T-3060-77
McCain Produce Co. Ltd. (Demanderesse)
c.
Le Navire N.M. Rea et ses propriétaires et
Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co.
(Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Saint-Jean, le 15 août; Ottawa, le 19 septembre
1977.
Pratique — Requête pour radier des plaidoiries — Navire
affrété à temps, mais caractères d'une charte-partie à bail —
Les affréteurs n'ont pas exécuté le contrat de sous-affrètement
et la demanderesse veut obtenir des dommages-intérêts — Le
navire est présumé avoir été la propriété effective des mêmes
personnes au moment de la saisie et de la naissance de la cause
d'action — Aucune allégation de faute ou •d'inexécution du
contrat contre le navire ou ses propriétaires — Loi sur la Cour
fédérale. S.R.C. 1970 (2e Supp.). c. 10, art. 22(2)i), 43(2),(3).
Le N.M. Rea et ses propriétaires ont recours à la Règle 419
pour obtenir la radiation sans permission d'amendement de la
déclaration, à leur encontre, au motif qu'elle ne relève aucune
cause raisonnable d'action et, à titre subsidiaire, qu'elle consti-
tue un emploi abusif des procédures de la Cour. Atlanta
Handelsgesellschaft Harder & Co. a affrété le navire pour une
période limitée et n'aurait pas exécuté le sous-affrètement
conclu avec la demanderesse qui réclame maintenant des dom-
mages-intérêts pour l'augmentation des frais encourus. Le
navire a été saisi pendant la période d'affrètement dans le port
de Saint-Jean dans le cadre des procédures in rem en cours.
L'affidavit appuyant le mandat soutient que le navire est la
propriété effective des mêmes personnes qu'au moment de la
naissance de la présente cause d'action. La déclaration ne
comporte aucune allégation de faute ou d'inexécution du con-
trat contre le Rea ou ses propriétaires.
Arrêt: la demande est accueillie. Les propriétaires du navire
ne sont pas partie aux contrats conclus entre la défenderesse,
Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. et la demanderesse,
et une action in personam pour une prétendue inexécution du
présent contrat ne peut être soutenue. Les dispositions de
l'alinéa 22(2)i) de la Loi, combinées aux paragraphes 42(2) et
(3), confèrent tout au plus à la Cour le droit d'entendre une
action in rem à l'encontre du navire pour inexécution du contrat
de sous-affrètement, mais ne créent aucun droit d'action de ce
genre à moins qu'une action in personam ne puisse également
être retenue à l'encontre des propriétaires. D'après le poids des
ouvrages de doctrine, une telle réclamation ne créerait pas un
privilège maritime sur le navire; la situation serait différente si
cette réclamation créait un privilège maritime. Les défendeurs
soutiennent également qu'il ne s'agit pas d'une charte-partie à
bail faisant d'Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. les
propriétaires du navire et lui donnant peut-être, par conséquent,
la possibilité de modifier son statut par le contrat de sous-affrè-
tement conclu avec la demanderesse. Quoique, tout bien pesé, il
semblerait que l'on soit en présence d'une charte-partie à
temps, une conclusion définitive est inutile eu égard à la
première conclusion.
Arrêt appliqué: Westcan Stevedoring Ltd. c. L'«Armar»
[1973] C.F. 1232; arrêt appliqué: C. & C. J. Northcote c.
The «Henrich Bjtirn» (1886) 11 App. Cas. 270; arrêt
appliqué: The «Mogileff» [1921] P. 236 et arrêt appliqué:
Italian State Railways c. Mavrogordatos [1919] 2 K.B.
305. Distinction faite avec l'arrêt: Waterside Ocean Navi
gation Co., Inc. c. International Navigation Ltd. [1977] 2
C.F. 257.
DEMANDE.
AVOCATS:
D. Gillis, c.r., et T. McGloan, c.r., pour la
demanderesse.
K. B. McCullogh pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Gilbert, McGloan, Gillis & Jones, Saint-Jean,
pour la demanderesse.
McKelvey, Macaulay, Machum & Fair-
weather, Saint-Jean, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit d'une requête présen-
tée par les défendeurs le N.M. Rea et ses proprié-
taires conformément à la Règle 419 de la présente
cour dans le but de radier sans permission d'amen-
dement à l'encontre desdits défendeurs, la déclara-
tion au motif qu'elle ne relève aucune cause raison-
nable d'action contre lesdits défendeurs et, à titre
subsidiaire, qu'elle constitue un emploi abusif des
procédures de la Cour. La déclaration est fondée
sur un contrat de sous-affrètement du navire Rea
que la défenderesse Atlanta Handelsgesellschaft
Harder & Co., décrite comme le [TRADUCTION]
«propriétaire en vertu d'un affrètement à temps», a
consenti à la demanderesse, prétendument pour
effectuer trois voyages de suite concernant le
transport de pommes de terre, de Summerside
(Île-du-Prince-Édouard), de Saint-Jean (Nouveau-
Brunswick), ou d'Halifax (Nouvelle-Écosse), à un
bon port sûr situé entre la Hollande et la ville de
Bordeaux, laquelle charte-partie a été établie à
Copenhague le 18 septembre 1976. Après avoir
effectué le 9 novembre 1976 un premier voyage, le
navire n'est pas revenu au Canada pour effectuer
les deux autres, ce qui a obligé la demanderesse à
prendre d'autres dispositions plus coûteuses pour le
transport des cargaisons ultérieures et à réclamer
des dommages-intérêts pour l'augmentation des
frais encourus. Le navire Rea a été l'objet d'un
contrat d'affrètement à temps entre les propriétai-
res et la défenderesse Atlanta Handelsgesellschaft
Harder & Co. en vertu d'une charte-partie établie
à Hambourg le 12 août 1976, pour une période
devant prendre fin, à vingt jours près, le 30 juin
1977; la charte-partie était en vigueur à la date du
sous-affrètement à la demanderesse par ladite
défenderesse ainsi qu'à la date du préjudice ayant
pour origine la prétendue inexécution du contrat
par la défenderesse Atlanta Handelsgesellschaft
Harder & Co.
La déclaration formée contre les défendeurs, le
navire Rea et ses propriétaires ne comporte aucune
allégation de faute ou d'inexécution du contrat.
Lors des procédures in rem en cours, le navire a
été saisi le 28 janvier 1977, dans le port de Saint-
Jean (Nouveau-Brunswick); l'affidavit appuyant le
mandat déclare en effet que [TRADUCTION] «ledit
navire est maintenant la propriété effective des
mêmes personnes qui, lors de la naissance de la
présente cause d'action, était les véritables proprié-
taires du navire». Le 4 février 1977, le navire a été
relâché sur la foi d'une lettre de garantie fournie
par les avocats des défendeurs le N.M. Rea et ses
propriétaires, d'une valeur de $85,000, pour garan-
tir la réclamation.
A l'appui de la requête, les défendeurs soutien-
nent que la déclaration à leur encontre ne prétend
pas que la charte-partie qu'ils ont consentie à
Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. était
de la nature d'un contrat d'affrètement à bail,
quoiqu'ils n'avaient aucun contrôle sur l'utilisation
du navire ou sur les contrats de sous-affrètement
passés à son égard pendant la durée du contrat
d'affrètement à temps, et qu'en tout cas, la pré-
sente action fondée sur une prétendue inexécution
du contrat ne crée pas un privilège maritime liant
le navire.
La demanderesse s'appuie sur les articles
22(2)i) et 43(2) et (3) de la Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, qui se
lisent comme suit
22.. ..
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (I), il
est déclaré pour plus de certitude que la Division de première
instance a compétence relativement à toute demande ou à tout
litige de la nature de ceux qui sont ci-après mentionnés:
i) toute demande née d'une convention relative au transport
de marchandises à bord d'un navire, à l'utilisation ou au
louage d'un navire soit par charte-partie, soit autrement;
43....
(2) Sous réserve du paragraphe (3), la compétence conférée
à la Cour par l'article 22 peut être exercée en matière réelle
pour toute demande relative à un navire, à un aéronef, à
d'autres biens ou à tout produit de leur vente qui a été consigné
au tribunal.
(3) Nonobstant le paragraphe (2), la compétence conférée à
la Cour par l'article 22 ne peut être exercée en matière réelle
relativement à une demande dont il est fait mention aux alinéas
22(2)e), f), g), h), i), k), m), n), p) ou r) à moins que, au
moment où l'action est intentée, le navire, l'aéronef ou les
autres biens qui font l'objet de l'action n'aient pour propriétaire
en equity celui qui en était propriétaire en equity au moment où
la cause d'action a pris naissance.
pour prétendre que, puisque le navire est la pro-
priété effective de la personne qui en était le
propriétaire véritable au moment de la naissance
de la cause d'action, la dérogation prévue à l'arti-
cle 43(2) lorsqu'il s'agit d'une compétence visée à
l'article 22(2)i) ne s'applique pas, et que la Cour a
compétence in rem sur le navire pour toutes
demandes de la nature visée à l'article 22(2)i). Le
juge Collier examine plus particulièrement cet
argument dans Westcan Stevedoring Ltd. c.
L'«Armar»', quoique l'action ait été rejetée en
première instance, car la responsabilité personnelle
du navire ou du propriétaire n'a pu être établie; il
commence très justement à la page 1236 cette
question:
Examinons maintenant l'argument de la demanderesse selon
lequel la lecture conjointe du paragraphe 43(2) et de l'alinéa
22(2)m) fait ressortir, vu les faits de l'espèce, la responsabilité
in rem du navire ou de ses propriétaires. Voici mon interpréta-
tion de cet argument: avant que ne soit adoptée la Loi sur la
Cour fédérale, la responsabilité dans cette affaire (aux fins de
cet argument) incombait au seul affréteur. Les dispositions de
la loi visent à faire porter au navire ou à ses propriétaires une
responsabilité in rem, nonobstant l'existence d'une responsabi-
lité in personam.
A mon sens, l'intention du Parlement n'était pas d'accroître
la responsabilité du navire et de ses propriétaires dans une
situation telle que celle-ci ou de faire supporter au navire ou ses
propriétaires une responsabilité qui n'existait pas en droit avant
l'adoption de la Loi sur la Cour fédérale.
Après avoir étudié des opinions similaires trouvées
dans des décisions anglaises traitant de la même
question, laquelle dans cette affaire était une
demande au sujet d'approvisionnements nécessai-
' [1973] C.F. 1232.
res fournis à un navire, le juge Collier déclare à la
page 1237:
Il a été décidé que les dispositions législatives prévoyant qu'un
litige en matière d'approvisionnements nécessaires et de
débours du capitaine, donnait ouverture à une action in rem,
n'imposent pas, en soi, la responsabilité au navire ou à ses
propriétaires. Il doit d'abord exister en droit une responsabilité
personnelle qui donne ouverture, en vertu de la législation, à
une action in rem.
A mon avis, le même raisonnement s'applique à cette affaire.
Avant que ne soit adoptée la Loi sur la Cour fédérale, la Cour
de l'Échiquier, en sa juridiction d'amirauté, tenait de la législa-
tion sa compétence pour entendre toute réclamation en matière
d'approvisionnements nécessaires. La législation autorisait le
demandeur à faire valoir ses droits in rem sous réserve qu'il
établisse la responsabilité des propriétaires, en dehors de toute
responsabilité statutaire.
Cette opinion est identique à celle exprimée dans
le dictum de lord Watson dans C. & C. J. North-
cote c. The Owners of the «Henrich Bjorn» 2 qui,
relativement à la Loi 3 et 4 Vict. c. 65, a déclaré à
la page 278:
[TRADUCTION] Il me semble que toutes les dispositions de la
Loi (3 & 4 Vict. c. 65) traitent des redressements ouverts aux
plaideurs et non de leurs droits. L'art. 6 confère simplement ale
pouvoir de juger» sur des demandes que la Cour d'amirauté
n'avait pas le pouvoir d'entendre auparavant. Ce texte législatif
permet à tous ceux qui veulent faire valoir un droit entrant
dans l'une ou l'autre des catégories énoncées à l'art. 6 d'intenter
une action en recouvrement devant la Cour d'amirauté, mais ce
texte ne peut pas, à mon avis, avoir pour effet de changer la
nature et les effets juridiques de la demande.
Ce jugement a été cité par le juge Hill dans Le
«Afogileff» 3 où il a déclaré dans un passage que
cite le juge Collier:
[TRADUCTION] Avant d'intenter une action in rem en recouvre-
ment d'approvisionnements nécessaires, il doit exister une dette
exigible par la demanderesse relativement auxdits approvision-
nements, objet de la réclamation. Celui qui, sur ordre du
capitaine, fournit à un navire des approvisionnements nécessai-
res que le capitaine n'a pas le pouvoir réel ou apparent de
commander sur le crédit du propriétaire, n'a aucun droit de
recouvrement contre le propriétaire, soit par une action in
personam soit par une action in rem.
Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que
les propriétaires du N.M. Rea n'étaient pas partie
aux contrats conclus entre la défenderesse Atlanta
Handelsgesellschaft Harder & Co. et la demande-
resse et une action in personam pour une préten-
due inexécution desdits contrats ne peut pas être
soutenue. Le problème de la compétence de la
présente cour relativement à la demande et en
2 (1886) 1 1 App. Cas. 270.
3
[1921] P. 236, aux pages 242 et 243.
regard des décisions récentes de la Cour suprême
et de la présente cour n'a pas été soulevé dans la
requête en question, et je n'ai pas l'intention de
l'examiner. J'estime cependant que les dispositions
de l'article 22(2)i) de la Loi, combinées aux arti
cles 42(2) et (3), confèrent tout au plus à la Cour
le droit d'entendre une action in rem à l'encontre
du navire pour une inexécution du contrat de
sous-affrètement, mais ne créent aucun droit d'ac-
tion de ce genre à moins qu'une action in perso-
nam ne puisse également être retenue à l'encontre
des propriétaires.
Cela serait différent si une telle réclamation
créait un privilège maritime sur le navire, mais
d'après le poids des ouvrages de doctrine, la récla-
mation n'aurait pas cet effet. L'ouvrage Hals-
bury's Laws of England, tome 35, 3° édition, traite
aux pages 782 et 783 des privilèges maritimes:
[TRADUCTION] Les privilèges maritimes reconnus en droit
anglais.
Les privilèges maritimes reconnus en droit anglais s'appliquent
au prêt à la grosse sur corps ou sur facultés, au sauvetage de
biens, aux salaires des gens de mer et aux avaries. Il n'existe
pas de privilège maritime pour le touage et les approvisionne-
ments nécessaires. L'existence d'un privilège maritime à l'égard
des droits de pilotage est incertaine.
Des droits et recours, analogues à ceux dont jouit le titulaire
d'un privilège maritime et utilisant les mêmes voies d'exécution
ont été créés par la loi. Ceux-ci comprennent un droit pour
sauvetage de vie dans certaines circonstances. Même si les
sauveteurs n'ont eux-mêmes sauvé aucun bien; des demandes
dont les objets, tout en n'étant pas des salaires, peuvent être
recouvrés de la même façon que les salaires des gens de mer;
des demandes pour les salaires, débours et dettes du capitaine
du navire; des demandes pour dommages causés à la propriété
foncière par des personnes rendant des services à un navire
naufragé, échoué ou désemparé; des demandes pour les hono-
raires et frais d'un receveur des épaves; et des demandes pour
les dépenses encourues par des autorités locales pour l'enterre-
ment ou la destruction de carcasse d'animaux ou de cadavres
rejetés de navires.
Au paragraphe suivant, l'ouvrage traite du privi-
lège pour des dommages causés par un navire et de
toute évidence il s'agit de dommages corporels.
Pour de telles demandes, il est précisé à la page
784 que [TRADUCTION] «les affréteurs qui ont le
contrôle d'un navire ou les personnes qui sont
autorisées d'en avoir la possession, aux fins de
l'utiliser selon l'usage habituel, sont réputés avoir
qualité pour l'assujettir à des privilèges et le rendre
responsable pour leur négligence....»
Dans le cas d'une demande pour une prétendue
inexécution d'une charte-partie, le problème se
présente d'une manière toute différente et il sem-
blerait n'exister aucun privilège pour une telle
demande.
En ce qui concerne le deuxième argument des
défendeurs, le N.M. Rea et ses propriétaires, qu'il
ne s'agit pas d'une charte-partie à bail faisant
d'Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. «les
propriétaires» pour le temps de la charte-partie et
lui donnant peut-être, par conséquent, la possibilité
de modifier le statut du navire par la charte-partie
qu'elle a conclue avec la demanderesse, ce résultat
est assez douteux. La charte-partie utilise les
expressions «louer» et «prendre en location» et indi-
que que les propriétaires fourniront et paieront
tous approvisionnements et gages, l'assurance du
navire, les fournitures pour le pont et la salle des
machines. Les affréteurs doivent payer «pendant la
location» le combustible et le gazoil pour la
machine principale ainsi que les machines auxiliai-
res. En outre, il est stipulé que le capitaine est sous
les ordres des affréteurs qui lui fourniront toutes
les instructions et les directives nautiques. Les
affréteurs conviennent [TRADUCTION] «d'indemni-
ser les propriétaires de toutes les conséquences ou
responsabilités résultant de la signature par le
capitaine, les officiers ou agents, des connaisse-
ments ou autres documents, ainsi que pour s'être
conformé à tels ordres». Les sauvetages, les assis-
tances à d'autres navires seront au bénéfice égal
des propriétaires et des affréteurs, après déduc-
tions des participations du capitaine et de l'équi-
page. Les affréteurs ont la faculté de sous-louer le
navire, en donnant avis régulier aux propriétaires.
Les affréteurs ont la faculté de nommer à bord du
navire un subrécargue ainsi qu'un ingénieur du
froid, en versant à chacun 3.50 $ÉU par jour. Le
navire peut arborer le pavillon de la maison des
affréteurs et les affréteurs peuvent peindre à leurs
propres frais leurs couleurs ou marques de com
merce sur la cheminée ou la coque du navire.
Scrutton 4 fait la distinction entre les chartes-
parties à temps ordinaires ou par voie de cession à
bail en déclarant à la page 45 de son ouvrage:
4 Scrutton on Charterparties, 18 0 éd.
[TRADUCTION] Une charte-partie par voie de cession à bail
constitue une location du navire, location par laquelle les
services du capitaine et de l'équipage peuvent être retenus ou
non. L'affréteur devient pour la durée de la location, le proprié-
taire du navire; le capitaine et l'équipage deviennent en fait ses
préposés et l'affréteur acquiert la possession du navire par leur
entremise.
D'autre part, en vertu d'une charte-partie sans cession à bail
le propriétaire du navire convient avec l'affréteur d'offrir les
services de son capitaine et de l'équipage pour transporter les
marchandises mises à bord de son navire par l'affréteur ou pour
son compte. Dans ce cas, nonobstant le droit temporaire
accordé à l'affréteur de faire charger ses marchandises à bord
du navire pour les transporter, la propriété et la possession du
navire restent entre les mains du propriétaire originaire par
l'entremise du capitaine et de l'équipage qui restent ses
préposés.
Plus loin aux pages 47 50, traitant des particula-
rités des chartes-parties avec ou sans cession à bail,
l'auteur de l'ouvrage cité déclare que dans une
charte-partie par voie de cession à bail, la posses
sion du navire est dévolue à l'affréteur et non au
propriétaire, le capitaine du navire loué étant le
préposé de l'affréteur et de ce fait, le propriétaire
n'est pas responsable à l'égard des chargeurs,
même s'ils ignorent l'existence de la charte-partie,
pour des actes commis par le capitaine et l'équi-
page, et si le navire affrété reçoit une récompense
pour un sauvetage, la récompense revient à l'affré-
teur et non pas au propriétaire. D'autre part,
Scrutton fait remarquer que dans le cas d'une
charte-partie par voie de cession à bail ayant la
forme d'une charte-partie à temps, le propriétaire
du navire convient avec l'affréteur à temps de
rendre des services pour une période déterminée
par l'entremise du capitaine et de l'équipage, pour
transporter des marchandises mises à bord du
navire par l'affréteur à temps ou pour son compte
et la rémunération est habituellement qualifiée de
«loyer».
Dans l'affaire Italian State Railways c. Mavro-
gordatos 5 , la charte-partie était quelque peu iden-
tique à celle en l'espèce, du fait que les propriétai-
res devaient fournir la totalité des
approvisionnements et des salaires du capitaine,
des officiers et de l'équipage, les affréteurs payant
le charbon, le combustible, les frais de port etc.
Comme dans la présente affaire, les affréteurs
étaient tenus de verser chaque mois un montant
déterminé pour la location du navire, et le capi-
taine, quoique nommé par le propriétaire, devait
5 [1919] 2 K.B. 305.
suivre les instructions des affréteurs qui devaient
lui donner, en tant que de besoin, les directives
nautiques. Dans son jugement, le lord juge Bankes
a déclaré aux pages 311-312:
[TRADUCTION] ...en vertu d'une charte-partie identique à
celle en question, par laquelle le propriétaire met à la disposi
tion de l'affréteur, le navire ainsi que le capitaine, les officiers,
les marins, les mécaniciens et l'équipage pour une période
déterminée et selon les conditions stipulées, la seule restitution
possible est de passer des arrangements permettant au proprié-
taire de reprendre le contrôle à l'expiration de la charte-partie
et, si nécessaire, d'avertir le capitaine qu'il est dorénavant sous
les ordres du propriétaire et non plus de l'affréteur.
Le lord juge Duke déclare catégoriquement à la
page 313:
[TRADUCTION] Ce navire n'a jamais été soumis à un contrat
avec cession à bail; il est resté depuis le début jusqu'à la fin en
la possession du propriétaire.
L'arrêt Sir John Jackson, Limited c. Owners of
the Steamship =Blanche» 6 cité par la demande-
resse, donne une interprétation large au mot «pro-
priétaire» qui est utilisé dans la British Merchant
Shipping Act, 1894 (Imp.), 57 & 58 Vict., c. 60; il
conclut que dans certaines circonstances, cette
expression pourrait être interprétée comme com-
prenant également les affréteurs. Dans cette
affaire, le navire était dirigé par le capitaine et
l'équipage qui étaient à la disposition des
affréteurs et les affréteurs étaient autorisés à prof-
iter pour eux-mêmes de la limitation de respon-
sabilité prévue par la loi en cas de réclamation
contre le navire à la suite d'avaries causées à un
autre navire. J'estime, cependant, que cet arrêt
n'appuie pas de façon convaincante la prétention
de la demanderesse suivant laquelle, du fait que
l'équipage et le capitaine du navire sont sous les
ordres de l'affréteur, bien qu'ils soient au service
du propriétaire du navire, la charte-partie a le
caractère d'une charte-partie par voie de cession à
bail.
L'engagement et la rémunération du capitaine
et de l'équipage par le propriétaire ne peuvent être
considérés comme un facteur déterminant pour
conclure que la charte-partie n'est pas avec cession
à bail, mais ce fait est certainement de très grande
importance. Le contrat d'affrètement à temps
conclu entre les propriétaires et Atlanta Handels-
gesellschaft Harder & Co. renferme des clauses
pouvant faire pencher la balance des deux côtés,
6 [1908] A.C. 126.
mais à mon avis, la meilleure conclusion est que la
charte-partie n'est pas avec cession à bail. Cepen-
dant, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de rendre
une décision définitive sur cette question, eu égard
à la conclusion à laquelle je suis arrivé concernant
le premier argument, à l'effet qu'il n'existe pas de
privilège maritime ou légal pouvant autoriser la
saisie du navire pour une demande de cette nature
soit dans les lois maritimes britanniques, dans les
dispositions de la Loi sur la Cour fédérale relative
à la navigation et au transport maritime ni dans
d'autres dispositions législatives, de plus aucune
décision ne m'a été citée confirmant une telle
demande à l'encontre du navire dans le cas ou
aucune demande in persona»: n'est recevable
contre son propriétaire Depuis la conclusion de
l'audition, on a porté à mon attention la décision
rendue par le juge en chef adjoint Thurlow dans
Waterside Ocean Navigation Company, Inc. c.
International Navigation Ltd. 7 refusant une
requête analogue aux fins de radier les propriétai-
res et le navire des procédures. Les faits sont
totalement différents, cependant, d'après le résumé
des faits aux pages 263 et 264 du recueil, l'exis-
tence d'une série compliquée de conventions, par
lesquelles les propriétaires auraient réellement
négocié le contrat au nom des affréteurs, est à
l'origine des actions, et les propriétaires et le
navire pouvaient, à la suite de modifications appor-
tées en cours d'instance, devenir partie, contraire-
ment à l'affaire en question où il ne fait aucun
doute que les propriétaires n'ont aucunement traité
avec la demanderesse et qu'aucune modification ne
pourrait les constituer partie au contrat de sous-
affrètement conclu avec la demanderesse. Le juge
en chef adjoint déclare à la page 259:
La demande d'ordonnance visant le rejet de la réclamation
contre le navire est basée sur la prétention de la requérante
suivant laquelle il n'y a aucune cause d'action contre le navire.
On dit que le droit de poursuivre in rem, sauf lorsque le
demandeur invoque un privilège maritime, dépend de la respon-
sabilité personnelle du propriétaire du navire à l'égard du
demandeur et ce n'est pas le cas en l'espèce. Le rejet d'une
action sur un tel motif, à ce stade-ci, peut cependant être
justifié, si je comprends bien, seulement si
1) la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'ac-
tion, ou
2) la demande est si désespérée que l'action constitue un
emploi abusif des procédures de la Cour et il ne devrait pas
lui être permis de suivre son cours.
7 [1977] 2 C.F. 257.
Relativement à (1), on doit prendre la décision en se basant sur
les allégations de la déclaration. ... La Cour est toujours
réticente à radier une déclaration et à rejeter une action en
vertu de la Règle 419(1)a) et elle ne le fera que s'il est clair
qu'aucun amendement ne peut modifier la déclaration de façon
à révéler une cause raisonnable d'action.
Ce qui est précisément le cas ici.
Je conclus que la requête présentée par les
défendeurs le N.M. Rea et ses propriétaires est
fondée, et ordonne qu'ils soient radiés comme
défendeurs, sans permission d'amendement, avec
dépens.
ORDONNANCE
Le N.M. Rea et ses propriétaires sont radiés de
l'action comme défendeurs sans permission
d'amendement, avec dépens, et l'intitulé de l'action
doit être modifié en conséquence.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.