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T-3440-76
La succession de George Farnsworth Phaneuf représentée par Wallace A. Bradley (Demande- resse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Thurlow—Ottawa, les 28, 29 novembre et 22 décembre 1977.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Legs donnant aux employés d'une compagnie le droit d'acheter des actions à leur valeur nominale Au moment de l'achat, la juste valeur marchande des actions était de $17.25 alors que la valeur nominale était de $2 L'acheteur est-il imposable pour l'avantage par lui reçu au cours de son emploi, en vertu de l'art. 6(1)a)? Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 5(1), 6(1)a).
Le demandeur Phaneuf a acheté des actions dans une compa- gnie il était employé, en vertu d'un legs fait par le principal actionnaire de la Compagnie: ce legs donnait aux employés de la Compagnie le droit d'acheter un certain nombre d'actions à leur valeur nominale. Le conseil d'administration de la Compa- gnie a révisé la liste des employés habilités à acheter des actions et approuvé une formule de distribution fondée dans une cer- taine mesure sur le service. Les acquisitions étaient faites sous réserve de l'adhésion des actionnaires à un accord destiné à garder aux employés le contrôle de la Compagnie. Les actions de la demanderesse, achetées à la valeur nominale de $2, avaient une juste valeur marchande de $17.25 au moment de l'achat. Le litige consiste à déterminer si M. Phaneuf, décédé depuis le commencement de l'appel, est assujetti à l'impôt sur le revenu relativement à la valeur de l'avantage par lui reçu à l'achat des actions.
Arrêt: l'appel est accueilli. L'avantage a été conféré à M. Phaneuf à titre personnel plutôt qu'en sa qualité d'employé, comme don personnel plutôt que comme rémunération, et le bénéficiaire de ce don n'est pas imposable sur le revenu. Rien dans le libellé du testament ne permet de considérer l'avantage comme une récompense ou paiement de services rendus. Il s'agit simplement d'une largesse envers les employés en tant que personnes privées. Le conseil ne s'est pas servi de relations entre employeur et employés comme base pour sanctionner et approuver la distribution des droits, même si seuls les employés pouvaient être désignés pour les acquérir. Ce n'est pas en raison des services rendus à la Compagnie par les employés en tant que tels que l'accord a été conclu, mais en raison de leur participation. Alors que le plan de distribution était fondé dans une certaine mesure sur le service, il s'agit simplement d'une formule de référence pour la distribution, et cette formule, en elle-même, ne peut pas donner le caractère de rétribution au droit alloué aux employés en vertu dudit plan. Que les employés de la Compagnie soient les seuls à pouvoir jouir de ce droit, ce n'est qu'une condition nécessaire. L'employeur n'a pas créé ce droit, et ledit droit n'est pas un avantage auquel les employés avaient droit en vertu de leur contrat de service, et, en vertu du contrat, ils n'avaient à rendre aucun service à qui que ce soit pour jouir de ce droit.
Arrêts suivis: Ransom c. Le ministre du Revenu national [1968] 1 R.C.É. 293; Seymour c. Reed [1927] A.C. 554. Arrêt examiné: Bridges c. Hewitt [1957] 2 All E.R. 281.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
Robert C. McLaughlin pour la demanderesse. C. T. A. MacNab pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Macdonald, Affleck, Ottawa, pour la deman- deresse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Le prin cipal point litigieux du présent appel consiste à déterminer si feu George Farnsworth Phaneuf, décédé le 23 octobre 1977, après l'introduction du présent appel, était imposable sur le revenu relati- vement à la valeur d'un avantage obtenu par l'ac- quisition, vers le 5 juin 1973, de 152 actions de Charles Ogilvy Limited à leur valeur nominale. Dans l'affirmative, il faudra déterminer l'année d'imposition et le montant de ladite valeur. Le présent appel est probablement une cause type car, quelque deux cent quarante personnes ont reçu, à peu près en même temps, des avantages similaires provenant de la même source et dans des condi tions pareilles.
La détermination doit être faite sur la base d'un énoncé convenu des faits, comportant huit pièces admises d'un commun accord et de certaines dépo- sitions orales faites par M. R. H. Hyndman, prési- dent de Charles Ogilvy Limited. Voici le libellé de l'énoncé convenu des faits, le demandeur y men- tionné étant M. Phaneuf:
[TRADUCTION] 1. Le demandeur était, en tout temps pertinent, employé de Charles Ogilvy Limited (ci-après appelée .la Compagnie»).
2. Charles Ogilvy, fondateur et, à l'époque, principal action- naire de la Compagnie, est décédé le 26 mars 1950.
3. Dans son testament en date du 14 mai 1947, M. Ogilvy a donné l'ordre à ses exécuteurs de vendre 1,800 de ses actions ordinaires aux employés de la Compagnie, dans un an à comp-
ter du jour de la mort du survivant de lui-même ou de sa femme, à leur valeur nominale de $20 par action.
4. La veuve de feu M. Ogilvy est décédée le 10 novembre 1972.
5. Entre la date du testament de M. Ogilvy et le décès de Mme Ogilvy, les actions ordinaires de la Compagnie ont été scindées en dix chacune. En tenant compte des legs directs spécifiés dans le testament de M. Ogilvy, il ne restait plus, pour la vente aux employés, que 1713 (17,130) actions ordinaires alors que le testament en stipule 1800 (18,000).
6. Le 27 avril 1973, la Cour suprême de l'Ontario a ordonné la mise en vente des 17,130 actions aux employés, au prix de $2 l'action conformément au testament de M. Ogilvy.
7. Le 2 mai 1973, le conseil d'administration de la Compagnie s'est réuni pour réviser la liste des employés pouvant acheter des actions, car des décès et des démissions étaient survenus parmi les employés depuis le 6 mars 1973, date de la réunion du conseil la première liste avait été établie.
8. Depuis 1964, une pratique a été établie que tout employé qui achèterait des actions de la Compagnie devrait se conformer aux dispositions d'un accord intervenu entre les actionnaires.
9. Le ler mars 1973, M. R. H. Hyndman, pour son propre compte et celui de M. W. J. Tate, les deux agissant à titre de mandataires, a versé la somme de $34,260 l'exécuteur de la succession de M. Ogilvy, à titre de prix d'achat des 17,130 actions ordinaires, au prix de deux dollars ($2) par action. Ladite somme de $34,260 avait été empruntée par les manda- taires à leur banque.
10. Les 17,130 actions ordinaires de la Compagnie ont été transférées par les exécuteurs de la succession de feu Charles Ogilvy à MM. Hyndman et Tate à titre de mandataires.
11. Le 15 mai 1973, M. Hyndman a invité, par écrit, les employés y ayant droit à acheter le nombre d'actions à eux allouées.
12. Le 5 juin 1973, le demandeur a acheté 152 actions au prix de $2 l'action et les a payées par un chèque établi à l'ordre de MM. Hyndman et Tate.
13. A la date dudit achat, la valeur marchande équitable des actions ordinaires de la Compagnie était de $17.25 l'action.
14. A la date du décès de M. Ogilvy, la valeur marchande équitable des actions ordinaires de la Compagnie était de $30 l'action. Après son décès, les actions ordinaires étaient scindées en cinq actions chacune.
15. Par avis de nouvelle cotisation en date du 20 mai 1975, le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation, pour l'année d'imposition 1973, du demandeur, par l'addition, à son revenu déclaré, d'un montant de $2,318, et a indiqué, dans la formule T7W-C jointe, que le revenu avait été rajusté pour inclure l'avantage imposable réalisé par l'acquisition de 152 actions ordinaires de la Compagnie précitées au prix de $2 l'action, alors que leur valeur véritable était de $17.25 l'action.
16. Vers le 7 août 1975, le demandeur a dûment notifié et déposé un avis d'opposition à ladite cotisation.
17. Dans une communication en date du 11 juin 1976, le ministre du Revenu national a confirmé ladite cotisation et a expliqué que la somme de $2,318 était un avantage reçu par le demandeur par le fait de sa charge ou de son emploi et provenait de l'acquisition des actions de la Compagnie à un prix moindre que leur valeur marchande équitable; que ledit mon-
tant avait été à bon droit inclus dans le calcul du revenu du demandeur conformément aux dispositions de l'article 6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Les parties et leurs avocats ont admis tous les faits ci-dessus énoncés et y ont souscrit.
Feu M. Ogilvy n'a pas laissé d'enfants. Il était, avec sa première femme, propriétaire de toutes les actions de Charles Ogilvy Limited et, en 1940, il en a donné environ 48 p. 100 (%) aux employés. Sa femme est décédée en 1946. En 1950, lors de la rédaction de son testament, M. Ogilvy envisageait la possibilité d'un second mariage, et ceci a été spécifié dans ledit acte. Ce dernier prévoit l'attri- bution d'un certain nombre de legs spécifiques à des individus et le versement à sa veuve durant la vie de celle-ci du revenu provenant du reste de la succession. Après le décès de la veuve, la demeure privée du de cujus devait être transférée à Charles Ogilvy Limited et gérée comme une maison de repos et de convalescence pour les employés de la Compagnie. M. Ogilvy désirait que celle-ci demeure en activité pendant quinze ans après la mort de sa veuve ou de lui-même, s'il était le conjoint survivant, et il donnait à certaines nièces et à certains neveux les dividendes provenant des 1800 actions de la Compagnie à réserver pendant ladite période de quinze ans, ou jusqu'à l'achat desdites actions par les employés conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l'énoncé con- venu des faits, auquel cas le produit de la vente serait versé auxdits nièces et neveux. Voici le libellé de la clause concernant les employés:
[TRADUCTION] JE DONNE AUTORISATION ET ENJOINS à mes susnommés exécuteurs et mandataires de conclure un accord avec les employés de Charles Ogilvy Limited (le terme «employé» doit inclure tout administrateur qui peut ne pas figurer sur la feuille de paie habituelle de la Compagnie) au cas lesdits employés, avec la sanction et l'approbation des administrateurs actuels de la Compagnie, désirent conclure un tel accord, pour la vente auxdits employés de mille huit cents (1800) actions réservées, conformément aux paragraphes précé- dents, pour le bénéfice de mes neveux et nièces ci-dessus nommés et des veuves de mes neveux décédés Gavan Russell et James G. Ogilvy, et ce au prix de vingt dollars ($20) l'action, soit à la valeur nominale; à condition qu'aucun employé de la Compagnie ne puisse acheter lesdites actions ou une partie de celles-ci sans la sanction et l'approbation du conseil d'adminis- tration actuel de la Compagnie, et à condition qu'aucun employé ne puisse acheter un nombre d'actions plus élevé que celui fixé par le conseil d'administration. Ledit accord, outre toute disposition que les employés peuvent établir entre eux, doit contenir les modalités suivantes ....
Le testament prévoit- ensuite la création d'un fonds les employés verseraient leurs contribu tions en vue de l'acquisition des actions, pendant la période de quinze ans. Puis il continue ainsi qu'il suit:
[TRADUCTION] LE privilège, conféré par les présentes auxdits employés de Charles Ogilvy Limited, pour l'achat desdites mille huit cents actions (1800), soit une partie de mon portefeuille du capital-actions de la Compagnie, doit être exercé par eux, et ledit accord doit être conclu, dans un an à compter du décès de ma femme ou de moi-même si je lui survis, et si ledit privilège n'est pas exercé ni l'accord conclu dans ledit délai, mes exécu- teurs et mandataires peuvent alors révoquer ledit privilège et, sous réserve des autres conditions et dispositions du présent testament, ils peuvent disposer desdites actions de la manière jugée la plus favorable à l'intérêt de la succession, comme si ledit privilège n'avait pas été conféré auxdits employés de Charles Ogilvy Limited.
JE désire que William Russell Burnett, avocat dans la ville d'Ottawa, ci-après désigné comme l'un de mes exécuteurs et mandataires, devienne, après ma mort et pendant ladite période de quinze ans suivant le décès de ma femme, administrateur de Charles Ogilvy Limited, s'occupe activement de ladite entre- prise et qu'il soit en tout temps consulté relativement aux affaires de celle-ci, afin d'y mettre en œuvre la politique de traitement équitable du public et des employés que j'ai établie.
Le reste de la succession était donné à des œuvres charitables.
Je vais examiner la pratique mentionnée au paragraphe 8 de l'énoncé convenu des faits.
Un accord, conclu en 1964 entre les employés actionnaires de la Compagnie et les mandataires R. H. Hyndman et William J. Tate, prévoyait l'évaluation des actions de la Compagnie au com mencement de chaque année et exigeait que les actionnaires signataires de l'accord qui désire- raient disposer de leurs actions les vendent aux mandataires au prix établi pour l'année en ques tion. Les mandataires achèteraient les actions audit prix et les revendraient au même prix aux employés de la Compagnie. L'accord prévoyait un système de points pour l'allocation aux employés du droit d'achat desdites actions vendues par les mandataires, système fondé sur leur temps de ser vice et leurs salaires et gratifications, ainsi qu'une indexation fondée sur leur ancienneté dans la Compagnie. L'accord avait pour but de laisser le contrôle de la Compagnie aux employés, et tout employé achetant les actions à lui allouées confor-
mément à l'accord était tenu de souscrire à celui-ci et d'en devenir partie.
Mandataires conformément audit accord, MM. Hyndman et Tate n'étaient pas mandataires des droits des employés en vertu du testament de M. Ogilvy; dans l'exécution de la fonction conférée par le testament, le conseil d'administration a approuvé l'achat des 1713 actions vendues par l'exécuteur à MM. Hyndman et Tate à titre de mandataires, et les a réparties entre les employés selon le système prévu dans l'accord, quant aux points attribués par le temps de service, les salaires et les gratifications. Le conseil a également réparti les droits d'achat, sous réserve que les employés souscrivent à l'accord et en deviennent parties en ce qui concerne les actions ainsi achetées. Ainsi qu'il a été dit dans l'énoncé convenu des faits, M. Phaneuf avait le droit d'acheter 152 actions, ce qu'il a fait et il a ainsi réalisé l'avantage faisant l'objet du présent appel.
Voici le libellé des paragraphes 5(1) et 6(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont les disposi tions s'appliquent en la matière:
5. (1) Sous réserve de la présente Partie, le revenu d'un contribuable, pour une année d'imposition, tiré d'une charge ou d'un emploi est le traitement, salaire et autre rémunération, y compris les gratifications, que ce contribuable a reçus dans l'année.
6. (1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments appropriés suivants:
a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages de quelque nature que ce soit (sauf les avantages résultant des contributions de son employeur à une caisse ou régime enregistré de pension, un régime d'assurance collective contre la maladie ou les accidents, un régime de service de santé privé, un régime de prestations supplémentaires de chômage, un régime de participation différée aux bénéfices ou une police collective d'assurance temporaire sur la vie) qu'il a reçus ou dont il a joui dans l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'emploi;
Dans leurs plaidoiries, les parties ont insisté sur un grand nombre d'aspects et de détails de la matière et ont cité et discuté un grand nombre de décisions jurisprudentielles, mais, dans les grandes lignes et autant que je comprenne, la demande- resse a allégué que, dans l'exercice par M. Phaneuf de son privilège ou droit ou occasion d'acheter des actions à si bas prix, l'avantage par lui réalisé était un don ou legs fait à titre personnel dans le
testament de M. Ogilvy, alors que la défenderesse a allégué que le droit était en faveur de M. Phaneuf en sa capacité d'employé et constituait donc un avantage imposable en vertu de l'alinéa 6(1)a), à titre de revenu tiré d'un emploi.
Dans Ransom c. M.R.N. 1 , traitant d'un litige survenu sous le régime des dispositions correspon- dantes de la Loi de l'impôt sur le revenu en vigueur avant 1972, le juge Noël (qui fut plus tard juge en chef adjoint), après une référence à la différence entre la règle 1 de l'annexe E de la loi anglaise, à propos de laquelle il y a une jurispru dence abondante, et les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu 2 , s'est ainsi exprimé à la page 307:
[TRADUCTION] Je vais examiner l'article 5(1)a) et b) de la Loi, lequel, ainsi qu'il a été dit plus haut, a été rédigé selon une formule évidemment plus large que celle employée par la législation fiscale anglaise sur le fondement de laquelle les contribuables ont été déclarés non imposables dans Hochstras- ser c. Mayes et Jennings c. Kinder (supra). La législation fiscale canadienne est rédigée en termes tellement larges que dès l'abord, on voit qu'il est extrêmement difficile de glisser à travers les mailles de ce filet ample et très serré.
Pour évaluer, cependant, de façon pertinente les intentions du législateur, il est nécessaire de se rappeler, tout d'abord, que l'article 5 de la Loi traite exclusivement de l'imposition du revenu tel que celui-ci est identifié par ses relations avec une certaine entité, à savoir une charge ou un emploi, et, pour être imposable à titre de revenu provenant d'une charge ou d'un emploi, l'argent reçu par un employé ne doit pas seulement constituer un revenu distinct du capital, mais doit provenir de sa charge ou de son emploi. Le vicomte Simonds à la page 705 et lord Radcliffe à la page 707 ont fait des commentaires semblables, dans Hochstrasser c. Mayes, relativement à la législation anglaise. En second lieu, la question de savoir si un paiement provient d'une charge ou d'un emploi dépend de la relation causale entre le paiement et la charge ou l'emploi en question; en d'autres termes, il faut déterminer si les services rendus dans l'emploi ont été réellement la cause du paiement. Je devrais ajouter qu'il faut chercher la cause véritable du paiement dans son origine juridique, laquelle, en l'espèce, est l'accord résultant de l'offre, faite par l'employeur, d'indemniser son employé pour la perte subie par celui-ci et l'acceptation de l'offre par l'employé. La cause du paiement n'est pas dans les services rendus, même si lesdits services ont occasionné ledit paiement, mais plutôt dans le fait qu'à cause de la manière dont les services doivent être rendus ou seront rendus, l'employé subira ou devra subir une perte que d'autres employés payant l'impôt n'auront pas à subir.
Je suis d'accord avec ce qui précède et, à mon avis, cela s'applique également aux présentes dis
' [1968] 1 R.C.É. 293. 2 S.R.C. 1952, c. 148.
positions de la Loi de l'impôt sur le revenu modi- fiée (1970-71-72) 3 . Il faudrait ajouter que l'objet des alinéas b) à f) inclus du paragraphe 6(1) ajoute un argument à l'opinion selon laquelle, pour que le libellé très large de l'alinéa 6(1)a) actuel s'applique, le montant en question doit être par sa nature un revenu et non un capital, et doit provenir d'une charge ou d'un emploi, au sens les servi ces rendus dans l'emploi doivent être la cause véritable du paiement.
Il est difficile de déterminer, dans un cas donné, si un paiement ou avantage provient d'un emploi au sens applicable de ce terme. A ces fins, les relations entre l'emploi et les services y rendus, et le paiement ou avantage sont toujours importantes, car elles font toujours partie de l'ensemble de l'espèce. Mais, alors que dans certains cas on voit aisément qu'elles sont la cause véritable du paie- ment, ce qui permet d'affirmer que celui-ci pro- vient de la charge ou de l'emploi, dans d'autres cas, elles n'en sont que la condition nécessaire. Les pourboires reçus par les serveurs, les bagagistes d'hôtel ou les chauffeurs de taxi sont des exemples de paiements se rapportant aux services rendus au cours de l'emploi et se répétant au cours dudit emploi, sans être des traitements ou salaires prove- nant de l'emploi. On peut, cependant, considérer aussi comme provenant de l'emploi, des dons non répétitifs ayant une relation quelconque avec l'em- ploi ou les services rendus et venant de l'employeur ou de quelque autre personne, et ils posent des questions plus délicates.
Dans Seymour c. Reed 4 , le vicomte Cave, lord Chancelier, a ainsi formulé la question posée par des cas de ce genre sous le régime de la loi anglaise:
[TRADUCTION] La question consiste donc à déterminer si la somme de 639 livres 16 shillings tombe dans la catégorie décrite dans la règle 1 de l'annexe E concernant «les traite- ments, honoraires, salaires, émoluments ou bénéfices de quelle nature que ce soit et en provenant» (i.e. d'une charge ou d'un emploi rémunéré) «pour l'année d'imposition», ce qui l'assujetti- rait à l'impôt sur le revenu en vertu de ladite annexe. Ces expressions et les expressions correspondantes employées dans l'ancienne loi (les deux n'étaient pas différentes dans le fond) ont fait l'objet d'interprétation judiciaire citée devant Vos Seigneuries; je dois considérer comme une interprétation éta- blie, que ces expressions englobent tous les paiements faits au titulaire d'une charge ou d'un emploi en tant que tel, c'est-à-
3 S.C. 1970-71-72, c. 63.
[1927] A.C. 554, la page 559.
dire à titre de rémunération pour ses services, même en cas de paiement volontaire, mais ces expressions ne visent pas le cas d'un simple don ou présent (tel qu'un cadeau en témoignage d'estime) offert sur une base personnelle et non comme rétribu- tion de ses services. Suivant le juge Rowlatt, voici la question à examiner: «En fin de compte, s'agit-il d'un cadeau personnel ou d'une rémunération?» La rémunération est imposable; le cadeau ne l'est pas.
La même distinction a été adoptée par la Cour suprême dans Goldman c. M.R.N. 5 le problème posé dans ledit jugement étant le libellé de la Loi de l'impôt sur le revenu de guerre 6 (voir le juge Kellock à la page 215 et le juge Rand à la page 219).
Malgré la différence de libellé des lois, le critère formulé par le vicomte Cave, lord Chancelier (supra) exprime, de la meilleure façon possible, l'essentiel des dispositions fiscales de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le paiement a-t-il été fait «à titre de rémunération pour ses services» ou «sur une base personnelle et non comme rétribution de ses services»? On peut faire un versement à un employé, mais celui-ci le reçoit-il à titre d'employé ou comme simple particulier? On peut aussi se demander s'il l'a reçu en sa qualité d'employé, mais le critère est le même. Il ne le reçoit en sa qualité d'employé que lorsqu'il s'agit de rémunéra- tion pour des services rendus. Tel est bien, à mon avis, le sens des expressions «au titre, dans l'occu- pation ou en vertu de la charge ou de l'emploi» utilisées dans l'alinéa 6(1)a).
Prenant tout d'abord en considération son ori- gine, l'avantage en question provient d'un legs fait par M. Ogilvy à tels employés, suivant telles modalités et en telle quantité que sanctionnera et approuvera le conseil d'administration. Dans sa fonction de sanction et d'approbation, ce n'est pas en tant que conseil d'administration de la Compa- gnie que le conseil exerce son pouvoir mais seule- ment en tant que corps désigné à cet effet par le testament et en vertu de celui-ci, et, malgré la sanction et l'approbation du conseil, le cadeau reçu par M. Phaneuf reste un cadeau du testateur. En outre, rien dans le libellé du testament ou dans son ensemble ne permet, à mon avis, de considérer l'avantage comme une récompense ou paiement de services rendus. Au contraire, les dons faits par M.
5 [1953] 1 R.C.S. 211.
6 S.R.C. 1927, c. 97.
Ogilvy aux employés de la Compagnie en 1940 et la teneur globale du testament me donnent l'im- pression que la disposition en question est simple- ment l'une de ses largesses envers ses employés en tant que personnes privées et, en aucun sens, il ne s'agit de leur rémunération pour des services rendus en tant qu'employés. A cet égard, le lord juge Jenkins, rendant son jugement dissident dans Bridges c. Hewitt', s'est ainsi prononcé aux pages 291 et 292:
[TRADUCTION] Si, en réponse aux doléances des contribua- bles, M. Frank Hornby avait, de son vivant, transféré à chacun d'eux huit mille actions de la Compagnie, ces actions pour- raient bien, dans toutes les circonstances de l'espèce, et selon les principes établis par la doctrine et la jurisprudence auxquelles je me suis référé, être à bon droit considérées comme données par M. Frank Hornby et reçues par les contribuables comme un cadeau fait en témoignage de leur longue et heureuse associa tion d'affaire avec lui, et non comme une rétribution. Si M. Frank Hornby avait, par testament, donné aux contribuables un grand nombre d'actions de la compagnie, ainsi qu'il avait promis de le faire, ces actions auraient été transférées aux contribuables purement par un acte de générosité testamentaire de la part de M. Frank Hornby et auraient été entièrement en dehors du champ des rémunérations.
L'absence, en l'espèce, de toute disposition testa- mentaire reliant le don à des services rendus ou à rendre à la Compagnie, peut être comparée au cas de l'acte dans Patrick c. Burrows 8 l'objet à atteindre dans la nomination a été exprimé dans l'acte portant donation comme:
[TRADUCTION] l'intention de garder ces actions disponibles pour répartition entre ceux des employés de la compagnie auxquels les administrateurs peuvent, de temps en temps, juger convenable de donner ou d'augmenter un droit comme actionnaires de la compagnie en considération de services passés ou futurs, et dans le but de stimuler la prospérité de ladite compagnie.
Ainsi il n'y avait rien dans le testament qui per- mette l'avantage comme une rétribution pour des services rendus.
En outre, il aurait été loisible au conseil d'admi- nistration, dans l'exercice du pouvoir à lui conféré par le testament, d'accorder sa sanction et son approbation pour certains des employés ou tous, à des conditions qui auraient fait de l'avantage une rétribution pour services rendus ou à rendre à la Compagnie; mais le conseil ne l'a pas fait. Il me paraît évident que le conseil ne s'est pas servi des
' [1957] 2 All E.R. 281.
8 (1954) 35 T.C. 138, la page 142.
relations entre employeur et employés comme base pour sanctionner et approuver la distribution des droits, même si seuls les employés pouvaient être désignés pour les acquérir, mais qu'il s'est appuyé sur un accord conclu entre les actionnaires, accord auquel la Compagnie n'était pas partie. Ce n'est pas en raison des services rendus à la Compagnie par les employés en tant que tels que l'accord a été conclu, mais en raison de leur participation et dans le but d'assurer le contrôle continu de la Compa- gnie par ses employés. C'est ce qui a déterminé le conseil pour la distribution des actions, et non pas la récompense de services rendus à la Compagnie. Le conseil a agi comme s'il avait dit: [TRADUC- TION] «Nous approuvons l'allocation du droit à des personnes qui sont parties à l'accord ou qui, dans des dispositions semblables, peuvent en devenir parties, pourvu qu'il s'agisse des actions à acqué- rir». En outre, alors que le plan de distribution était fondé, dans une certaine mesure, sur le ser vice, puisque l'accord tient compte des années de service et des salaires et gratifications gagnés, je pense qu'en l'espèce il s'agit d'une formule de référence pour la distribution, et que cette formule, en elle-même, ne peut pas donner le caractère de rétribution au droit alloué aux employés choisis dans son cadre (voir The Glenboig Union Fireclay Co., Ltd. c. The Commissioners of Inland Reve nue 9 et La Reine c. Atkins 10 ). De plus, alors que le conseil pourrait avoir espéré ou même cru que les employés recevant le droit d'acheter des actions seraient par encouragés à garder leur emploi dans la Compagnie, il n'en a jamais fait une exigence.
Enfin, du point de vue des employés, ceux-ci n'avaient pas le droit, en vertu de leur contrat d'emploi, d'acheter des actions à leur valeur nomi- nale, et ils n'avaient à rendre aucun service, en vertu du contrat, à l'employeur ou à quelqu'un d'autre, pour jouir de ce droit. Et l'employeur n'était pas non plus la source de ce droit. La défenderesse ne peut citer qu'un seul fait à l'appui de ses allégations, à savoir que les employés de Charles Ogilvy Limited sont les seuls à pouvoir jouir de ce droit; mais, à mon avis, ceci n'est qu'une condition nécessaire. C'est une circonstance
9 (1922) 12 T.C. 427.
10 [1976] C.T.C. 497, 76 DTC 6258.
spéciale de l'espèce, et elle tend à augmenter la confusion plutôt qu'à résoudre le problème. Comme le testament a limité la disposition aux seuls employés, personne ne peut profiter de cette donation ou rétribution à moins d'être un employé. Comparer Bridges c. Hewitt (supra) le lord juge Morris s'est ainsi exprimé à la page 297:
[TRADUCTION] Mais la question se pose de savoir s'il les a reçues comme une rétribution ou comme un cadeau personnel. En un sens, M. Bearsley a reçu les actions en raison de sa charge. Sans cette charge, il ne les aurait pas reçues. Mais ceci montre seulement qu'il n'aurait pas reçu les actions titre de rétribution ou de donation) s'il n'avait pas prêté service pendant plusieurs années à la compagnie, jusqu'au 30 décembre 1949.
Je dois ajouter ici que rien dans Laidler c. Perry" ne me ferait changer d'avis en l'espèce puisque, dans ledit jugement, l'employeur donnait aux employés, à l'occasion de Noël, des certificats de £10 chacun et la question essentiellement con- sistait à déterminer si, dans ce cas particulier, les conclusions des commissaires voulant que lesdits certificats fussent distribués pour service rendu et non à titre de cadeaux, étaient justifiables en droit.
En outre, mon point de vue est appuyé par celui exprimé par le lord juge Morris, qui s'est ainsi prononcé dans Bridges c. Hewitt (supra) à la page 299:
[TRADUCTION] Lorsqu'un paiement, et en particulier un paiement non périodique, est fait par une personne autre qu'un employeur, il n'a, probablement, le caractère d'une rémunéra- tion que dans les cas il est raisonnable que la rémunération provienne d'une autre source que l'employeur.
Tout bien considéré, je suis d'avis que l'avantage faisant l'objet du litige a été conféré à M. Phaneuf à titre personnel plutôt qu'en sa qualité d'employé, comme don personnel plutôt que comme rémuné- ration, et que le bénéficiaire de ce don n'est pas imposable sur le revenu.
Tenant compte de cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'énoncer ou d'examiner les autres points litigieux énumérés au début des présents motifs.
A un certain stade de sa plaidoirie, l'avocat de la défenderesse a cherché à justifier la cotisation établie en vertu du paragraphe 7(6) de la Loi,
11 [1966] A.C. 16.
mais, à mon avis, cette disposition n'est pas appli cable en l'espèce, et l'argument n'a pas été poussé plus loin.
En conséquence, l'appel réussit et est accueilli avec dépens. La nouvelle cotisation est renvoyée au Ministre qui établira une nouvelle cotisation en tenant compte du fait que M. Phaneuf n'était pas imposable sur le revenu relativement à l'avantage en question.
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