T-1687-77
La Reine (Demanderesse)
c.
Robert B. Swingle (Défendeur)
Division de première instance, le juge Collier—
Vancouver, le 21 juin et le 12 août 1977.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Cotisations annuelles de membre d'association professionnelle
— Le défendeur, afin de se tenir au courant des progrès dans
son domaine, est membre de sociétés savantes — Le paiement
des cotisations versées à ces associations est-il «nécessaire
pour la conservation d'un statut professionnel reconnu par la
loi»? — Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 dans
sa forme modifiée, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 8(1)i)(i).
Le défendeur, un chimiste responsable de services de labora-
toire, a réclamé à titre de déductions les cotisations annuelles
versées à des sociétés savantes auxquelles il a adhéré afin de se
tenir au courant des progrès réalisés dans son domaine. Le
ministre du Revenu national a rejeté quatre déductions de cet
ordre réclamées par le défendeur. L'essentiel de cet appel
interjeté d'une décision de la Commission de révision de l'impôt
qui a accueilli ces déductions, porte sur la question de savoir si
le paiement de ces sommes était «nécessaire pour la conserva
tion d'un statut professionnel reconnu par la loi».
Arrêt: l'appel est accueilli. Le défendeur a omis de faire la
preuve d'un fait essentiel, ce qui doit être fait avant d'aborder
la principale question en litige. Si le défendeur est considéré
comme un «chimiste», alors la preuve n'a pas démontré que le
statut professionnel d'un chimiste en est un «reconnu par la loi»,
malgré le fait que le défendeur détienne un statut «profession-
nel» dans son domaine particulier. Si l'on considère le défen-
deur simplement comme un «analyste», la preuve n'a pas établi
qu'une telle personne possède un «statut professionnel reconnu
par la loi». Les textes législatifs cités ne définissent pas le terme
«analyste» et ne donnent pas de description de ce poste qul nous
permettrait de conclure à l'existence d'un statut professionnel.
Le terme «professionnel» du sous-alinéa 8(1)i)(i) de la Loi de
l'impôt sur le revenu laisse entendre la possession de compéten-
ces ou d'aptitudes spéciales. Les textes législatifs sur lesquels le
défendeur s'est fondé sont muets sur ces questions. Le défen-
deur n'a pas démontré que sa demande relève clairement de ce
sous-alinéa.
Arrêt examiné: Bond c. M.R.N. [1946] R.C.É. 577. Arrêt
examiné: Cooper c. M.R.N. [1949] R.C.É. 275. Arrêt
examiné: Martel c. M.R.N. [1970] R.C.É. 69. Arrêt exa-
miné: M.R.N. c. Montgomery [1970] C.T.C. 115. Arrêt
examiné: Morley c. M.R.N. [1949] Tax A.B.C. 81. Arrêt
examiné: Rutherford c. M.R.N. [1946] C.T.C. 293.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
W. A. Ruskin pour la demanderesse.
Craig C. Sturrock pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Birnie & Sturrock, Vancouver, pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Appel est interjeté par la
demanderesse, par la voie du ministre du Revenu
national, d'une décision de la Commission de révi-
sion de l'impôt.
Le défendeur est un chimiste qui détient un
doctorat en sciences appliquées et un diplôme post
doctoral. Depuis le ler février 1971, il est au service
de la Fonction publique du Canada. Jusqu'en
décembre 1973, il travaillait au laboratoire de la
détection des crimes de la Gendarmerie royale du
Canada. Il y travaillait en qualité de chimiste légal
dont les fonctions étaient d'évaluer la preuve maté-
rielle reliée à des poursuites envisagées ou
intentées.
Il a ensuite travaillé au ministère des Trans
ports. Là encore, ses fonctions relevaient du
domaine de la chimie et de l'analyse. Il a été
désigné analyste aux termes du paragraphe 731(1)
de la Loi sur la marine marchande du Canada,
S.R.C. 1970, c. S-9, dans le domaine de la pollu
tion et de la prévention de la pollution. Aux termes
de cette loi, le certificat d'un analyste est admissi
ble en preuve dans toutes procédures et, en l'ab-
sence de toute preuve contraire, fait foi des décla-
rations qui y sont contenues.
Le défendeur est actuellement responsable des
services de laboratoire (région du Pacifique), ser
vice de la protection de l'environnement, Pêches et
Environnement Canada. Il dirige le travail de dix-
sept employés et est responsable de la qualité du
travail fait dans le laboratoire.
Il est également un analyste désigné conformé-
ment à la Loi sur les eaux intérieures du Nord,
S.R.C. 1970 (l er Supp.), c. 28, la Loi sur la
prévention de la pollution des eaux arctiques,
S.R.C. 1970 (1ef Supp.), c. 2, et la Loi sur la lutte
contre la pollution atmosphérique, S.C. 1970-
71-72, c. 47. Il conserve sa désignation d'analyste
conformément à la Loi sur la marine marchande
du Canada. Aux termes de son emploi actuel, il a
rédigé des rapports sur des questions comme les
déversements d'huile et a, bien entendu, délivré des
certificats d'analyse. Ces certificats font preuve
dans la même mesure que ceux autorisés par la Loi
sur la marine marchande du Canada. Depuis son
entrée en fonction au gouvernement fédéral, il a
agi et agit encore à titre de témoin expert devant
les tribunaux. Ses diplômes et son expérience ont
été reconnus.
D'un point de vue pratique et réaliste, son poste
de responsable exige qu'il soit au courant des plus
récents progrès techniques dans le domaine de la
chimie. Il doit également l'être afin d'être en
mesure de solliciter une promotion ou un emploi
ailleurs, y inclus le secteur privé.
Dans les concours mis sur pied par la Fonction
publique, le fait d'être membre d'associations pro-
fessionnelles constitue un critère très souhaitable.
Cela est encore plus vrai dans le secteur privé.
Au cours de son témoignage, le défendeur a fait
état de tous ces faits et n'a pas été contredit.
L'appel auquel j'ai fait allusion plus tôt découle
des faits suivants. Le défendeur, afin de se tenir au
courant de l'évolution dans le domaine de la
chimie, a adhéré à un nombre choisi d'associations
de chimie et autres de même nature. Ces organis-
mes publient des revues spécialisées qui fournissent
des renseignements techniques extrêmement utiles.
De fait, le défendeur a publié des travaux dans
quelques-unes de ces revues.
Le défendeur est membre de la Forensic Society,
un organisme réputé au Royaume-Uni, dont les
membres sont recrutés parmi les chimistes et
autres professionnels. Il fait également partie de la
Chemical Society of Britain dont il reçoit les publi
cations. Le Royal Institute of Chemistry a été
fusionné, en partie, à cette société. La Food and
Drugs Act, 1955 exige qu'un chimiste qui doit
témoigner en vertu de cette loi soit membre du
Royal Institute. Le défendeur est également
membre de l'American Chemical Society. Finale-
ment, il est membre de l'Institut de chimie du
Canada.
Tous ces organismes exigent de leurs membres
des cotisations annuelles. Dans sa déclaration
d'impôt de 1974, le défendeur a réclamé à titre de
déduction la somme de $193.15 qui se calculait
comme suit:
(a) Institut professionnel de
la Fonction publique
du Canada $ 72.00
(b) Forensic Society 15.00
(c) American Chemical Society 51.00
(d) Chemical Society of Britain 20.70
(e) Institut de chimie du
Canada 34.45
Total $193.15
Le ministre du Revenu national a accueilli à
titre de déduction la somme de $72 versée à l'Insti-
tut professionnel de la Fonction publique du Cana-
da.' La somme excédentaire de $121.15 n'a pas
été accordée. Cette cotisation a augmenté la dette
fiscale du défendeur de $38.
La contestation relative à l'admissibilité des
déductions découle du sous-alinéa 8(1)i)(i) de la
Loi de l'impôt sur le revenu. 2 Pour des fins de
référence, je citerai l'alinéa i) intégralement:
8. (1) Lors du calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour
une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, peuvent
être déduits ceux des éléments suivants qui se rapportent
entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments
suivants qui peut raisonnablement être considérée comme s'y
rapportant:
i) les sommes payées par le contribuable dans l'année à titre
de
(i) cotisations annuelles de membre d'association profes-
sionnelle, dont le paiement était nécessaire pour la conser
vation d'un statut professionnel reconnu par la loi,
(ii) loyer de bureau ou salaire d'un adjoint ou remplaçant,
que le contrat d'emploi du cadre ou de l'employé l'obligeait
à payer,
(iii) coût de fournitures qui ont été consommées directe-
ment dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou
de l'emploi et que le contrat d'emploi du cadre ou de
l'employé l'obligeait à fournir et payer,
(iv) cotisations annuelles requises pour demeurer membre
d'un syndicat ouvrier, selon la définition qu'en donne
(A) l'article 3 du Code canadien du travail, ou
(B) toute loi provinciale relative aux enquêtes, à la
conciliation ou au règlement des différends du travail,
' Je présume que cette déduction a été accordée conformé-
ment au sous-alinéa 8(1)i)(iv) ci-après cité.
2 S.R.C. 1952, c. 148, dans sa forme modifiée jusqu'en 1974
inclusivement (la «nouvelle» loi). La disposition correspondante
de l'«ancienne» loi était le paragraphe 11(10).
ou pour demeurer membre d'une association de fonctionnai-
res dont le principal objet est de favoriser l'amélioration des
conditions d'emploi ou de travail des membres, et
(y) cotisations annuelles qui ont été, conformément aux
dispositions d'une convention collective, retenues par son
employeur sur sa rémunération et versées à un syndicat
ouvrier ou à une association visée au sous-alinéa (iv), dont
le contribuable n'était pas membre,
dans la mesure où ce contribuable n'a pas été remboursé, et n'a
pas le droit de l'être à cet égard;
Il est reconnu que les sommes payées par le
défendeur aux quatre associations constituent des
«cotisations annuelles de membre d'association
professionnelle». La demanderesse admet que le
défendeur est un «professionnel», c'est-à-dire une
personne qualifiée et compétente dans le domaine
général de la chimie. L'essentiel du litige porte sur
la question de savoir si le paiement de ces sommes
était «nécessaire pour la conservation d'un statut
professionnel reconnu par la loi». La Commission
de révision de l'impôt a conclu que ces sommes
pouvaient être déduites. Le Ministre interjette
donc appel de cette décision devant la présente
cour.
Il convient de relater les antécédents législatifs
et judiciaires du sous-alinéa 8(1)i)(1).
La Loi de l'impôt de guerre sur le revenu 3 ne
contenait aucune disposition équivalente au sous-
alinéa 8(1)i)(i). Mais plusieurs décisions ont traité
de la question de savoir si des cotisations annuelles
versées par des employés relativement à leur
emploi étaient déductibles au titre de cette loi.
L'arrêt Bond c. M.R.N. 4 fait jurisprudence en la
matière. Le contribuable était un employé de la
ville de Winnipeg. Il était avocat et exerçait, à ce
titre, des fonctions juridiques pour le compte de
son employeur. Il était membre de l'association
regroupant les avocats du Manitoba et payait à ce
titre une cotisation annuelle. Il ne pouvait pas
pratiquer légalement en qualité d'avocat sans être
membre du Barreau et sans payer cette cotisation
annuelle. Il a demandé que soit déduite de son
revenu, à titre de dépense, cette cotisation. Le
président Thorson a jugé que cette déduction était
permise. Je cite les extraits essentiels des motifs de
la Cour aux pages 581-582:
3 S.R.C. 1927, c. 97 et ses modifications.
4 [1946] R.C.$. 577.
[TRADUCTION] L'avocat de l'intimé a invoqué deux argu
ments à l'appui du rejet de la déduction. L'un d'eux voulait que
la déduction soit exclue en vertu de l'article 6a) de la Loi de
l'impôt de guerre sur le revenu, qui prévoit que:
6. Dans le calcul de la somme des profits ou gains à
imposer, il ne doit pas être accordé de déduction en ce qui
concerne
a) les déboursés ou dépenses qui ne sont pas totalement,
exclusivement et nécessairement faites en vue de la pro
duction du revenu;
L'avocat a admis franchement que l'appelant ne pouvait . conti-
nuer à exercer ses fonctions d'avocat de la ville de Winnipeg
sans être membre du Barreau du Manitoba et devait, pour ce,
payer la cotisation annuelle et la cotisation spéciale qu'il cher-
chait à déduire afin de demeurer membre de l'association mais
a allégué, toutefois, que ce déboursé n'était pas totalement,
exclusivement et nécessairement fait par l'appelant en vue de la
production du revenu puisqu'il n'a été fait que dans le but de
conserver son statut professionnel en vue de gagner du revenu.
Le déboursé, a-t-on allégué, est lié à la conservation du statut
professionnel et ne vise donc pas à gagner un revenu. L'avocat a
admis que malgré le refus du fisc d'accorder une déduction en
ce qui concerne la cotisation annuelle au Barreau dans le cas
d'avocats en exercice qui reçoivent un salaire ou un montant
fixe, il a par ailleurs accordé une telle déduction dans le cas de
ceux dont la rémunération se fait par voie d'honoraires. Il est
évident, bien entendu, que si la prétention de l'avocat est bien
fondée, alors la déduction n'est pas plus justifiée dans un cas
que dans l'autre, puisque le même argument peut s'appliquer
aux deux; la déduction est autorisée dans les deux cas ou n'est
absolument pas autorisée. De plus, si la cotisation payée par
l'appelant correspondait à une cotisation annuelle en vue de
l'exercice de sa profession, il s'ensuivrait que des déductions
touchant toutes les cotisations semblables, telles les cotisations
annuelles pour l'obtention d'un permis, ne seraient pas accor-
dées pour le motif qu'elles ont été payées en vue de donner le
droit au contribuable de poursuivre ses activités et non de
gagner du revenu.
Pages 585-586:
[TRADUCTION] L'article 6a) interdit la déduction de débour-
sés ou dépenses «qui ne sont pas totalement, exclusivement et
nécessairement faites en vue de la production du revenu».
Peut-on raisonnablement affirmer que le montant payé par
l'appelant au Barreau tombe dans le cadre des exclusions de cet
article? Je ne le crois pas. L'appelant a dû payer cette somme
en 1943 afin d'exercer sa profession au cours de cette année. Il
s'agissait d'une cotisation annuelle en vue de l'exercice de sa
profession. Si cette cotisation n'était pas versée, il risquait
d'être suspendu et ensuite rayé du tableau de l'ordre. Toute
tentative ultérieure de sa part visant à exercer ses fonctions
serait contraire à la loi et constituerait une infraction le rendant
passible d'une sanction et également d'une injonction lui inter-
disant de poursuivre l'exercice de sa profession. Il était donc
nécessaire qu'il paie cette cotisation en vue d'exercer ses fonc-
tions d'une façon légale et continue et de gagner un revenu. De
plus, j'estime qu'une des conditions inhérentes au contrat exis-
tant entre l'appelant et la ville de Winnipeg était qu'il soit
membre du Barreau afin d'exécuter validement son contrat
sans lequel il ne pouvait gagner un revenu. A mon avis, il était
tenu de payer la cotisation pour gagner un revenu et ne pouvait
gagner de revenu sans verser ladite cotisation. Il ne pouvait
échapper à cette dépense annuelle: il y était tenu. Elle consti-
tuait une dépense découlant de son travail et faisant partie du
processus visant à gagner un revenu. De même, cette dépense a
été clairement engagée en vue de lui permettre de remplir ses
obligations et de gagner un revenu. Il est très clair que cette
dépense a été nécessairement engagée dans ce but et rien
n'indique qu'elle a été faite autrement qu'entièrement et exclu-
sivement dans un tel but. A mon avis, le paiement, par un
avocat en exercice, de sa cotisation annuelle au Barreau ou
d'une cotisation annuelle obligatoire ne constitue pas des
déboursés ou des dépenses «qui ne sont pas totalement, exclusi-
vement et nécessairement faites en vue de la production du
revenu» et n'est pas exclu, comme déduction, de sa rémunéra-
tion, aux termes de l'article 6a) de la Loi. De plus, ce paiement
satisfait au critère relatif à la déduction de dépenses, établi
dans les décisions auxquelles j'ai fait référence. Par conséquent,
l'appelant a droit à la déduction de la somme qu'il réclame à
moins d'y être exclu pour un autre motif tel que celui présenté
par son avocat.
Page 586:
[TRADUCTION] Il a été allégué que, puisque l'appelant
gagnait un salaire fixe, aucune dépense ne pouvait en être
déduite et puisque le revenu se traduisait par un montant fixe, il
constituait un revenu «net» et par conséquent imposable. J'ai
déjà fait allusion à la reconnaissance par l'avocat du fait que le
Ministère avait accordé la déduction de cotisations annuelles
versées par des avocats en exercice à leur association lorsque
leur rémunération se fait par voie d'honoraires, mais qu'il n'a
pas accordé une telle déduction lorsque cette rémunération était
versée sous forme de salaire fixe. Je ne vois aucun motif
justifiant en principe une telle discrimination et la Cour ne
devrait pas ratifier une telle conduite à moins d'y être tenue par
la loi.
Page 589:
[TRADUCTION] A mon avis, il est clair que ce qui doit faire
l'objet de l'imposition est le profit ou gain ou gratification
annuel «net», nonobstant le fait que ce profit ou gain ou
gratification soit «défini» en termes de revenu provenant d'une
catégorie déterminée ou «indéfini» en termes de revenu prove-
nant d'une autre catégorie. C'est là une interprétation littérale
valide; de plus, elle fait disparaître la discrimination injuste qui
se reflète dans la pratique actuellement en vigueur au Minis-
tère. Selon moi, un revenu ne constitue pas nécessairement un
profit ou gain ou gratification annuel net et, par conséquent, un
revenu imposable, du simple fait qu'il s'agit d'un salaire fixe et
rien dans la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu n'exclut la
déduction, d'un tel salaire fixe, de déboursés ou dépenses
appropriées en vue de déterminer quelle en est la partie
imposable.
Le tribunal est parvenu à une conclusion sem-
blable dans Rutherford c. M.R.N. 5 Dans cette
affaire, le contribuable était un avocat au service
du gouvernement provincial à titre de conseiller
5 [1946] C.T.C. 293.
législatif. Le président Thorson a conclu qu'en
principe, la situation de cet avocat ne se distinguait
pas de celle du contribuable dans l'affaire Bond.
L'arrêt Cooper c. M.R.N. 6 reprend le raisonne-
ment de l'affaire Bond. Cooper était un opérateur-
projectionniste à salaire. Il a demandé la déduction
de sa cotisation annuelle versée à son syndicat. Il
devait faire partie du syndicat afin d'être employé
à titre de projectionniste. La Cour a jugé que sa
cotisation pouvait être déduite.
Comme je le conçois, l'effet de ces trois déci-
sions se résume comme suit.' Lorsque le revenu
d'un contribuable provient d'une charge ou d'un
emploi, il peut déduire les cotisations qu'il est tenu
de payer, en vue d'exercer sa profession ou son
occupation, et par conséquent, gagner un salaire
ou être rémunéré.
La Loi de l'impôt sur le revenus est ensuite
entrée en vigueur, soit en 1949. De même, quel-
ques modifications pertinentes (applicables à l'an-
née d'imposition 1949) ont été apportées à la Loi
de l'impôt de guerre sur le revenu.
L'article 5 de la Loi de 1948 prévoyait que le
revenu provenant d'une charge ou d'un emploi
était le traitement, salaire et autre rémunération
touchés par le contribuable (plus certaines autres
prestations ou allocations) moins certaines déduc-
tions permises par des dispositions précises de la
loi
... mais sans autre déduction de quelque nature que ce soit.
La partie pertinente de la modification à la Loi
de l'impôt de guerre sur le revenu, S.C. 1948, c.
53, art. 3, était libellée comme suit:
(6) Dans le calcul du revenu provenant d'une charge ou d'un
emploi, il ne peut être déduit aucun montant à l'égard d'un
déboursé ou d'une dépense effectuée en vue de gagner le
revenu... .
6.. [1949] R.C.E. 275.
7 Dans l'affaire Morley c. M.R.N. [1949] Tax A.B.C. 81, le
contribuable était un juge salarié d'une cour de comté. Il a
demandé que soient déduites certaines dépenses aux termes de
la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. L'une de ces dépenses
était faite à titre de cotisation comme membre de l'Association
des juges de comté et l'autre était versée à l'Association locale
de droit à titre de droits de bibliothèque. La Commission l'a
débouté de son action. Elle a jugé que les dépenses engagées
n'étaient pas nécessaires. La Commission a, bon droit il me
semble, fait la distinction entre cette affaire et l'affaire Bond.
8 S.C. 1948, c. 52. Cette loi et ses modifications ont été
insérées dans la révision de 1952 sous le c. 148, maintenant
appelée l'«ancienne» loi.
Ces dispositions de la Loi de 1948 n'ont pas été
modifiées jusqu'en 1951. A mon avis, le Parlement
avait eu l'intention d'enlever, pour ces années, le
droit au contribuable de déduire des dépenses de la
nature de celles exposées dans les affaires Bond,
Rutherford, et Cooper.
L'ancêtre de l'actuel sous-alinéa 8(1)i)(i) est
apparu en 1951. Il est devenu le paragraphe
11(10) de l'ancienne loi: 9
11.
(10) Par dérogation aux alinéas a) et h) du paragraphe
premier de l'article douze, les montants suivants, s'ils ont été
payés par un contribuable dans une année d'imposition, peuvent
être déduits dans le calcul de son revenu provenant d'une
charge ou emploi pour l'année:
a) les cotisations annuelles de membre de société profession-
nelle, dont le paiement était nécessaire afin de conserver un
statut professionnel reconnu par la loi que son contrat d'em-
ploi l'obligeait à maintenir,
b) le loyer de bureau ou le salaire d'un adjoint ou rempla-
çant, que le contrat d'emploi du fonctionnaire ou de l'em-
ployé l'obligeait à payer,
c) le coût de fournitures qui ont été consommées directement
dans l'exécution des fonctions de sa charge ou emploi et que
le contrat d'emploi du fonctionnaire ou de l'employé l'obli-
geait à procurer et payer,
d) les cotisations annuelles requises pour demeurer membre
d'un syndicat ouvrier, selon la définition qu'en donne
(i) l'alinéa r) du paragraphe premier de l'article deux de
la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes
visant les différends du travail, ou
(ii) toute loi provinciale relative aux enquêtes, à la conci
liation ou au règlement des différends du travail,
ou pour demeurer membre d'une association de fonctionnai-
res publics, dont le principal objet est de favoriser l'améliora-
tion des conditions d'emploi ou de travail des membres,
dans la mesure où ce contribuable n'a pas été remboursé, et n'a
pas le droit de l'être, à cet égard. 10
Au même moment, l'article 5 (qui traitait du
revenu provenant d'un emploi) a été modifié (en
partie) comme suit:
moins les déductions permises par les alinéas g), j) et o) du
paragraphe premier de l'article onze et par les paragraphes cinq
à onze, inclusivement, de l'article onze, mais sans autre déduc-
tion de quelque nature que ce soit.
9 S.C. 1951, e. 51, par. 3(3).
10 Les éditeurs du Canada Tax Service, à la page 11-1002,
ont déclaré que l'article 11(10)a) [TRADUCTION] «a été adopté
en vue de donner à la thèse du président Thorson dans .
[Bond et Rutherford] un fondement législatif». La même décla-
ration apparaît dans la nouvelle édition de cette même publica
tion. (Voir p. 8-452.) Le fait que le Parlement ait pu avoir
l'intention d'aller au-delà de la thèse soutenue dans l'affaire
Bond me paraît, à tout le moins, défendable. L'alinéa d) semble
très certainement aller au-delà de l'affaire Cooper.
En 1952, l'alinéa e) a été ajouté au paragraphe
11(10):"
e) les cotisations annuelles qui ont été, conformément aux
dispositions d'une convention collective, retenues par son
employeur sur sa rémunération et versées à un syndicat ouvrier
ou association désigné à l'alinéa d) dont le contribuable n'était
pas membre,
A cette période, le paragraphe 11(10) était iden-
tique au présent sous-alinéa 8(1)i)(i) à l'exception
de deux points dont l'un n'est pas pertinent. La
référence à la Loi sur les relations industrielles et
sur les enquêtes visant les différends du travail a
été remplacée par le Code canadien du travail.
L'autre différence est, à mon avis, plus importante.
En 1957, les mots à la fin de l'alinéa 11(10)a):
... que son contrat d'emploi l'obligeait à maintenir,
ont été supprimés. 12 Il était implicitement reconnu
dans l'affaire Bond que l'emploi du contribuable
exigeait qu'il paie une cotisation annuelle, sinon il
ne pouvait remplir les obligations prévues à son
contrat.
Je passe maintenant à l'affaire en l'espèce.
L'avocat de la demanderesse allègue que même si
le défendeur a un statut professionnel reconnu par
la loi, il n'était pas tenu de payer la cotisation en
cause afin de conserver ce statut. Le défendeur,
a-t-on déclaré, conserve son statut professionnel de
chimiste ou analyste qu'il verse ou non aux orga-
nismes cités des cotisations annuelles; le droit
d'exercer sa profession n'est pas déterminé par son
adhésion à l'un ou l'autre de ces organismes.
L'avocat de la demanderesse a invoqué M.R.N. c.
Montgomery 13 . Le contribuable, en plus d'être un
avocat en exercice à son propre compte, était un
officier de la RMRC. Il a réclamé la déduction des
cotisations versées au carré des officiers mais n'a
pas eu gain de cause. L'essentiel des motifs du juge
Kerr se retrouve aux pages 120 et 121:
" S.C. 1952, c. 29, par. 3(2).
12 S.C. 1957, c. 29, par. 4(5).
13 [1970] C.T.C. 115. Au moment où la décision Montgo-
mery a été rendue, les motifs de la décision Martel c. M.R.N.
[1970] R.C.É. 69 ont été rendus publics. Le contribuable en
question était un juge d'une cour supérieure. La principale
question en litige consistait à savoir si une certaine indemnité
versée au contribuable constituait un «revenu». Mais en outre,
le contribuable demandait que soit déduit, entre autres choses,
le coût de ses abonnements annuels à des revues légales et
recueils de jurisprudence de même que sa cotisation versée à
L'avocat de l'appelant a prétendu que, par exemple, un
avocat qui pratique n'a pas besoin d'interroger l'article
11(10)a) pour pouvoir déduire ses cotisations au barreau, car
celles-ci peuvent être déduites au titre de dépenses d'entreprises
aux fins de sa profession; mais que le juriste qui est employé et
reçoit un salaire en vertu d'un contrat de travail a besoin de
l'article 11(10)a) pour pouvoir déduire ses cotisations, qui sont
celles que chaque juriste doit verser pour conserver son apparte-
nance au barreau et le droit de pratiquer qui va de pair avec
cette appartenance.
Je suis convaincu qu'en qualité d'officier de la RMRC,
l'intimé est une personne qui a une «profession», dont le statut
est un statut professionnel reconnu par la loi, soit la Loi sur la
défense nationale, que le mess du carré des officiers du navire
Tecumseh se compose d'officiers de la RMRC et qu'il était
nécessaire à l'intimé de verser ses cotisations au carré des
officiers.
Mais il ne s'ensuit pas que ces cotisations au carré des
officiers tombent sous le coup de l'article 11(10)a). Je pense
que le besoin envisagé par le Parlement dans ce paragraphe, est
directement relié au but essentiel que se propose tout versement
de cotisations de membres de sociétés professionnelles. Est
inhérente à ce paragraphe l'existence d'un lien direct entre
l'appartenance à une société professionnelle et le statut profes-
sionnel. Le statut reconnu par la loi est un statut professionnel
qui dépend de l'appartenance à la société professionelle. Pas
d'appartenance, pas de statut. Il ne fait aucun doute que ces
cotisations sont utilisées pour le besoin de l'association mais le
but premier du versement est la conservation de l'appartenance
avec ses droits et ses privilèges. Il me semble clair que les
cotisations au carré des officiers ont été versées dans un but très
différent notamment pour défrayer les coûts d'exploitation du
mess qui est une pièce ou suite où les membres se rencontrent,
mangent, discutent, se divertissent etc. Un mess d'officiers peut
être établi par un très petit nombre d'officiers, même trois ou
quatre. J'ai compris que le lieutenant-commandeur Gwillim
avait déclaré avoir servi dans 50 mess. Le but du versement des
cotisations au carré des officiers n'est pas, à mon avis, de
maintenir un statut professionnel. Le statut d'un officier de
marine n'exige pas l'appartenance à un mess, à la différence de
la médecine qui, par exemple, exige l'appartenance à un corps
médical créé par la loi.
Les officiers reçoivent leur brevet de la Couronne. Ils ne
versent aucune cotisation pour obtenir ou conserver leur brevet
et leur statut d'officier. On n'a pas attiré mon attention sur la
reconnaissance précise d'un mess des officiers dans une loi et
j'envisage avec difficulté que le statut d'appartenance à un
mess d'officiers puisse constituer un statut professionnel
reconnu par la loi.
On peut concevoir que le fait pour un officier de ne pas
verser ses cotisations au mess puisse avoir pour conséquence la
perte de son statut d'officier; dans ce sens limité et négatif, on
peut dire que le versement des cotisations est nécessaire au
l'Association du Barreau canadien. Le ministère du Revenu
national a accordé la déduction en ce qui concerne sa cotisation
à l'Association. Les autres points ont été contestés. Le juge
Noël a rejeté l'appel du contribuable interjeté sur toute cette
question. Il n'a pas formulé de motifs relativement aux
abonnements.
maintien de son statut mais, à mon avis, cette éventualité
s'éloigne de beaucoup de ce qu'envisageait le Parlement et de ce
qu'il essayait de prévoir dans la Loi de l'impôt sur le revenu
lorsqu'il promulguait l'article 11(10)a). Si on avait voulu y
inclure les cotisations payables pour l'exploitation des mess
dans les forces armées, il aurait été plus facile de le dire
expressément.
Il me semble donc que les cotisations au carré des officiers en
cause ne sont pas déductibles en vertu de l'article 11(10)a).
La demanderesse soutient qu'aux termes de la
décision Montgomery, les seules cotisations qui
peuvent être déduites sont celles qui ont pour effet
de faire conserver à un particulier son statut pro-
fessionnel et qui, en même temps, justifient son
droit de poursuivre l'exercice de sa profession. Je
n'estime pas que la décision Montgomery emporte
de telles conséquences.
Je peux concevoir des cas où une profession,
reconnue par la loi, n'exige pas qu'une cotisation
annuelle soit versée en vue de son exercice; parallè-
lement, toutefois, il peut être «nécessaire» d'appar-
tenir à certains organismes afin de satisfaire aux
aptitudes requises par l'exercice d'une profession,
au sens pratique et commercial de cette expression;
afin de pouvoir exercer avec efficacité les fonctions
d'une profession précise et de gagner un revenu.
Par exemple, j'estime incontestable que la comp-
tabilité est une profession; qu'un comptable est un
«professionnel». Une personne peut être un comp-
table hautement qualifié, compétent. Cette profes
sion est, en Colombie-Britannique par exemple,
reconnue par la loi: voir la Chartered Accountants
Act 14 et la Certified General Accountants Act. 15
Mais nul n'est tenu d'adhérer à l'Institut des
comptables agréés ou à l'Association des compta-
bles généraux certifiés en vue d'exercer cette pro
fession. Il est simplement interdit à une personne
qui n'y a pas adhéré d'employer la désignation de
comptable agréé ou de comptable général certifié.
Je comprends toutefois qu'un comptable (au sens
général du terme) hautement qualifié et compétent
puisse considérer nécessaire de payer une cotisa-
tion annuelle à une société professionnelle appro-
priée en vue de conserver ses aptitudes et sa com-
pétence et par conséquent, avoir la capacité de
continuer à offrir ses services à des tiers, y inclus
un employeur.
14 S.R.C.-B. 1960, c. 51.
15 S.R.C.-B. 1960, c. 47.
Le sous-alinéa 8(1)i)(i) ne doit pas être lu sans
tenir compte des autres sous-alinéas. Le sous-ali-
néa (iv), par exemple, n'exige pas que les cotisa-
tions syndicales qui y sont spécifiées soient payées
par le contribuable pour obtenir ou conserver son
emploi (c'est le cas dans l'affaire Cooper). Par
ailleurs, les cotisations visées au sous-alinéa (v)
doivent être payées par le contribuable afin que ce
dernier conserve son emploi bien qu'il ne soit pas
membre du syndicat (le principe de l'«atelier
syndical»).,
Les avocats des parties en l'espèce ont souligné
l'importance de la présente action. Elle est consi-
dérée comme créant en quelque sorte un précédent
dont les résultats intéresseront probablement d'au-
tres contribuables. Heureusement ou malheureuse-
ment, je ne projette pas d'exprimer d'opinion sur la
principale question en litige et sur les allégations
citées plus haut ou sûr l'interprétation précise à
donner au sous-alinéa de la Loi.
A mon avis,, le défendeur, a omis de faire la
preuve d'un fait essentiel, ce qui doit être fait
avant d'aborder la principale question en litige. Le
défendeur est un chimiste ou un analyste ou peut-
être les deux. Si on le considère comme un chi-
miste, il n'a pas été démontré, si je comprends
bien, d'après la preuve présentée devant moi, que
le statut professionnel d'un chimiste en est un
«reconnu par la loi». Je suis convaincu que le
défendeur a effectivement un statut «professionnel»
dans son domaine—de la même façon qu'un méde-
cin ou un avocat. Mais le défendeur ne m'a ni
présenté ni cité de loi reconnaissant ce statut
professionnel.
Si l'on considère le défendeur simplement
comme un analyste, il m'est difficile dé conclure, à
la lumière de la preuve devant moi, qu'un analyste
possède un «statut professionnel reconnu par la
loi». Je prends pour acquis qu'il doit exister plu-
sieurs types d'analystes. Les lois auxquelles j'ai fait
référence plus tôt (la Loi, sur la marine marchande
du Canada, la Loi sur les eaux intérieures du
Nord, la Loi sur la prévention de la pollution des
eaux arctiques et la Loi sur la lutte contre la
pollution atmosphérique) ne définissent pas le
terme «analyste» ni ne décrivent ce poste de façon
à nous permettre de conclure à l'existence d'un
«statut professionnel». Les lois prévoient simple-
ment que «toute personne» ou quelquefois une «per-
sonne qualifiée» peut être désignée à titre d'ana-
lyste. Le paragraphe 731(1) de la Loi sur la
marine marchande du Canada, par exemple, se lit
comme suit:
731. (1) Le Ministre peut désigner toute personne à titre
de fonctionnaire chargé de la prévention de la pollution ou à
titre d'analyste aux fins de la présente Partie.
Mais si l'on examine le sous-alinéa 8(1)i)(i) de
la Loi de l'impôt sur le revenu, on voit que le
terme «professionnel» laisse entendre la possession
de compétences ou d'aptitudes spéciales. Les lois
sur lesquelles le défendeur s'est appuyé sont muet-
tes sur ces questions. Le défendeur n'a pas démon-
tré que sa demande de déductions relève claire-
ment du sous-alinéa qui lui confère ce droit. 16
Je suis d'avis d'accueillir l'appel. A la lumière
des faits en l'espèce, la cotisation établie par le
Ministre est bien fondée. Le paragraphe 178(2)
étant applicable, le Ministre, par conséquent, doit
payer tous les frais" raisonnables et justifiés du
contribuable.
16 W. A. Sheaffer Pen Co. of Canada Ltd. c. M.R.N. [1953]
R.C.É. 251, la page 255.
17 Voir La Reine c. Creamer [1977] 2 C.F. 195.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.