77-T-625
In re Jung et in re l'article 223 de la Loi de
l'impôt sur le revenu
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, les 3 et 24 octobre 1977.
Pratique — Refus de la Cour d'enregistrer le certificat du
Ministre produit pour l'enregistrement en vertu de l'art. 223 de
la Loi de l'impôt sur le revenu — Libellé incorrect — Si le
libellé est correct, y a-t-il obligation d'enregistrer ou la per-
sonne lésée a- t- elle la possibilité de s'opposer à l'enregistre-
ment? — Les conditions préalables à l'enregistrement doivent-
elles être présentées lors de l'enregistrement? — Loi de l'impôt
sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 223.
Il s'agit d'un avis de requête ex parte introduit par le
ministre du Revenu national pour obtenir des directives concer-
nant l'enregistrement d'un certificat produit conformément à
l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le certificat
présenté a été refusé par l'Administrateur de la Cour par suite
de la décision La Reine c. Star Treck Holdings Ltd. concernant
le libellé du certificat. D'autres questions importantes ont été
soulevées. Est-on tenu d'enregistrer un certificat en bonne et
due forme ou la personne lésée a-t-elle en premier lieu la
possibilité de s'opposer à l'enregistrement? En outre, quand un
certificat en bonne et due forme est produit pour enregistre-
ment, doit-il être accompagné par la preuve de la réalisation
des conditions préalables à l'exercice du pouvoir ministériel?
Arrêt: le certificat dans la forme actuelle ne peut être
enregistré. L'incorporation d'un intitulé de cause, comparable à
celui utilisé dans une déclaration, ainsi que l'utilisation d'une
phraséologie donnant à entendre que le document a été émis
par la Cour et qu'il ne s'agit pas simplement d'un certificat
délivré par le Ministre ou un fonctionnaire du Ministère auto-
risé à le faire, sont inexactes et trompeuses, ce qui justifie le
rejet d'un certificat présenté sous cette forme lorsqu'il est
produit pour enregistrement. Un certificat produit dans la
forme appropriée en vertu de l'article 223(2) doit être obligatoi-
rement enregistré. Il est présumé que les conditions préalables à
l'établissement du certificat par le Ministre ont été remplies et
à première vue ce certificat doit être pris comme s'il avait été
établi correctement et en conséquence doit être accepté pour
être enregistré sur production, mais la personne touchée d'une
façon défavorable peut toujours réfuter cette présomption au
cours d'une audience ultérieure.
Arrêt appliqué: R. c. Star Treck Holdings Ltd. [1978] 1
C.F. 61.
AVIS de requête.
AVOCATS:
E. Bowie pour le ministre du Revenu national.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
ministre du Revenu national.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Il s'agit d'un avis de
requête ex parte introduit par le ministre du
Revenu national pour obtenir des directives con-
cernant l'enregistrement du certificat mentionné
dans l'intitulé ci-dessus que l'Administrateur de la
Cour a refusé d'enregistrer sans aucun doute par
suite de ma décision dans La Reine c. Star Treck
Holdings Ltd.'
Dans Star Treck, une demande avait été formée
pour obtenir la rectification d'une erreur dans un
certificat émis par le Ministre et produit en vertu
de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu,
lequel avait été enregistré.
J'ai refusé d'autoriser cette rectification parce
que le certificat n'est pas un jugement ni ne
devient un jugement de la présente cour à la suite
de son enregistrement, mais reste plutôt ce qu'il a
toujours été, simplement un certificat du Ministre,
même si l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le
revenu prévoit qu'un tel certificat, une fois enregis-
tré, a la même force et le même effet, et que toutes
les procédures peuvent être engagées à la faveur de
ce certificat comme s'il était un jugement obtenu
de la présente cour.
Dans ces conditions, rien dans les Règles de la
Cour fédérale et dans la Loi de l'impôt sur le
revenu n'autorise un juge de la présente cour à
ordonner la rectification d'une erreur dans un
certificat déjà enregistré. Telle était la ratio
decidendi.
Cependant, j'ai effectivement ajouté que, lors-
que le Ministre, ainsi que les fonctionnaires de son
Ministère auxquels il peut déléguer ses pouvoirs à
cet égard, sont armés de ces pouvoirs extraordinai-
res, ils doivent les exercer avec prudence et
exactitude.
J'ai également dit que le libellé du certificat
utilisé, et la même observation s'applique au certi-
ficat actuellement considéré, était cousu d'inexac-
titudes.
Sans vouloir être exhaustif, j'ai signalé dans
cette décision que les certificats citaient la cause
1 [19781 1 C.F. 61.
comme étant entre Sa Majesté la Reine, la deman-
deresse, et la(les) personne(s) désignée(s) comme
partie(s) défenderesse(s).
Dans le certificat actuellement considéré, la
même inexactitude apparaît. La Reine est citée
comme demanderesse et Taehoon Jung, domicilié
au 26, rue Courtwright, de la municipalité d'Etobi-
coke (Ontario), est désigné comme défendeur.
L'expression «Sa Majesté la Reine» est imprimée
dans la formule, ce qui est révélateur de la perma
nence de la pratique adoptée par le Ministère, et le
nom du défendeur est dactylographié dans l'espace
en blanc réservé à cet effet.
Comme je l'ai signalé dans Star Treck, aucune
disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la
Loi sur la Cour fédérale, et des Règles de la Cour
fédérale ou autre disposition législative ne trans-
forme en une action ce qui n'en est pas une et il
n'est pas censé y avoir une action entre les parties
ainsi désignées.
En fait il n'y a pas d'action au sens donné de ce
mot, car il n'existe pas, entre les parties désignées,
de procédure devant la Division de première ins
tance, et utiliser la formule prescrite par les Règles
de la Cour fédérale pour servir d'intitulé à une
action entre des parties devant la Cour constitue
par conséquent une erreur flagrante. C'est confon-
dre le certificat avec une procédure par voie d'ac-
tion et présenter le certificat pour ce qu'en fait il
n'est pas.
En outre, au tout début de la formule de certifi-
cat est imprimée en grandes capitales la mention
«EN LA COUR FEDERALE DU CANADA»
suivie des mots «DIVISION DE PREMIÈRE INS
TANCE» en petites capitales et ensuite sont impri-
més les mots «N° DU GREFFE» avec un espace
suffisant pour inscrire le n° du greffe attribué à
l'action.
Ce n'est pas un document émis par la Cour.
C'est un certificat préparé par le Ministre ou ses
fonctionnaires qui ont reçu délégation pour l'éta-
blir. A la suite de l'enregistrement, le certificat
peut être examiné par le public. Le document
semble avoir été imprimé de façon à donner à la
personne non avertie ou au profane qui pourrait en
prendre connaissance, l'impression inexacte que ce
document provient de la Cour. Il n'existe pas de loi
ou de règle qui autorise le Ministre ou des fonc-
tionnaires de son Ministère à émettre des docu
ments au nom de la Cour.
De plus le certificat a été préparé de manière à
permettre l'apposition de la signature au-dessus du
titre imprimé, «Directeur, Division des recouvre-
ments du ministère du Revenu national, Impôt«.
Le titulaire de ce poste est sans aucun doute un
fonctionnaire du Ministère et il n'est pas un fonc-
tionnaire de la présente cour autorisé à signer un
tel document dans l'exercice de ses fonctions.
Dans Star Treck j'ai suggéré que la mise en
évidence des mots «EN LA COUR FÉDÉRALE
DU CANADA» soit abandonnée, et également
que le certificat délivré par le Ministre soit
adressé, «À LA COUR FÉDÉRALE DU
CANADA» ainsi qu'à la Division appropriée de la
Cour. En y réfléchissant, je ne pense pas qu'il soit
nécessaire de l'adresser à une personne déterminée,
mais si cela doit se faire, il serait préférable de
l'adresser à la Cour.
Il ne fait aucun doute que le rédacteur de la
formule de certificat a adapté l'intitulé figurant
dans les formules 1 et 2 se trouvant à l'annexe 1
des Règles de la Cour fédérale. Ces formules
déterminent le nom approprié pour chaque Divi
sion ainsi que l'intitulé de la cause qui doit figurer
sur la déclaration.
Du fait qu'il n'existe ni déclaration ni cause
d'action dans des affaires comme celle-ci, l'adop-
tion par analogie de ces formules ne se justifie pas
et est des plus absurdes.
L'avocat du Ministre reconnaît le bien-fondé de
mes critiques, dans ces deux cas particuliers, rela-
tivement au libellé du certificat utilisé.
Dans Star Treck, je n'ai pas conclu à la nullité
de l'enregistrement d'un certificat ainsi libellé bien
que le libellé du certificat soit inapproprié, grossiè-
rement erroné et inexact. Dans cette même affaire,
j'ai suggéré l'adoption d'une formule appropriée
concernant les deux cas particuliers ci-dessus men-
tionnés, suggestion que l'avocat du Ministre a
également approuvée. Ces seuls faits sont suffi-
sants pour refuser d'ordonner à l'Administrateur
d'accepter sous sa forme actuelle le certificat pro-
duit pour enregistrement.
Cette conclusion dispose de la présente demande
en autant que le certificat produit pour enregistre-
ment n'a pas été modifié, comme il a été men-
tionné ci-dessus; cependant il reste à statuer sur
une question bien plus importante, à savoir si l'on
est tenu d'enregistrer avec tous les effets qui y sont
rattachés, le certificat produit pour enre41 trement
et modifié de la manière indiquée, ou s'il est laissé
à la personne lésée la possibilité de s'opposer à ce
moment-là à l'enregistrement.
Les Règles de la Cour fédérale sort silencieuses
à ce sujet.
Si la personne lésée a le droit de s'opposer à
l'enregistrement, les règles actuelles prévoient que
la demande d'enregistrement doit être formée au
moyen d'un avis de requête appuyé par un affida
vit approprié établissant que toutes les conditions
préalables à l'enregistrement ont été remplies et la
partie adverse peut contre-interroger l'auteur de
l'affidavit déposé à l'appui de la r-' uête et peut
déposer un affidavit en réponse.
En présumant toujours que l'avis de requête est
la condition nécessaire à l'enregistrement, la pro-
cédure appropriée, concernant l'enre:nstrement des
certificats du Ministre en vertu de l'article 223 de
la Loi de l'impôt sur le revenu, devrait se faire au
moyen d'un avis introductif de requête présenté en
vertu de la Règle 304(1), lequel avis doit, en vertu
de cette règle, être signifié personnellement à la
personne intéressée et, dans cette éventualité, je
doute qu'il soit possible de recourir à la Règle 324
pour trancher la question sur la base d'observa-
tions écrites sans comparution en personne.
L'article 223 se lit comme suit:
223. (1) Un montant payable en vertu de la présente loi qui
est impayé, ou le solde d'un montant payable ea vertu de la
présente loi, peut être certifié par le Ministre,
a) lorsqu'un ordre a été donné par le Ministre en vertu du
paragraphe 158(2) immédiatement après cet ordre, et
b) dans les autres cas, à l'expiration d'une période de 30
jours après le manquement.
(2) Sur production à la Cour fédérale du Canada, un certifi-
cat fait sous le régime du présent article doit être enregistré à
cette cour et, lorsqu'il est enregistré, il a même force et le
même effet, et toutes les procédures peuvent être engagées à la
faveur de ce certificat comme s'il était un jugement obtenu de
cette cour pour une dette du montant spécifié dans le certificat,
plus l'intérêt couru jusqu'à la date du paiement ainsi qu'il est
prescrit dans la présente loi.
(3) Tous les frais et dépens raisonnables se rattachant à
l'enregistrement du certificat sont recouvrables de la même
manière que s'ils avaient été certifiés et que le certificat eût été
enregistré sous le régime du présent article.
En vertu du paragraphe (1), le Ministre doit
certifier le montant exprimé en somme d'argent,
payable en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu
et qui doit comprendre toutes les cotisations d'im-
pôt, les intérêts accumulés conformément à la Loi,
les pénalités imposées, les frais et autres montants
similaires ou le montant partiel qui reste à verser.
C'est la certification que le Ministre est tenu
d'établir. En conséquence, le restant du libellé du
certificat, c'est-à-dire l'intitulé de la cause et le
nom de la Cour auprès de laquelle le certificat doit
être produit, sont simplement des mots superflus
qui n'affectent pas la validité du certificat pourvu
que l'élément essentiel s'y trouve, à savoir la certi
fication du montant payable et impayé. Cela ne
diminue en rien la portée de ma conclusion suivant
laquelle l'incorporation d'un intitulé de cause,
comparable à celui utilisé dans une déclaration,
ainsi que l'utilisation d'une phraséologie donnant à
entendre que le document a été émis par la Cour et
qu'il ne s'agit pas simplement d'un certificat déli-
vré par le Ministre ou un fonctionnaire du Minis-
tère autorisé à le faire, sont inexactes et trompeu-
ses, ce qui justifie le rejet d'un certificat présenté
sous cette forme lorsqu'il est produit pour
enregistrement.
Cependant une question bien plus importante
doit être prise en considération, à savoir si un
certificat en bonne et due forme produit pour
enregistrement doit être accompagné par la preuve
de la réalisation des conditions préalables à l'exer-
cice du pouvoir ministériel prévu à l'article
223(1)a) ou b).
Si oui, je suis d'avis qu'une simple déclaration
annexée au certificat indiquant soit qu'un avis de
cotisation a été expédié par la poste au contribua-
ble à une date déterminée, soit que les trente jours
qui suivent la date de l'expédition par la poste de
l'avis de cotisation sont expirés et que l'intégralité
de la cotisation n'a pas été versée ou qu'une partie
reste à payer, ou soit que le Ministre était d'avis
que le contribuable tentait d'éluder le paiement
des impôts et a ordonné que tous les impôts,
pénalités et intérêts soient payés immédiatement
sans attendre l'expiration des trente jours de grâce
qui suivent la date de l'expédition par la poste de
l'avis de cotisation, lesquelles indications sont les
conditions préalables à la délivrance du certificat
par le Ministre, ne serait pas suffisante. La preuve,
si elle est requise pour l'enregistrement, devrait
être faite au moyen d'un affidavit.
Dans Le Syndicat canadien de la Fonction
publique, Local 660 c. La Société Radio-Canada
[1976] 2 C.F. 151, mon collègue Walsh a eu
l'occasion d'étudier un problème analogue soulevé
à la suite du dépôt et de l'enregistrement d'une
ordonnance d'un conseil d'arbitrage effectués con-
formément à l'article 159 du Code canadien du
travail (S.R.C. 1970, c. L-1, modifié par S.C.
1972, c. 18).
L'article 159 se lit comme suit:
159. (1) Lorsqu'une personne ou une association ne s'est pas
conformée à une ordonnance ou décision d'un arbitre ou d'un
conseil d'arbitrage, toute personne ou association concernée par
l'ordonnance ou la décision peut, après l'expiration d'un délai
de quatorze jours à partir de la date de l'ordonnance ou de la
décision ou de la date d'exécution qui y est fixée, si celle-ci est
postérieure, déposer à la Cour fédérale du Canada une copie du
dispositif de l'ordonnance ou de la décision.
(2) Dès son dépôt à la Cour fédérale du Canada effectué en
vertu du paragraphe (1), une ordonnance ou une décision d'un
arbitre ou d'un conseil d'arbitrage doit être enregistrée à la
Cour et cet enregistrement lui confère la même force et le
même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de la
Cour et toutes les procédures y faisant suite peuvent dès lors
être engagées en conséquence.
La question de la validité de l'enregistrement
d'une sentence arbitrale censée être enregistrée
auprès de cette cour en vertu de l'article 159 a été
soulevée devant le juge Walsh.
Il a été soutenu au nom des requérants qu'en
vertu de l'article 159(2) aucun avis préalable à la
partie adverse intéressée n'était nécessaire pour
l'enregistrement.
Le juge Walsh en a décidé autrement.
A son avis, l'article 159(2) doit être lu avec
l'article 159(1), lequel prévoit qu'à l'expiration du
délai de 14 jours à partir de la date de la décision
du Conseil et lorsque la personne ne s'est pas
conformée à l'ordonnance du Conseil, la personne
en faveur de laquelle l'ordonnance a été rendue
peut déposer aux fins d'enregistrement une copie
de l'ordonnance du Conseil pour qu'elle soit
enregistrée.
Plus loin il a déclaré que le défaut de se confor-
mer à l'ordonnance du Conseil était une condition
préalable au dépôt pour l'enregistrement.
Le juge Walsh a fait observer [aux pages 152-
153] que:
La Règle 321 des Règles de la Cour fédérale dit clairement que
sauf dans les cas où on peut présenter des requêtes ex parte, les
requêtes doivent être signifiées aux autres parties au moins
deux jours francs avant l'audition, sauf si la Cour accorde une
permission spéciale à l'effet contraire. Conformément à la
Règle 319 la requête doit être appuyée par un affidavit certi-
fiant tous les faits sur lesquels se fonde la requête sauf ceux qui
ressortent du dossier; une partie adverse peut déposer un affida
vit en réponse et, avec la permission de la Cour, un témoin peut
être appelé à témoigner relativement à une question de fait
soulevée dans une requête.
Il a continué comme suit [à la page 153]:
Bien que la requête visant notamment à l'enregistrement de
la sentence arbitrale ait été accompagnée d'un affidavit expo-
sant que l'intimée ne s'était pas entièrement conformée à la
sentence, on n'a pas précisé à quelle stipulation on a dérogé; de
plus, la requête n'a pas été signifiée aux adversaires avant son
enregistrement afin de permettre à l'intimée de réfuter l'accu-
sation. Il s'agit d'une dérogation à la Règle 321 de la Cour
fédérale et au principe fondamental d'équité audi alteram
partem. La preuve qu'on ne s'est pas conformé à la sentence
arbitrale est une condition essentielle à son enregistrement à
cette cour.
Après avoir annulé et radié l'enregistrement de
l'ordonnance du conseil d'arbitrage il a conclu
comme suit [à la page 153]:
Cependant, il appartiendra au juge saisi de la requête, si elle est
de nouveau présentée après avoir été dûment signifiée, de juger
si sa décision portant sur les dérogations à la sentence et sur son
enregistrement doit s'appuyer uniquement sur des affidavits ou
également sur des témoignages.
Dans Fraternité internationale des ouvriers en
électricité, section locale 529 c. Central Broad
casting Company Ltd. ([1977] 2 C.F. 78), une
demande m'a été présentée pour que l'ordonnance
du Conseil canadien des relations du travail, dépo-
sée unilatéralement et par la suite enregistrée le 12
mars 1975 en vertu de l'article 123 du Code
canadien du travail sans qu'un avis n'ait été signi-
fié à la partie concernée, soit enregistrée conformé-
ment à la requête couramment introduite (ledit
avis de requête ayant été signifié dans ce but et
pour d'autres fins) avec effet rétroactif au 12 mars
1975 si le nouvel enregistrement devait être requis
en même temps que beaucoup d'autres demandes
de redressement.
Le redressement réclamé dans l'avis de requête
pour que l'enregistrement de l'ordonnance du Con-
seil ait un effet rétroactif, s'inspirait de la décision
du juge Walsh dans Le Syndicat canadien de la
Fonction publique, Local 660 c. La Société
Radio-Canada (supra).
Les articles 123 et 159 du Code canadien du
travail sont identiques à l'exception de différences
mineures dictées par les nécessités du sujet et la
décision du juge Walsh est une interprétation qui a
autant de valeur pour l'un que ;' four l'autre article.
J'ai été appelé à statuer sur la validité du dépôt
et de l'enregistrement de l'ordonnance du Conseil
et, en me fondant sur la décision de mon collègue
Walsh, j'ai annulé le dér®;t de l'ordonnance ainsi
que son enregistrement ultérieur.
J'ai également refusé de modifier l'ordonnance
du Conseil pour indiquer un délai d'exécution et
pour ordonner l'enregistrement de l'ordonnance
conformément à la requête parce que l'ordonnance
du Conseil était conditionnelle et n'avait pas un
caractère définitif et également parce que l'ordon-
nance était tellement inexplicite à d'autres égards
qu'on ne pouvait pas déterminer la nature des
actes à accomplir. J'ai refusé une ordonnance d'in-
carcération ainsi qu'une demande d'autorisation
d'émettre un bref de séquestration, mais en plus de
tous ces motifs j'ai refusé le redressement réclamé
pour le motif principal qu'aucune ordonnance du
Conseil n'avait été déposée et enregistrée en tant
qu'ordonnance de la présente cour à exécuter.
Il existe des ressemblances et des dissemblances
frappantes du point de vue des buts recherchés
ainsi que des termes utilisés dans les articles 123 et
159 du Code canadien du travail et dans l'article
223 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
La condition préalable à l'application des arti
cles 123 et 159 du Code canadien du travail est
l'omission de se conformer à une ordonnance du
Conseil dans un délai de quatorze jours à partir de
la date de l'ordonnance. Lorsque cette condition
existe, une personne concernée par l'ordonnance
du Conseil peut déposer à la Cour fédérale du
Canada une copie de l'ordonnance. En vertu du
paragraphe (1) de l'article 223 de la Loi de l'impôt
sur le revenu le Ministre peut certifier qu'un mon-
tant payable en vertu de la Loi n'a pas été payé,
lorsque le Ministre a donné une directive en vertu
de l'article 158(2) ou dans les autres cas, à l'expi-
ration d'une période de trente jours après le
manquement.
L'avocat du requérant m'a renvoyé à la décision
de mon collègue Mahoney dans In re Anishenineo
Piminagan Inc. [1978] 1 C.F. 642, probablement
comme une décision faisant jurisprudence au sujet
de l'allégation que, par analogie, l'article 223 de la
Loi de l'impôt sur le revenu prévoit une procédure
pour l'enregistrement du certificat du Ministre
auprès de la Cour fédérale.
Si cela était le but de la décision précitée du
juge Mahoney, si je l'ai bien comprise, je ne pense
pas qu'elle fasse jurisprudence pour ladite alléga-
tion.
Le juge Mahoney avait à statuer sur l'annula-
tion ou la suspension de l'exécution d'une ordon-
nance rendue par la Commission canadienne des
transports. Une copie de l'ordonnance avait été
enregistrée à la présente cour, en application des
paragraphes (1), (2) et (3) de l'article 61 de la Loi
nationale sur les transports, avec tous les effets de
droit qui s'ensuivent.
En vertu de l'article 61(1), une ordonnance
rendue par la Commission peut être déclarée une
ordonnance de la Cour fédérale du Canada ou de
toute cour supérieure d'une province du Canada et
être exécutée de la même manière qu'une ordon-
nance de la Cour.
Le paragraphe (2) de l'article 61 prévoit la
procédure à suivre pour faire de l'ordonnance de la
Commission, une ordonnance de la Cour et il
existe deux procédures: (1) la pratique et la procé-
dure coutumières de la Cour en ces matières peu-
vent être suivies, ou (2) pour y suppléer, le secré-
taire peut faire une copie certifiée de l'ordonnance
de la Commission, sur laquelle doit être inscrite,
sous le seing du président et le sceau officiel de la
Commission, une mention aux fins de faire de
l'ordonnance de la Commission une ordonnance de
la Cour fédérale.
Dans cette dernière éventualité, le secrétaire
peut, en vertu du paragraphe (3), transmettre cette
copie certifiée, portant la mention susdite, à l'offi-
cier compétent de la présente cour et l'ordonnance
de la Commission devient dès lors une ordonnance
de cette cour.
La Commission a décidé d'appliquer la
deuxième procédure et les personnes qui ont pris
cette décision, ont été sages de suivre cette voie.
Aucune règle de la Cour ne traite spécifiquement
de ces questions et peut-être bien qu'il n'existe pas
de «pratique et ... procédure coutumières» de la
Cour ou, s'il en existe, ce serait celles qui, selon la
conclusion du juge Walsh, s'appliquent au dépôt et
à l'enregistrement d'une ordonnance d'un conseil
en vertu de l'article 159 du Code canadien du
travail, c'est-à-dire au moyen d'un avis de requête
présenté en vertu des Règles 319 et 321.
L'article 61 de la Loi nationale sur les trans
ports diffère considérablement de l'article 223 de
la Loi de l'impôt sur le revenu. Bien que le juge
Mahoney n'ait pas fondé sa décision sur cet argu
ment, l'ordonnance de la Commission canadienne
des transports présentée en vertu de l'article 61
devient une ordonnance de cette cour tandis
qu'une ordonnance déposée et enregistrée en vertu
des articles 123 et 159 du Code canadien du
travail ainsi qu'un certificat visé à l'article 223 de
la Loi de l'impôt sur le revenu ne le deviennent
pas.
Dans M.R.N. c. Bolduc ([1961] R.C.É. 115), le
juge Thurlow (maintenant juge en chef adjoint) a
bien clarifié cette question lorsqu'il a déclaré qu'en
fait un certificat n'est pas un jugement de la Cour
ni ne le devient à la suite de son enregistrement,
mais il reste simplement un certificat, quoiqu'il
soit d'une nature unique, en vertu duquel les procé-
dures autorisées par la Loi de l'impôt sur le revenu
peuvent être prises.
Le juge Mahoney a déclaré [aux pages 648-649]:
L'ordonnance du Parlement déclarant une ordonnance de la
CCT une ordonnance de la Cour, en application de l'article 61
de la Loi nationale sur les transports, est tout à fait différente
de celle prescrivant de donner des effets semblables aux ordon-
nances rendues en application des articles 123 et 159 du Code
canadien du travail. Il n'est pas nécessaire d'examiner ici
l'importance de la distinction, le cas échéant, entre, d'une part,
le paragraphe 61(3) de la Loi nationale sur les transports,
d'après lequel une ordonnance rendue par la CCT, une fois
déposée dans les archives de la Cour (devient dès lors et
constitue, l'ordonnance de cette cour, et, d'autre part, les
dispositions spéciales du Code canadien du travail d'après
lequel l'enregistrement confère à l'ordonnance da même force
et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de
... [cette] Cour.. Le Code canadien du travail ne prescrit
aucune mesure spéciale pour la procédure de l'enregistrement.
Dans ce cas, les procédures de la Cour doivent prévaloir, et les
effets sont les mêmes que ceux indiqués dans les décisions citées
en référence. L'article 61 de la Loi nationale sur les transports
a, cependant, prescrit des règles de procédure. La CCT peut ou
bien suivre da pratique et la procédure coutumières. de la
Cour, ou bien appliquer la procédure qu'elle a suivie dans
l'espèce. Le Parlement a, en termes clairs, reconnu à la CCT un
droit d'option et il ne serait pas raisonnable de soutenir qu'en
choisissant la deuxième alternative, elle reste liée par les exi-
gences de la première.
En des termes non équivoques, le Parlement a prescrit des
procédures pour faire des ordonnances rendues par la CCT des
ordonnances de la Cour, lesquelles procédures, à la différence
de celles de la Cour, ne requièrent pas le respect du principe
audi alteram partem. Ces procédures ont été rigoureusement
appliquées en l'espèce et, en conséquence, l'ordonnance n'est
pas plus passible d'annulation qu'elle l'aurait été si elle avait été
enregistrée suivant da pratique et la procédure coutumières, de
la Cour. La requête aux fins d'annulation de l'ordonnance sera
rejetée ....
Ayant ainsi réglé le problème concernant l'an-
nulation de l'ordonnance, il s'est alors occupé de la
requête subsidiaire visant à faire suspendre l'exé-
cution de l'ordonnance et son raisonnement à cet
égard n'a point d'application dans la présente
requête.
En conséquence, je reviens au problème des
ressemblances et dissemblances entre l'article 159
du Code canadien du travail lequel a été l'objet de
la décision du juge Walsh dans Le Syndicat cana-
dien de la Fonction publique, Local 660 c. La
Société Radio-Canada (supra) et l'article 123 du
Code canadien du travail, lequel a été l'objet de la
décision Fraternité internationale des ouvriers en
électricité, section locale 529 c. Central Broad
casting Company Ltd. (supra), d'une part, et l'ar-
ticle 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, d'autre
part, pour déterminer si ces décisions peuvent s'ap-
pliquer à la production et à l'enregistrement d'un
certificat du Ministre établi en vertu de l'article
223 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Les lois doivent être interprétées de manière à
réaliser l'intention énoncée par les mots utilisés
dans la loi. Il ne faut pas considérer les mots du
point de vue abstrait mais plutôt rechercher le but
et l'objet de la loi pour découvrir l'intention du
législateur.
Les paragraphes (2) des articles 123 et 159 du
Code canadien du travail prévoient qu'à la suite
du «dépôt» d'une copie d'une ordonnance du Con-
seil en vertu du paragraphe (1), l'ordonnance du
Conseil doit être enregistrée et à la suite de cet
enregistrement cette ordonnance a la même force
et le même effet, et toutes les procédures lui
faisant suite peuvent être engagées comme s'il
s'agissait d'un jugement émanant de la Cour.
Le paragraphe (2) de l'article 223 de la Loi de
l'impôt sur le revenu prévoit que «Sur production»
auprès de la Cour fédérale, le certificat du Minis-
tre doit être enregistré et lorsqu'il est enregistré il
doit avoir la même force et le même effet, et toutes
les procédures peuvent être engagées à la faveur de
ce certificat comme si le certificat était un juge-
ment obtenu auprès de la Cour pour une dette au
montant certifié par le Ministre, plus l'intérêt jus-
qu'à la date du paiement comme prévu dans la Loi
de l'impôt sur le revenu.
Dans l'article du Code canadien du travail,
l'expression utilisée est «Dès son dépôt» tandis que
ns l'article de la Loi de l'impôt sur le revenu,
l'expression est «Sur production». Suivant mon
interprétation le terme «déposer» veut dire placer
un document dans les registres de la Cour et le
terme «produire» signifie présenter pour fins de
vérification ou d'examen.
A toutes fins pratiques, il semblerait que les
expressions «Dès son dépôt» et «Sur production»
ont essentiellement le même sens, sauf que l'ex-
pression «Sur production» implique une vérification
et si, à la suite de sa vérification, le certificat ainsi
produit, indépendamment de la teneur de son
texte, révèle des inexactitudes manifestes, comme
la possibilité d'être interprété comme un document
émis par la Cour bien qu'il ne le soit pas et qu'il
renvoie à une cause d'action inexistante, de telles
inexactitudes constituent alors un motif pour le
rejet d'un certificat produit de cette manière et j'ai
conclu en ce sens.
L'objet du Code canadien du travail peut être
recueilli, en des termes généraux, du préambule
qui reconnaît la liberté d'association pour les
employés ainsi que pour les employeurs et le prin-
cipe de libres négociations collectives comme fon-
dements de relations industrielles fructueuses per-
mettant d'établir de bonnes conditions de travail et
de saines relations du travail.
Le Code canadien du travail, étant un code,
renferme ensuite des dispositions particulières en
vue de réaliser l'objectif général exprimé dans le
préambule, comme la détermination des unités
habiles à négocier, l'accréditation des unités de
négociation ainsi que l'audition et le règlement de
plaintes, différends et allégations de pratiques
déloyales.
Un conseil est créé par la Loi pour réaliser ces
buts.
Toute ordonnance ou décision du Conseil est
définitive et ne peut être mise en question devant
un tribunal ni révisé par un tribunal, si ce n'est
conformément à l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale.
De la nature même de ses pouvoirs et fonctions,
les ordonnances et les décisions du Conseil seront
données pour faire exécuter des dispositions du
Code par une partie.
En conséquence, l'ordonnance enjoindra presque
toujours à une personne d'accomplir un acte déter-
miné ou de s'en abstenir. L'ordonnance a un carac-
tère positif en ce sens qu'elle enjoint à une per-
sonne de faire quelque chose, comme ordonner à
un employeur de réintégrer un employé congédié
et autre chose du même genre.
Dans Fraternité internationale des ouvriers en
électricité, section locale 529 c. Central Broadcast
ing Company Ltd. (supra) ces considérations m'ont
conduit à déclarer ce qui suit aux pages 81-82:
L'intention exprimée par le législateur dans le paragraphe
(2) de l'article 123 est fort claire: lorsqu'une ordonnance du
Conseil a été enregistrée, elle a, aux fins d'exécution, la même
force et le même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant
de ce Conseil, car tous les brefs qui peuvent servir à l'exécution
d'une ordonnance de cette Cour s'appliquent également à celle
d'une ordonnance du Conseil, lorsque celle-ci a été enregistrée
conformément aux dispositions de l'article.
L'article l23 figure, ainsi que l'article 122, dans la rubrique
gRevision et mise à exécution des ordonnances». A mon avis, il
ne convient pas de traiter ladite rubrique comme une note
marginale ou simplement comme une classification de textes
législatifs. A mon avis, elle constitue une partie importante de
la loi elle-même, et elle peut être considérée non seulement
comme expliquant les articles suivants, comme un préambule,
mais comme offrant pour leur interprétation une bien meilleure
clef que ne le serait un simple préambule.
C'est cette raison, ajoutée aux termes employés dans l'article,
qui m'amène à conclure que l'article 123(2) a été inséré dans la
loi aux fins de prévoir l'exécution des ordonnances du Conseil
par les brefs de la Cour, le Code canadien du travail ne
fournissant au Conseil aucun moyen analogue pour faire exécu-
ter ses ordonnances. Telle est l'obligation que l'article 123(2)
impose à cette Cour. Cela étant, les ordonnances du Conseil
doivent être rédigées en des termes aussi précis que celles
rendues par les juges de cette Cour et aussi être conçues de
manière à pouvoir être exécutées par les procédés normaux de
cette Cour.
Pour l'exécution de ces ordonnances ou déci-
sions, les brefs habituellement utilisés par la pré-
sente cour sont l'ordonnance d'incarcération en cas
d'inexécution et le bref de séquestration visant des
biens.
Avant toute ordonnance ou décision du Conseil,
il y a audition devant ce tribunal. Les principes de
justice naturelle, particulièrement la notification
des parties ainsi que la possibilité d'être entendu
devront être suivis au cours de cette quasi-action
entre des quasi-parties, sinon on pourra avoir
recours à l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale.
Du fait qu'il n'existe pas de dispositions dans le
Code pour l'exécution des ordonnances du Conseil,
les articles 123 et 159 prévoient l'enregistrement
de l'ordonnance auprès de la présente cour, après
quoi l'ordonnance peut être exécutée de la même
façon qu'une ordonnance de la présente cour.
En vertu desdits articles 123 et 159, la condition
préalable à cet enregistrement est l'inobservation
de l'ordonnance ou de la décision par la partie qui
est tenue d'agir dans un délai de quatorze jours à
partir de la date de l'ordonnance du Conseil ou de
la date d'exécution qui y est fixée. Si cette condi
tion se réalise, l'autre partie peut déposer une
copie de l'ordonnance ou de la décision du Conseil
et, à la suite de l'enregistrement, les conséquences
prévues au paragraphe (2) de ces articles prennent
effet.
Le point principal de la décision du juge Walsh
dans Le Syndicat canadien de la Fonction publi-
que, Local 660 c. La Société Radio-Canada
(supra), de la façon dont je l'analyse, est que la
question de savoir s'il y a eu inobservation d'une
ordonnance du Conseil dans le délai fixé, est une
question susceptible d'être réglée par les voies de
justice. Ceci étant, les principes de justice natu-
relle s'appliquent, particulièrement l'obligation de
donner avis et la possibilité d'être entendu.
La seule procédure possible pour l'obtenir en
vertu des Règles de la Cour fédérale, laquelle
serait «la pratique et la procédure coutumières de
[la Cour]', se ferait au moyen d'un avis de requête
présenté en vertu de la Règle 321 et de la Règle
319. Le juge Walsh a conclu que c'était la procé-
dure appropriée à suivre et le défaut de suivre cette
procédure entraînait l'annulation de l'enregistre-
ment de l'ordonnance.
Dans Fraternité internationale des ouvriers en
électricité c. Central Broadcasting Company Ltd.
(supra) aux pages 89-90, j'ai suivi la décision de
mon collègue Walsh en déclarant:
Le problème en l'espèce étant analogue à celui réglé par le
juge Walsh, je pense que je suis obligé de l'aborder de la même
façon et ce, jusqu'à ce qu'une cour supérieure indique une ligne
de conduite différente, si cela se produit un jour. Quand je dis
.obligé,, je n'entends pas me prétendre lié par une règle stricte
de stare decisis, mais il me paraît souhaitable que cette Cour,
dans la mesure du possible, suive une ligne de conduite uni-
forme. Cela étant, le dépôt et l'enregistrement de l'ordonnance
du Conseil au greffe de cette Cour, effectués le 12 mars 1975,
sont nuls.
En plus des motifs soulignés par mon collègue
Walsh j'ai ajouté le commentaire suivant à la page
99:
La décision du juge Walsh dans l'affaire Le Syndicat cana-
dien de la Fonction publique c. La Société Radio-Canada
(supra) est d'une remarque logique. Si cette Cour doit faire
exécuter une ordonnance du Conseil canadien des relations du
travail, comme s'il s'agissait d'une de ses ordonnances, elle doit
exercer un certain contrôle sur cette ordonnance, qui doit être
déposée et enregistrée en conséquence. L'article 123 du Code
canadien du travail prévoit ce contrôle dans une certaine
mesure lorsqu'il déclare que le défaut de se conformer à une
ordonnance du Conseil, doit être établi avant de la déposer.
Lorsque l'ordonnance du Conseil est imprécise, comme dans le
cas qui nous occupe, alors il est impossible d'établir qu'il y a eu
désobéissance et le dépôt de l'ordonnance doit être rejeté.
A la suite de l'examen de l'ordonnance du Con-
seil, lequel examen m'aurait été refusé si l'enregis-
trement suivait ex debito justitiae le dépôt, il était
évident que l'ordonnance du Conseil n'était pas
définitive puisqu'il se réservait le droit de fixer le
«quantum» des salaires des employés congédiés si
les parties ne parvenaient pas à s'entendre. (Aucun
accord n'a été conclu entre les parties et aucun
renvoi n'a été fait au Conseil pour faire fixer le
quantum) et, même si l'ordonnance du Conseil
était définitive, dans le sens qu'elle pouvait être
exécutée au moyen de brefs de la présente cour, la
teneur de l'ordonnance était si vague, imprécise et
ambiguë que l'ordonnance ne pouvait pas être
exécutée.
En outre, la preuve présentée ne m'avait pas
convaincu de l'inobservation de l'ordonnance du
Conseil et j'ai refusé la requête voulant que je
modifie l'ordonnance pour fixer un délai d'exécu-
tion d'abord parce qu'il ne s'agissait pas d'un appel
proprement dit de l'ordonnance du Conseil, ce qui
m'aurait permis de rendre l'ordonnance que le
Conseil aurait dû rendre, et ensuite parce que
l'ordonnance du Conseil reste ce qu'elle a toujours
été, c'est-à-dire une ordonnance du Conseil bien
qu'elle soit exécutable comme une ordonnance de
la présente cour, et le seul tribunal compétent pour
la modifier, si elle peut être modifiée, c'est le
Conseil. Cela était le motif pour lequel la requête
visant à modifier un certificat établi par le Minis-
tre en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt
sur le revenu a été refusé dans Star Treck.
Passons maintenant à l'examen de l'article 223
de la Loi de l'impôt sur le revenu pour essayer d'y
découvrir l'intention du législateur.
Il est évident qu'il n'existe point d'équité dans
les lois fiscales et la Loi de l'impôt sur le revenu ne
fait pas exception à cette vérité évidente. Au con-
traire, la Loi presse le contribuable et favorise le
percepteur des impôts, en vue de favoriser, sans
doute dans l'intérêt public, la main du percepteur
d'impôt et de s'assurer que le contribuable et son
actif tombent dans le filet jeté par le percepteur,
même si le contribuable peut contester son assujet-
tissement à l'impôt. En vertu de l'article 158(1) de
la Loi, [e contribuable doit, dans les trente jours
qui suivent la date de l'expédition par la poste de
l'avis de cotisation (non de la date de réception de
l'avis, il y a des cas où l'intégralité des trente jours
qui suivent la date de l'expédition par la poste ont
été nécessaires pour la livraison) le contribuable
doit payer la cotisation d'impôt même s'il a fait
appel ou opposition.
Il ne fait aucun doute d'après l'article 158 que la
cotisation doit être payée dans les trente jours qui
suivent la date d'expédition par la poste de l'avis
de cotisation, même si par la suite il est établi que
le contribuable n'y est pas assujetti et, si le Minis-
tre l'ordonne en vertu de l'article 158(2), l'impôt
peut devenir payable immédiatement après la
cotisation.
Si le contribuable ne paie pas la cotisation à la
date fixée pour le paiement, il est fixé un intérêt au
taux de 6% sur le montant non payé, en totalité ou
en partie, et aussi longtemps qu'il reste impayé.
Cependant, dans le cas d'un paiement en trop de
l'impôt ou si un tribunal ayant compétence en la
matière a déclaré qu'aucun impôt n'est payable en
vertu de la cotisation, le contribuable a droit à un
remboursement avec intérêt à compter du jour où
le paiement en trop a été fait, mais à un taux fixé à
3%, et l'intérêt ainsi versé est imposable pour
l'année dans laquelle le paiement a été effectué.
Naturellement, aucune considération d'équité
n'existe dans la Loi de l'impôt sur le revenu et le
fait brutal reste que l'impôt doit être payé dès qu'il
a été déterminé, comme il a été mentionné
précédemment.
En conséquence, en vertu de l'article 223(1), le
montant payable en vertu de la Loi comprend les
cotisations d'impôt, l'intérêt accumulé, les pénali-
tés infligées et autres montants qui n'ont pas été
payés. Ce montant doit être certifié par le Minis-
tre. La certification dépend de la réalisation de
l'une des conditions prévues aux alinéas a) ou b)
de l'article 223(1).
Après mûre réflexion, je suis arrivé à la conclu
sion que les conditions prévues à l'article 223(1),
c'est-à-dire que le montant a été déterminé et reste
non payé et que trente jours se sont écoulés depuis
l'expédition par la poste de l'avis de cotisation ou
bien qu'un ordre a été donné par le Ministre en
vertu de l'article 158(2) dérogeant à la période de
trente jours, sont des conditions préalables à l'éta-
blissement du certificat par le Ministre, par oppo
sition aux conditions préalables à l'enregistrement
du certificat sur production en vertu de l'article
223(2).
Dans Star Treck j'ai fait remarquer qu'une
personne touchée par le certificat peut contester
son émission et son enregistrement au moyen d'une
procédure indépendante auprès de la présente
cour, mais j'ai laissé entendre provisoirement au
moyen d'un obiter que le fait que le Ministre
n'établit pas les conditions préalables à l'établisse-
ment du certificat ouvrait la porte à la contestation
de sa validité. La personne touchée par le certificat
d'une façon défavorable peut toujours le faire,
mais compte tenu de la conclusion à laquelle je
suis arrivé, c'est-à-dire que les conditions puisées à
l'article 223(1) sont préalables à l'établissement du
certificat par le Ministre, par opposition à l'enre-
gistrement lui-même, cette suggestion gratuite
était mal fondée. D'autre part, puisque j'ai conclu
que l'élément essentiel en vertu de l'article 223(1)
est le montant payable qui est impayé, alors les
autres conditions viennent en plus et il peut être
avantageux de les indiquer d'une manière quelcon-
que pour s'assurer doublement que les conditions
préalables à l'établissement du certificat existent.
Il résulte de cette conclusion qu'un certificat
produit dans la forme appropriée en vertu de l'arti-
cle 223(2) doit être obligatoirement enregistré, à
cause surtout de l'emploi du mot «doit».
En vertu de l'article 244(13) de la Loi de l'im-
pôt sur le revenu, tout document donné comme
constituant un certificat, parmi d'autres instru
ments mentionnés, au-dessus du nom du Ministre,
du sous-ministre ou d'un fonctionnaire autorisé par
règlement, est réputé être un document signé, fait
et émis par le Ministre, le sous-ministre ou le
fonctionnaire autorisé et ne peut être mis en doute
que par le Ministre ou par quelque personne agis-
sant pour lui ou pour Sa Majesté. Le document
doit donc être reconnu par les autres personnes
comme étant ce qu'il est censé représenter et la
qualité du signataire ne peut être mise en doute.
Cependant les conditions préalables à l'établisse-
ment du certificat ainsi que l'exactitude de la
teneur du certificat peuvent être contestées par la
personne touchée par le certificat d'une façon
défavorable.
La maxime latine omnia praesumuntur rite et
solemniter esse acta donec probetur in contrarium
pourrait s'appliquer, ce qui veut simplement dire
que toute chose est présumée être faite correcte-
ment et exécutée en bonne et due forme sauf
preuve du contraire, c'est-à-dire jusqu'à ce que le
contraire soit prouvé par la personne contestant
l'enregistrement. Par conséquent il est présumé
que les conditions préalables à l'établissement du
certificat par le Ministre ont été remplies et à
première vue ce certificat doit être pris comme s'il
avait été établi correctement et en conséquence
doit être accepté pour être enregistré sur produc
tion en vertu de Particle 223(2), mais la personne
touchée d'une façon défavorable peut toujours
réfuter cette présomption au cours d'une procédure
ultérieure.
Cette conclusion est appuyée par les commentai-
res qui ont été faits par mon collègue Addy dans
Lambert c. La Reine ([1975] C.F. 548) où le
demandeur cherchait à obtenir un jugement décla-
ratoire portant que l'article 223 de la Loi de
l'impôt sur le revenu est inconstitutionnel et ultra
vires du Parlement du Canada, parce que contraire
aux principes de justice naturelle et à la Déclara-
tion canadienne des droits.
Le juge Addy a rejeté l'action. Il a fait remar-
quer qu'en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu,
il est prévu une procédure pour permettre au con-
tribuable de faire opposition à la cotisation et que
l'obligation de payer l'impôt, en attendant la déci-
sion définitive sur l'assujettissement, ne signifie
pas que la question de l'imposition du contribuable
est définitivement tra c,chée puisqu'il peut toujours
faire opposition à la cotisation et, s'il obtient gain
de cause, réclamer le remboursement de tout paie-
ment en trop. Il a également mentionné que les
pouvoirs conférés au Ministre par l'article 223 afin
d'assurer une perception efficace et rapide des
impôts ne constitue pas une violation de la règle
audi alteram partem et de l'article 2e) de la
Déclaration canadienne des droits.
Devant la Division d'appel de la Cour fédérale,
l'appel interjeté contre la décision du juge Addy a
été rejeté (Lambert c. La Reine [ 1977] 1 C.F.
199), mais le point en litige faisant l'objet de
l'appel a été décidé sur la question de savoir si une
cotisation ultérieure à la cotisation sur laquelle le
certificat du Ministre en vertu de l'article 223(1)
était fondé, annulait l'obligation de payer l'impôt
en vertu de la cotisation antérieure. La Cour d'ap-
pel a jugé que cela ne rendait pas le certificat du
Ministre nul et à tous les autres égards la décision
du juge Addy reste valable.
En conséquence, une grande partie des commen-
taires du juge Addy vaut la peine d'être citée dans
le contexte de la présente requête. Il a déclaré à la
page 551:
En règle générale, les procédures ou actes administratifs,
impliquant une décision déterminant définitivement des droits,
sont eux-mêmes sujets aux règles de common law relatives au
droit de se faire entendre ainsi qu'aux dispositions de l'article
2e) de la Déclaration canadienne des droits, alors que des
procédures ou actes administratifs ne menant pas une détermi-
nation finale des droits n'y sont pas assujettis. Le juge Cart-
wright (tel était alors son titre) en prononçant les motifs du
jugement au nom de la Cour suprême du Canada, dans la
décision unanime sur l'affaire La Reine c. Randolph ([1966]
R.C.S. 260), déclarait à la page 266:
[TRADUCTION] Généralement parlant, la maxime audi alte-
ram partem a trait aux décisions de nature définitive affec-
tant les droits des parties, et il en est de même de l'article 2e)
de la Déclaration canadienne des droits, invoquée par les
intimés.
L'extrait suivant de Broom's Legal Maxims, 10' édition,
page 117 est pertinent:
Bien qu'on puisse trouver dans les recueils de jurispru
dence des décisions rendues en vertu des lois particulières,
qui, à première vue, semblent en conflit avec la maxime,
on trouvera, en les examinant de plus près, qu'elles n'y sont
pas incompatibles, car cette règle de justice élémentaire
exige uniquement qu'une personne ne soit pas assujettie à
un jugement définitif ou une condamnation sans avoir eu
l'occasion de se faire entendre.
Ensuite il a défini le point de droit qui lui était
présenté comme suit [à la page 552]:
Il s'agit donc de déterminer en droit si l'émission du certificat
et son enregistrement à la Cour fédérale du Canada constituent
en fait une décision définitive sur des droits fondamentaux du
demandeur.
Ayant ainsi défini la question de droit, il a
continué comme suit [à la page 5521:
Il est évident que si un jugement tranche la question de
l'assujettissement à l'impôt et de son montant, il ne sera plus
possible d'être entendu sur le fond de l'affaire, à moins d'une
erreur dans la conduite du procès ou dans la décision elle-
même, qui découle en droit de la preuve soumise au procès ou,
dans le cas d'un jugement rendu sur défaut de comparaître ou
de plaider, des faits allégués dans les plaidoiries.
A ce stade, il est important de répéter que le
certificat du Ministre, lorsqu'il est enregistré, ne
devient pas un jugement mais il peut être exécuté
comme certificat au moyen des brefs de la Cour,
c'est pour cette raison que ledit certificat ne
devrait pas utiliser un intitulé faisant croire à
l'existence d'une cause.
Le juge Addy précise alors en ces termes le droit
du contribuable à être entendu sur le fond concer-
nant la cotisation [aux pages 552-553]:
Dans le cas d'un certificat émis en vertu de l'article 223, il
existe cependant un droit absolu d'être entendu sur le fond s'il
est fait opposition à la cotisation dans le délai prévu à cet
égard; l'article 165 décrit la procédure d'opposition, impose au
Ministre l'obligation d'examiner de nouveau la cotisation et
confère aussi au contribuable le droit d'interjeter appel directe-
ment à la Commission de révision de l'impôt ou à la Cour
fédérale.
Bien que le contribuable peut toujours faire
opposition à la cotisation, le juge Addy décrit en
ces termes l'unique effet de l'enregistrement d'un
certificat du Ministre [à la page 553]:
La procédure décrite dans la Loi donne au contribuable le
droit absolu de faire opposition à la cotisation soit avant soit
après l'enregistrement du certificat, selon la date à laquelle le
Ministre a émis et enregistré ledit certificat. Il est évident que
l'émission du certificat ne met pas fin au droit du contribuable
de faire opposition à la cotisation. Il permet cependant de
mettre en oeuvre des procédures d'exécution à l'encontre des
biens du contribuable avant même l'audition définitive de la
question de l'assujettissement, au cas où, dans l'intervalle, le
contribuable ne paie pas l'impôt. L'obligation de payer l'impôt
en attendant la décision définitive sur l'assujettissement, ne
signifie pas que la question de l'imposition du contribuable est
définitivement tranchée puisqu'en dépit de ce paiement, il peut
toujours faire opposition à la cotisation et, s'il obtient gain de
cause, réclamer le remboursement de tout paiement en trop,
après ladite décision définitive. Il s'agit évidemment de deux
questions différentes. Bien que le droit d'enregistrer un certifi-
cat, avant que la question de l'assujettissement à l'impôt ait été
tranchée définitivement, puisse être considéré comme un droit
extraordinaire et bien qu'il entraîne le droit de prendre des
mesures exécutoires qui à son tour implique le droit de saisir
des biens puis de les aliéner par vente ou autrement, cet aspect
exécutoire est simplement un moyen de garantir ou d'assurer le
paiement de l'impôt par le contribuable, avant ou après que la
question de son assujettissement ait été définitivement
tranchée.
Dans Morch c. M.R.N. ([1949] R.C.É. 327) il a
été décidé que ni la procédure sommaire instituée
par le Parlement à la suite de l'adoption de disposi
tions permettant l'enregistrement d'un certificat ni
les effets en découlant, après la mise en oeuvre des
mesures exécutoires, nonobstant un appel ou une
opposition à l'encontre de la cotisation, n'avait un
caractère oppressif ou déraisonnable.
Comme je l'ai mentionné plus haut et comme le
juge Addy l'a également déclaré, l'obligation d'un
contribuable de payer l'impôt qu'on lui réclame
naît au moment où la cotisation a été établie, sous
réserve du droit de contester l'assujettissement
final à cet impôt.
Le juge Addy a décrit la politique de la Loi de
l'impôt sur le revenu en ces termes [à la page
555]:
L'intérêt public sous-jacent aux diverses législations fiscales,
conférant le pouvoir de déclarer qu'une somme est exigible
avant que la question de l'assujettissement à l'impôt ait été
définitivement tranchée et conférant le pouvoir de prendre les
mesures nécessaires pour s'assurer du paiement de cette
somme, par la saisie de biens et éventuellement leur vente, est
évidemment fondé sur le principe voulant que les autorités
fiscales disposent de certains moyens pour empêcher le contri-
buable de se soustraire au paiement de l'impôt en dilapidant les
biens ou en les soustrayant à leur juridiction. Lorsqu'est pré-
servé le droit fondamental du contribuable à une décision au
fond, sur la question de son assujettissement à l'impôt, comme
c'est le cas dans la Loi de l'impôt sur le revenu, les pouvoirs
conférés au ministre du Revenu national par l'article 223 afin
d'assurer une perception efficace et rapide des impôts ne consti
tuent pas une violation de la règle audi alteram partem et de la
Déclaration canadienne des droits.
Selon la décision de mon collègue Thurlow dans
M.R.N. c. Bolduc (supra), le contribuable a tou-
jours la possibilité de contester les faits sur lesquels
le Ministre se fonde pour établir et enregistrer le
certificat en vertu de l'article 223.
Dans les faits, le droit du contribuable de faire
opposition à la cotisation ainsi que le droit de
contester le certificat du Ministre demeurent, mais
sont renvoyés à une date ultérieure et ne consti
tuent pas un empêchement à l'enregistrement par
le Ministre d'un certificat en vertu de l'article 223
sur production si le certificat paraît présenté dans
la forme appropriée.
Le rôle du juge n'est pas d'examiner les considé-
rations d'ordre politique ou d'intérêt public qui ont
motivé la section législative du gouvernement dans
l'élaboration des lois, sauf si cela est nécessaire
pour découvrir le but et l'objet d'une loi comme
outil pour interpréter l'intention du législateur
exprimée dans les termes employés. S'il le faisait,
ce serait abandonner son rôle de juge pour s'appro-
prier celui de législateur.
En comparant un certificat visé aux articles 123
et 159 du Code canadien du travail qui ont fait
l'objet de décisions dans Le Syndicat canadien de
la Fonction publique, Local 660 c. La Société
Radio-Canada (supra) et Fraternité internatio-
nale des ouvriers en électricité, Local 529 c. Cen
tral Broadcasting Company Ltd. (supra) avec un
certificat visé à l'article 223 de la Loi de l'impôt
sur le revenu, des différences dans l'intention légis-
lative, la politique et la procédure sont évidentes.
En vertu du Code canadien du travail, nous
sommes en présence d'un litige entre parties avec
une audition conduite selon les principes de justice
naturelle. A la suite de cette audition, le Conseil
établi en vertu du Code peut ordonner à une partie
d'accomplir un acte déterminé. En cas d'inexécu-
tion de l'acte dans le temps fixé, la partie adverse
concernée peut alors déposer une copie de l'ordon-
nance du Conseil pour obtenir l'exécution de cette
ordonnance par les brefs de la Cour, il n'est pas
fourni au Conseil de moyens analogues pour faire
exécuter ses ordonnances. Le défaut de se confor-
mer à l'ordonnance du Conseil dans le délai pres-
crit peut faire l'objet d'un litige et, étant une
condition préalable au dépôt et à l'enregistrement
de l'ordonnance, il s'ensuit que le dépôt et l'enre-
gistrement doivent se faire au moyen d'une
demande, dont un avis a été signifié à la partie
adverse pour qu'elle ait la possibilité de se faire
entendre. Cela était la ratio decidendi dans Le
Syndicat canadien de la Fonction publique, Local
660 c. La Société Radio-Canada (supra).
En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu,
l'obligation de payer l'impôt naît dès l'établisse-
ment de la cotisation. Le juge Addy a tracé les
grandes lignes de la politique formulée par la Loi
et qui permet aux autorités fiscales de saisir les
biens du contribuable pour assurer le recouvre-
ment. Cela n'est qu'un moyen pour arriver au but
recherché mais il ne met pas fin au droit du
contribuable de faire opposition à la cotisation ou
au bien-fondé du certificat du Ministre. Les biens
du contribuable étant en la possession des autorités
fiscales, cela suspend l'exercice de ce droit.
En vertu de l'article 122 du Code canadien du
travail, toute ordonnance ou décision d'un conseil
est définitive et ne peut être mise en doute ou
examinée par aucun tribunal, sauf dans les cas
prévus par l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale.
Le juge Cartwright (tel était alors son titre) a
déclaré dans La Reine c. Randolph (supra) que la
maxime audi alteram partem a trait aux décisions
de nature définitive affectant le droit des parties.
Puisqu'une ordonnance d'un conseil rendue en
vertu du Code canadien du travail est définitive, la
maxime s'applique comme le juge Walsh l'a décidé
dans Le Syndicat canadien de la Fonction publi-
que c. La Société Radio-Canada (supra), mais
étant donné que le certificat en vertu de l'article
223 de la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas
définitif mais que sa teneur ainsi que les conditions
de son établissement peuvent être attaquées, même
s'il s'agit d'une attaque différée, la maxime ne
s'applique pas comme l'a décidé le juge Addy dans
Lambert c. La Reine (supra).
Pour ces motifs j'ai conclu que sur production,
en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le
revenu, un certificat du Ministre qui paraît en
bonne et due forme doit être accepté pour l'enre-
gistrement en vertu du paragraphe (2) de l'article
223. Pour les motifs déjà exprimés, le certificat
produit pour enregistrement dans la présente
demande ne paraît pas être en bonne et due forme,
à cause des points susceptibles d'opposition qu'il
comporte, et, en conséquence, je refuse d'ordonner
son enregistrement dans la forme qu'il revêt
présentement.
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