications 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet canadien numéro 736,834,
soit des profits réalisés par la défenderesse en raison de ces contrefaçons, et que la défenderesse verse aux demanderesses,ce montant dès qu'il aura été fixé. Les demanderesses sont tenues de choisir, avant l'examen du renvoi susmentionné, entre le préjudice subi et les profits réalisés.
La défenderesse comme les demanderesses ont interjeté appel de ce jugement. Toutefois, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif sur l'or- donnance de renvoi. Les demanderesses ont choisi de calculer les dommages-intérêts demandés en fonction du préjudice subi plutôt qu'en fonction des profits réalisés.
Par la requête en instance, les demanderesses sollicitent, en vertu du paragraphe (1) de la Règle 500, une ordonnance:
[TRADUCTION] 1. Désignant un juge qui agirait à titre d'arbi- tre pour trancher la question ou le point de fait suivant, à savoir si le renvoi ordonné par l'honorable juge Collier le 3 août 1977 pour la fixation du montant des dommages-intérêts résultant de la contrefaçon commise par la défenderesse en violation de
a) la revendication 1 du brevet canadien numéro 683,777 et
b) des revendications 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet canadien numéro 736,834,
doit tenir compte de la commercialisation au Canada par la défenderesse de ses photocopieurs Copier II comme de ses photocopieurs Copier I.
2. Prescrivant toute autre mesure que le juge en chef adjoint estimera appropriée.
L'appareil visé dans la déclaration est désigné sous le nom de IBM Copier I. Dans les motifs de son jugement, le savant juge de première instance le désigne indifféremment par «l'appareil IBM», par «le IBM World Trade Copier ou par «le Copier I». De même, il désigne parfois certains dispositifs incorporés dans l'appareil «le dispositif IBM». Je présume que la preuve présentée concer- nait exclusivement ce type d'appareil et ses mécanismes.
Selon l'avocat de la défenderesse, la commercia lisation des appareils Copier II mentionnés dans l'avis de requête n'a commencé qu'après l'intro- duction de l'action par les demanderesses qui ont d'ailleurs intenté une deuxième action en contrefa- çon visant à protéger plusieurs brevets dont ceux portant les numéros 683,777 et 736,834. Cette deuxième action n'a pas encore été jugée.
A l'appui de leur requête, les demanderesses ont déposé un affidavit affirmant, en ce qui concerne les inventions protégées par les brevets 683,777 et 736,834, que les appareils Copier II sont pratique- ment identiques aux appareils Copier I de la défenderesse.
L'avocat de la défenderesse a opposé à la requête des demanderesses les deux arguments suivants: primo, l'introduction d'une deuxième action signifie que les demanderesses ont choisi par le moyen de revendiquer leurs droits sur le Copier II, par conséquent elles ne peuvent plus présenter les mêmes revendications dans cette action en référé; et secundo, l'objet essentiel de la requête des demanderesses est la désignation d'un juge pour interpréter, à titre d'arbitre, et le juge- ment et sa portée, c'est-à-dire un point de droit et non de fait; or la Cour n'a pas compétence pour rendre l'ordonnance demandée étant donné que le paragraphe (1) de la Règle 500 comme lesous-ali- néa 46(1)a)(vi) de la Loi sur la Cour fédérale 2 qui délègue à la Cour le pouvoir d'établir une telle règle, limite la portée d'une telle ordonnance à l'appréciation des faits.
A mon avis, le jugement ne se limite pas à la contrefaçon commise par suite de la commerciali sation du Copier I. Il est clair, si je ne me trompe, que ni l'interdiction qu'il prononce, ni le pouvoir qu'il ordonne ne renferment une telle restriction. Comme l'indique son dispositif, le jugement vise tout photocopieur IBM qui possède les dispositifs ou mécanismes protégés par les revendications des deux brevets en cause, à savoir les brevets 683,777 et 736,834. Si les demanderesses prétendent que ces dispositifs ou mécanismes sont présents dans le Copier II, il y a évidemment un point de fait à apprécier à moins que la défenderesse ne soit disposée à admettre cette allégation. En cas d'ad- mission par la défenderesse, il n'y a pas de point de
2 S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10.
fait à apprécier, mais alors il n'y a pas non plus de point de droit à trancher, au moins tant qu'il ne sera pas interjeté appel du rapport du juge arbitre ou tant que ce juge ne demandera pas à la Cour, en application de la Règle 504, de trancher un point de droit.
Je ne pense pas non plus, dans la mesure un recours est possible grâce à une deuxième action, que l'introduction par les demanderesses d'une telle action concernant le Copier II représente ou bien un choix de leur part ou bien un obstacle à la continuation de l'action en référé. Il va sans dire qu'elles ne peuvent pas cumuler les dommages- intérêts accordés par suite de la violation d'un même droit ou par suite d'un même préjudice. D'ailleurs, si vraiment la deuxième action fait double emploi et seulement dans la mesure il y a double emploi, je pense que des moyens existent pour s'y opposer devant la juridiction compétente.
Je conclus que le point de fait auquel j'ai fait allusion doit être tranché par un juge préalable- ment à l'examen des autres points faisant l'objet du renvoi. En conséquence, j'accueille la requête.
ORDONNANCE
IL EST ORDONNE, dans l'affaire du renvoi ordonné au paragraphe 8 du jugement visé dans la requête, que la question de savoir si le Copier II de la défenderesse possède ou non les dispositifs ou mécanismes protégés par l'une ou l'autre de la revendication 1 du brevet canadien numéro 683,- 777 ou des revendications 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet canadien numéro 736,834 soit renvoyée à un juge de la Cour pour enquête et rapport préala- blement à tout enquête et rapport utiles concer- nant d'autres questions faisant l'objet du renvoi ordonné par le jugement, et que la taxation des dépens relatifs à cette requête soit différée pour être réglée par le juge chargé de l'enquête et du rapport.
En application du paragraphe (1) de la Règle 500, l'honorable juge Collier est désigné pour exa miner la question susmentionnée et pour en rendre compte.
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