T-895-77
Burnac Corporation Limited, Burnac Realty
Investors Limited, Burnac Mortgage Investors
Limited et Joseph Burnett (Requérants)
c.
Le ministre du Revenu national (Défendeur)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Toronto, le 7 novembre; Ottawa, le 18 novembre
1977.
Impôt sur le revenu — Objection préliminaire contre une
requête interlocutoire à l'appui d'une demande de certiorari —
Mandat de recherche et de saisie autorisé en application de
l'art. 231(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu — Autorisation
contestée pour manque d'exposé minutieux des faits et pour
avoir été approuvée dans un but autre que ceux permis par
l'article — L'autorisation doit-elle être restreinte à des preu-
ves pertinentes aux violations dénoncées par le Ministre? —
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art.
231(4),(5).
A l'occasion d'une demande de certiorari, des objections
préliminaires ont été avancées contre des requêtes interlocutoi-
res sur la base de défectuosités graves dans l'autorisation de
recherche et de saisie délivrée par le juge en vertu de l'article
231(4),(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu. D'après les pièces
du dossier, il y a deux défectuosités possibles: (1) le manque
d'exposé minutieux des faits et (2) l'approbation faite dans un
but non autorisé par l'article 231(4). Il est allégué qu'en
application de l'article 231(4), l'autorisation doit être limitée à
des preuves pertinentes à la ou aux violations qui ont été
commises ou probablement commises, suivant la détermination
du Ministre.
Arrêt: la demande est rejetée. L'autorisation n'est pas insuffi-
sante au point de vue de l'exposé des faits, ainsi que l'ont
objecté les requérants. Les affidavits révèlent que le défendeur
a un motif raisonnable et probable de croire qu'un certain
nombre de violations de la Loi et des règlements ont été
commises et que les objets dont la recherche et la saisie ont été
autorisées pourraient apporter des preuves à cet égard. Le
Ministre doit croire qu'il y a eu, ou qu'il y a vraisemblablement,
violation de la Loi de l'impôt sur le revenu ou des règlements et
il peut autoriser la perquisition de tout «bâtiment, contenant ou
lieu» pour des «choses qui peuvent servir de preuve au sujet de
l'infraction de toute disposition de la présente loi», ou aux
règlements, et la saisie de «cette chose». Dans son libellé clair et
sans équivoque, cet article envisage d'étendre l'autorisation à
des «preuves au sujet de l'infraction de toute disposition» de la
Loi ou des règlements.
Arrêts mentionnés: Granby Construction c. Milley 74
DTC 6543; Canadian Bank of Commerce c. Attorney
General of Canada [1962] R.C.S. 729.
DEMANDE.
AVOCATS:
I. Outerbridge, c.r., et R. Carr pour les
requérants.
Arthur C. Pennington et Geoffrey J. R. Dyer
pour le défendeur.
PROCUREURS:
Outerbridge, Manning & Mueller, Toronto,
pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Dans les présentes procé-
dures, les requérants cherchent à obtenir une
ordonnance évoquant devant cette cour et annulant
une approbation accordée le 28 février 1977 par le
juge Cornish du tribunal de comté de la circons-
cription judiciaire d'York, en application du para-
graphe 231(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu'.
La question qui se pose immédiatement se rap-
porte à l'objection préliminaire élevée par les
requérants contre trois requêtes du défendeur
cherchant à soumettre à un contre-interrogatoire
les signataires des affidavits déposés à l'appui de la
demande de certiorari.
L'approbation du juge Cornish a été accordée le
28 février 1977, la saisie effectuée le 1" mars et les
procédures entamées le 7 mars. A l'appui de leur
S.C. 1970-71-72, c. 63.
231. ...
(4) Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire
qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise
ou sera probablement commise, il peut, avec l'agrément d'un
juge d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, agrément
que le juge est investi par ce paragraphe du pouvoir de donner
sur la présentation d'une demande ex parte, autoriser par écrit
tout fonctionnaire du ministère du Revenu national ainsi que
tout membre de la Gendarmerie royale du Canada ou tout
autre agent de la paix à l'assistance desquels il fait appel et
toute autre personne qui peut y être nommée, à entrer et à
chercher, usant de la force s'il le faut, dans tout bâtiment,
contenant ou endroit en vue de découvrir les documents, livres,
registres, pièces ou choses qui peuvent servir de preuve au sujet
de l'infraction de toute disposition de la présente loi ou d'un
règlement et à saisir et à emporter ces documents, livres,
registres, pièces ou choses et à les retenir jusqu'à ce qu'ils soient
produits devant la cour.
(5) Une demande faite à un juge en vertu du paragraphe (4)
sera appuyée d'une preuve fournie sous serment et établissant
la véracité des faits sur lesquels est fondée la demande.
demande de certiorari, les requérants ont déposé
un certain nombre d'affidavits, et, au premier
stade du contre-interrogatoire relatif auxdits affi
davits, la demande qui devait être entendue le 21
mars, a été ajournée sur accord entre les parties.
Le 20 juin, elle a été déposée devant le juge Grant
et de nouveau ajournée sine die en vue d'achever
les contre-interrogatoires de trois témoins: le
requérant Burnett, Charles M. Zeifman et Zoltan
Roth, celui-ci résident de Porto Rico. On a pour-
suivi les contre-interrogatoires de Burnett et de
Zeifman sous les instructions du juge Grant, jus-
qu'au moment où, pour des raisons diverses, le
défendeur a pensé plus expéditif de déposer des
requêtes en vue d'obtenir des ordonnances requé-
rant que le contre-interrogatoire de Roth ait lieu à
Porto Rico, en application de la Règle 477. Sur
renvoi desdites requêtes, l'objection originaire, qui
fait l'objet de la présente décision, a été levée. Elle
est fondée sur des allégations de défauts graves
dans l'autorisation approuvée par le juge Cornish
et dans la procédure à l'issue de laquelle l'approba-
tion a été accordée, ce qui rendrait superflus et
inutiles les nouveaux contre-interrogatoires relatifs
aux affidavits, et en ferait un abus de procédure.
Je suis convaincu que, dans l'examen de ladite
objection, je peux tenir compte seulement des faits
mentionnés au dossier de l'approbation, i.e. l'ap-
probation elle-même, l'autorisation approuvée en
vertu du paragraphe 231(4) et les preuves déposées
conformément au paragraphe 231(5). Lesdites
preuves sont contenues dans un affidavit de Gary
E. C. Baker, assermenté le 25 février 1977. Dans
ses conclusions écrites, à la page 2, les requérants
allèguent qu'il va de soi que [TRADUCTION] «le
mandat doit en tout cas être annulé en raison à la
fois d'erreurs inhérentes dans le libellé de l'ordon-
nance et des circonstances où celle-ci a été accor-
dée», lesquelles ne peuvent être étayées par les faits
mis à jour après que «le mandat» ou «l'ordonnance»
a été rendu, ou, pour le dire correctement, à mon
avis, après que le juge a accordé son approbation
en vertu du paragraphe 231(4). Il va aussi de soi
que, lorsqu'une telle allégation est avancée en vue
d'éviter d'autres contre-interrogatoires relatifs aux
affidavits, il n'est plus possible de recourir aux
faits affirmés dans ces derniers.
Les requérants exposent huit raisons pour justi-
fier leur demande d'annulation de l'approbation.
Certaines de ces raisons ne sont que des variances
d'autres raisons déjà citées; elles peuvent bien
constituer des matières importantes à traiter à un
stade subséquent des présentes procédures, mais on
ne peut pas les trancher pour le moment car elles
ne sont pas étayées par le dossier. Les voici:
1: Le prétendu défaut de révéler des faits perti-
nents du juge Cornish dans des procédures ex
parte, faits qui, à moins qu'il ne les considère
comme des trompe-l'oeil, l'auraient amené à
refuser son approbation, sur la base de conclu
sions relatives au caractère de certaines des
opérations des requérants et différentes de celles
à présent adoptées par le défendeur.
2. L'allégation que les choses faisant l'objet de
la saisie et de la détention, exécutées en vertu de
l'autorisation, outrepasseraient les limites per-
mises par le paragraphe 231(4) et aussi ce qui a
été effectivement autorisé; et l'allégation que la
saisie aurait été effectuée ailleurs que dans les
lieux spécifiquement autorisés.
3. L'allégation que toute la procédure de con-
tre-interrogatoire relative aux affidavits et à ce
qui suit, y compris les requêtes pendantes y
afférentes, serait devenue, per se, un abus de
procédure.
Restent donc les allégations suivantes, qui pour-
raient être traitées à l'aide du dossier: tout d'abord
celle prétendant que l'autorisation approuvée
aurait été gravement défectueuse pour défaut d'ex-
posé minutieux des faits, puis, l'allégation selon
laquelle l'autorisation approuvée viserait un but
non autorisé par le paragraphe 231(4).
Le document, portant un titre similaire à un
intitulé de cause [TRADUCTION] «Autorisation
d'entrer et de chercher», a été ainsi rédigé:
[TRADUCTION] Le directeur général, Division des enquêtes
spéciales, ministère du Revenu Canada (Impôt), autorise par
les présentes G. E. C. BAKER, R. F. WELTON, R. G. COX, B.
BROOME-SMITH, J. T. MARLEY, E. C. DRAKICH, R. F. THOMP-
SON et D. C. WOOD, agents du ministère du Revenu Canada, ou
l'un quelconque desdits agents, avec tels membres de la Gen-
darmerie royale du Canada ou autres agents de la paix que tous
ou l'un quelconque d'entre eux peuvent appeler à l'aide, à
entrer dans les locaux suivants, ainsi que dans toutes enceintes
ou places dans lesdits locaux:
a) Les locaux commerciaux et les bureaux de Burnac Corpo
ration Ltd., Burnac Realty Investors Ltd., Burnac Mortgage
Investors Ltd. et Joseph Burnett ainsi que toutes installations
d'emmagasinage par eux occupées ou contrôlées au n° 65, rue
Queen ouest, dans la municipalité métropolitaine de Toronto,
en Ontario.
b) Tous véhicules possédés, loués ou contrôlés par Burnac
Corporation Ltd., Burnac Realty Investors Ltd., Burnac
Mortgage Investors Ltd. ou Joseph Burnett.
et d'y chercher, au besoin par la force, tous documents, livres,
dossiers, papiers ou choses qui peuvent apporter des preuves
relatives à la violation de toute disposition de la Loi de l'impôt
sur le revenu ou des règlements, saisir et emporter lesdits
documents, livres, dossiers, papiers ou choses, et les garder
jusqu'à leur production dans toute procédure devant les
tribunaux.
Le document ci-dessus a été daté et signé par ledit
directeur général. Aucune opposition n'a été faite
au pouvoir de ce dernier de le délivrer.
En fait, l'autorisation ainsi donnée n'est pas
insuffisante au point de vue de l'exposé des faits,
ainsi que l'ont objecté les requérants. Elle est
raisonnablement précise quant aux objets dont la
recherche et la saisie sont autorisées et quant au
lieu où elles peuvent être exécutées.
En résumé, je rejette l'objection préliminaire
fondée sur l'allégation voulant que l'autorisation
serait défectueuse à cause d'une insuffisance évi-
dente dans l'exposé des faits, et je vais passer à
l'allégation selon laquelle l'autorisation aurait été
obtenue dans un but contraire à celui du paragra-
phe 231(4). A cet égard, une étude minutieuse de
l'affidavit de Baker révèle que le défendeur a un
motif raisonnable et probable de croire qu'un cer
tain nombre de violations de la Loi et des règle-
ments ont été commises et que les objets dont la
recherche et la saisie ont été autorisées pourraient
apporter des preuves à cet égard.
Les requérants plaident que, conformément au
paragraphe 231(4), une autorisation de recherche
et de saisie doit être limitée aux preuves pertinen-
tes de la ou des violations qui ont été ou vraisem-
blablement été commises, suivant la détermination
du Ministre. Toute la jurisprudence et la doctrine
invoquées à l'appui de cette proposition ont traité
des mandats de perquisition délivrés en vertu du
Code criminel 2 . La formule n° 5, autorisée par le
paragraphe 443(3), prévoit l'insertion d'une des
cription sommaire de l'infraction alléguée.
Les objectifs essentiels des paragraphes 231(4)
et (5) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de
l'alinéa 443(1)b) du Code criminel ne sont sembla-
bles qu'en apparence. Les deux textes présuppo-
sent la croyance qu'une certaine situation existe
effectivement et que ladite croyance est fondée sur
des motifs raisonnables. Le juge de paix doit croire
que des preuves relatives à la perpétration de
certaines infractions existent «dans [un] bâtiment,
contenant ou lieu» et qu'il peut autoriser des per-
quisitions dans ledit «bâtiment, contenant ou lieu»
pour chercher une telle «chose» et «la» saisir. Le
Ministre doit croire qu'il y a eu, ou qu'il y a
vraisemblablement, violation de la Loi de l'impôt
sur le revenu ou des règlements et il peut autoriser
la perquisition de tout «bâtiment, contenant ou
lieu» pour des «choses qui peuvent servir de preuve
au sujet de l'infraction de toute disposition de la
présente loi», ou aux règlements, et la saisie de
«cette chose».
Au cours des années, et à de nombreuses occa
sions, les tribunaux, dans l'examen de la légalité et
2 S.R.C. 1970, c. C-34, art. 443.
443. (1) Un juge de paix qui est convaincu, à la suite d'une
dénonciation faite sous serment suivant la formule 1, qu'il
existe un motif raisonnable pour croire que, dans un bâtiment,
contenant ou lieu, se trouve
a) une chose sur ou concernant laquelle une infraction à la
présente loi a été commise ou est soupçonnée avoir été
commise,
b) une chose qui, pour un motif raisonnable, porte à croire
qu'elle fournira une preuve touchant la perpétration d'une
infraction à la présente loi, ou
c) une chose qui, pour un motif raisonnable, porte à croire
qu'elle est destinée à servir aux fins de la perpétration d'une
infraction contre la personne, pour laquelle un individu peut
être arrêté sans mandat,
peut, à tout moment, lancer un mandat sous son seing, autori-
sant une personne y nommée ou un agent de la paix à faire une
perquisition dans ce bâtiment, contenant ou lieu, pour recher-
cher cette chose, la saisir et la transporter devant le juge de
paix qui a décerné le mandat, ou quelque autre juge de paix de
la même circonscription territoriale, afin qu'il en dispose
d'après la loi.
(3) Un mandat de perquisition décerné en vertu du présent
'article peut être rédigé selon la formule 5.
de l'utilisation des mandats de perquisition, ont
invoqué le principe que les perquisitions et saisies
sont nécessairement des transgressions du concept
général que charbonnier est maître chez lui, et
qu'en autorisant lesdites transgressions, le Parle-
ment désire que les dispositions en soient interpré-
tées de façon restrictive par les tribunaux et appli-
quées de façon restrictive par ceux qui sont
autorisés à délivrer des mandats de perquisition et
de saisie. Ce principe implicite s'applique aussi aux
autorisations accordées en vertu du paragraphe
231(4) mais il ne doit pas servir de fondement
pour ajouter audit paragraphe les exigences
expresses du Code criminel relatives aux mandats
de perquisition, comme la spécification de l'infrac-
tion alléguée et la limitation de la perquisition et
de la saisie aux preuves de ladite infraction, con-
trairement à l'objet, évident du paragraphe 231(4).
Dans son libellé clair et sans équivoque, ce para-
graphe envisage d'étendre l'autorisation à des
npreuve[s] au sujet de l'infraction de toute disposi-
tion»—souligné par mes soins—de la Loi ou des
règlements.
Alors que je n'ai pu trouver de précédent trai-
tant exactement de cette question, les principes
posés dans Granby Construction c. Milley 3 (déci-
sion rendue par la Cour d'appel de la Colombie-
Britannique) et à la fois par le juge en chef du
Canada et le juge en chef de l'Ontario dans
Canadian Bank of Commerce c. A. G. of Canada 4 ,
relativement à la nature obligatoire du pouvoir
reconnu par le Parlement à l'intimé, en vertu de
l'article 231, anciennement article 126, de la Loi,
pouvoir que le gouverneur en conseil peut autoriser
d'autres personnes à exercer, restent pertinents en
la matière. Sans reprendre au long les décisions
précitées, je ferai simplement remarquer que, tout
en exigeant que le Ministre ait des motifs raison-
nables pour croire qu'une infraction a été commise
ou sera probablement commise avant d'autoriser
une perquisition et une saisie, les modifications'
apportées au paragraphe 231(4) ne changent en
rien le caractère restrictif de l'autorisation, une
fois que celle-ci a été accordée et approuvée de
façon convenable.
3 74 DTC 6543 (C.A.C.-B.) infirmant 74 DTC 6300
(C.S.C.-B.).
4 [1962] R.C.S. 729 confirmant 62 DTC 1014 (C.A. Ont.)
et 61 DTC 1264 (C.S. Ont.).
5 S.C. 1970-71-72, c. 63.
ORDONNANCE
Les objections préliminaires sont rejetées. Le
défendeur peut, deux jours après notification aux
requérants, introduire ses requêtes, lesquelles ont
été renvoyées sine die en attendant la décision sur
les objections préliminaires.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.