T-1648-77
Skaarup Shipping Corporation (Demanderesse)
c.
Hawker Industries Limited, Hawker Siddeley
Canada Ltd. et le navire Lionel A. Forsyth
(Défendeurs)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Halifax, le 6 septembre; Ottawa, le 26 septembre
1977.
Droit maritime — Compétence — Les défendeurs se sont
engagés à prévenir un déversement de mazout et à en assumer
la responsabilité, le cas échéant — Paiement, par la demande-
resse, du coût du nettoyage afin d'empêcher la saisie du navire
— Navire gardé en la possession des défendeurs jusqu'à ce que
la somme couvrant les réparations et le nettoyage soit déposée
— Action par la demanderesse pour recouvrer la somme versée
pour le nettoyage et pour obtenir des dommages-intérêts en
raison de la perte de revenus causée par la détention du navire
— Demande présentée par les défendeurs visant à rejeter
l'action pour défaut de compétence — Loi sur la Cour fédé-
rale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 22, 42 — Administra
tion of Justice Act, 1956, 4 & 5 Eliz. 2, c. 46, art. 1(1)n)
(R-U.) — Statut de Westminster, 1931, 22 Geo. 5, c. 4, art. 4
(R-U.) — Loi sur l'Amirauté, S.R.C. 1952, c. 1, art. 18(1) —
Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9,
art. 734, 735.
Les défendeurs sollicitent un jugement qui déclarerait que
cette cour n'a pas compétence pour connaître de la présente
action au motif qu'il n'existe aucun droit positif fédéral applica
ble en l'espèce. Le mazout contenu dans le navire de la deman-
deresse s'est déversé dans le port de Halifax lorsque le navire a
été soulevé dans le dock flottant des défendeurs. La demande-
resse a procédé au nettoyage moyennant un coût très élévé en
vue d'empêcher la saisie du navire, malgré le fait que les
défendeurs se soient engagés à prévenir un déversement de
mazout et à en assumer la responsabilité, le cas échéant. Les
défendeurs ont toutefois gardé en leur possession le navire
jusqu'à ce qu'une somme couvrant les frais de réparation et de
nettoyage et une somme additionnelle prévue pour le nettoyage
autour du dock flottant aient été déposées. La demanderesse
cherche à obtenir la somme totale versée pour le nettoyage et
les dommages-intérêts découlant de la perte de revenus essuyée
durant la période où les défendeurs ont gardé en leur possession
le navire.
Arrêt: la demande visant à rejeter l'action est accueillie. Bien
que le propriétaire du Colin Brown ait clairement été victime
d'un préjudice pécuniaire important en raison de la prétendue
négligence des défendeurs et de leur défaut d'exécuter le con-
trat, le navire lui-même n'a pas subi de dommages matériels.
Le droit maritime canadien ne donne, au propriétaire d'un
navire, aucun recours contre une personne qui répare ce navire
pour des dommages provenant de l'inexécution du contrat de
réparation ou de la négligence dans l'exécution de, ce dernier
lorsque ledit navire n'a pas subi de dommages matériels. Il
n'existe aucune loi fédérale donnant à la Cour compétence en la
matière. Prétendre que la compétence de la Cour de l'Échiquier
en matière d'amirauté issue de l'article 18(1) de la Loi sur
l'Amirauté, a été élargie par la Administration of Justice Act,
1956 de la Grande-Bretagne est contraire à l'article 4 du Statut
de Westminster, 1931 et aux principes d'interprétation des lois.
La cause d'action ne peut nullement être fondée sur les articles
734 et 735 de la Loi sur la marine marchand du Canada.
Enfin, la juridiction ne peut être conférée par le simple fait de
demander l'intérêt au taux commercial à compter de la date de
la perte.
Arrêts appliqués: Quebec North Shore Paper Co. c.
Canadien Pacifique Liée [1977] 2 R.C.S. 1054; McNama-
ra Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2
R.C.S. 654; La Reine c. Canadian Vickers Ltd., T-1453-74
(non encore publié). Distinction faite avec l'arrêt: Sivaco
Wire & Nail Co. c. Atlantic Lines, T-4371-76 (non encore
publié).
DEMANDE.
AVOCATS:
J. Murphy pour la demanderesse.
J. M. Davison, c.r., J. E. Gould et W. W.
Spicer pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Stewart, MacKeen & Covert, Halifax, pour la
demanderesse.
McInnes, Cooper & Robertson, Halifax, pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Les défendeurs sollicitent
un jugement qui déclarerait que cette cour n'a pas
compétence pour connaître de la présente action
au motif qu'il n'existe aucun droit positif fédéral
applicable en l'espèce.
Les faits essentiels, tels qu'allégués dans la
déclaration et dans l'affidavit déposé en opposition
à la requête et que je dois considérer, aux fins des
présents, comme vrais et susceptibles d'être prou-
vés, se résument comme suit. Les deux compagnies
défenderesses sont associées dans une entreprise de
réparation de navires à Halifax. Le navire défen-
deur est un dock flottant exploité par elles dans le
cadre de leur entreprise. La demanderesse est pro-
priétaire du navire Colin Brown qui a subi de forts
dommages lorsqu'il s'est échoué près de l'entrée du
port de Halifax, le 4 avril 1975. Après une opéra-
tion de sauvetage, le Colin Brown a été déplacé
vers un môle situé dans le port et des mesures ont
été prises pour qu'il soit réparé par les défendeurs.
Le Colin Brown avait encore à son bord une
certaine quantité de mazout. On prévoyait qu'au
moment de soulever le navire, le mazout se répan-
drait dans le dock flottant par les trous de carène
du navire et qu'à défaut de mesures préventives, le
mazout se déverserait dans le port par les extrémi-
tés ouvertes du dock flottant. Les défendeurs se
sont engagés à prévenir le déversement de mazout
et à en assumer la responsabilité, le cas échéant.
Les mesures prises par les défendeurs à cette fin
ont échoué. Les deux navires, soit le Colin Brown
et le Lionel A. Forsyth, seraient saisis par le
ministère des Transports s'il n'était pas procédé à
un nettoyage. Les défendeurs ont refusé d'effec-
tuer le nettoyage du port et, pour empêcher la
saisie du Colin Brown, la demanderesse a déboursé
environ $210,000 afin d'y procéder. Les répara-
tions terminées, les défendeurs ont gardé en leur
possession le Colin •Brown pour une période d'envi-
ron 30 jours; ils refusaient de le remettre jusqu'à
ce qu'une somme couvrant les frais de réparation
et de nettoyage soit déposée. A cela était ajoutée
une somme additionnelle de $165,000, versée sous
toutes réserves, pour le nettoyage à l'intérieur et
autour du dock flottant.
La demanderesse cherche à obtenir des domma-
ges-intérêts en raison de la perte de revenus
essuyée durant la période de 30 jours, une somme
globale de $374,896.02 versée pour le nettoyage,
l'intérêt au taux commercial et ses dépens. Elle
allègue, avec détails à l'appui, inexécution du con-
trat, négligence et innavigabilité du Lionel A. For-
syth. L'affidavit des défendeurs expose des faits
qui tendent à établir que le Lionel A. Forsyth n'est
pas, en fait, un navire bien qu'il soit immatriculé
conformément aux dispositions de la Loi sur la
marine marchande du Canada'.
Deux décisions récentes de la Cour suprême du
Canada 2 ont eu pour effet de contester la compé-
tence de la présente cour dans un certain nombre
de cas qui étaient autrefois généralement considé-
rés comme relevant de la compétence de la pré-
sente cour 3 en matière d'amirauté. Brièvement, la
Cour suprême a décidé que l'expression «lois du
Canada» à l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1867 se limite au droit de la
S.R.C. 1970, c. S-9.
2 Quebec North Shore Paper Company c. Canadien Pacifi-
que Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054 et McNamara Construction
(Western) Limited c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654.
3 La Compagnie Robert Simpson Montréal Limitée c. Ham-
burg-Amerika Linie Norddeutscher [1973] C.F. 1356.
Couronne dans la mesure où ce droit se rapporte à
la Couronne du chef du Canada et aux lois adop-
tées par le Parlement du Canada dans le cadre de
son pouvoir législatif. La compétence de la pré-
sente cour, créée sous l'autorité de l'article 101, se
limite à l'administration des lois du Canada aux
termes de cette définition. Le droit de la Couronne
n'entre pas en jeu dans la présente action.
Ces lois, si je comprends bien, peuvent être
intégrées au droit positif fédéral de trois façons au
moins. Le Parlement peut adopter de telles lois
expressément dans le cadre de son pouvoir législa-
tif. Il peut adopter par renvoi et insérer dans un de
ses champs de compétence législative le droit écrit
ressortissant à une autre juridiction; par exemple,
il a adopté, par le biais du paragraphe 225(5) de la
Loi de l'impôt sur le revenu'', la disposition provin-
ciale exemptant de saisie certains biens. Le Parle-
ment peut également adopter, par renvoi, le droit
non écrit qui existe dans d'autres juridictions pour
l'intégrer dans un domaine relevant de son pouvoir
législatif. En ce qui concerne le «droit maritime
canadien», le Parlement semble s'être inspiré de
ces trois façons lorsqu'il a adopté les dispositions
pertinentes de la Loi sur la Cour fédérales. Relati-
^ S.C. 1970-71-72, c. 63.
5 S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10.
2. Dans la présente loi
«droit maritime canadien» désigne le droit dont l'application
relevait de la Cour de l'L . chiquier du Canada, en sa
juridiction d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté
ou de quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si cette
Cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence
illimitée en matière maritime et d'amirauté, compte tenu
des modifications apportées à ce droit par la présente loi
ou par toute autre loi du Parlement du Canada;
22. (1) La Division de première instance a compétence
concurrente en première instance, tant entre sujets qu'autre-
ment, dans tous les cas où une demande de redressement est
faite en vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi du
Canada en matière de navigation ou de marine marchande,
sauf dans la mesure où cette compétence a par ailleurs fait
l'objet d'une attribution spéciale.
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), il
est déclaré pour plus de certitude que la Division de première
instance a compétence relativement à toute demande ou à tout
litige de la nature de ceux qui sont ci-après mentionnés:
n) toute demande née d'un contrat relatif à la construction, à
la réparation ou à l'équipement d'un navire;
veinent à ces dispositions, le juge en chef adjoint a
déclaré 6 :
A mon sens, ces dispositions législatives ont pour effet de
maintenir en vigueur le code d'amirauté que la Loi de 1891 sur
l'Amirauté avait introduit dans la législation canadienne et qui
a été appliqué ensuite par la Cour de l'Échiquier du Canada en
vertu de cette loi et de la Loi de 1934 sur l'Amirauté. Elles
visent aussi peut-être à introduire le droit maritime fondé sur
les sources de droit mentionnées dans le passage de l'ouvrage de
Mayers intitulé Admiralty Law and Practice que j'ai cité, qui
était appliqué sous le règne d'$douard III et avant les lois
promulguées par Richard II et Henry IV, qui ont été ensuite
interprétées et exécutées par les cours de common law, appli-
quant les principes de common law de manière à restreindre
sévèrement la compétence de la Cour d'Amirauté. Mais,
comme je l'ai déjà indiqué, le droit introduit par la Loi de 1891
sur l'Amirauté (Can.), à mon avis n'incluait pas le droit positif
donnant au propriétaire d'un navire un recours en matière
d'amirauté contre un charpentier pour des dommages prove-
nant de la rupture d'un contrat afférent à la construction, à
l'équipement ou à la réparation du navire. On ne m'a cité
aucune jurisprudence et je n'en ai trouvé aucune indiquant que
le droit maritime appliqué par la Cour d'Amirauté ait jamais
inclus une loi traitant des droits du propriétaire du navire
contre le charpentier en vertu d'un tel contrat, ou donnant à un
propriétaire de navire un recours en dommages-intérêts dans un
cas comme celui qui nous occupe. [C'est moi qui souligne.]
J'ai souligné la dernière phrase du passage précité
parce que l'essentiel de l'argument principal de la
demanderesse est que, dans la mesure où il est
question d'un contrat de réparation, le juge en chef
adjoint ne serait probablement pas arrivé à cette
conclusion s'il avait eu l'avantage de consulter la
jurisprudence que la demanderesse m'a citée.
En ce qui concerne l'alinéa 22(2)n), le juge en
chef adjoint a déclaré ce qui suit:
A première vue, ces termes sont assez larges pour inclure la
réclamation d'un propriétaire contre un constructeur à propos
de dommages découlant de la rupture d'un contrat afférent à la
construction ou à l'équipement d'un navire. Mais il me semble
qu'il faut lire les alinéas du paragraphe (2), qui décrivent les
catégories de demandes de la compétence de la Cour, sous la
réserve que les demandes ne sont exécutables devant la Cour
que lorsqu'elles sont fondées sur le droit maritime canadien ou
sur une autre loi fédérale, que cela soit mentionné dans le
paragraphe 22(1) ou ailleurs.
La question est de savoir si, en vertu de son
pouvoir législatif, le Parlement a adopté une loi
donnant au propriétaire d'un navire un droit d'ac-
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement
avant le le' juin 1971 reste en vigueur sous réserve des modifi
cations qui peuvent y être apportées par la présente loi ou toute
autre loi.
6 La Reine c. Canadian Vickers Limited, n° du greffe
T-1453-74, rendue le 22 juin 1977.
tion, dans un cas comme celui qui nous occupe,
contre une personne qui répare un navire. Je dois
dire immédiatement que le fait que d'une part,
l'affaire Vickers traitait d'un contrat relatif à la
construction et à l'équipement d'un navire et que,
d'autre part, la conclusion du juge en chef adjoint
à l'égard d'un contrat de réparation pourrait, à
proprement parler, être considérée comme un
obiter dictum, constitue, à mon avis, un critère de
distinction inacceptable et fort peu solide entre
cette affaire et la présente. Bien entendu, je suis au
courant que dans une autre décision récente', mon
collègue le juge Walsh a conclu que la Cour avait
compétence pour connaître d'une action relevant
du domaine des contrats ou de la responsabilité
délictuelle en raison de dommages causés à la
cargaison d'un navire; il faut cependant faire clai-
rement la distinction entre cette affaire et la
présente.
Les décisions sur lesquelles la demanderesse
s'appuie pour affirmer que le droit maritime cana-
dien, maintenu en vigueur par l'article 42 et appli-
qué par la présente cour conformément à l'article
22 de la Loi sur la Cour fédérale, régit la cause
d'action en l'espèce sont: Le Lancastrian s, Le
Rehearo 9 et Le Forfarshire 10 , toutes des actions
alléguant inexécution de contrat ou, subsidiaire-
ment, négligence, intentées par un propriétaire de
navire à l'endroit d'une personne qui répare des
navires, et Le Moorcock", Le Devon' 2 ,
L`Empress 13 et Le Grit' 4 , toutes des actions inten-
tées par un propriétaire de navire contre des pro-
priétaires ou exploitants de docks en raison de la
négligence de ces derniers. Dans chacun de ces cas,
le navire a subi des dommages matériels; dans le
cas en l'espèce, le Colin Brown n'a pas subi de
dommages matériels bien que son propriétaire ait
clairement été victime d'un préjudice pécuniaire
important en raison, est-il allégué, de la négligence
des défendeurs et de leur défaut d'exécuter le
contrat.
Sivaco Wire & Nail Co. c. Atlantic Lines, n° du greffe
T-4371-76, rendue le 11 juillet 1977.
8 (1915) 32 T.L.R. 117, confirmé ibid., à la p. 655.
9 (1933) 18 Asp. Mar. Law Cas. 422.
10 (1908) 11 Asp. Mar. Law Cas. 158.
" (1888) 13. P.D. 157.
' Z (1923) 40 T.L.R. 136.
13 [1923] P. 96.
14 [1924] P. 246.
L'argument de la demanderesse selon lequel la
déclaration révèle une cause d'action en raison des
dommages causés à un navire ou par ce dernier, ou
les deux à la fois, n'a aucune valeur. Par consé-
quent, il n'est pas nécessaire d'examiner la preuve
et les arguments invoqués à l'appui ou contre la
proposition voulant que le Lionel A. Forsyth soit,
en fait, un navire.
La demanderesse allègue en outre que si, à
l'époque, la Cour de l'Échiquier du Canada n'avait
pas la compétence nécessaire (ce qu'elle réfute),
alors elle a très certainement obtenu cette compé-
tence avec l'entrée en vigueur de la Administration
of Justice Act, 1956 15 du Royaume-Uni. Cet argu
ment est directement contraire à l'article 4 du
Statut de Westminster, 1931 16 ; cependant, il est
nécessaire d'étudier cet argument du point de vue
canadien et non britannique. En 1956, la Cour de
l'Échiquier du Canada s'est vue attribuer sa juri-
diction d'amirauté par la Loi sur l'Amirauté",
dont le paragraphe 18(1) se lit en partie comme
suit:
... cette juridiction embrasse ... les mêmes endroits, person-
nes, matières et choses que la juridiction d'amirauté actuelle-
ment possédée par la Haute Cour de Justice en Angleterre,
qu'elle existe en vertu de quelque loi ou autrement... .
L'expression «actuellement possédée» doit-elle être
interprétée comme se rapportant à l'époque où ce
paragraphe est entré en vigueur, soit en 1934, ou
cette expression fait-elle référence à toutes les
époques pendant lesquelles il est demeuré en
vigueur, ce qui aurait pour effet d'insérer l'amen-
dement britannique de 1954 dans le droit maritime
canadien? Conclure que l'amendement de 1954 y
était, serait conclure que par l'insertion des mots
«actuellement possédée» du paragraphe 18(1), le
15 4 & 5 Eliz. 2, c. 46 (R.-U.).
[TRADUCTION] 1.—( 1) La juridiction d'amirauté de la
Haute Cour est la suivante, savoir la juridiction pour enten-
dre et décider l'une quelconque des contestations ou réclama-
tions suivantes—
n) toute réclamation relative à la construction, à la répa-
ration ou à l'équipement d'un navire ou aux droits de dock;
' 6 22 Geo. 5, c. 4 (R.-U.).
4. Nulle loi du Parlement du Royaume-Uni adoptée posté-
rieurement à l'entrée en vigueur de la présente Loi ne doit
s'étendre ou être censée s'étendre à un Dominion, comme
partie de la législation en vigueur dans ce Dominion, à moins
qu'il n'y soit expressément déclaré que ce Dominion a
demandé cette loi et a consenti à ce qu'elle soit édictée.
17 S.R.C. 1952, c. 1.
Parlement avait l'intention d'arriver à une conclu
sion différente de celle du Conseil privé se rappor-
tant à un article presque identique contenu dans
les Colonial Courts of Admiralty Act, 1890 18 dans
Le Yuri Marti'''. Si le Parlement avait eu l'inten-
tion d'infirmer l'arrêt Le Yuri Maru, j'estime qu'il
aurait plutôt utilisé l'expression usuelle [TRADUC-
TION] «possédée en quelque temps que ce soit»
comme l'a proposé lord Merrivale dans cette der-
nière décision, plutôt que l'expression «actuelle-
ment possédée». Les seules causes canadiennes que
j'ai pu trouver traitant des conséquences du mot
«actuellement» dans une situation très semblable
mettait en cause une règle de la Cour du Banc de
la Reine du Manitoba qui donnait le pouvoir à un
juge des référés [TRADUCTION] «d'exercer les
fonctions ... et . les pouvoirs ... qu'exerce
actuellement ... tout juge de la Cour siégeant en
chambre des référés». On a conclu que cette règle
ne donnait pas à un juge des référés la juridiction
conférée aux juges après l'entrée en vigueur de la
loi sous l'autorité de laquelle la règle a été
édictée 20 .
L'interprétation avancée par la demanderesse, à
mon avis, n'est ni l'interprétation normale de l'arti-
cle ni l'interprétation à laquelle je suis astreint en
vertu de l'article 10 de la Loi d'intérprétation 21 . Je
serais très étonné de découvrir que le Parlement a,
après l'entrée en vigueur du Statut de Westmins-
ter, délégué au Parlement britannique le pouvoir
d'amender les lois du Canada, si ce n'est en termes
très explicites. De plus, on doit reconnaître qu'en
ces temps modernes, une déclaration par le Parle-
ment britannique selon laquelle la juridiction
18 53 & 54 Vict., c. 27 (R.-U.).
[TRADUCTION] 2... .
(2.) La juridiction s'exerce ... sur les mêmes endroits,
personnes, matières et choses que celles relevant de la juridic-
tion d'Amirauté de la High Court en Angleterre, qu'elle ait
été établie par une loi ou autrement... .
19 [1927] A.C. 906.
20 Par exemple, Watson c. Dandy (1898) 12 Man. L.R. 175.
Les règles ont subséquemment été modifiées pour refléter le
contraire. Voir Walker c. Stinson [1930] 3 D.L.R. 144.
21 S.R.C. 1970, c. I-23.
10. La loi est censée toujours parler et, chaque fois qu'une
matière ou chose est exprimée au présent, il faut l'appliquer
aux circonstances au fur et à mesure qu'elles surgissent de
façon à donner effet au texte législatif ainsi qu'à chacune de
ses parties, selon son esprit, son intention et son sens vérita-
bles. [C'est moi qui souligne.]
d'amirauté de la Haute Cour s'étend à une nou-
velle matière a simplement pour effet de renvoyer
la juridiction en cette matière d'une division de la
Haute Cour à une autre. Le Parlement canadien,
en donnant à la présente cour en sa juridiction
d'amirauté, une juridiction sur une nouvelle cause
d'action, vise à faire partager aux tribunaux qui
détiennent une compétence inhérente historique
sur cette cause d'action, une juridiction qui jus-
qu'alors leur était exclusive. Il m'est impossible
d'accueillir la prétention selon laquelle il était dans
l'intention du Parlement de parvenir à ce résultat
en se basant sur ce qui correspond, en Grande-Bre-
tagne, à une simple réorganisation du travail à
l'intérieur de la Haute Cour.
De même, la proposition selon laquelle la cause
d'action de la demanderesse serait, de quelque
façon que ce soit, fondée sur les articles 734 et 735
de la Loi sur la marine marchande du Canada qui
ne sont pas spécifiquement plaidés dans la déclara-
tion, n'a aucune valeur. Je pourrais donner un
certain nombre de raisons pour appuyer cette con
clusion, mais il suffit de dire que ces articles ont
trait à «un navire qui transporte un polluant en
vrac»; que l'expression «en vrac» a été habilement
définie par le règlement comme signifiant «une
quantité ... supérieure à 1,000 tonnes» 22 et que la
déclaration allègue qu'au moment où il s'est
échoué, le Colin Brown avait à son bord environ
674 tonnes de mazout, et que lorsqu'il a été sou-
levé dans le dock flottant, il en comptait environ
100.
Je suis également convaincu que la réclamation
de la demanderesse n'a aucunement trait à des
opérations de sauvetage et que la demanderesse ne
peut donner à cette cour une juridiction qu'elle ne
détient pas autrement en demandant simplement
[TRADUCTION] «l'intérêt ... au taux commercial à
compter de la date de la perte», un redressement
disponible dans une cour d'amirauté mais non dans
une cour de common law.
Finalement, je suis sensible aux dépenses et aux
inconvénients que doit subir un propriétaire de
navire résidant à l'étranger et tenu de satisfaire
aux lois provinciales touchant l'enregistrement des
compagnies et l'obtention de permis afin d'avoir
accès à une cour supérieure provinciale. Le souci
22 Règlement sur la Caisse des réclamations de la pollution
maritime, DORS/73-536, par. 2(2).
de commodité manifesté par le plaideur pour éviter
ces procédures ne change rien, d'une façon ou
d'une autre, à la juridiction de cette cour.
Rien dans la doctrine ou la jurisprudence citée
ou trouvée ne m'indique que le droit maritime
canadien s'applique à une action intentée par un
propriétaire de navire contre la personne qui
répare le navire en raison de l'inexécution du
contrat ou de la négligence dans l'exécution de ce
contrat, en l'absence de dommages matériels subis
par le navire en réparation. De même, je ne peux
trouver aucune loi fédérale pour appuyer la juri-
diction de la présente cour dans l'action en
l'espèce.
ORDONNANCE
La demande est accueillie avec dépens. L'action
est rejetée.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.