A-360-77
Transport Holmes (Québec) Ltée (Requérante)
c.
Union des chauffeurs de camions, hommes d'en-
trepôts et autres ouvriers, local 106 (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Pratte et Le Dain—Montréal, le 13 décembre
1977.
Examen judiciaire — Relations du travail — Demande
visant à faire annuler une ordonnance du Conseil canadien des
relations du travail qui a accrédité l'intimée en qualité d'agent
négociateur des employés de l'entreprise de camionnage de la
requérante — Allégation de partialité — Aucune preuve à cet
effet — La Cour ne peut intervenir dans la décision du Conseil
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art.
28(1)b),c).
Compétence — Allégation que l'entreprise de camionnage
est une entreprise locale exerçant ses activités dans la province
de Québec — Remorques appartenant à une compagnie asso-
ciée des É.-U. La requérante assure la partie canadienne du
transport des marchandises entre des lieux situés aux É.-U. et
des lieux situés au Canada — Présomption qu'il s'agit d'une
entreprise de camionnage international, et en conséquence,
relevant de la compétence fédérale — Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1867, (S.R.C. 1970, Appendice II) art.
91(29) et 92(10) — Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c.
L-1, art. 2.
Arrêts suivis: Le procureur général de l'Ontario c. Winner
[1954] A.C. 541; Kootenay and Elk Railway Co. c. La
Compagnie du Chemin de Fer Canadien du Pacifique
[1974] R.C.S. 955.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Bernard K. Schneider pour la requérante.
Robert Castiglio pour l'intimée.
L. M. Huart pour le Conseil canadien des
relations du travail.
Gaspard Côté, c.r., pour le procureur général
du Canada.
Pierre-Paul Vigneault pour le procureur
général du Québec.
PROCUREURS:
Bernard K. Schneider, Montréal, pour la
requérante.
Décary, Jasmin, Rivest, Laurin & Castiglio,
Montréal, pour l'intimée.
Le Conseil canadien des relations du travail,
Ottawa, pour le Conseil canadien des rela
tions du travail.
Le sous-procureur général du Canada pour le
procureur général du Canada.
Le sous-ministre de la justice, Québec, pour
le procureur général du Québec.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il S'agit d'une
demande en vertu de l'article 28 visant à faire
annuler une ordonnance du Conseil canadien des
relations du travail qui accrédite l'intimée en qua-
lité d'agent négociateur pour une unité d'employés
aux services de l'entreprise de camionnage de la
requérante.
Deux attaques sont formulées à l'encontre de la
validité de cette ordonnance.
La première conteste la compétence du Conseil
pour rendre l'ordonnance parce que l'entreprise de
camionnage de la requérante est une entreprise
locale de la province de Québec.
En rapport avec cette attaque, il est à remarquer
que l'on n'a pas demandé à la Cour de recevoir de
preuves mais de conclure, à partir des preuves
présentées devant le Conseil, que l'entreprise de
camionnage de la requérante ne relève pas, comme
telle, de la compétence législative du Parlement du
Canada.
Les faits importants, établis selon toutes proba-
bilités d'après mon appréciation des preuves sont:
a) que cette entreprise consiste, pour la plus
grande partie, à utiliser les chauffeurs et les
tracteurs routiers de la requérante pour tirer des
remorques appartenant à une compagnie asso-
ciée des États-Unis.
b) que la requérante assure la partie canadienne
des obligations du transporteur en vertu de con-
trats de transport de marchandises entre des
lieux situés aux États-Unis d'une part et des
lieux situés au Canada d'autre part.
Je ne suis pas prêt de me prononcer sur des critères
pouvant servir à déterminer si une industrie de
camionnage au Canada constitue
(i) une entreprise locale exerçant ses activités
dans une province (avec des accords en consé-
quence pour des correspondances avec des entre-
prises internationales ou interprovinciales), ou
(ii) une partie intégrante d'une entreprise de
camionnage interprovinciale ou internationale.
Néanmoins, à mon avis, compte tenu seulement
des preuves qui nous ont été soumises, l'entreprise
de camionnage de la requérante fait partie inté-
grante d'une entreprise de camionnage internatio-
nale. Comme telle, à mon avis, elle relève de la
compétence législative du Parlement du Canada en
vertu de l'article 91(29) de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique, 1867, lu conjointement avec
l'article 92(10) du même acte, et elle entre dans la
définition de «entreprise, affaire ou ouvrage de
compétence fédérale» se trouvant dans le Code
canadien du travail'.
La seconde attaque portée contre l'ordonnance
d'accréditation vise la validité de la conclusion de
fait qu'a tirée le Conseil au sujet de l'appui des
employés au syndicat intimé.
En fait, cette attaque se fonde en partie sur une
allégation de partialité. L'allégation prétend que la
conclusion de fait ne tient pas compte des éléments
de preuve et qu'en conséquence, elle est inspirée
par la partialité. A mon avis cette allégation est
fondée sur un illogisme. En outre, l'allégation de
partialité ayant été formulée, je dirais qu'à mon
avis une étude des procédures ne révèle aucun
fondement possible à une suggestion de partialité.
En dehors de la suggestion de partialité, la seule
allégation à l'appui de l'attaque contre la conclu
sion de fait qu'a tirée le Conseil était une tentative
pour obtenir que la présente cour examine cette
conclusion. Il est clairement démontré qu'un tribu
nal des faits ayant reçu des directives valables
quant au droit applicable serait arrivé à la même
conclusion que celle du Conseil. Il s'ensuit que la
présente cour ne peut intervenir dans la décision
du Conseil en vertu de l'article 28(1)b) de la Loi
sur la Cour fédérale. De plus, en l'absence de
preuves sur lesquelles la présente cour peut établir
' Tout doute quant à l'application de ces dispositions
l'industrie du camionnage a été, à mon avis, effacé par la
décision Le procureur général de l'Ontario c. Winner [1954]
A.C. 541. L'opinion que ce genre d'activités peut faire partie
intégrante d'une telle entreprise internationale, même si elles
sont poursuivies dans une province déterminée par une personne
qui n'a pas un intérêt direct dans la totalité de l'entreprise,
trouve un appui dans les opinions exprimées, relativement aux
chemins de fer, dont Kootenay and Elk Railway Company c.
La Compagnie du Chemin de Fer Canadien du Pacifique
[1974] R.C.S. 955.
que cette conclusion était «erronée», il n'y a aucun
fondement pour intervenir dans la décision du
Conseil en vertu de l'article 28(1)c) de la Loi sur
la Cour fédérale.
Pour ces motifs, je suis d'avis que la demande
présentée en vertu de l'article 28 doit être rejetée.
* *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE LE DAIN: Je partage l'opinion que la
demande doit être rejetée. Les faits établis par le
Conseil indiquent que la requérante est associée
avec une compagnie américaine, en qualité de
copropriétaire, dans une entreprise intégrée à
caractère extra-provincial ou international. Il ne
s'agit pas de transporteurs indépendants unis qui
se livrent individuellement au transport général
d'un endroit à un autre. Le transport par camions
organisé par la requérante entre Montréal et Phil-
lipsburg ne pourrait s'effectuer sans la compagnie
américaine. Les termes de son permis de transport
l'indiquent clairement dans les conditions suivan-
tes:
[TRADUCTION] 1. Le service effectué en vertu des alinéas e) et
f) doit s'effectuer uniquement dans le but de donner un service
pour le transport de marchandises au départ ou à destination
d'endroits situés aux États-Unis que HOLMES TRANSPORTA
TION INC. peut desservir directement ou indirectement par
transbordement, conformément au certificate of public con
venience and necessity portant le numéro MC -30139 délivré
le 13 avril 1966 par l'Interstate Commerce Commission.
2. Le service assuré en vertu des alinéas e) et f) de ce permis
doit être effectué par transbordement aux douanes canadiennes
à Phillipsburg, avec HOLMES TRANSPORTATION INC. ou par
échange de remorques avec HOLMES TRANSPORTATION INC., à
la condition, cependant, que les remorques ou semi-remorques
soient enregistrées conformément aux règlements de la Com
mission et aux lois de la province de Québec; cependant, il est
entendu que tout accord de réciprocité entre la province de
Québec et l'État du Maine concernant l'enregistrement des
remorques doit s'appliquer seulement aux remorques que pos-
sède HOLMES TRANSPORTATION INC. ou qu'elle utilise exclusi-
vement pour une année ou plus, pourvu qu'une copie du bail
soit déposée auprès de la Commission des transports du
Québec.
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