A-175-73
Associated Metals & Minerals Corporation et al.
(Demandeurs) (Appelants)
c.
Le navire Evie W, Anis Steamship Co. Inc. et
Worldwide Carriers Limited (Défendeurs) (Inti-
més)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Pratte et Le Dain—Montréal, les 14 et 15 décem-
bre; Ottawa, le 20 décembre 1977.
Droit maritime — Compétence — Le Parlement est-il com-
pétent pour conférer à la Cour fédérale les pouvoirs prévus
dans l'art. 22? — Contrat de transport maritime — Le contrat
a-t-il été conclu avec l'intimée en tant que propriétaire et
exploitante du navire? — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), c. 10, art. 22 — Acte de l'Amérique du Nord
britannique, 1867, 30 & 31 Victoria, c. 3 (R.-U.) (S.R.C. 1970,
Appendice II), art. 101, 129.
Il s'agit d'un appel interjeté contre un jugement rendu par la
Division de première instance rejetant une action intentée par
l'appelante et fondée sur le défaut de livraison des marchandi-
ses en question à la destination stipulée dans le contrat de
transport. Une question préliminaire de compétence, non soule-
vée devant la Division de première instance, l'a été devant la
Cour, comme moyen d'opposition à l'accueil de l'appel: il s'agit
de déterminer si l'article 22 de la Loi sur la Cour fédérale doit
être compris de façon à dénier compétence à la Division de
première instance parce que le Parlement n'aurait pas eu le
pouvoir législatif nécessaire pour conférer compétence à un
tribunal créé en application de l'article 101 de l'Acte de l'Amé-
rique du Nord britannique, 1867. Le fond du présent appel
consiste à déterminer si, en l'espèce, le juge de première
instance a fait erreur en concluant que le contrat de transport
de l'appelante n'a pas été un contrat conclu avec l'intimée en
tant que propriétaire et exploitante du navire.
Arrêt: l'appel est accueilli. A la lumière des arrêts rendus
dans Quebec North Shore et McNamara, l'article 101 doit être
interprété comme autorisant le Parlement à conférer à la Cour
compétence pour administrer «la législation fédérale applicable,
que ce soit une loi, un règlement ou la common law». Le droit
de l'amirauté, qui englobe les contrats de transport des mar-
chandises par mer, est susceptible d'être «révoqué, aboli ou
modifié» par le Parlement du Canada. Ce droit coexiste avec
d'autres législations «provinciales» et parfois les chevauche,
mais il ne fait pas partie du droit municipal ordinaire des
provinces. En ce qui concerne la question de fond impliquée
dans le présent appel, on ne voit pas en quoi les circonstances de
l'espèce diffèrent de celles prises en considération par la Cour
suprême du Canada dans Paterson Steamships Ltd. c. Alumi
num Co. of Canada Ltd. de telle façon qu'il faudrait en venir à
une autre conclusion que celle de la Cour suprême dans l'arrêt
précité.
Arrêt suivi: Paterson Steamships Ltd. c. Aluminum Co. of
Canada Ltd. [1951] R.C.S. 852. Arrêts appliqués: R. c.
Canadian Vickers Ltd. [1978] 2 C.F. 675; Intermunicipal
Realty & Development Corp. c. Gore Mutual Insurance
Co. [1978] 2 C.F. 691; Quebec North Shore Paper Co. c.
Canadien Pacifique Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054; MeNama-
ra Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2
R.C.S. 654.
APPEL.
AVOCATS:
D. J. Wright, c.r., et R. N. Waterman pour les
demandeurs-appelants.
R. Chauvin, c.r., pour la défenderesse-intimée
Aris Steamship Co. Inc.
PROCUREURS:
Lang, Michener, Cranston, Farquharson &
Wright, Toronto, pour les demandeurs-appe-
lants.
Chauvin, Marler & Baudry, Montréal, pour
la défenderesse-intimée Aris Steamship Co.
Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'un appel
interjeté contre un jugement rendu par la Division
de première instance [T-238-72] rejetant une
action intentée par l'appelante contre l'Aris
Steamship Co. Inc. (ci-après appelé l'intimée) pro-
priétaire et exploitante du navire transportant, de
la Finlande au Canada, des marchandises apparte-
nant à l'appelante. L'action est fondée sur le
défaut de livraison des marchandises en question à
la destination stipulée dans le contrat de
transport'.
Il faut tout d'abord traiter de la compétence de
la Division de première instance à connaître de
ladite action. Autant que je sache, la question n'a
pas été soulevée devant ladite Division, mais l'a été
devant la Cour par l'intimée, comme moyen d'op-
position à l'accueil de l'appel, à la lumière de
l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans
Quebec North Shore Paper Company c. Canadien
' Lors de l'audition de l'appel, l'avocat de l'appelante a
exposé clairement, à mon sens, qu'il ne cherchait pas à obtenir
un jugement, malgré ce qui a été dit dans son mémoire, sauf
dans la mesure où il s'agit d'une rupture de contrat entre
l'appelante en tant qu'affréteur et l'intimée en tant que
transporteur.
Pacifique Ltée 2 , après qu'ait été rendu le jugement
dont est appel, arrêt qui doit être, à mon sens, lu
de concert avec la décision de la Cour suprême
dans McNamara Construction (Western) Ltd. c.
La Reine 3 .
En ce qui a trait à la présente espèce, l'action
intentée devant la Division de première instance
était certainement, à mon avis, une action en
réclamation relevant de l'article 22(2)i) de la Loi
sur la Cour fédérale', à savoir une «demande née
d'une convention relative au transport de marchan-
dises à bord d'un navire ...». A mon sens, il s'agit
de déterminer si l'article 22 doit être compris de
façon à dénier compétence à la Division de pre-
mière instance relativement à la réclamation faite
en l'espèce, parce que le Parlement n'aurait pas eu
le pouvoir législatif nécessaire pour conférer com-
pétence à un tribunal créé en application de l'arti-
cle 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britanni-
que, 1867.
Nonobstant toute disposition contraire de l'Acte,
la partie pertinente de l'article 101 autorise le
Parlement à adopter des mesures visant à créer,
maintenir et organiser des tribunaux «pour l'admi-
nistration des lois du Canada.»
Antérieurement aux décisions précitées de la
Cour suprême, il était généralement admis que le
Parlement pouvait, en vertu de l'article 101, confé-
rer à une cour, telle que la Cour fédérale du
Canada, compétence «relativement à des matières
relevant de la compétence législative fédérale».
2 [1977] 2 R.C.S. 1054.
3 [1977] 2 R.C.S. 654.
"L'article 22 se lit partiellement comme suit:
22. (1) La Division de première instance a compétence
concurrente en première instance, tant entre sujets qu'autre-
ment, dans tous les cas où une demande de redressement est
faite en vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi
du Canada en matière de navigation ou de marine mar-
chande, sauf dans la mesure où cette compétence a par
ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1),
il est déclaré pour plus de certitude que la Division de
première instance a compétence relativement à toute
demande ou à tout litige de la nature de ceux qui sont
ci-après mentionnés:
i) toute demande née d'une convention relative au trans
port de marchandises à bord d'un navire, à l'utilisation ou
au louage d'un navire soit par charte-partie, soit
autrement;
Mais selon cette jurisprudence, l'article 101 doit
être interprété comme autorisant le Parlement à
conférer à la Cour compétence pour administrer
«la législation fédérale applicable, que ce soit une
loi, un règlement ou la common law» 5 . [Mis en
italiques par mes soins.] Suivant mon interpréta-
tion, les jugements précités soutiennent au moins
le principe que le Parlement ne peut, en vertu de
l'article 101, conférer compétence à la Cour pour
administrer des lois «provinciales», même si les
jugements ne sont pas formulés de façon aussi
expresse.
A mon avis, et en ce qui concerne les quatre
provinces d'origine, il faut chercher la clé de la
distinction esquissée entre loi «provinciale» et loi
«fédérale» dans la partie de l'article 129 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique, 1867, dont
voici le libellé:
129. Sauf toute disposition contraire prescrite par le présent
acte,—toutes les lois en force en Canada, dans la Nouvelle-
Écosse ou le Nouveau-Brunswick, lors de l'union,—... conti-
nueront d'exister dans les provinces d'Ontario, de Québec, de la
Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick respectivement,
comme si l'union n'avait pas eu lieu; mais ils pourront, néan-
moins (sauf les cas prévus par des actes du parlement de la
Grande-Bretagne ... ) 6 , être révoqués, abolis ou modifiés par le
parlement du Canada, ou par la législature de la province
respective, conformément à l'autorité du parlement ou de cette
législature en vertu du présent acte.'
Aux fins des limitations possibles de la compétence
d'un tribunal relevant de l'article 101, établies par
la Cour suprême du Canada dans ses jugements
rendus en 1976 et 1977, je pense que toute loi
maintenue par l'article 129 serait une loi «fédérale»
si elle peut «être révoquée, abolie ou modifiée par
le parlement du Canada», qu'elle ait pris son ori-
gine dans:
a) la common law d'Angleterre,
b) une loi écrite du Royaume-Uni, ou
c) une loi coloniale antérieure à la Confédéra-
tion,
5 Voir si l'expression «lois du Canada» dans l'article 101
s'applique seulement aux lois «fédérales», par opposition aux
lois «provinciales», ou si elle englobe aussi la constitution du
Canada. Se reporter à une décision récente de cette cour dans
La Reine (Canada) c. La Reine (1.-1).-É.) [1978] 1 C.F. 533.
6 Exception abrogée par le Statut de Westminster, 1931,
articles 2 et 7(2).
En ce qui concerne les autres provinces, les modalités
suivant lesquelles elles participent à la Confédération ou les lois
écrites adoptées en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, 1871, donnent les mêmes résultats ou des résultats
essentiellement semblables.
et que l'expression loi «fédérale» englobe aussi les
lois édictées par le Parlement du Canada depuis
1867 8 . Pareillement, une loi que l'article 129 a
maintenue serait une loi «provinciale» si elle
pouvait «être révoquée, abolie ou modifiée ... par
la législature de la province respective», et
l'expression loi «provinciale» inclurait des lois
édictées par une telle législature depuis 1867.
Si cette distinction entre loi «fédérale» et loi
«provinciale» est exacte pour l'essentiel et je crois
qu'elle l'est, la principale, sinon la seule, catégorie
de cas où les décisions de 1976 et 1977 notent une
différence dans la compétence d'un tribunal rele
vant de l'article 101, est celle comprenant tout cas
où:
a) le Parlement pouvait adopter, mais ne l'a pas
fait, une loi spéciale concernant les droits et
obligations relatifs à une catégorie spéciale de
personnes ou d'autres matières (p. ex. Sa
Majesté du chef du Canada, les banques ou les
affaires bancaires) et
b) en l'absence de toute loi «fédérale» spéciale,
lesdits droits et obligations sont déterminés par
la législation générale relative à la propriété et
aux droits civils, laquelle est, à la différence des
lois spéciales, applicable à toute personne et
constitue alors une loi «provinciale».
Alors, suivant l'ancien point de vue erroné, les lois
générales, dans la mesure où elles étaient applica-
bles dans les domaines où le Parlement était com-
pétent pour adopter des lois spéciales, étaient con-
sidérées comme des «lois du Canada» aux fins de
l'article 101 parce qu'elles étaient susceptibles de
«modification» par le Parlement en ce sens qu'au
cas où le Parlement édicterait une loi spéciale à cet
effet, celle-ci prévaudrait contre la loi générale
laquelle deviendrait inopérante dans cette mesure.
Selon les jugements rendus en 1976 et 1977 par la
Cour suprême du Canada, la loi provinciale géné-
rale n'est évidemment plus susceptible de «modifi-
cation» par le Parlement, mais peut seulement
devenir inopérante dans la mesure et pendant la
période où une loi du Parlement existe et est
8 Voir si ce principe s'applique aux statuts édictés par le
Parlement du Canada en vertu de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1871, ou aux lois d'Angleterre introduites
dans un territoire avant que celui-ci ne devienne une province.
incompatible avec ladite loi provinciale, relative-
ment à cette catégorie spéciale d'objets de la légis-
lation fédérale. 9
Pour mieux me faire comprendre, je renvoie aux
jugements rendus en 1976 et 1977, à savoir:
(1) Quebec North Shore Paper où le réclamant
a invoqué la loi générale des contrats présumée
applicable à toute personne (loi «provinciale»)
devant la Cour fédérale, sur le fondement que,
pro tanto, une telle loi pourrait être «modifiée»
par une loi fédérale, en matière de transports
interprovinciaux et internationaux, quoiqu'il
n'existe effectivement aucune loi fédérale
étayant sa réclamation; et
(2) McNamara où Sa Majesté du chef du
Canada a invoqué la loi générale des contrats
présumée applicable à toute personne (loi
«provinciale») 10 devant la Cour fédérale, sur le
fondement que, «pro tanto», une telle loi pour-
rait être «modifiée» par une loi fédérale, en ce
qui concerne les opérations du gouvernement
fédéral 11 , quoiqu'il n'existe effectivement
aucune loi fédérale étayant Sa réclamation.
9 Comparer Le procureur général de l'Ontario c. Le procu-
reur général du Canada [1896] A.C. 348 où lord Watson s'est
ainsi prononcé aux pages 366 et 367:
[TRADUCTION] Cette chambre a fréquemment reconnu, et
l'on peut maintenant considérer établi, le principe que,
d'après l'idée à la base de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, la législation adoptée par le Parlement du
Canada dans les limites de sa compétence doit l'emporter sur
la législation provinciale. Mais l'Acte n'a pas conféré au
Parlement du Dominion le pouvoir de révoquer directement
une loi provinciale, que cette dernière soit ou ne soit pas
comprise dans les limites des compétences établies à l'art. 92.
Seule l'incompatibilité des dispositions d'une loi provinciale
avec la loi du Dominion peut effectivement amener la révoca-
tion par le Parlement du Canada de cette loi provinciale.
Advenant qu'une telle incompatibilité devienne matière à
controverse, le Parlement fédéral ou la législature provinciale
ne sauraient décider de la question, les tribunaux du pays
devant en être saisis....
Il convient maintenant de se demander si, et le cas échéant
dans quelle mesure, les dispositions de l'art. 18 de la loi
provinciale entrent en conflit avec celles de la loi fédérale de
1886. Dans la mesure d'une telle incompatibilité, la loi
provinciale devra céder le pas à la loi du Dominion et rester
inopérante, jusqu'au moment où la loi de 1886 aura été
révoquée par le Parlement qui l'a adoptée.
° Comparer La Reine c. Murray [1965] R.C.É. 663, pour un
essai de développement de ce point de vue. Cette décision a été
confirmée en appel. Voir [1967] R.C.S. 262.
11 Comparer Nykorak c. Le procureur général du Canada
[1962] R.C.S. 331.
Dans les deux cas:
a) le réclamant a fondé sa réclamation sur la loi
générale de la propriété et des droits civils,
présumée applicable à toute personne, donc loi
«provinciale» qui, en tant que telle, ne peut être
modifiée par le Parlement, et
b) le réclamant n'a pu fonder sa réclamation
sur une loi fédérale existante quoique, on peut
au moins le soutenir pour les besoins de la cause,
le Parlement aurait pu édicter une loi spéciale
relative à une matière fédérale, loi qui l'aurait
emporté sur la loi provinciale et l'aurait rendue
inopérante dans cette mesure 12 .
Telle étant mon interprétation de l'expression
«lois du Canada» figurant à l'article 101 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique, 1867, la
lumière des jugements récemment rendus par la
Cour suprême, je vais examiner une allégation de
l'intimée, à savoir qu'au moins lorsque l'appelante
a intenté son action devant la Cour de l'Échiquier
du Canada en 1967, celle-ci n'était pas compétente
pour connaître de ladite action. A mon avis, cette
allégation doit être rejetée.
Il n'est pas facile de définir l'amirauté et de
faire son historique. Aux fins du présent procès, il
suffirait de reprendre l'étude du juge en chef
adjoint dans La Reine c. Canadian Vickers Ltd. 13 ,
complétée par les documents supplémentaires
mentionnés par le juge Gibson dans Intermunici-
pal Realty & Development Corp. c. Gore Mutual
Insurance Company [supra, page 691].
Sans autre précision et tout en me rappelant que
bien des aspects du droit de l'amirauté restent
obscurs, je suis d'avis que:
a) il y a au Canada un ensemble de droit positif
appelé droit de l'amirauté dont nous ne sommes
pas sûrs des limites exactes, mais ledit droit
englobe évidemment un droit positif régissant les
contrats de transport des marchandises par mer;
12 On pourrait se demander si la loi fédérale dont il est tenu
compte dans ce litige a servi de fondement à la réclamation ou
a simplement joué un rôle incident. Comparer La Reine c.
Murray [1967] R.C.S. 262, avec les commentaires du juge
Martland à la page 265. Voir aussi Blanchette c. Canadien
Pacifique Liée [1978] 2 C.F. 299 pour étude d'un problème
connexe.
13 Supra, page 675.
b) le droit de l'amirauté est le même pour tout
le Canada et ne change pas d'une province à
l'autre selon le lieu où les causes de l'action sont
survenues 14 ;
c) le droit de l'amirauté coexiste avec d'autres
législations «provinciales» relatives à la propriété
et aux droits civils, et parfois les chevauche, et,
au moins dans certains cas, l'issue des procès
varie suivant qu'on invoque l'une ou l'autre
législation; et
d) le droit de l'amirauté ne fait pas partie inté-
grante du droit municipal ordinaire des diverses
provinces, et il est susceptible d'être «révoqué,
aboli ou modifié» par le Parlement du Canada.
Je suis également d'avis que, si l'on avait besoin
d'une loi canadienne pour donner au Canada une
législation de l'amirauté pour la période allant de
1934 1971, la Loi d'amirauté, 1934 doit être
interprétée comme produisant cet effet. 15
Je vais examiner sur le fond le présent appel. Il
s'agit, à mon avis, de déterminer si, en l'espèce, le
savant juge de première instance a fait erreur en
concluant que le contrat de transport de l'appe-
lante n'a pas été un contrat conclu avec l'intimée
en tant que propriétaire et exploitante du navire
dont le capitaine, préposé de ladite propriétaire, a
signé les connaissements concernant le transport
des marchandises de l'appelante, conformément
aux arrangements complexes régissant les contrats
avec les affréteurs pour le transport des marchan-
dises par mer. Je ne vois pas en quoi les circons-
tances de l'espèce diffèrent de celles prises en
considération par la Cour suprême du Canada
dans Paterson Steamships Ltd. c. Aluminum Co.
of Canada Ltd. 16 ni pourquoi je devrais en venir à
une autre conclusion que celle de la Cour suprême
14 Comparer le jugement du juge dissident Cartwright (plus
tard juge en chef) dans National Gypsum Co. Inc. c. Northern
Sales Ltd. [1964] R.C.S. 144.
15 En ce qui concerne la période commençant en 1971, les
plaidoiries découlent de la prémisse que l'article 42 de la Loi
sur la Cour fédérale fournit le droit positif nécessaire servant
de fondement du droit de l'amirauté au Canada.
16 [ 1951] R.C.S. 852.
dans l'arrêt précité ". A défaut de différence perti-
nente, je suis d'avis que le savant juge de première
instance a fait erreur en concluant que l'appelante
n'a pas conclu de contrat de transport avec
l'intimée.
La dernière question consiste à déterminer la
forme à prendre par le jugement de la Cour. La
Division de première instance a rendu un jugement
dans une action intentée, entre autres, contre la
présente intimée en tant qu'exploitante du navire
et contre la Worldwide Carriers Limited en tant
qu'affréteur conformément à une charte-partie à
terme. La Worldwide n'a effectivement produit
aucune défense, et il n'y a donc eu aucun accord
quant au montant. En résumé, le jugement a été
ainsi rendu:
[TRADUCTION] Jugement est rendu en faveur des deman-
deurs et contre la défenderesse Worldwide Carriers Limited
avec dépens, et le renvoi est ordonné pour fixer le montant
desdits dommages-intérêts. L'action des demandeurs contre la
défenderesse Anis Steamship Co. Inc. ainsi que la demande
incidente d'Anis Steamship Co. Inc. sont rejetées sans frais. La
défenderesse Anis Steamship Co. Inc. a droit à ses dépens dans
la contestation de l'action des demandeurs contre elle, lesdits
dépens devant être taxés contre la défenderesse Worldwide
Carriers Limited.
Devant cette cour et aux fins du présent appel,
l'appelante et la présente intimée ont admis d'un
commun accord [TRADUCTION] «que les domma-
ges-intérêts se montent à $140,000 avec intérêt à 5
p. 100 compter du 18 décembre 1967.» ' g Suivant
mon interprétation du raisonnement suivi dans
l'arrêt Paterson, la partie au contrat de transport
de marchandises par mer est, le cas échéant, la
" A ma connaissance, la seule distinction relevée par l'avocat
de l'intimée était que l'arrêt Paterson ne serait pas applicable
lorsque, comme en l'espèce, le véritable destinataire en vertu du
connaissement était l'affréteur conformément à la charte-partie
dite «de voyage». Mais, à mon avis, cette charte-partie n'était
qu'un contrat préalable au chargement du navire pour le trans
port des marchandises, lequel contrat doit exister sous certaine
forme (écrite ou orale, expresse ou tacite, formelle ou non
formelle) avant le chargement des marchandises à bord du
navire, alors qu'un connaissement (qui est un récépissé des
marchandises embarquées aussi bien qu'un document servant
de titre de propriété et une preuve des modalités du contrat de
transport) ne devrait pas être remis avant que les marchandises
ne soient mises à bord du navire. Je ne vois aucune différence
pertinente entre le contrat oral de Paterson et la charte-partie
dite de v ,, yage aux fins du présent procès. Comparer Turner c.
Haji Goolam Mahomed Azam [1904] A.C. 826.
18 Voir mémoire de l'appelante, au paragraphe 11J) auquel
l'avocat de l'intimée a souscrit pendant sa plaidoirie.
conductrice du navire. A mon avis, on peut douter
que l'affréteur dans une charte-partie à terme soit
une partie ainsi définie. La Worldwide n'a, cepen-
dant, pas interjeté appel contre cette partie du
jugement rendu à son encontre. En l'espèce, l'ap-
pelante a déposé devant la Cour un document dont
voici l'essentiel:
[TRADUCTION] Au cas où cette cour jugerait bon d'accueillir
l'appel interjeté par l'Associated Metals and Minerals Corp.
contre cette partie du jugement de M. le juge Walsh en date du
13 septembre 1973, rejetant la réclamation d'Associated
Metals and Minerals Corp. contre la défenderesse Aris Steam
ship Co. Inc., la demanderesse Associated Metals and Minerals
Corp. souscrit à la décision de la Cour d'annuler cette partie du
jugement accueillant la réclamation contre la défenderesse
Worldwide Carriers Limited.
Prenant en considération ce qui précède, je con-
clus que l'appel doit être accueilli avec frais, que le
jugement de la Division de première instance doit
être annulé et qu'il faut y substituer ce qui suit:
Jugement est rendu en faveur des demandeurs
contre la défenderesse Aris Steamship Co. Inc.,
avec dépens se montant à $140,000 avec intérêt
au taux de 5 p. 100 compter du 18 décembre
1967. La demande incidente d'Aris Steamship
Co. Inc. est rejetée avec dépens.
* * *
LE JUGE PRATTE: J'y souscris.
* * *
LE JUGE LE DAIN: J'y souscris.
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