A-267-77
In re la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et in
re Judith S. Dick (Requérante)
Cour d'appel, les juges Pratte et Heald et le juge
suppléant Smith—Winnipeg, le 18 octobre;
Ottawa, le 21 novembre 1977.
Examen judiciaire — Assurance-chômage — Admissibilité
aux prestations — Enseignante en congé de maternité autorisé
— Montant global reçu conformément à une clause du contrat
— Déclarée inadmissible aux prestations pour le mois de
juillet — Contrat réputé être en vigueur et la somme globale
réputée être le salaire payé pour le mois de juillet, conformé-
ment à l'art. 173(4) des Règlements — Le juge-arbitre a-t-il
erré en décidant que le contrat n'avait pas pris fin? — Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 — Loi
de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48, art.
21(2) — Règlements sur l'assurance-chômage, DORS/71-324,
art. 173(4).
La présente demande en vertu de l'article 28 vise à faire
annuler une décision d'un juge-arbitre qui a rejeté l'appel de la
requérante de la décision du conseil arbitral et jugé qu'elle était
inadmissible aux prestations. La requérante, une enseignante
ayant pris un congé de maternité autorisé en mars 1976, a reçu
un montant global à titre de rajustement à son paiement final
conformément à la disposition contenue dans son contrat de
travail et a commencé à recevoir, peu de temps après, ses
prestations d'assurance-chômage. Elle a toutefois été informée
qu'elle était inadmissible aux prestations réclamées pour le
mois de juillet. On a fait valoir que le contrat demeurait en
vigueur et que le montant global représentait le salaire pour
juillet, conformément à l'article 173(4) des Règlements. La
question importante à laquelle le juge-arbitre devait répondre
était de savoir si le contrat avait pris fin.
Arrêt: la demande est accueillie et la question est renvoyée
pour être tranchée à partir des faits. En décidant que le contrat
de travail n'avait pas pris fin, le juge-arbitre a pris pour acquis
que d'autres juges-arbitres avaient établi le principe. Cette
hypothèse est inexacte en droit. La question de savoir si un
«congé autorisé» peut ou non signifier une cessation du contrat
de travail et la question de savoir si le contrat de travail d'une
enseignante prend fin en cas de congé de maternité doivent être
décidées à la lumière de toutes les circonstances qui entourent
chaque cas particulier.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
D. A. Booth pour la requérante.
S. M. Lyman pour l'intimée.
PROCUREURS:
Gallagher & Co., Winnipeg, pour la requé-
rante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit en l'espèce d'une
demande en vertu de l'article 28 visant à faire
annuler une décision d'un juge-arbitre rendue en
vertu de la Partie V de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage'. Par cette décision, le juge-arbitre
a rejeté l'appel de la décision du conseil arbitral
interjeté par la requérante et a jugé qu'elle ne
pouvait pas bénéficier des prestations (de mater-
nité) qu'elle avait réclamées pour le mois de juillet
1976.
Les faits qui ont donné lieu à la décision du
conseil arbitral sont résumés comme suit dans la
décision du juge-arbitre:
La prestataire travaillait en vertu d'un contrat d'enseigne-
ment pour la division n° 1 des écoles de Winnipeg. En vertu de
la convention collective en date du 5 mai 1970, elle devait être
payée au taux de la grille salariale prévue dans la convention
collective de l'Association des enseignants de la division de
Winnipeg ... en douze versements mensuels égaux ..., H. La
convention contenait notamment la disposition suivante:
Attendu que si l'enseignant quitte son emploi à la division au
cours de son année de service et avant la fin de cette année, le
paiement final sera rajusté de façon que l'enseignant reçoive
au titre de la partie de l'année au cours de laquelle il a
enseigné une portion du salaire pour l'année entière qui
correspond au nombre de jours enseignés sur le nombre total
normal de jours d'enseignement, soit 200 jours dans une
année scolaire normale. Lors du calcul des jours d'enseigne-
ment, tous les congés de maladie auxquels l'enseignant a
droit seront inclus.
Le 26 mars 1976, la prestataire a déposé une demande de
prestations dans laquelle elle indiquait avoir quitté son emploi
parce qu'elle était enceinte et déclarait être en congé de mater-
nité autorisé, et avoir l'intention de reprendre son emploi en
septembre 1977. Elle a reçu de son employeur un montant
global de $1,878.07 à titre de rajustement aux termes de la
disposition citée ci-dessus. Elle gagnait $15,972.04 par année
soit $1,329.33 par mois et $306.77 par semaine.
Sa demande de prestations a été dûment reçue et traitée;
après les deux semaines habituelles du délai de carence, le
versement des prestations a commencé le 11 avril 1976 et devait
conformément au paragraphe 30(2) de la Loi se poursuivre
pendant quinze semaines soit jusqu'au 24 juillet 1976.
Le 15 juillet 1976 la prestataire a cependant été informée par
un fonctionnaire de l'assurance de la Commission qu'elle était
inadmissible aux prestations aux termes du paragraphe 21(2)
de la Loi parce qu'elle n'avait pas prouvé qu'elle était en
chômage vu qu'elle avait reçu sa rémunération habituelle pour
la semaine entière de travail et que son contrat de service était
toujours valide. Un conseil arbitral a confirmé à l'unanimité la
décision du fonctionnaire.
' S.C. 1970-71-72, c. 48.
L'article 21(2) de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage se lit comme suit:
21....
(2) Une semaine durant laquelle se poursuit un contrat de
louage de services d'un prestataire et pour laquelle celui-ci
reçoit ou recevra sa rémunération habituelle pour une semaine
entière de travail, n'est pas une semaine de chômage, même si
le prestataire peut être dispensé de l'exercice de ses fonctions
normales ou n'a en fait aucune fonction à exercer à ce
moment-là.
Selon la Commission, le contrat de travail de la
requérante n'avait pas pris fin quand elle a quitté
son poste le 26 mars 1976, et la somme de
$1,878.07 qu'elle a alors reçue représentait, en
fait, son salaire pour les mois de juillet et août. Ce
raisonnement a été également adopté par le Con-
seil arbitral ainsi que par le juge-arbitre qui, après
avoir déclaré que le contrat de travail de la requé-
rante n'avait pas pris fin, ont cité l'article 173(4)
des Règlements pour justifier le versement de la
somme de $1,878.07 pour les mois de juillet et
août 1976. L'article 173(4) des Règlements se lit
comme suit:
173.. ..
(4) La rémunération payable à un prestataire aux termes
d'un contrat de travail, sans que soient fournis des services, ou
la somme payable par un employeur à un prestataire pour qu'il
revienne au travail ou qu'il accepte un emploi, doit être répartie
sur la période pour laquelle elle est payable.
La question importante à laquelle le juge-arbitre
devait répondre, était de savoir si le contrat de
travail de la requérante avait pris fin le 26 mars
1976. 2 Dans l'affirmative, il en résultait que la
somme de $1,878.07 avait été versée à la requé-
rante «au titre de la partie de l'année au cours de
laquelle elle a enseigné», conformément à la dispo
sition du contrat de travail cité par le juge-arbitre
dans sa décision, et que la somme pouvait être
considérée comme versée à titre de salaire pour les
mois de juillet et août. Dans la négative par contre,
il en résultait nécessairement que le paiement de la
somme de $1,878.07 était une avance de salaire
pour les mois d'été.
2 Contrairement à ce que certains passages de la décision du
juge-arbitre peuvent laisser entendre, cette question ne doit pas
être confondue avec celle de savoir si la requérante avait cessé
son emploi et de manière à subir un «arrêt de rémunération» au
sens de l'article 2n). A mon avis, une cessation d'emploi
n'implique pas nécessairement la fin du contrat de travail.
Comme je l'ai déjà mentionné, le juge-arbitre a
déclaré que le contrat de travail de la requérante
n'avait pas pris fin. On peut lire dans sa décision
qu'il a fait cette déclaration en prenant pour
acquis que d'autres décisions de juges-arbitres
avaient établi que la mise en congé de maternité de
l'enseignante ne met pas fin à son contrat de
travail. A mon avis, cette hypothèse qu'il a accep-
tée est inexacte en droit. La question de savoir si le
contrat de travail d'un enseignant prend fin en cas
de congé de maternité, doit être décidée à la
lumière de toutes les circonstances qui entourent
chaque cas particulier. Ce qui est appelé un «congé
autorisé» peut signifier ou ne pas signifier une
cessation du contrat de travail. On ne peut tran-
cher cette question sans tenir compte de toutes les
circonstances, notamment
a) les conditions du contrat de travail y compris
toutes les dispositions pertinentes d'une conven
tion collective applicable;
b) la durée du congé autorisé par rapport à la
durée du contrat de travail;
c) les conditions auxquelles le congé autorisé a
été accordé à l'employé. (L'employé continuera-
t-il à bénéficier des avantages accordés par le
contrat de travail pendant le congé autorisé?
L'employé est-il assuré d'être réintégré à la fin
de son congé?)
En conséquence je suis d'avis que la décision du
juge-arbitre doit être annulée et que la question
doit lui être renvoyée pour qu'il rende une décision
sur la base que la question de savoir s'il y a eu
cessation du contrat de travail de la requérante
doit être tranchée à la lumière de toutes les cir-
constances de cette affaire révélées par les preuves
déjà présentées de même que par toutes autres
preuves dont il peut autoriser la production.
* * *
LE JUGE HEALD: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Je souscris.
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