T-271-77
Lex Tex Canada Limited (Demanderesse)
c.
Highland Mills Limited et Textilwerke Deggen-
dorf G.M.B.H. (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Ottawa, les 13, 15 et 20 septembre 1977.
Pratique — Signification sans ordonnance à une compagnie
qui réside hors du Canada, conformément à la Règle 310(2) —
Signification faite au distributeur canadien — Requête visant
l'obtention d'une ordonnance qui déclarerait nulle la significa
tion — La preuve n'a pas démontré que les conditions d'appli-
cation de la Règle ont été remplies — Ordonnance rendue —
Règle 310(2) de la Cour fédérale.
Il s'agit d'une action en contrefaçon de brevet dans laquelle
la défenderesse Deggendorf a déposé un acte, de comparution
conditionnelle en vue de soulever une objection contre la signifi
cation qui lui a été faite de la déclaration. Elle sollicite une
ordonnance aux fins de déclarer ladite signification nulle. La
signification à Deggendorf, une compagnie qui réside en Alle-
magne, s'est effectuée par voie de signification à la Highland
Mills Limited, une compagnie canadienne et distributeur exclu-
sif de Deggendorf au Canada, le tout conformément à la Règle
310(2). Tous les contrats conclus par Deggendorf l'ont été en
Europe, et toutes les cargaisons ont été livrées franco à bord du
point européen d'expédition; Deggendorf ne se chargeait pas
des opérations canadiennes de dédouanement.
Arrêt: la demande est accueillie. La Règle 310(2) est une
disposition exceptionnelle qui permet la signification substitu-
tive sans ordonnance dans les cas où un tribunal rendrait
normalement, dans le cadre de sa compétence, une ordonnance
de signification substitutive. Un demandeur qui choisit de se
prévaloir de cette règle doit remplir les conditions prescrites. Il
ressort de la preuve que Deggendorf n'a pas, dans le cours
ordinaire de ses affaires, conclu des contrats ou fait des opéra-
tions commerciales au Canada et, par conséquent, elle n'est pas
une personne morale à qui signification peut être faite confor-
mément à la Règle 310(2).
DEMANDE.
AVOCATS:
Bruce Morgan pour la demanderesse.
Nicholas H. Fyfe pour la défenderesse Textil-
werke Deggendorf G.M.B.H.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la
demanderesse.
Smart & Biggar, Ottawa, pour la défende-
resse Textilwerke Deggendorf G.M.B.H.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Il s'agit d'une action en
contrefaçon de brevet. La seconde défenderesse,
ci-après appelée «Deggendorf» a déposé, avec la
permission de la Cour, un acte de comparution
conditionnelle en vue de soulever une objection
contre la signification qui lui a été faite de la
déclaration en l'espèce et sollicite une ordonnance
aux fins de déclarer ladite signification nulle et de
nul effet. La déclaration a été signifiée à la pre-
mière défenderesse, ci-après appelée «Highland»,
conformément à la Règle 310(2). Un jugement
pour défaut de plaider a été demandé contre
Highland.
La Règle 310(2) prévoit ce qui suit:
Règle 310. .. .
(2) Lorsqu'une personne qui réside hors du Canada et qui,
dans le cours ordinaire de ses affaires, conclut des contrats au
Canada ou fait des opérations commerciales au Canada
(comme, par exemple, un transporteur qui reçoit des marchan-
dises au Canada et doit les transporter en un lieu situé hors du
Canada) et qui, à cet égard, utilise régulièrement les services
d'une ou plusieurs personnes résidant au Canada, est poursuivie
pour une cause d'action découlant d'un contrat ou d'une opéra-
tion de ce genre, la signification à personne de la déclaration ou
d'un autre document dans l'action à toute personne dont le
défendeur a réellement utilisé les services relativement au
contrat ou à l'opération en question est censée être une signifi
cation à personne faite au défendeur comme si la Cour avait
dûment rendu une ordonnance permettant en l'espèce une telle
signification substitutive.
Les éléments de preuve, qui ont été amenés par
affidavit et qui concernent les relations d'affaires
entre Deggendorf et Highland, sont consignés
d'une part, dans un contre-interrogatoire portant
sur un affidavit signé par un dirigeant de Highland
et, d'autre part, dans l'interrogatoire préalable
subi par ce même dirigeant et tenu dans le cadre
d'une autre action en contrefaçon de brevet impli-
quant une autre demanderesse (représentée par le
même avocat) et les mêmes défenderesses. Il est
allégué que la signification de la déclaration à
Deggendorf, dans cette dernière action, a été faite
en vertu de la Règle 310(2) sans aucune opposition
de la part de Deggendorf.
Deggendorf était une entreprise qui fabriquait,
en République fédérale d'Allemagne, des fils tex-
turés. Il est allégué que le processus de fabrication
de ces fils, ainsi que les appareils qui servaient à
cette fabrication, ont violé le brevet canadien n°
624,592 de la demanderesse. La prétendue contre-
façon commise par Deggendorf a consisté à [TRA-
DUCTION] «vendre, au Canada, par l'intermédiaire
de son mandataire», soit Highland, des fils texturés
semblables.
Highland était le distributeur exclusif de Deg-
gendorf au Canada. Leur entente stipulait trois
modes de vente aux usagers canadiens de ces fils.
1. Highland sollicitait des commandes qui
étaient présentées à l'acceptation de Deggen-
dorf.
2. Highland achetait de Deggendorf des fils afin
de les revendre.
3. Highland recevait une commission lorsqu'un
client assidu achetait, en gros, des fils de
Deggendorf.
Selon la preuve devant moi, il appert que tous
les contrats conclus par Deggendorf dans le
domaine de la vente des fils l'ont été à l'extérieur
du Canada. Toutes les cargaisons étaient livrées
franco à bord du point européen d'expédition. Le
client était chargé des opérations canadiennes de
dédouanement. Highland s'occupait des formalités
en douane dans le cas des fils achetés par elle mais
ne voyait aucunement au dédouanement des mar-
chandises vendues aux autres clients. Le droit de
propriété sur les fils semble avoir été transmis de
Deggendorf en Europe.
La Règle 310(2) est une disposition exception-
nelle. Elle permet la signification substitutive sans
ordonnance. Elle prévoit les conditions sur lesquel-
les un tribunal devrait normalement se fonder afin
d'exercer sa compétence pour accorder une ordon-
nance de signification substitutive. Ces conditions
doivent être remplies par un demandeur qui choisit
de se prévaloir de la Règle. Il se peut qu'au cours
de procédures ultérieures, la conclusion à laquelle
je suis parvenu soit déclarée erronée mais, à la
lumière de la preuve devant moi, je n'hésite pas à
déclarer que Deggendorf n'a pas, dans le cours
ordinaire de ses affaires, conclu des contrats ou
fait des opérations commerciales au Canada et,
par conséquent, n'est pas une personne morale à
qui signification peut être faite conformément à la
Règle 310(2).
De même, il ne fait aucun doute que Deggendorf
a eu connaissance de l'action et que celle-ci est
venue à sa connaissance par voie de la signification
de la déclaration. A cet égard, il convient de noter
que les poursuites ont été entamées en janvier de
cette année et que le prétendue signification a été
faite en mars. Le facteur temps est tel que le
principe énoncé par le juge Thurlow, alors juge
puîné, dans Iwai & Co. Ltd. c. The Panaghia'
n'est pas en jeu. Dans cette affaire, la signification
avait été faite en mai 1955, un jugement par
défaut avait été enregistré en mars 1957 et la
requête en annulation de la signification avait été
présentée en octobre 1958.
ORDONNANCE
La demande de la défenderesse, Textilwerke
Deggendorf G.M.B.H., est accueillie sans frais et
il est statué que la signification de la déclaration
ci-jointe est nulle et de nul effet.
' [1962] R.C.É. 134.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.