T-1453-74
La Reine (Demanderesse)
c.
Canadian Vickers Limited (Défenderesse)
et
Compagnie générale électrique du Canada Limitée
(Tierce partie)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Thurlow—Montréal, le 16 mai; Ottawa, le
22 juin 1977.
Compétence — Droit maritime — Contrat de construction
d'un navire — Réclamation en dommages-intérêts et exécution
intégrale d'un contrat de construction d'un navire La Cour
fédérale est-elle compétente pour connaître de cette action
compte tenu des décisions Quebec North Shore et McNamara?
Règle 474(1)a) de la Cour fédérale — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 3, 22(2)n) Loi
sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9 —
Acte de la Cour Suprême et de l'Échiquier, S.C. 1875, c. 11,
art. 58, 59 — Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890,
53-54 Vict., c. 27, art. 3 (Imp.) — Acte de l'Amirauté, 1891,
S.C. 1891, c. 29, art. 3, 4 — Loi d'amirauté, 1934, S.C. 1934,
c. 31, art. 18(1).
Il s'agit d'une requête présentée par la défenderesse en vertu
de la Règle 474 en vue qu'il soit statué avant l'audience sur la
compétence de la Cour à connaître de l'action de la demande-
resse aux termes de laquelle elle réclame des dommages-inté-
rêts pour les prétendues violations d'un contrat afférent à la
construction et à la livraison d'un brise-glace, et l'exécution
intégrale du contrat, ou le montant des dommages supplémen-
taires si le contrat n'est pas exécuté intégralement. La défende-
resse soutient que le point litigieux réside dans l'exécution d'un
contrat de construction navale régi par le droit provincial, qu'il
n'existe pas de droit fédéral applicable à la réclamation de la
demanderesse et que, compte tenu des décisions Quebec North
Shore et McNamara, cette cour est incompétente pour connaî-
tre de l'action. La demanderesse, de son côté, fait valoir que si
on ne peut faire de distinction avec les arrêts Quebec North
Shore et McNamara, il y a, à l'appui de la réclamation, le droit
maritime canadien qui est un droit fédéral.
Arrêt: la requête visant le rejet de l'action est accueillie.
Aucune des dispositions de la Loi sur la marine marchande du
Canada et les règlements y afférents ne donnent à un armateur
un droit statutaire ou une cause d'action contre un constructeur
pour les dommages résultant d'une construction ou d'un équipe-
ment défectueux, ou pour obtenir l'exécution intégrale d'un
contrat de construction; rien dans cette loi ne permet d'attri-
buer compétence, ou d'établir une distinction avec les arrêts
Quebec North Shore et McNamara. Le droit introduit par
l'Acte de l'Amirauté, 1891 (Can.) n'incluait pas le droit positif
donnant au propriétaire d'un navire un recours en matière
d'amirauté contre un charpentier pour des dommages prove-
nant de la rupture d'un contrat afférent à la construction d'un
navire. La Cour ne connaît aucune jurisprudence indiquant que
le droit maritime appliqué par la Cour d'Amirauté ait jamais
inclus une loi traitant des droits d'un propriétaire de navire en
vertu d'un tel contrat. Le fait que le contrat en question soit
afférent à la construction d'un navire à livrer à flot ne suffit pas
à le caractériser comme un contrat maritime. Aucune responsa-
bilité n'est imposée spécifiquement ou par déduction à un
charpentier de navire et aucun droit n'est conféré spécifique-
ment ou par déduction au propriétaire du navire en vertu de la
Loi sur la Cour fédérale.
Arrêts appliqués: Quebec North Shore Paper Co. c. Cana-
dien Pacifique Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054; McNamara
Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S.
654. Distinction faite avec les arrêts: Le Roi c. Armstrong
(1908) 40 R.C.S. 229; Nisbet Shipping Co. Ltd. c. La
Reine [1955] 4 D.L.R. 1. Arrêts mentionnés: National
Gypsum Co. Inc. c. Northern Sales Ltd. [1964] R.C.S.
144; De Lovio c. Boit (1817) 2 Gall. 398 (Gallison's
Reports). Arrêt examiné: Bow, McLachlan & Co., Ltd. c.
Le «Camosun» [1909] A.C. 597.
DEMANDE.
AVOCATS:
P. R. Coderre, c.r., pour la demanderesse.
T. Montgomery, c.r., pour la défenderesse.
B. Lacombe pour la tierce partie.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Ogilvy, Cope, Porteous, Montgomery,
Renault, Clarke & Kirkpatrick, Montréal,
pour la défenderesse.
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac -
Kell & Clermont, Montréal, pour la tierce
partie.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Il s'agit
ici d'une requête présentée par la défenderesse en
vertu de la Règle 474 en vue qu'il soit statué avant
l'audience sur la compétence de la Cour à connaî-
tre de la réclamation en dommages-intérêts de la
demanderesse et de tout autre recours énoncé dans
la déclaration. La demanderesse réclame quelque
$3,675,146.52 titre de dommages-intérêts pour
les prétendues violations d'un contrat en date du
31 décembre 1964' afférent à la construction et à
' Le paragraphe 1 indique comme date le 31 décembre 1974
et c'est de toute évidence une erreur, car la déclaration a été
déposée le 16 avril 1974.
la livraison d'un navire désigné comme un brise-
glace patrouilleur de l'Arctique, turbo-électrique à
hélice triple, ainsi que l'exécution intégrale du
contrat ou le montant des dommages supplémen-
taires qu'elle supportera s'il n'est pas exécuté
intégralement.
Les procédures engagées en vertu de la Règle
474 comportent ordinairement deux stades. Le
premier consiste en une demande au titre de l'ali-
néa a) du paragraphe (1) de la Règle 474, en vertu
duquel la Cour décide s'il est opportun de statuer
sur la question avant procès et, dans l'affirmative,
donne conformément à la Règle 474(2) des ins
tructions quant aux données sur lesquelles doit se
fonder le débat et met l'affaire au rôle. L'audience
elle-même constitue le second stade 2 . En l'espèce,
lors de l'audition de la requête, les avocats de la
demanderesse et de la défenderesse ont admis d'un
commun accord que les données sur lesquelles la
question devait être décidée se réduisaient à la
déclaration et au contrat susmentionné, dont ils
ont déposé une copie. J'ai estimé qu'il serait bon de
trancher la question avant le procès et les débats
ont été entamés immédiatement comme si une
ordonnance portant mise au rôle et donnant des
instructions avait été rendue, les avocats des deux
parties ayant préféré que la question soit tranchée
sur la base des éléments mentionnés et des argu
ments présentés. L'avocat de la tierce partie était
présent, mais n'a pas demandé à être entendu et
n'a présenté aucun mémoire.
Dans la déclaration, la demanderesse prétend
que le contrat a été violé dès le 29 août 1964
(moins d'un mois après la livraison du navire) et
dans les mois qui ont suivi, alors que les généra-
teurs de propulsion se sont avérés défectueux; que
la défenderesse a omis de remédier à la situation
ou de corriger les défauts et a refusé de se soumet-
tre à un arbitrage tenu à sa demande; qu'elle a
subi les dommages déclarés et en subira encore
d'autres si les défauts ne sont pas réparés.
Aux termes du contrat, le navire devait être livré
à flot à Montréal. L'adresse déclarée de la défen-
deresse est Montréal (Québec) et celle de la
demanderesse, le ministère des Transports à
Ottawa. Toutefois, le contrat ne contient aucune
2 Voir Jamieson c. Carota [1977] 2 C.F. 239.
indication sur l'endroit où il a été passé ni sur le
droit qui le régit. Et bien qu'il indique (en particu-
lier le paragraphe 9) le chantier de construction de
la défenderesse à Montréal comme endroit où la
défenderesse convient de réparer les pièces défec-
tueuses, il n'existe aucune convention expresse que
le navire y sera construit et la déclaration n'indi-
que aucunement où il a été construit.
La défenderesse soutient qu'en l'espèce le point
litigieux réside dans l'exécution d'un contrat de
construction navale régi par le droit de la province
de Québec, qu'il n'existe pas de droit fédéral appli
cable à la réclamation de la demanderesse et qu'il
ressort de la jurisprudence de la Cour suprême
(Quebec North Shore Paper Company c. Canadien
Pacifique Limitée 3 et McNamara Construction
(Western) Limited c. La Reine 4 ) que cette cour est
incompétente pour connaître de la présente action.
L'avocat de la demanderesse adopte la position
suivante: si la réclamation n'était pas régie par le
droit maritime canadien, on ne pourrait pas établir
de distinction entre la présente action et les deux
affaires précitées, mais, à l'appui de la réclama-
tion, il y a le droit maritime canadien, qui est un
droit fédéral. Il souligne qu'avant 1971, la Cour de
l'Échiquier du Canada était compétente en matière
d'amirauté et qu'en vertu de la Loi sur la Cour
fédérales, cette cour a pris la relève en tant que
Cour d'Amirauté, que l'article 22 lui a conféré une
compétence d'amirauté et que ladite loi a défini le
droit maritime canadien qui doit être appliqué par
cette cour comme le droit que la Cour de l'Échi-
quier aurait eu le pouvoir de mettre en application
si elle avait eu une compétence d'amirauté illimi-
tée, compte tenu des modifications apportées par
la Loi sur la Cour fédérale ou toute autre loi, et
que l'alinéa 22(2)n) mentionne un certain nombre
de questions entrant dans cette catégorie, notam-
ment toutes les demandes touchant les contrats
relatifs à la construction ou à l'équipement de
navires. L'avocat soutient aussi que la Loi sur la
marine marchande du Canada 6 et les règlements y
3 [1977] 2 R.C.S. 1054.
4 [1977] 2 R.C.S. 654.
5 S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10, art. 3.
6 S.R.C. 1970, c. S-9.
afférents, qui régissent maints aspects de la cons
truction, du financement, de l'inscription d'hypo-
thèques, de la constitution des dossiers, de l'enre-
gistrement, du transfert, de l'inspection, des essais,
des exigences de sécurité, de la construction de la
coque et de l'équipement de sauvetage des navires
montrent dans quelle mesure la marine marchande
est régie par les lois et sont une source complémen-
taire de droit fédéral permettant de reconnaître la
compétence d'une cour désignée par le Parlement
en matière de construction de navires. Selon lui,
enfin, vu que les lois antérieures à la Loi sur la
Cour fédérale donnaient à la Cour une compétence
d'amirauté pour faire exécuter la réclamation d'un
constructeur afférente à la saisie d'un navire ou du
produit de sa vente, ce qui suppose que le contrat
était régi par le droit maritime ou d'amirauté, on
n'a pas besoin d'étendre ce droit positif pour confé-
rer aussi à la Cour le pouvoir de faire exécuter le
contrat à la demande du propriétaire du navire.
J'examine d'abord l'argument fondé sur les dis
positions de la Loi sur la marine marchande du
Canada (et les règlements y afférents) qui contient
de nombreuses dispositions de droit fédéral. Je
n'en vois aucune qui donne à un armateur un droit
statutaire ou une cause d'action contre un cons-
tructeur pour les dommages résultant d'une cons
truction ou d'un équipement défectueux, ou pour
obtenir l'exécution intégrale d'un contrat de cons
truction. Je pense donc que rien dans la Loi sur la
marine marchande du Canada ou dans les règle-
ments ne permet d'attribuer compétence, ou d'éta-
blir une distinction avec les affaires Quebec North
Shore Paper Company et McNamara.
Pour traiter des deux autres arguments, il me
paraît utile de faire brièvement l'historique de la
Cour et de sa compétence. La Cour de l'Echiquier
du Canada a été créée en tant que telle par
l'article 1 de l'Acte de la Cour Suprême et de
l'Échiquier', promulgué en 1875. A cette époque,
'Statuts du Canada, 1875, c. 11.
1. Il est par le présent acte constitué et établi, dans et pour
la Puissance du Canada, une cour de droit commun et
d'équité qui sera dénommée «La Cour Suprême du Canada,»
et une cour de l'échiquier qui sera dénommée «La Cour de
l'Échiquier du Canada».
sa compétence, définie dans les articles 58 et 59 8 ,
se limitait aux réclamations émanant de la Cou-
ronne ou présentées contre elle ou contre un de ses
fonctionnaires.
Depuis lors, tant dans les procédures auxquelles
la Couronne est partie que dans celles qui opposent
des particuliers, la Cour a graduellement reçu
compétence pour d'autres genres d'affaires rele
vant du pouvoir législatif du Parlement du Canada
mais, en dépit des diverses révisions de la Loi et, en
particulier, des réorganisations importantes de
1887 et de 1971, la Cour constituée par la loi de
1875 continue d'être la même. A l'origine, il s'agis-
sait d'une cour créée entièrement en vertu de
l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, 1867. Mais lorsque l'Acte de l'Ami-
rauté, 1891 9 est entré en vigueur, elle est devenue
également une cour d'amirauté, le pouvoir du Par-
lement de lui attribuer cette compétence décou-
lant, au moins en partie, de l'Acte des Cours
coloniales d'Amirauté, 1890 10 . Aux termes de l'ar-
ticle 3 de cette loi et de l'article 3 de l'Acte de
l'Amirauté, 1891, la Cour de l'Échiquier, en tant
que cour d'amirauté, a eu de 1891 à 1934 une
compétence comparable et en même temps
limitée" à la compétence d'amirauté que possédait
en 1890 la Haute Cour de Justice en Angleterre.
Toutefois, la disposition législative qui a conféré
cette compétence à la Cour de l'Échiquier a aussi,
8 58. La Cour de l'Échiquier aura une juridiction concur-
rente en première instance dans la Puissance du Canada dans
tous les cas où l'on cherchera à appliquer quelque loi fédérale
relative au revenu, y compris les actions, poursuites et procé-
dures, par voie de dénonciation, pour le recouvrement
d'amendes, et les procédures par voie de dénonciation in rem,
et aussi bien dans les poursuites qui tam, pour pénalités ou
confiscations, que lorsque la poursuite est intentée au nom de
la couronne seulement; et la dite cour aura juridiction exclu
sive en première instance dans tous les cas où une demande
sera faite ou recours sera cherché au sujet de toute manière
qui pourrait, en Angleterre, faire le sujet d'une poursuite ou
action devant la Cour de l'Échiquier en sa juridiction du
revenu, contre la couronne ou quelque officier de la
couronne.
59. La Cour de l'Échiquier aura aussi juridiction concur-
rente en première instance avec les cours des différentes
provinces, dans toutes les autres poursuites d'une nature
civile d'après la loi commune ou l'équité, dans lesquelles la
couronne, dans l'intérêt de la Puissance du Canada, sera
demanderesse ou requérante.
9 Statuts du Canada, 1891, c. 29.
10 1890, 53-54 Vict., c. 27 (Imp.).
" Le Yuri Maru [1927] A.C. 906.
selon moi, introduit dans le droit canadien le droit
positif appliqué jusqu'alors dans les cours d'ami-
rauté et de vice-amirauté de l'Empire britannique
(y compris celles siégeant au Canada) instituées
par commissions sous le grand sceau du Royaume-
Uni et fonctionnant sous le régime des lois du
Parlement britannique. Le même droit avait été
mis en vigueur en Ontario par l'Acte de Juridic-
tion Maritime, 1877 12 . A l'entrée en vigueur de
l'Acte de l'Amirauté, 1891, la Cour maritime de
l'Ontario et les cours de vice-amirauté opérant
dans d'autres parties du Canada ont été abolies.
Les articles 3 et 4 prévoyaient que:
3. En conformité des pouvoirs conférés par l'Acte des Cours
coloniales d'Amirauté, 1890, susdit, ou de toute autre manière
attribués au parlement du Canada, il est décrété et déclaré que
la cour de l'Échiquier du Canada est et sera, dans les limites du
Canada, une cour coloniale d'Amirauté, et, comme cour d'Ami-
rauté, aura et exercera en Canada toute la juridiction, les
pouvoirs et l'autorité conférés par le dit acte et le présent acte.
4. Cette juridiction, ces pouvoirs et cette autorité pourront
être et seront exercés par la cour de l'Échiquier dans tout le
Canada et sur toutes ses eaux, soit de marée ou non, et soit
naturellement navigables ou rendues artificiellement naviga-
bles; et toutes personnes auront, tant dans les parties du
Canada qui jusqu'ici ont été au-delà de l'atteinte des mandats
de toute cour de Vice-Amirauté, qu'ailleurs dans ses limites,
tous les droits et recours en toutes choses (y compris les cas de
contrat et de tort et de procédures in rem et in personam)
provenant de la navigation, de la marine, du trafic ou du
commerce, ou s'y rattachant, qui peuvent être exercés dans
toute cour coloniale d'Amirauté en vertu de l'Acte des Cours
coloniales d'Amirauté, 1890. [C'est moi qui souligne.]
Le passage que j'ai souligné me semble être un
texte de droit positif, qui confère à «toutes person-
nes» des droits du genre de ceux qui y sont décrits.
Le droit qu'applique la Cour en vertu de ces
dispositions est décrit de la manière suivante aux
pages 41 et 42 de l'ouvrage de Mayers intitulé
Admiralty Law and Practice (1916).
[TRADUCTION] Après avoir traité de la compétence, il reste à
considérer le caractère du droit appliqué par la Cour de l'Échi-
quier en sa compétence d'amirauté. En vertu de l'Acte des
Cours coloniales d'Amirauté, 1890 (53 & 54 Vict., c. 27), art.
2, par. 2, la Cour de l'Échiquier peut exercer sa compétence «de
la même manière ... que la Haute Cour en Angleterre»; et «le
droit appliqué par la Cour d'Amirauté de l'Angleterre est le
12 Statuts du Canada, 1877, c. 21, art. 1. Voir Le «Picton»
(1879) 4 R.C.S. 648, à la page 655, o11 il est statué que la loi
est intra vires en tant que loi se rattachant à la navigation et à
la marine marchande, ainsi qu'en vertu de l'article 101.
droit maritime anglais. Ce n'est pas le droit municipal ordinaire
du pays, c'est le droit que la Cour d'Amirauté britannique, en
vertu d'une loi du Parlement ou de décisions réitérées, tradi
tions et principes, a adopté en tant que droit maritime anglais»
(le lord juge Brett dans The Gaetano and Maria, 7 P.D. à la
page 143). Une grande partie de cette tradition et bon nombre
de ces principes peuvent être retracés jusqu'au Digeste et aux
diverses ordonnances des États maritimes, tels que le Consolato
del Mar, et les lois des Rhodiens, d'Oleron, de Wisbey et des
villes de la Hanse; mais tous ces codes ne font eux-mêmes pas
parties du droit d'amirauté à moins qu'ils (ou plutôt les princi-
pes qu'ils englobent) n'aient été incorporés dans la «pratique
continue et les jugements des grands juges qui ont présidé la
Cour d'Amirauté et les jugements des Cours de Westminster.»
(Lord Esher, dans The Gas Float Whitton, N° 2 (1896) P. à
47.)
De 1890 à 1931, la Loi de 1865 relative à la
validité des lois des colonies, 28 & 29 Vict., c. 63,
a restreint quelque peu le pouvoir conféré au Par-
lement de légiférer en matière de marine mar-
chande mais, en vertu de l'article 2 du Statut de
Westminster, 1931 13 , cette loi a cessé d'être appli-
quée à la législation subséquente adoptée par les
Parlements des dominions autonomes. En outre,
l'article 6 a mis fin aux restrictions imposées aux
pouvoirs du Parlement par l'Acte des Cours colo-
niales d'Amirauté, 1890 et le paragraphe 2(2) a
autorisé l'abrogation des textes législatifs impé-
riaux qui faisaient partie de la législation du
Dominion.
En 1934, l'Acte de l'Amirauté, 1891 a été rem-
placé par une nouvelle loi, S.C. 1934, c. 31, restée
en vigueur jusqu'en 1971. Celle-ci maintenait la
Cour de l'Échiquier comme Cour d'Amirauté pour
le Canada, lui donnant une compétence de même
étendue que celle qu'avait en 1925 la Haute Cour
de Justice, sauf pour certaines questions, en parti-
culier celles qu'énonce le paragraphe 18(3), où elle
était plus large. L'Acte de l'Amirauté, 1891
(Can.) était abrogé, de même que, pour le Canada,
l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté, 1890
(Imp.). Il semble donc qu'après l'abrogation de
cette dernière loi, le pouvoir du Parlement d'insti-
tuer la Cour de l'Échiquier comme Cour d'Ami-
rauté était délimité par l'article 101 de l'Acte de
13 1931, 22 Geo. V, c. 4 (Imp.). [Voir S.R.C. 1970, Appen-
dice II, n° 26.]
l'Amérique du Nord britannique, 1867 14 . Le droit
positif appliqué par la Cour dans sa compétence
d'amirauté ayant été établi par une loi fédérale, il
est cependant devenu selon moi une partie du droit
du Canada et, quoique les dispositions de la Loi
d'amirauté, 1934 ne confèrent pas de droits avec la
même précision que l'article 4 de l'Acte de l'Ami-
rauté, 1891, c'est le même droit qui a été appliqué
ensuite pour les affaires tombant dans la compé-
tence d'amirauté élargie de la Cour de l'Échiquier.
Le paragraphe 18 (1) prévoit que:
18. (1) La juridiction de la Cour en sa juridiction d'ami-
rauté s'étendra et s'exercera relativement à toutes les eaux
navigables, de marée et non de marée, qu'elles soient naturelle-
ment navigables ou qu'elles le soient artificiellement devenues,
et bien que ces eaux soient dans les limites d'un corps de comté
ou autre district judiciaire, et, en général, cette juridiction
s'exercera subordonnément aux dispositions de la présente loi,
sur les mêmes endroits, personnes, matières et choses que la
juridiction d'amirauté actuellement possédée par la Haute Cour
de Justice en Angleterre, qu'elle existe en vertu de quelque loi
ou autrement, et elle sera exercée par la Cour de la même
manière et dans la même mesure que par cette Haute Cour.
[C'est moi qui souligne.]
Le juge Cartwright a décrit le droit appliqué par
la Cour pendant cette période, lorsqu'il a exposé
ses motifs de dissidence dans National Gypsum
Company Inc. c. Northern Sales Limited 15 :
[TRADUCTION] Il faut d'abord examiner quel est le droit
appliqué par la Cour de l'Échiquier dans l'exercice de sa
compétence d'amirauté. Dans Robillard c. The Sailing Sloop
St. Roch et Charland, le juge d'appel Maclennan dit aux pages
134 et 135:
La première question importante à trancher est la sui-
vante: est-ce le droit maritime de l'Angleterre ou le droit
canadien qui régit les droits des parties par rapport aux
prétentions du demandeur au titre et à la possession du sloop
14 Ce point a été mentionné par le juge Kerwin dans le
Renvoi relatif à la compétence législative du Parlement du
Canada relativement à l'adoption du Bill n° 9 ... intitulé «Loi
modifiant la Loi sur la Cour suprême.» [1940] R.C.S. 49, aux
pages 108 et 109:
[TRADUCTION] On a soutenu avec ingéniosité que le Parle-
ment avec la Loi d'amirauté, 1934, ayant abrogé l'Acte des
Cours coloniales d'Amirauté, 1890 (sauf l'exception que
nous avons notée), il a perdu sa compétence d'amirauté qui,
allègue-t-on, dérivait exclusivement de la loi abrogée. Mais
cette thèse néglige le fait que la rubrique 10 de l'article 91 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique donne au Parle-
ment compétence pour «La navigation et les expéditions par
eau» et qu'il peut conférer à la Cour de l'Échiquier compé-
tence pour les actions en justice y afférentes (Consolidated
Distillers Limited c. Le Roi ([1933] A.C. 508, la p. 522)).
15 [1964] R.C.S. 144, aux pages 152 et 153.
à voile St. Roch? La Cour de l'Échiquier du Canada, en tant
que cour d'amirauté, a et exerce toute la compétence, les
pouvoirs et l'autorité conférés par l'Acte des Cours coloniales
d'Amirauté, 1890 (Imp.), sur les catégories d'endroits, de
personnes, de matières et de choses qui ressortissent à la
compétence d'amirauté de la Haute Cour d'Angleterre,
qu'elle ait sa source dans une loi ou ailleurs, et, en tant que
cour coloniale d'amirauté, elle peut exercer cette compétence
de la même manière et dans la même mesure que la Haute
Cour en Angleterre.
Dans Gaetano and Maria, 7 P.D. 137, le lord juge Brett
déclare, à la page 143:
Le droit appliqué par la Cour d'amirauté d'Angleterre
est le droit maritime anglais. Ce n'est pas le droit munici
pal ordinaire du pays, c'est le droit que la Cour d'amirauté
anglaise, en vertu d'une loi du Parlement ou de décisions
réitérées, traditions et principes, a adopté en tant que droit
maritime anglais.
Bien que la Cour de l'Échiquier exerce au Canada sa
compétence d'amirauté, elle applique le droit maritime de
l'Angleterre comme si le litige était jugé par la Cour d'ami-
rauté anglaise.
L'art. 35 de la Loi d'amirauté, 1934 (Can.) 24-25 George
V, c. 31, a abrogé l'Acte des Cours coloniales d'Amirauté,
1890 «dans la mesure où ledit Acte fait partie de la législa-
tion du Canada» et l'affaire entre maintenant dans le cadre
de la Loi sur l'Amirauté, S.R.C. 1952, c. 1, par. (1) de l'art.
18, rédigé dans les termes suivants:
(1) La juridiction de la Cour en sa juridiction d'ami-
rauté s'étend et doit s'exercer relativement à toutes les
eaux navigables, à marée et sans marée, qu'elles soient
naturellement navigables ou qu'elles le soient artificielle-
ment devenues, et bien que ces eaux soient dans les limites
d'un corps de comté ou autre district judiciaire, et, en
général, cette juridiction embrasse, sous réserve des dispo
sitions de la présente loi, les mêmes endroits, personnes,
matières et choses que la juridiction d'amirauté actuelle-
ment possédée par la Haute Cour de Justice en Angleterre,
qu'elle existe en vertu de quelque loi ou autrement, et elle
doit être exercée par la Cour de la même manière et dans
la même mesure que par cette Haute Cour.
Le paragraphe (2) du même article prévoit que, dans la
mesure où il peut s'appliquer, l'art. 22 du Supreme Court of
Judicature (Consolidation) Act, 1925, du Royaume-Uni, repro-
duit à l'annexe A de la Loi, sera appliqué mutatis mutandis par
la Cour de l'Échiquier en sa juridiction d'amirauté.
Toute la compétence conférée auparavant à la Haute Cour
d'amirauté fait maintenant partie de la compétence d'amirauté
de la Haute Cour de Justice, mais le droit appliqué est toujours
le droit maritime anglais. Dans l'article sur l'«Amirauté» du
Halsbury, 3' éd., vol. 1, dont l'un des auteurs est lord Merri-
man, il est dit à la page 50, par. 92:
Le droit appliqué pour les actions en matière d'amirauté
n'est pas le droit municipal ordinaire de l'Angleterre, mais le
droit qui, en vertu d'une loi du Parlement ou de décisions
réitérées, traditions et principes, est devenu le droit maritime
anglais.
Le droit positif appliqué par la Cour de l'Échiquier en sa
compétence d'amirauté est naturellement le même sur tout le
territoire du Canada et ne varie pas suivant les districts d'ami-
rauté ... .
Le droit d'amirauté introduit par l'Acte de
l'Amirauté, 1891 incluait le droit imparti à un
charpentier de navires, quand un navire ou le
produit de sa vente était saisi par ordre de la Cour,
de faire exécuter sa créance afférente à la cons
truction ou à l'équipement du navire par cette
cour. En Angleterre, ce point avait été prévu par la
Loi de 1861 sur l'Amirauté 16 qui, dans les cas de
cette nature, conférait une compétence à la Cour
d'Amirauté. Auparavant, la Cour d'Amirauté
avait aussi revendiqué cette compétence".
16 1861, 24 Vict., c. 10 (Imp.).
17 Voir l'ouvrage de Roscoe intitulé Admiralty Jurisdiction
and Practice, cinquième édition, 1931, aux pages 12 et 13, note
(i) et la décision De Lovio c. Boit (1817) 2 Gall. 398, Gallison's
Reports, où le juge Story fait l'historique de la compétence
d'amirauté et dit notamment, aux pages 400 et 475:
[TRADUCTION] En réalité, il est difficile de savoir exacte-
ment quelles étaient à l'origine la nature et l'étendue de la
compétence d'amirauté. Elle est aussi obscure que la compé-
tence que possédaient à l'origine les cours de common law.
Toutefois, il semble que tout à fait au début, l'amirauté ait
eu à connaître de toutes les affaires de captures, de préjudi-
ces et d'infractions survenus dans les ports entre le flux et le
reflux de la marée et en haute mer; des contrats maritimes et
de la navigation; et aussi de la préservation des droits, des
prérogatives et des pouvoirs de la Couronne dans les mers
britanniques. Les formes de ses procédures ont été emprun-
tées au droit civil et les règles qui la régissaient étaient
constituées, comme c'est admis partout, par les anciennes
lois, coutumes et usages des mers. En fait, il n'est guère
douteux que les tribunaux d'amirauté de l'Angleterre et les
tribunaux maritimes des autres pays européens étaient sur le
même modèle, et que leur compétence incluait les mêmes
sujets que celle des cours consulaires de la Méditerranée. Ces
cours sont décrites dans le Consolato del Mare, comme ayant
compétence pour «tous les litiges relatifs au fret, aux domma-
ges subis par la cargaison, aux salaires des matelots, au
partage des navires par vente publique, au jet des marchandi-
ses à la mer, aux commissions et aux cautionnements consen-
tis aux capitaines et aux marins, aux dettes contractées par le
capitaine pour l'utilisation et les besoins de son navire, aux
accords passés entre le capitaine et les marchands, aux
marchandises trouvées en haute mer ou sur la côte, à l'arme-
ment ou à l'équipement des navires, galères ou autres vais-
seaux et, en général, à tous les contrats déclarés dans les
coutumes de la mer.»
La question qui se pose ensuite est la suivante: que sont
exactement les «contrats maritimes»? Heureusement, sur ce
point particulier, il y a peu de place pour la controverse. Tous
les juristes, civilistes et autres, s'accordent à dire que cette
appellation comprend entre autres: les chartes-parties, les
affrètements, les inscriptions hypothécaires maritimes, les
(Suite à la page suivante)
Mais alors que, sous le régime de la Loi de 1861,
le constructeur de navires pouvait poursuivre in
rem ou in personam devant la Cour d'Amirauté si
les conditions de compétence de celle-ci étaient
remplies, cette loi ne s'appliquait pas du tout à une
réclamation du propriétaire contre le charpentier
du navire 18 .
J'en ai assez dit sur la situation antérieure à
l'entrée en vigueur de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10. Je passe maintenant
aux effets de cette loi.
Son paragraphe 64(1) abroge la Loi d'amirauté,
1934, mais son article 3 la maintient comme cour
d'amirauté en tant que tribunal supplémentaire
(Suite de la page précédente)
contrats pour les services maritimes afférents à la construc
tion, à la réparation, à la fourniture et à la navigation des
navires, les contrats entre les copropriétaires des navires, les
contrats et les quasi-contrats relatifs aux avaries, aux contri
butions et aux jets à la mer; et, ce qui est plus important en
l'espèce, les polices d'assurance. Et le fait est que les cours
d'amirauté des autres pays ont exercé une compétence sur les
polices d'assurance en tant que contrats maritimes; et l'ami-
rauté anglaise a constamment revendiqué ce genre de compé-
tence. Il n'y a pas plus de raison pour que l'amirauté statue
sur les prêts à la grosse à titre de contrats maritimes que sur
les polices d'assurance. Les uns et les autres sont exécutés sur
terre et concernent intrinsèquement les risques maritimes, les
dommages et les pertes.
Le juge Story cite aussi à la page 450 les propos suivants, qui
figurent dans l'accord conclu par les Douze Juges en 1632,
mais qui ne semblent pas toutefois avoir d'effet juridique
certain:
«Lorsque des poursuites sont intentées devant l'amiral à
propos du fret, du salaire des marins ou de la rupture des
chartes-parties pour de futurs voyages au-delà des mers,
même si les chartes-parties sont faites dans le royaume et
même si l'argent est payable dans le royaume, de sorte que la
pénalité n'est pas réclamée, il ne faut pas prononcer la
prohibition. Mais si des poursuites sont engagées en matière
de pénalité ou si la question se pose de savoir si la charte-par-
tie est bien exécutée ou si le demandeur l'a exécutée dans le
royaume, c'est à la Cour du roi à Westminster qu'il appar-
tient de juger et non pas à la cour d'amirauté, en sorte qu'il
sera d'abord nié sous serment que la charte-partie a été
exécutée ou il sera opposé un démenti sous serment.» --»Si les
poursuites sont intentées devant la cour d'amirauté à propos
de la construction, de la modification, du sauvetage ou de
l'approvisionnement indispensable d'un navire, contre le
navire lui-même et non pas contre une partie nommément
désignée, mais de telle manière que son intérêt la rend partie,
aucune prohibition ne sera prononcée, bien que cela ait eu
lieu dans le royaume». [J'ai mis des mots en italiques et j'en
ai souligné d'autres.]
18 Bow, McLachlan & Co., Limited c. Le «Camosun» [1909]
A.C. 597.
pour la bonne application du droit au Canada. Le
paragraphe 22(1) lui donne compétence:
... dans tous les cas où une demande de redressement est faite
en vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi du
Canada en matière de navigation ou de marine marchande,
sauf dans la mesure où cette compétence a par ailleurs fait
l'objet d'une attribution spéciale.
Le paragraphe 22(2) déclare pour plus de certi
tude, mais sans limiter le caractère général du
paragraphe (1), que la Division de première ins
tance est compétente, entre autres, pour toutes les
réclamations ou questions afférentes à:
22. (2) ...
n) toute demande née d'un contrat relatif à la construction, à
la réparation ou à l'équipement d'un navire;
A première vue, ces termes sont assez larges pour
inclure la réclamation d'un propriétaire contre un
constructeur à propos de dommages découlant de
la rupture d'un contrat afférent à la construction
ou à l'épuipement d'un navire. Mais il me semble
qu'il faut lire les alinéas du paragraphe (2), qui
décrivent les catégories de demandes qui sont de la
compétence de la Cour, sous la réserve que les
demandes ne peuvent être reçues par la Cour que
lorsqu'elles sont fondées sur le droit maritime
canadien ou sur une autre loi fédérale, que cela
soit mentionné dans le paragraphe 22(1) ou ail-
leurs. L'article 2 donne du droit maritime cana-
dien la définition suivante:
... le droit dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier
du Canada, en sa juridiction d'amirauté, en vertu de la Loi sur
l'Amirauté ou de quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si
cette Cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence
illimitée en matière maritime et d'amirauté, compte tenu des
modifications apportées à ce droit par la présente loi ou par
toute autre loi du Parlement du Canada;
L'article 42, qui est de droit positif, prévoit que:
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement
avant le 1" juin 1971 reste en vigueur sous réserve des modifi
cations qui peuvent y être apportées par la présente loi ou toute
autre loi.
A mon sens, ces dispositions législatives ont pour
effet de maintenir en vigueur le «code» d'amirauté
que l'Acte de l'Amirauté, 1891 avait introduit
dans la législation canadienne et qui a été appliqué
ensuite par la Cour de l'Échiquier du Canada en
vertu de cette loi et de la Loi d'amirauté, 1934.
Elles visent aussi peut-être à introduire le droit
maritime fondé sur les sources de droit mention-
nées dans le passage de l'ouvrage de Mayers inti-
tulé Admiralty Law and Practice que j'ai cité, qui
était appliqué par la Cour d'Amirauté sous le
règne d'Edward III et avant les lois promulguées
par Richard II et Henry IV, qui ont été ensuite
interprétées et exécutées par les cours de common
law, appliquant les principes de common law de
manière à restreindre sévèrement la compétence de
la Cour d'Amirauté. Mais, comme je l'ai déjà
indiqué, le droit introduit par l'Acte de l'Amirauté,
1891 (Can.), à mon avis n'incluait pas le droit
positif donnant au propriétaire d'un navire un
recours en matière d'amirauté contre un charpen-
tier pour des dommages provenant de la rupture
d'un contrat afférent à la construction, à l'équipe-
ment ou à la réparation du navire. On ne m'a cité
aucune jurisprudence, et je n'en ai trouvé aucune,
indiquant que le droit maritime appliqué par la
Cour d'Amirauté ait jamais inclus une loi traitant
des droits du propriétaire du navire contre le char-
pentier en vertu d'un tel contrat, ou donnant à un
propriétaire de navire un recours en dommages-
intérêts dans un cas comme celui qui nous occupe.
En outre, je ne pense pas que le fait que le contrat
en question soit afférent à la construction d'un
navire à livrer à flot suffise à le caractériser
comme un contrat maritime, dans le sens où les
affaires que j'ai examinées emploient cette expres
sion ou, à toutes fins utiles, comme une question
maritime ou d'amirauté.
Il reste à examiner si l'alinéa 22(2)n) de la Loi
sur la Cour fédérale a apporté quelque change-
ment à cette situation. L'avocat estime qu'elle en a
apporté un fort notable et, à l'appui de ce point de
vue, il renvoie à Le Roi c. Armstrong 19 , où il a été
statué que l'article 16 de l'Acte à l'effet de.modi-
fier l'Acte des cours Suprême et de l'Échiquier, et
d'établir de meilleures dispositions pour l'instruc-
tion des réclamations contre la Couronne, Statuts
du Canada, 1887, c. 16, qui donne compétence à la
Cour pour instruire et juger («entendre et
déterminer»)
16....
c) Toute réclamation contre la Couronne provenant de la
mort de quelqu'un ou de blessures à la personne, ou de
dommages à la propriété, sur un ouvrage public, résultant de
la négligence de quelque employé ou serviteur de la Cou-
ronne, pendant qu'il agissait dans l'exercice de ses fonctions
ou de son emploi;
19 (1908) 40 R.C.S. 229.
a créé un droit positif en faveur du requérant qui,
auparavant, n'avait aucun droit d'action contre la
Couronne en matière de responsabilité délictuelle.
Le Conseil privé a confirmé plus tard le jugement
Armstrong et les autres jugements analogues, dans
Nisbet Shipping Co. Ltd. c. La Reine 20 . Toutefois,
le libellé du texte législatif examiné dans l'affaire
Armstrong diffère du présent libellé et, vu qu'il a
été adopté dans un contexte où il n'y avait aucune
responsabilité de la Couronne à «déterminer,,, il
faut en conclure que le Parlement a eu l'intention
d'imposer une responsabilité à la Couronne quand
les blessures ou les dommages étaient dus à la
négligence dans certaines circonstances. A l'appui
de cette conclusion, on peut faire remarquer que la
loi en question contenait des dispositions autori-
sant des poursuites pour toutes les réclamations
introduites contre la Couronne par pétition de
droit et requérant le ministre des Finances de
payer sur les fonds sans destination spéciale du
Fonds de revenu consolidé toutes les sommes adju-
gées au pétitionnaire. En l'espèce, on ne trouve
pas, selon moi, une situation comparable. Aucune
responsabilité n'est imposée spécifiquement ou par
déduction à un charpentier de navire et aucun
droit n'est conféré spécifiquement ou par déduc-
tion au propriétaire du navire. A mon avis, en fait
de responsabilités et de droits, ils n'ont en vertu du
contrat que ceux prévus par les lois provinciales
applicables.
En conséquence, et nonobstant la plaidoirie très
valable que Me Nuss a présentée au nom de la
Couronne, je conclus qu'il n'existe pas de droit
fédéral donnant à la Cour compétence pour con-
naître de la réclamation de la demanderesse. Ces
conclusions différant de celles formulées en 1975
par le juge Addy, lors d'une demande de radiation
de l'avis d'un tiers pour cause d'incompétence, je
20 [1 9 55] 4 D.L.R. 1, à la page 3:
[TRADUCTION] La Loi sur la Cour de l'Échiquier, tant
dans sa version originale que modifiée, est censée conférer
seulement la compétence, mais par une série de décisions,
dont l'autorité ne peut être mise en cause, il a été statué
qu'elle ne conférait pas seulement une compétence à la Cour,
mais imposait aussi une responsabilité à la Couronne. Voir,
par exemple, la Ville de Québec c. La Reine (1894) 24
R.C.S. 420; Filion c. La Reine (1894) 4 R.C.É. 134; R. c.
Armstrong (1908) 40 R.C.S. 229; Gauthier c. Le Roi (1918)
56 R.C.S. 176. La question qui se pose alors est la suivante:
quelle est la mesure d'une responsabilité qui n'est pas définie
dans la loi mais doit être déduite de la création d'une
compétence?
tiens à faire remarquer que son jugement est anté-
rieur aux arrêts rendus par la Cour suprême dans
Quebec North Shore Paper Company et McNa-
mara, sur lesquels se fonde l'objection que soulève
la défenderesse.
Je rejetterai donc l'action mais, vu que la
demanderesse et la défenderesse ont toutes deux
présumé, depuis le début de l'action jusqu'à l'arrêt
de la Cour suprême dans McNamara, que la Cour
était compétente, la défenderesse n'aura droit
qu'aux dépens des procédures engagées en vertu de
la Règle 474.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.