T-2332-74
Intermunicipal Realty & Development Corpora
tion (Demanderesse)
c.
Gore Mutual Insurance Company, Canadian
Marine Underwriters Ltd. et Reed, Shaw, Sten-
house Limited (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Gibson—
Toronto, le 28 novembre; Ottawa, le 13 décembre
1977.
Compétence — Droit maritime — Contrat — Assurance —
Demande séparée requérant le rejet de la présente action en
recouvrement en vertu de contrats d'assurance, et en dénatura-
tion négligente de certains faits par le courtier — Les polices
d'assurance maritime sont-elles des matières d'amirauté? —
La loi relative aux contrats maritimes fait-elle partie du droit
positif fédéral? — Le droit positif fédéral relève-t-il de la
compétence législative du Parlement? — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 2, 42 — Règle 474
de la Cour fédérale.
Les défendeurs ont introduit deux demandes séparées requé-
rant une ordonnance, conformément à la Règle 474, rejetant la
présente action au motif que la Cour n'est pas compétente pour
examiner la poursuite en recouvrement de la demanderesse
contre les compagnies d'assurance défenderesses en vertu des
deux polices d'assurance ou de l'une des deux, et contre la
compagnie de courtage d'assurance défenderesse pour dénatu-
ration négligente des faits. Voici les points litigieux: (1) les
polices d'assurance maritime sont-elles des matières d'ami-
rauté? (2) la loi relative aux contrats maritimes fait-elle partie
intégrante du droit positif fédéral sur l'amirauté édicté par le
Parlement? (3) toute partie du droit positif fédéral édicté
est-elle valable comme relevant de la compétence législative du
Parlement?
Arrêt: la demande de la compagnie d'assurance défenderesse
est rejetée mais celle de la compagnie de courtage d'assurance
est accueillie. La compétence de la Cour fédérale en matière de
droit maritime canadien telle qu'elle est définie par les articles
2b) et 42 de la Loi sur la Cour fédérale s'étend au long code de
droit fédéral positif applicable édicté en vertu de l'article
91(10) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867.
Selon un accord presque universel, ces polices d'assurance sont
odes contrats maritimes» et le droit positif régissant tous con-
trats maritimes et tous actes dommageables se trouve dans le
domaine des matières d'amirauté. La seule réserve à cet égard
est que contrats et actes dommageables doivent se rapporter à
des affaires de navigation ou de commerce sur mer ou dans les
eaux intérieures du Canada. Il a été établi que l'autorité
législative du Parlement s'étend aux réclamations relatives à
l'assurance maritime. L'article 22(2)r) de la Loi sur la Cour
fédérale a attribué à la Division de première instance compé-
tence en matière d'assurance maritime, et les tribunaux provin-
ciaux ont une compétence parallèle lorsque les parties relèvent
de leur ressort. Les allégations contre la compagnie de courtage
d'assurance défenderesse ne sont pas des allégations de négli-
gence en vertu des polices d'assurance maritime en question,
mais elles sont fondées sur les relations avec l'agence. Il ne
s'agit pas d'allégations relatives à quelque matière maritime ou
d'amirauté faisant partie du «droit maritime canadien».
Arrêts appliqués: Quebec North Shore Paper Co. c. Cana-
dien Pacifique Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054; McNamara
Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S.
654; La Reine c. Canadian Vickers Ltd. [1978] 2 C.F.
675; Sivaco Wire & Nail Co. c. Atlantic Lines & Naviga
tion Co., Inc. [1978] 2 C.F. 720; Sailing Ship «Blairmore»
Co., Ltd. c. Macredie (1898) 25 R. (C.L.) 57. Arrêt
examiné: De Lovio c. Boil (1817) 2 Gall. 398 (Gallison's
Reports).
DEMANDE.
AVOCATS:
David F. H. Marler pour la demanderesse.
A. J. Stone, c.r., pour les défendeurs Gore
Mutual Insurance Co. et Canadian Marine
Underwriters Ltd.
G. A. Allison, c.r., pour la défenderesse Reed,
Shaw, Stenhouse Ltd.
PROCUREURS:
Magwood, Pocock, Rogers, O'Callaghan,
Toronto, pour la demanderesse.
McTaggart, Potts, Stone & Herridge,
Toronto, pour les défendeurs Gore Mutual
Insurance Co. et Canadian Marine Under
writers Ltd.
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac -
Kell & Clermont, Montréal, pour la défende-
resse Reed, Shaw, Stenhouse Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: Les compagnies d'assurance
défenderesses Gore Mutual Insurance Company et
Canadian Marine Underwriters Ltd., ainsi que la
compagnie de courtage d'assurance Reed, Shaw,
Stenhouse Limited, ont introduit deux demandes
séparées requérant le rejet de la présente action,
conformément à la Règle 474, au motif que [TRA-
DUCTION] «la Cour n'est pas compétente pour
entendre et régler les réclamations faites dans la
présente action».
Nous allons examiner en premier lieu la
demande des compagnies d'assurance, et ensuite
celle de la compagnie de courtage d'assurance.
La demanderesse poursuit les compagnies d'as-
surance défenderesses relativement à deux contrats
d'assurance maritime portant les numéros 408014
et 408015 (dont des copies ont été déposées en
preuve par affidavit concernant cette requête) et
prétend, ainsi qu'il appert des preuves produites,
qu'elle aurait droit au remboursement d'une
somme d'environ $700,000 pour les rubriques
détaillées aux paragraphes 31 et 33 de la déclara-
tion, alléguant que toutes lesdites rubriques
seraient garanties par l'une ou l'autre des deux
polices susmentionnées, ou par les deux.
Ces polices d'assurance maritime comportent
des provisions in rem et des provisions in
personam.
Les requêtes soulèvent trois questions litigieuses
à examiner, à savoir:
1. Des polices d'assurance maritime, telles que
celles susmentionnées, sont-elles des matières
«maritimes» ou des matières d'«amirauté»? et plus
spécialement, sont-elles des «contrats maritimes»?
2. Quelle loi relative aux contrats maritimes a été
édictée par le Parlement du Canada comme partie
intégrante de la législation fédérale principale sur
l'amirauté?
3. Toute partie de la législation fédérale principale
adoptée est-elle valable comme relevant de la com-
pétence législative constitutionnelle du gouverne-
ment fédéral du Canada en vertu des Actes de
l'Amérique du Nord britannique? En d'autres
termes, en ce qui concerne les polices d'assurance
maritime évoquées ici, l'autorité législative du Par-
lement du Canada en vertu des Actes de l'Améri-
que du Nord britannique, 1867 1960, et plus
spécialement en vertu de l'article 91, rubrique 10
«La navigation et les expéditions par eau», englobe-
t-elle comme partie intégrante du droit maritime
principal canadien des réclamations de la compé-
tence de la Cour fédérale du Canada telles que
celles faites dans la présente action, relativement à
des polices d'assurance maritime?
Contrats maritimes
Ces polices d'assurance maritime, comme toutes
polices de ce genre comportant des provisions in
rem et des provisions in personam, sont signées sur
la terre ferme, mais traitent de la couverture des
risques pour lesquels des primes sont payées, rela-
tivement à la navigation, aux affaires ou au com-
merce sur mer ou sur certaines eaux intérieures du
Canada.
Il y a un accord universel de fait pour considérer
de telles polices comme des «contrats maritimes».
Dans De Lovio c. Boit' (arrêt quelquefois appelé
[TRADUCTION] «la clé de voûte de la jurisprudence
relative à l'Amirauté en Amérique») le juge Story,
se prononçant sur ce qu'il faut entendre par «con-
trats maritimes», a déclaré [aux pages 475 et 476]:
[TRADUCTION] ... il y a peu de place pour la controverse. Tous
les juristes, civilistes et autres, s'accordent à dire que cette
appellation comprend entre autres: les chartes-parties, les affrè-
tements, les inscriptions hypothécaires maritimes, les contrats
pour les services maritimes afférents à la construction, à la
réparation, à la fourniture et à la navigation des navires, les
contrats entre les copropriétaires des navires, les contrats et les
quasi-contrats relatifs aux avaries, aux contributions et aux jets
à la mer; et, ce qui est plus important en l'espèce, les polices
d'assurance.* Et le fait est que les cours d'amirauté des autres
pays ont exercé une compétence sur les polices d'assurance en
tant que contrats maritimes; et l'amirauté anglaise a constam-
ment revendiqué ce genre de compétence.** Il n'y a pas plus de
raison pour que l'amirauté statue sur les prêts à la grosse à titre
de contrats maritimes que sur les polices d'assurance. Les uns
et les autres sont exécutés sur terre et concernent intrinsèque-
ment les risques maritimes, les dommages et les pertes.***
En conséquence, je juge que les polices d'assurance relèvent
de la compétence (quoique non exclusive) de l'amirauté et des
tribunaux maritimes des États-Unis.****
* Cleirac, Le Guidon, ch. 1, p. 109, ch. 3, p. 124, Id. Jurisd.
de la Marine, p. 191.-1 Valin, Comm. 112, 120, &c. 127,
&c.-2 Emer. 319.—Godolph. 43.—Zouch, 90, 92.—Exton,
69, &c. 295, &c.—Malyne Lex Merc. 303. Id. Collection of
Sea Laws, ch. 2, p. 47.—Consol. del Mare, ch. 22.-2 Bro.
Adm. ch. 4, p. 71.-4 Bl. Comm. 67.—The Sandwich, Peters's
R. 233, n.—Targa. Reflex. ch. 1.
** Boucher's Consol. del Mare, 2 vol. 730.-1 Valin, Com.
120.-2 Emer. 319.—Roccus de Assec. n. 80.-2 Bro. Adm.
80.—Zouch, 92, 102.
*** Dans sa note 80, Roccus de Ass. a déclaré: «Les problè-
mes d'assurance et les litiges portant sur les navires doivent être
jugés conformément au droit maritime; et il faut respecter les
usages et coutumes de la mer. La procédure à appliquer est
celle des tribunaux maritimes.» Dans ses réflexions (ch. 1.),
Targa définit les contrats maritimes comme ceux qui, suivant
les usages commerciaux, se rapportent à des négociations mari-
times et à leurs effets. On a déjà dit qu'à l'origine les Amirau-
tés d'Angleterre et d'Écosse avaient la même compétence. Et
l'Amirauté d'Écosse sur le fondement de son droit originaire et
inhérent continue à exercer sa compétence sur tous les contrats
maritimes, et plus spécialement les polices d'assurance. Dans
les recueils Dow sur les décisions prises par la Chambre des
Lords en 1813 et 1814, il n'y a pas moins de huit affaires
d'assurance, lesquelles, introduites tout d'abord devant l'Ami-
rauté d'Écosse, ont été finalement jugées par la Chambre des
' (1817) 2 Gall. 398 (Gallison's Reports).
Lords, les lords Ellenborough, Eldon et Erskine prenant part
aux décisions.—Watt c. Morris, 1 Dow. R. 32.—Tennant c.
Henderson, 1 Dow. R. 324.—Watson c. Clark, 1 Dow. R.
336. Brown c. Smith, 1 Dow. R. 349.—Sibbald c. Hill, 2
Dow. R. 263. Hall c. Brown, 2 Dow. R. 367.—Smith c.
McNeil, 2 Dow. R. 538. Smith c. Robertson, 2 Dow. R. 474.
sss* Les tribunaux de common law ont certainement acquis
une compétence simultanée, quoi qu'il ne soit pas facile de se
fonder sur les principes de l'ancienne common law pour en
retracer l'origine authentique. Voir page 422.
Les auteurs de manuels scolaires, tels que F. L.
Wiswall, Jr. 2 et A. R. G. M'Millan 3 reconnaissent
2 Aux pages 29 et 30 de The Development of Admiralty
Jurisdiction and Practice Since 1800, par F. L. Wiswall, Jr.:
[TRADUCTION] Pour Story, à qui incombait la responsabi-
lité de définir la compétence de l'Amirauté en Amérique,
l'histoire de cette compétence en Angleterre était d'une
importance capitale. Sa connaissance en la matière était très
étendue, tout comme son respect pour les décisions de Sto-
well durant ses dernières années au tribunal,—ces deux
considérations étant bien mises en lumière dans son jugement
The Draco (7 Fed. Cas. 1032 (N° 4057) (C.C. Mass. 1835)).
Il utilisait sa connaissance de façon très heureuse, commen-
çant par bâtir la fondation de la compétence de l'Amirauté
américaine en matière de contrat, dans The Emulous (8 Fed.
Cas. 697 (N° 4479) (C.C. Mass. 1813)), puis confirmant
cette fondation dans la plus grande décision jamais rendue
DeLovio c. Boit, laquelle reste jusqu'à nos jours la clé de
voûte de la compétence de l'Amirauté en Amérique. Dans
DeLovio c. Boit (7 Fed. Cas. 418 (N° 3776) (C.C. Mass.
1815)) la question principale est celle de savoir si les polices
d'assurance maritime relèvent de l'Amirauté à titre de con-
trats maritimes. Quoi qu'il ait été établi de longue date en
Angleterre que, malgré leur caractère maritime, les polices
d'assurance maritime relèvent des seuls tribunaux de
common law (voir A. Browne, tome 2, pages 82-3), Story
pense que l'adoption de la common law d'Angleterre par les
États-Unis n'emporte pas adoption des décisions des tribu-
naux de common law ayant pour conséquence la limitation
de la compétence de l'Amirauté relativement à des matières
réellement maritimes, et que les lois proclamées par Richard
II ne seraient pas valables en cas de contradiction avec la
compétence accordée par la constitution «pour toute affaire
civile ... affaire d'amirauté et affaire maritime». (Article III,
§ 2, cl. I.) Non seulement l'avis de Story dans DeLovio est
cité par les auteurs modernes de manuels scolaires relative-
ment à l'Amirauté britannique, pour sa description de la
compétence de cette dernière (voir par exemple Roscoe dans
Practice, introduction, page 2, note c)), mais, comme on le
verra plus loin, il constitue le fondement sur lequel les
tribunaux britanniques rendent des décisions relatives aux
privilèges maritimes (voir plus loin, aux pages 156-7) et, avec
l'avis qu'il a formulé subséquemment dans The Nestor (18
Fed. Cas. 9 (N° 10126) (C.C. Me. 1831)), le raisonnement
de Story dans DeLovio constitue la théorie des actions in rem
pour l'Amirauté aux États-Unis.
3 Scottish Maritime Practice par A. R. G. M'Millan, M.A.,
LL.B., à la page 5:
[TRADUCTION] On peut remarquer, en outre, que la compé-
tence de l'Amirauté dans les deux pays ne coïncide pas
(Suite d la page suivante)
le caractère maritime des polices d'assurance mari
time lorsqu'ils étudient l'acquisition de la compé-
tence simultanée par les tribunaux de common law
en Angleterre dans l'audition des demandes fon-
dées sur les susdites polices (pendant une certaine
période, les tribunaux de common law, et même la
législation écrite, ont interdit à l'Amirauté d'An-
gleterre d'entendre des revendications y relatives.
Mais aucune loi ni aucune décision d'un tribunal
de common law en Angleterre n'a jamais prétendu
suggérer qu'une police d'assurance maritime ne
serait pas une matière d'amirauté ou une matière
maritime.)
Ces déclarations des auteurs de manuels scolai-
res relativement à la compétence en matière d'as-
surance maritime sont fondées sur un avis exprimé
par lord Watson à la page 63 dans Sailing Ship
«Blairmore» Co., Ltd. c. Macredie 4 :
[TRADUCTION] Ledit arrêt a résolu une seule question, à savoir
que dans les affaires maritimes relevant exclusivement de la
compétence des cours de l'Amirauté dans les deux pays, la loi
applicable n'était ni la loi anglaise, ni la loi écossaise, mais la
loi britannique, donc le même code. Mais, à ma connaissance,
la compétence desdites cours dans les deux pays n'a jamais
exactement coïncidé. En Écosse, la compétence des cours
d'Amirauté, quoique parallèle à celle des cours de session,
s'étendait à tout conflit relatif aux polices d'assurance mari
time, et aussi, à la suite d'un long usage, aux lettres de change
et à d'autres conflits commerciaux n'ayant rien de maritime
(Ersk. Inst. B. 1, Tit. iii., art. 33 et 34). D'autre part, en
Angleterre, les polices d'assurance maritime étaient simplement
considérées comme des contrats commerciaux, et des actions
intentées à l'occasion desdites polices relevaient de la compé-
(Suite de la page précédente)
exactement, et que le principe d'uniformité s'applique seule-
ment aux matières relevant de la compétence exclusive de
l'Amirauté dans lesdits pays. Ainsi, en Angleterre, les problè-
mes relatifs aux affrètements, sauf dans certaines circons-
tances spéciales, ou ceux relatifs aux polices d'assurance
maritime, ne relèvent pas de la compétence de l'Amirauté et
sont entièrement jugés d'après des principes de common law.
Dans de pareilles affaires, les décisions rendues par les
tribunaux anglais ne constituent pas nécessairement des pré-
cédents pour les tribunaux d'Écosse (Sailing Ship «Blair-
more» Co., Ltd. c. Macredie, 1898, 25 R. (C.L.) 59, lord
Watson, à la page 63). En outre, dans certaines circons-
tances, le tribunal peut requérir l'application de la législation
municipale étrangère. On a fait ressortir que la compétence
des tribunaux d'Amirauté exige continuellement l'application
de telle législation dans des affaires de revendication de
possession ou de salaires, et dans celles survenues dans des
prêts à la grosse aventure ou des hypothèques (The
«Annette»: The «Dora», 1919, P. 105, le juge Hill, à la page
114). Très souvent, des matières de responsabilité contrac-
tuelle et de responsabilité délictuelle exigent l'application de
la législation municipale étrangère.
4 (1898) 25 R. (C.L.) 57.
tence, non pas des cours d'Amirauté, mais des tribunaux de
common law.
La déclaration précitée de lord Watson n'a
aucune relation avec la présente espèce, par suite
des dispositions des articles 2b) et 42 de la Loi sur
la Cour fédérale, pour les raisons ci-après
énoncées.
Dans La Reine c. Canadian Vickers Limited 5 , le
juge en chef adjoint Thurlow révise et relate, de
façon exhaustive et avec abondance de détails, les
sources du principal droit maritime canadien
applicable devant la Cour fédérale du Canada,
ainsi que la compétence de celle-ci relativement
aux contrats maritimes. Dans cette cause, le juge
en chef adjoint a constaté que la réclamation d'un
propriétaire de navire contre un charpentier naval,
sur le fondement d'un contract conclu entre eux,
n'est pas une matière de contrat maritime.
Dans Sivaco Wire & Nail Company c. Atlantic
Lines & Navigation Company, Inc. 6 le juge Walsh
a statué que, dans la mesure où la réclamation
était fondée sur un contrat, en l'espèce pour des
avaries occasionnées à la cargaison transportée de
France à Montréal sur le navire du défendeur, elle
était fondée sur un contrat maritime.
Quelle «loi maritime» a été édictée au Canada
comme partie intégrante du droit positif de
l'Amirauté?
L'article 42 et l'article 2b) de la Loi sur la Cour
fédérale, dont voici le libellé, prescrivent et définis-
sent ce qui constitue aujourd'hui, sur le plan fédé-
ral, le droit maritime canadien positif:
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement
avant le 1" juin 1971 reste en vigueur sous réserve des modifi
cations qui peuvent y être apportées par la présente loi ou toute
autre loi.
2. Dans la présente loi,
«droit maritime canadien» désigne le droit dont l'application
relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridic-
tion d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté ou de
quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si cette Cour avait
eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en
matière maritime et d'amirauté, compte tenu des modifica
tions apportées à ce droit par la présente loi ou par toute
autre loi du Parlement du Canada;
5 Supra, page 675.
6 Infra, page 720.
(En 1891, en application de l'Acte de l'Ami-
rauté, 1891, cette cour, sous son rom précédent de
Cour de l'Échiquier du Canada, reçut pour la
première fois compétence concernant le droit mari
time. Avant cette date, ladite compétence était
attribuée à différents autres tribunaux du
Canada.)
Lorsqu'il adopta les dispositions précitées en
1970, le Parlement fédéral jouissait des prérogati-
ves législatives à lui reconnues par les Actes de
l'Amérique du Nord britannique, 1867 1960,
sans souffrir des limitations en vigueur lors de
l'adoption, par exemple, de l'Acte de l'Amirauté,
1891, cause du Statut de Westminster, 1931. En
conséquence, le Parlement avait le pouvoir néces-
saire pour proclamer un code de droit maritime
positif plus détaillé qu'auparavant et d'y faire des
attributions de compétence. Dans La Reine c.
Canadian Vickers Limited (supra) le juge en chef
adjoint Thurlow s'est ainsi exprimé à la page 682:
De 1890 1931, la Loi de 1865 relative à la validité des lois
des colonies, 28 & 29 Vict., c. 63, a restreint quelque peu le
pouvoir conféré au Parlement de légiférer en matière de marine
marchande mais, en vertu de l'article 2 du Statut de Westmin-
ster, 1931 (1931, 22 Geo. V, c. 4 (Imp.)), cette loi a cessé d'être
appliquée à la législation subséquente adoptée par les Parle-
ments des dominions autonomes. En outre, l'article 6 a mis fin
aux restrictions imposées aux pouvoirs du Parlement par l'Acte
des Cours coloniales d'Amirauté, 1890 et le paragraphe 2(2) a
autorisé l'abrogation des textes législatifs impériaux qui fai-
saient partie de la législation du Dominion.
Non pas à des fins d'interprétation, mais pour
rappeler dans quelles circonstances le Statut de
Westminster, 1931 a été adopté, nous reproduisons
ci-après quelques-uns des articles dudit statut,
ainsi que les annotations y afférentes apportées par
Maurice 011ivier, c.r., parfois conseiller parlemen-
taire à la Chambre des Communes à Ottawa. Les
annotations figurent dans la collection des statuts
et annotations intitulée Les Actes de l'Amérique
du Nord britannique et Statuts connexes 1867-
1962 (Imprimerie de la Reine) aux pages 151 à
153. (Articles 2, 3, 4, 5 et 6 du Statut de West-
minster, 1931 et annotations en bas de pages.)
2. (1) Le Colonial Laws Validity Act de 1865 ne s'appli-
quera à nulle loi que le parlement du Dominion édictera
postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi.
(2) Nulle loi ou disposition législative que le parlement d'un
Dominion édictera postérieurement à l'entrée en vigueur de la
présente loi ne sera nulle ou inopérante à raison de son incom-
patibilité, soit avec le droit anglais, soit avec les dispositions
d'une loi existante ou ultérieure du Royaume-Uni, soit avec un
arrêté pris, une règle établie ou un règlement rendu en vertu
d'une telle loi du Royaume-Uni; et les pouvoirs du Parlement
d'un Dominion comprendront la faculté d'abroger ou de modi
fier une telle loi, un tel arrêté, une telle règle et un tel
règlement dans la mesure où ils feront partie de la législation de
ce Dominion.*
3. Il est déclaré et décrété que le Parlement d'un Dominion a
plein pouvoir pour édicter des lois ayant une portée
extraterritoriale.**
4. Nulle loi du Parlement du Royaume-Uni édictée posté-
rieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi ne fera partie
ni ne sera considérée comme faisant partie de la législation d'un
Dominion, à moins qu'il n'y soit formellement déclaré qu'elle a
été édictée à la demande et avec l'assentiment dudit
Dominion.***
5. Sans préjudice de la portée générale des dispositions
précédentes de la présente loi, les articles 735 et 736 du
Merchant Shipping Act de 1894 seront interprétés comme si la
mention qui y est faite de la législature d'une possession
britannique ne visait pas le parlement d'un Dominion.****
6. Sans préjudice de la portée générale des dispositions
précédentes de la présente loi, l'article 4 du Colonial Courts of
Admiralty Act de 1890, qui prescrit que la sanction de certai-
nes lois doit être réservée au bon plaisir de Sa Majesté ou
qu'elles doivent contenir une clause en suspendant l'entrée en
vigueur, et cette partie de l'article 7 de la même loi qui prescrit
que tout règlement établi par une cour relativement à la
pratique et à la procédure d'une cour coloniale d'amirauté doit
être approuvé par Sa Majesté en conseil, cesseront d'avoir force
de loi dès l'entrée en vigueur de la présente loi.*****
* A la suite des déclarations qui avaient été faites à la
Conférence de 1926, la conférence d'experts qui se réunit à
Londres en 1929 recommanda l'abrogation de cette loi de 1865,
adoptée alors pour étendre les pouvoirs des législatures colonia-
les au delà des limites étroites que leur avaient assignées les
décisions judiciaires. La loi de 1865 avait décrété que la
législation adoptée par une colonie ne devait pas être invalide
sauf si elle était incompatible avec quelque loi du Parlement du
Royaume-Uni s'appliquant à la colonie et qu'alors elle devait
être nulle seulement selon le degré de cette incompatibilité.
(Voir la cause du Nadan v. Le Roi, 1926 A.C. p. 482.)
Cela ne suffisait pas, cependant, car on pouvait craindre, en
abrogeant cette loi, de rétablir l'ancienne doctrine du droit
coutumier. Il fallait donc une disposition législative qui fit voir
clairement que, en dépit de la révocation de la loi relative à la
validité des lois coloniales, les lois adoptées par les dominions
ne devenaient pas inopérantes pour cause d'incompatibilité avec
la loi d'Angleterre.
Les provinces (spécialement Ontario et Québec) demandè-
rent et obtinrent de la Conférence interprovinciale qui siégea au
mois d'avril 1931, que les avantages de l'art. 2 leur fussent
appliqués et c'est là la raison de l'adoption du par. (2) de l'art.
7 du Statut.
** Le droit d'extraterritorialité, qui est l'un des attributs de
la souveraineté, est l'opération des lois sur les personnes et sur
les statuts existant en dehors des limites de l'État, mais conti-
nuant quand même d'être assujettis aux lois de cet État. Il
signifie pour une nation le droit de légiférer pour ses propres
nationaux au delà des limites de ses eaux territoriales, de
manière à les assujettir à ses propres lois lorsqu'ils retombent
sous la juridiction de leur pays.
Nos limitations relativement à l'extraterritorialité s'éten-
daient notamment aux pêcheries, aux taxes, à la navigation, à
l'aviation, au mariage, au droit criminel, au droit d'auteur, au
droit de déportation, enfin à la mise en vigueur des lois sur la
contrebande et l'immigration illicite.
L'article 3 stipule, d'une façon absolument claire et sans
restriction aucune, que le parlement d'un Dominion a plein
pouvoir d'édicter des lois ayant une application extraterrito-
riale.
Cet article ne vise pas les législatures des provinces, évitant
ainsi le conflit des lois qui aurait pu se produire si chaque
province avait le pouvoir d'édicter des lois ayant une applica
tion extraterritoriale.
*** On peut résumer ainsi la situation en ce qui a trait à
notre droit de légiférer. Au commencement l'Angleterre légifé-
rait pour nous aussi bien que pour tous ses sujets sans les
consulter. La deuxième période fut celle où les dominions
acquirent la faculté de légiférer, mais avec certaines restric
tions, et certaines matières continuant d'être réservées au Parle-
ment du Royaume-Uni.
Pendant la troisième période il fut permis aux dominions
d'adopter, pour leur territoire, la loi d'Angleterre, comme en
1911 la loi du droit d'auteur, et en 1914 le British Nationality
Act.
Une quatrième période fut celle des consultations. Les lois
qui intéressaient toutes les parties de l'Empire ne devaient être
adoptées qu'après consultation des différentes parties intéres-
sées. Nous croyons que dans le cas où cette uniformité est
nécessaire cette période se continue, avec cette différence,
cependant, que la consultation est devenue absolument volon-
taire. Ainsi, notre loi de la marine marchande n'a été modifiée
que conformément à la «Convention relative à la marine mar-
chande de la communauté britannique» signée à Londres le 10
décembre 1931.
Le Royaume-Uni a lui-même limité à notre égard son pou-
voir de légiférer pour nous en adoptant l'art. 4 du Statut.
Comme on le voit à la lecture de cet article, les lois anglaises
auxquelles on se réfère sont celles qui ont été adoptées après
l'entrée en vigueur du Statut de Westminster. Les lois adoptées
auparavant et qui auparavant s'appliquaient aux dominions
demeurent en force jusqu'à ce que notre parlement décide de
les abroger.
Cet article est conforme à la recommandation de la Confé-
rence de 1930.
**** Jusqu'au moment de l'adoption du Statut de Westmin-
ster, l'autonomie législative du Canada, dans les matières rela
tives à la marine marchande, était circonscrite par les disposi
tions du Colonial Laws Validity Act, 1865, par les art. 735 et
736 du Merchant Shipping Act, 1894 (impérial) et du fait que
le Dominion ne pouvait donner à sa législation un effet
extraterritorial.
Le Merchant Shipping Act de 1854 s'appliquait à la Grande-
Bretagne et à ses colonies, aucun des dominions n'existant
comme tel à cette époque. Lors de la création du premier
dominion, en 1867, pouvoir fut donné à notre Parlement fédéral
de légiférer en matière de navigation et de marine marchande.
Notre législation, cependant, ne pouvait être valide qu'en tant
qu'elle se conformait à la loi anglaise. Une nouvelle loi anglaise
fut adoptée en 1894, qui n'était que la codification de la loi de
1854, avec les modifications apportées pendant les quarante ans
qui venaient de s'écouler.
C'est donc la loi anglaise de 1894, avec les modifications
apportées jusqu'en 1911, ainsi que notre propre loi de la marine
marchande, qui nous régissaient jusqu'à l'entrée en vigueur de
la loi adoptée par notre Parlement en 1934. En effet, depuis
1911, il a été stipulé que les modifications apportées à la loi
anglaise cesseraient de s'appliquer aux dominions.
Nous avons mentionné un peu plus haut l'Acte relatif à la
validité des lois coloniales comme un obstacle à notre autono-
mie en matière de législation maritime. Un autre obstacle
venait de l'impossibilité dans laquelle se trouvait le Dominion
d'adopter des lois ayant l'avantage de l'extraterritorialité. Ces
difficultés n'existent plus, grâce aux art. 2 et 3 du Statut de
Westminster qui ont fait disparaître les deux obstacles à notre
autonomie en cette matière, mentionnés plus haut.
L'article 2 déclare que l'Acte relatif à la validité des lois
coloniales cessera de s'appliquer aux lois adoptées par les
parlements des dominions, et l'article trois que les parlements
des dominions ont plein pouvoir d'adopter des lois d'une portée
extraterritoriale.
La disparition de l'Acte relatif à la validité des lois coloniales
fit en même temps disparaître l'obstacle principal à notre droit
de légiférer au sujet de la marine marchande.
Comme nous l'avons vu, il ne suffisait pas cependant de dire
que l'Acte relatif à la validité des lois coloniales ne s'applique-
rait plus à l'avenir aux dominions, ni de déclarer que le
parlement d'un dominion avait plein pouvoir d'adopter des lois
opérant en dehors du territoire. Il fallait de plus que les art. 735
et 736 de la loi impériale de la marine marchande, cessassent
de s'appliquer aux dominions, et ce résultat fut obtenu par l'art.
5 du Statut de Westminster.
Aussi, le Dominion a exercé ce droit en adoptant a loi de la
marine marchande, 1934.
En adoptant cette loi, le Dominion s'est prévalu de son droit
absolu de légiférer pour les vaisseaux, de quelque provenance
qu'ils soient, lorsqu'ils sont dans les eaux canadiennes; il s'est
prévalu de son droit de légiférer pour les vaisseaux immatricu-
lés au Canada, que ces vaisseaux se trouvent dans les eaux
canadiennes ou ailleurs, subordonnément, dans ce dernier cas,
aux lois locales lorsque ces vaisseaux se trouvent dans des eaux
ou des ports non canadiens.
***** C'est une question discutée que de savoir si cet article
était nécessaire ou non. Nos cours d'amirauté, jusqu'à l'adop-
tion du Statut de Westminster, étaient constituées en vertu de
la Loi des cours coloniales d'amirauté de 1890. Cette législation
régissait jusqu'à un certain point le fonctionnement de nos
tribunaux et avait pour effet de limiter leur juridiction. L'arti-
cle 4 en particulier empêchait les législatures des dominions
d'étendre leur juridiction ou de changer leur procédure sans
l'approbation du Secrétaire d'État du Royaume-Uni.
La juridiction de notre cour d'amirauté était limitée à celle
de la Haute Cour d'Amirauté en Angleterre; d'autre part, l'on
avait ajouté considérablement à la juridiction en amirauté de la
Haute Cour sans étendre ces pouvoirs additionnels à nos tribu-
naux, c'est-à-dire à la Cour d'Échiquier siégeant en amirauté.
(Le c. 29 de nos statuts de 1891 avait fait de notre cour
d'Échiquier une cour d'amirauté en vertu de la Loi des cours
coloniales d'amirauté.)
L'article 6 du Statut a maintenant fait disparaître les restric
tions qui nous avaient été imposées. Il ne sera plus nécessaire
que nos lois en la matière soient approuvées par Sa Majesté en
son conseil avant d'entrer en vigueur et, ainsi que nous l'avons
vu à la note accompagnant l'art. 2, le droit a été donné au
Parlement du Dominion d'abroger les lois du Royaume-Uni en
autant que ces lois «faisaient partie de la législation du Domi
nion», ce qui évidemment comprend le pouvoir d'abroger, en ce
qui nous concerne, la Loi des Cours coloniales d'amirauté de
1890.
Il faudrait donc remarquer que, lorsque le Parle-
ment vota de nouveau en 1970 la loi maritime
fédérale de droit positif et juridictionnel, son pou-
voir législatif avait augmenté dans une très grande
mesure, et le Parlement a exercé ce pouvoir accru
et cette compétence attribuée de telle sorte qu'à
présent le code du droit maritime fédéral positif
dont l'application est dévolue à la Cour fédérale du
Canada comprend non seulement (1) «le droit dont
l'application relevait de la Cour de l'Échiquier du
Canada, en sa juridiction d'amirauté, en vertu de
la Loi sur l'Amirauté ou de quelque autre loi»,
mais aussi (2) le droit positif «qui en aurait relevé
si cette Cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté,
compétence illimitée en matière maritime et
d'amirauté, compte tenu des modifications appor-
tées à ce droit par la présente loi ou par toute autre
loi du Parlement du Canada».
Un long code de droit positif d'amirauté, dont
une large partie était non statutaire dans sa forme
d'origine, a été ainsi incorporé, par simple réfé-
rence, dans le droit maritime canadien et la Cour
fédérale du Canada a reçu compétence pour con-
naître des actions et poursuites relatives aux
matières dudit droit, en vertu de l'autorité législa-
tive de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, rubrique 10 «La navigation et
les expéditions par eau» (voir le juge Kerwin, dont
c'était alors le titre, dans An Act to Amend the
Supreme Court Act'; voir aussi Laskin: Canadian
Constitutional Law, 4e édition, 1973, la page
796) et en vertu de l'article 101 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
En conséquence, et par suite de l'adoption d'un
long code de droit fédéral positif applicable en
vertu du pouvoir dévolu par la rubrique 10 de
l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord bri-
[ 1940] R.C.S. 49, à la page 108.
tannique, on peut poser comme prémisse valable la
compétence de la Cour fédérale du Canada en
toute matière concernant le droit maritime cana-
dien; et ainsi le principe énoncé dans les arrêts
Quebec North Shore Paper Company c. Canadien
Pacifique Limitée 8 et McNamara Construction
(Western) Limited c. La Reine 9 relativement à la
proposition «l'existence d'une législation fédérale
applicable, que ce soit une loi, un règlement ou la
common law» est satisfait en ce sens que, par
rapport au droit maritime canadien, «la compé-
tence judiciaire ... recouvre le même domaine que
compétence législative [fédérale]».
En plus, et ceci se rapporte de très près à l'objet
de la présente requête, il y a la référence à l'avis
exprimé par lord Watson à la page 63 de l'arrêt
Sailing Ship «Blairmore» Co., Ltd. c. Macredie
rapporté plus haut, à savoir que la compétence des
cours d'Amirauté écossaise et anglaise ne couvrait
pas le même domaine et qi. ;, en ce temps-là et
pendant une certaine période, les tribunaux anglais
de common law, et non pas la cour anglaise d'Ami-
rauté, étaient compétents pour connaître des
revendications relatives aux polices d'assurance
maritime. Ces remarques n'ont plus aucune impor
tance ici car la Cour est maintenant compétente
pour connaître des actions intentées pour toutes
réclamations relatives à l'amirauté et à des matiè-
res maritimes, ce qui englobe toutes réclamations
en matière de police d'assurance maritime, lesquel-
les, pendant une certaine période, relevaient de la
compétence des tribunaux anglais de common law
(et en tout cas, ainsi qu'il a été dit, aucune décision
judiciaire n'a jamais laissé entendre qu'une reven-
dication relative à une police d'assurance maritime
ne serait pas une matière maritime ou une matière
d'amirauté).
Les limites de ce droit maritime ainsi incorporé
à la loi par simple référence et adopté comme droit
maritime fédéral canadien peuvent être difficiles à
déterminer avec précision, sauf si l'on analyse
chaque cas d'espèce.
De façon générale, toutes matières maritimes et
d'amirauté sont à l'intérieur desdites limites. Plus
spécialement le droit positif gouvernant tous con-
trats maritimes et tous actes dommageables se
trouve certainement à l'intérieur desdites limites.
8 [1977] 2 R.C.S. 1054.
9 [1977] 2 R.C.S. 654.
La seule réserve à cet égard est que contrats et
actes dommageables doivent se rapporter à des
affaires de navigation, ou de commerce sur mer ou
dans les eaux intérieures du Canada.
L'avis exprimé par le juge Story dans De Lovio
c. Boit (supra) à la page 400, est très significatif à
cet égard:
[TRADUCTION] En réalité, il est difficile de savoir exacte-
ment quelles étaient à l'origine la nature et l'étendue de la
compétence d'amirauté. Elle est aussi obscure que la compé-
tence que possédaient à l'origine les cours de common law.
Toutefois, il semble que tout à fait au début, l'Amirauté ait eu
à connaître de toutes les affaires de captures, de préjudices et
d'infractions survenus dans les ports entre le flux et le reflux de
la marée et en haute mer; des contrats maritimes et de la
navigation; et aussi de la préservation des droits, des prérogati-
ves et des pouvoirs de la Couronne dans les mers britanniques.
Les formes de ses procédures ont été empruntées au droit civil
et les règles qui la régissaient étaient constituées, comme c'est
admis partout, par les anciennes lois, coutumes et usages des
mers. En fait, il n'est guère douteux que les tribunaux d'ami-
rauté de l'Angleterre et les tribunaux maritimes des autres pays
européens étaient sur le même modèle, et que leur compétence
incluait les mêmes sujets que celle des cours consulaires de la
Méditerranée. Ces cours sont décrites dans le Consolato del
Mare, comme ayant compétence pour «tous les litiges relatifs
au fret, aux dommages subis par la cargaison, aux salaires des
matelots, au partage des navires par vente publique, au jet des
marchandises à la mer, aux commissions et aux cautionnements
consentis aux capitaines et aux marins, aux dettes contractées
par le capitaine pour l'utilisation et les besoins de son navire,
aux accords passés entre le capitaine et les marchands, aux
marchandises trouvées en haute mer ou sur la côte, à l'arme-
ment ou à l'équipement des navires, galères ou autres vaisseaux
et, en général, à tous les contrats déclarés dans les coutumes de
la mer.»
Certainement, dans le domaine ainsi décrit: (1)
s'applique le code du droit de l'amirauté, à titre de
droit maritime canadien, rendu loi fédérale par
l'Acte de l'Amirauté, 1891 et la Loi d'amirauté,
1934; et (2) est introduite, à titre de droit mari
time canadien, toute loi sur l'Amirauté et loi mari
time appliquées par les cours d'Amirauté en
Angleterre «sous le règne d'Edward III et avant les
lois promulguées par Richard II et Henry IV, qui
ont été ensuite interprétées et exécutées par les
cours de common law, appliquant les principes de
common law de manière à restreindre sévèrement
la compétence de la Cour d'Amirauté» 10 .
10 Voir La Reine c. Canadian Vickers Ltd., le juge en chef
adjoint Thurlow (supra) à la page 688.
Le domaine précité est, cependant, suffisam-
ment large pour permettre de déterminer les points
litigieux soulevés dans la présente requête, relati-
vement aux polices d'assurance maritime en
question.
Les affaires à juger plus tard devant cette cour
donneront l'occasion de déterminer avec précision
les limites des matières maritimes et des matières
d'amirauté.
Autorité législative du Parlement pour l'adoption
des articles 2b) et 42 de la Loi sur la Cour
fédérale
L'autorité législative du Parlement du Canada
en vertu des Actes de l'Amérique du Nord britan-
nique, 1867 1960, et plus précisément en vertu
de l'article 91, rubrique 10 «La navigation et les
expéditions par eau», comporte-t-elle le droit d'in-
corporer dans le droit maritime positif canadien
applicable devant la Cour fédérale du Canada des
revendications, telles que celles soulevées dans la
présente action, relatives à des polices d'assurance
maritime?
La Cour suprême du Canada a déjà reconnu, en
principe, la compétence du Parlement à cet égard
lorsqu'elle constate, dans Le «Picton» ", que l'Acte
de Juridiction Maritime, 1877, était une loi intra
vires en ce qui concerne la navigation et les expédi-
tions par eau, et que ladite compétence découle de
l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique (le tribunal maritime de l'Ontario et
les cours de vice-amirauté fonctionnant dans d'au-
tres parties du Canada ont été abolis lors de
l'entrée en vigueur de l'Acte de l'Amirauté, 1891).
Compétence
Il faut noter la distinction entre la compétence
pour appliquer le droit maritime canadien positif
et l'existence même dudit droit.
L'application du droit maritime canadien posi-
tif, édicté par le Parlement du Canada en 1891
dans l'Acte de l'Amirauté, 1891, était attribuée à
la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridic-
tion d'amirauté; ladite attribution à été confirmée
dans la Loi d'amirauté, 1934; elle a été par la suite
attribuée à la Cour fédérale du Canada (laquelle
i1 (1879) 4 R.C.S. 648, la page 655.
succédait à la Cour de l'Échiquier sous un autre
nom) en vertu de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10.
En ce qui concerne l'objet spécifique de la pré-
sente action, le Parlement du Canada, par l'article
22(2)r) de la Loi sur la Cour fédérale, a attribué
compétence à la Division de première instance de
ladite cour. Voici le libellé dudit article:
22....
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), il
est déclaré pour plus de certitude que la Division de première
instance a compétence relativement à toute demande ou à tout
litige de la nature de ceux qui sont ci-après mentionnés:
r) toute demande née d'un contrat d'assurance maritime ou
y relative; ...
La Cour fédérale du Canada n'a, cependant, pas
compétence exclusive relativement aux polices
d'assurance maritime. Les tribunaux provinciaux
ont une compétence parallèle lorsque les parties
relèvent de leur ressort.
Ce fait, et la prise en considération de certains
arrêts ci-après cités, relatifs à des affaires constitu-
tionnelles portant sur l'assurance, ne diminuent
cependant en rien la validité des déclarations,
faites dans les présents motifs:
Le procureur général du Canada c. Le procu-
reur général de l'Alberta 12; Le procureur géné-
ral de l'Ontario c. Reciprocal Insurers 13 ; In re
The Insurance Act of Canada 14 ; et Reference as
to the validity of Section 16 of the Special War
Revenue Act 15 .
En ce qui concerne ces arrêts constitutionnels,
on se reportera à un article de Vincent C.
MacDonald 16 , publié en 1946 dans la Revue du
Barreau canadien à la page 257 et intitulé [TRA-
DUCTION] «La réglementation de l'assurance au
Canada». L'auteur y cite C. P. Plaxton, c.r., sous-
ministre fédéral intérimaire de la Justice, qui a dit
[à la page 270], se référant à l'effet net produit
jusqu'alors par lesdits arrêts:
12 [1916] 2 A.C. 588.
13 [1924] A.C. 328.
14 [1932] A.C. 41.
15 [1942] R.C.S. 429.
16 A une époque, doyen de la Dalhousie Law School, à
Halifax, et plus tard juge à la Cour suprême de la
Nouvelle-Écosse.
[TRADUCTION] ... «que toutes personnes, canadiennes, bri-
tanniques ou étrangères, sont soumises, dans la conduite de
leurs affaires relatives à l'assurance (intéressant les polices
ou autres incidents desdites affaires), aux lois provinciales de
caractère général concernant les biens et les droits civils; et
que le Parlement du Dominion n'est pas compétent pour
trancher dans ce domaine.» M. Plaxton a ensuite fait ressor-
tir la distinction suivante soulignée dans toutes les décisions:
«Il y a une distinction constitutionnelle entre, d'une part, la
création, le contrôle ou la limitation du statut subjectif et du
domaine d'opération d'une compagnie canadienne, britanni-
que ou étrangère constituée en compagnie pour exercer une
entreprise d'assurance, et, d'autre part, la réglementation de
l'exercice objectif de ses pouvoirs relativement aux biens et
aux droits civils dans une province. La première catégorie de
réglementation relève de la compétence exclusive du Parle-
ment fédéral; la deuxième, de la compétence exclusive des
législatures provinciales.»
Pareillement, l'existence de certaines lois statu-
taires provinciales, à savoir le droit maritime pro
vincial tel que celui cité en référence ci-après, ne
diminue en rien la validité des déclarations faites
dans les présents motifs: The Marine Insurance
Act, S.R.O. 1970, c. 260; Loi sur l'assurance
maritime, L.R.N.-B. 1973, c. M-1; Marine Insur
ance Act, S.R.C.-B. 1960, c. 231; The Marine
Insurance Act, S.R.M. 1970, c. M40; articles 184
à 273 de l'Insurance Act, 1967, S.R.N.-E. 1967, c.
148; articles 2468 2692 du Code civil du Québec.
Pour se prononcer sur les points litigieux soule-
vés dans la présente action, il serait peut-être
nécessaire de recourir à certaines de ces lois écrites
et de les utiliser, ainsi qu'à d'autres lois statutaires
provinciales, sorte d'utilisation et d'application qui
a été examinée, par exemple, dans La Reine c.
Murray'''. Mais, au cas où elles s'avèrent nécessai-
res, cette utilisation et cette application ne consti
tuent pas [TRADUCTION] «une incorporation géné-
rale ou une adoption référentielle de lois
provinciales pour les introduire dans le champ de
compétence de la Cour fédérale», comme il pour-
rait être nécessaire dans la présente affaire, et
comme il a été suggéré par l'avocat dans un autre
contexte, avec des commentaires, dans Quebec
North Shore Paper Company c. Canadien Pacifi-
que Limitée (supra).
Pour ces motifs, je suis, par conséquent, d'avis
que la Division de première instance de la Cour
17 [1965] 2 R.C.É. 663; voir [1967] R.C.S. 262.
fédérale du Canada est compétente pour entendre
les présentes revendications relativement aux deux
polices d'assurance maritime en question.
La requête des compagnies d'assurance défende-
resses est donc rejetée avec dépens, qui suivront
l'issue de la cause.
Quant à la seconde requête introduite par la
compagnie de courtage d'assurance défenderesse
Reed, Shaw, Stenhouse Limited, la revendication
est énoncée dans les paragraphes 26 29 de la
déclaration. Manifestement, elle est essentielle-
ment fondée sur l'allégation que cette compagnie
de courtage d'assurance aurait, par négligence,
dénaturé certains faits. En vertu des polices d'assu-
rance maritime en question, il ne s'agit pas d'allé-
gations de négligence, mais ce sont, d'une façon
générale, les relations avec l'agence qui sont visées.
En tout cas, et aux fins de la présente action, il ne
s'agit pas d'allégations relatives à quelque matière
maritime ou d'amirauté faisant partie du «droit
maritime canadien>.
Voici le libellé des paragraphes 26 29 de la
déclaration:
[TRADUCTION] 26. Le 7 février 1974, la demanderesse a reçu
de la compagnie de courtage Reed, Shaw, Stenhouse Limited,
une lettre lui transmettant le texte d'un message envoyé par la
défenderesse Canadian Marine Underwriters Ltd. et déclarant
que les assureurs, les compagnies défenderesses Gore Mutual
Insurance Company et Canadian Marine Underwriters Ltd.,
considéraient la police comme nulle et sans effet à compter du
commencement du risque et qu'en conséquence les assureurs ne
feraient pas honneur à leurs engagements relativement à quel-
que matière assurable que ce soit survenue pendant la période
de validité de l'assurance, à savoir du 16 mars 1973 au 16 mars
1974.
27. D'après l'enquête par elle conduite, la demanderesse a
appris que la décision des assureurs, les compagnies défenderes-
ses Gore Mutual Insurance Company et Canadian Marine
Underwriters Ltd., de déclarer la police nulle et sans effet à
partir du commencement du risque, résultait de faux renseigne-
ments donnés par la compagnie de courtage Reed, Shaw,
Stenhouse Limited.
28. La demanderesse n'a jamais donné, soit directement aux
défenderesses Gore Mutual Insurance Company et Canadian
Marine Underwriters Ltd., soit indirectement par l'intermé-
diaire de la compagnie de courtage Reed, Shaw, Stenhouse
Limited, de faux renseignements relatifs à la vente des polices
d'assurance ou autrement, et en conséquence, les compagnies
défenderesses Gore Mutual Insurance Company et Canadian
Marine Underwriters Ltd. n'ont pas le droit de considérer la
police comme nulle et sans effet à compter du commencement
du risque.
29. Cependant, dans le cas où la Cour serait convaincue que les
compagnies d'assurance sont bien fondées à considérer la police
comme nulle et sans effet à partir du commencement du risque,
ce à quoi la demanderesse s'oppose énergiquement, cette der-
nière a alors le droit de demander la condamnation de la
défenderesse Reed, Shaw, Stenhouse Limited à lui payer toutes
sommes dont les compagnies d'assurance seraient responsables
envers elle si ladite police avait été en vigueur pendant toute sa
durée, y compris tous les préjudices causés à ladite demande-
resse par l'annulation des polices à compter du commencement
du risque.
En conséquence, la Cour fédérale du Canada
n'est pas compétente pour entendre la réclamation
élevée contre la compagnie de courtage d'assu-
rance défenderesse.
Les paragraphes 26 29 de la déclaration sont
donc biffés, ainsi que toute autre de ses parties se
rapportant à ladite compagnie de courtage d'assu-
rance défenderesse; l'action contre Reed, Shaw,
Stenhouse Limited est rejetée avec dépens et auto-
risation donnée à la demanderesse de faire toute
modification de la déclaration en conséquence, y
compris la numérotation des paragraphes pour
éliminer toute réclamation contre ladite compagnie
de courtage d'assurance défenderesse, et pour per-
mettre à ladite demanderesse de poursuivre ses
revendications contre les compagnies d'assurance
défenderesses.
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