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T-4595-76
Ugine Aciers (Appelante) c.
Le registraire des marques de commerce (mis-en- cause)
Division de première instance, le juge Decary— Montréal, le 31 mars; Ottawa, le 24 juin 1977.
Marques de commerce Enregistrement Refus d'enre- gistrer une marque à cause de la confusion avec des marques de commerce déjà enregistrées Préfixe utilisé pour tous les produits des compagnies possédés par le conglomérat D'au- tres marques de commerce portant le même préfixe ont été enregistrées sans jamais donner lieu à des plaintes Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 2, 6, 12(1), 15(1), 36(1).
L'appelante a fait appel contre le refus du registraire des marques de commerce d'enregistrer le mot «UGIPLUS» sous le prétexte qu'il créerait de la confusion avec des marques de commerce déjà enregistrées. Le préfixe «UGI» était utilisé par les compagnies faisant partie d'un conglomérat possédé à titre bénéficiaire par une compagnie de gestion.
Arrêt: l'appel est accueilli. L'article 15 de la Loi permet l'enregistrement de marques de commerce créant de la confu sion si le requérant est le propriétaire de toutes semblables marques. La déposition du plus haut cadre de la compagnie au Canada a fourni des renseignements plus détaillés sur le fonc- tionnement de groupe de compagnies que n'en possédait le registraire, et a fait ressortir que l'emploi du préfixe «UGt» pour tous les produits du groupe n'a jamais créé de confusion.
APPEL. AVOCATS:
H. Richard pour l'appelante.
J. M. Aubry pour le mis-en-cause.
PROCUREURS:
Léger, Robic, Rouleau & Richard, Montréal, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour le mis-en-cause.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DECARY: Il s'agit de déterminer si le registraire des marques de commerce avait raison, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par les dispositions de l'article 36 de la Loi
sur les marques de commerce', de refuser d'enre- gistrer le mot «UGIPLUS».
L'article 36 se lit, en partie:
36. Le registraire doit rejeter une demande d'enregistrement d'une marque de commerce s'il est convaincu que
b) la marque de commerce n'est pas enregistrable; ou
Le registraire doit considérer le texte de l'article 12(1)d):
12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de com merce est enregistrable si elle ne constitue pas
d) une expression créant de la confusion avec une marque de commerce déposée; ou
L'expression «créant de la confusion» est décrite à l'article 2:
2. Dans la présente loi
«créant de la confusion», lorsqu'elle est employée comme quali- ficatif d'une marque de commerce ou d'un nom commercial, désigne une marque de commerce ou un nom commercial dont l'emploi créerait de la confusion en la manière et les circonstances décrites à l'article 6;
Il est donc prévu qu'une simple possibilité de confusion est suffisante pour décider qu'une marque de commerce crée de la confusion aux fins de l'article 6 de la Loi.
Les paragraphes (1) à (4) de l'article 6 décri- vent des cas de confusion et le paragraphe (5) indique les circonstances dont il faut tenir compte pour juger s'il peut y avoir confusion ou non:
6. (1) Aux fins de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionné cause de la confusion avec la marque de com merce ou le nom commercial en dernier lieu mentionné, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.
(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confu sion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait suscep tible de faire conclure que les marchandises en liaison avec ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services en liaison avec lesdites marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces mar- chandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.
(3) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confu sion avec un nom commercial, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les mar
' S.R.C. 1970, c. T-10.
chandises liées à cette marque et les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom commercial sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services en liaison avec une telle marque et les services en liaison avec l'entreprise poursuivie sous un tel nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.
(4) L'emploi d'un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les mar- chandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom commer cial et les marchandises liées à une telle marque sont fabri- quées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services en liaison avec l'entreprise poursuivie sous ce nom et les services en liaison avec une semblable marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, la cour ou le registraire, selon le cas, doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre de marchandises, services ou entreprises;
d) la nature du commerce; et
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.
Les dispositions de l'article 6(1) (4) veulent
éviter que l'on puisse croire qu'il s'agit d'une même personne alors qu'il s'agit de différentes personnes; celles du paragraphe (5) indiquent qu'il faut tenir compte, entre autres, du genre de marchandises et le degré de ressemblance entre les marques ou noms commerciaux ou dans les idées qu'ils suggèrent.
Il faut noter, quant aux articles 6(1) 6(4) qu'il est en preuve que la propriétaire de la marque UGIPLUS fait partie du groupe de compagnies dont les actions sont possédées, directement ou indirec- tement, par Pechiney-Ugine-Kuhlmann; dans ce groupe, il y a une compagnie filiale qui est en même temps une compagnie holding pour chacun des secteurs d'activités qui détient toutes les actions de chacune des filiales opérant dans ce secteur d'activités; de plus, il y a des compagnies sous-filiales ou sous-sous-filiales. Il peut donc y avoir plusieurs générations dans le groupe Pechi- ney-Ugine-Kuhlmann. C'est un empire de plus de cent cinquante compagnies avec, en fait et en substance, un seul propriétaire bénéficiaire, cette
dite compagnie qui détient, directement ou indirec- tement, toutes les actions des filiales, sous-filiales et sous-sous-filiales; il s'agit, au fait, d'un seul propriétaire, direct ou indirect, d'un seul bénéfi- ciaire ultime.
Il me semble évident qu'un argument, qui n'a pas été soulevé à l'audition, peut être tiré de la situation présente: si le législateur a voulu spécifi- quement, à l'article 50 de la Loi, exempter de l'exclusion d'enregistrement les compagnies phar- maceutiques faisant partie d'un même groupe, il s'en suit, je crois, que d'autres compagnies dont les affaires ne sont pas du domaine pharmaceutique, ne peuvent pas, elles, jouir du même privilège.
Quelle que soit la raison qui a incité le législa- teur à inclure dans la Loi cette exception, il faut admettre qu'il n'y a rien de semblable s'appliquant à la présente affaire, à moins de considérer le groupe comme une personne et se référer à l'article 15 de la Loi qui se lit:
15. (1) Nonobstant l'article 12 ou 14, les marques de com merce créant de la confusion sont enregistrables si le requérant est le propriétaire de toutes semblables marques, lesquelles sont connues sous la désignation de marques de commerce liées.
A l'audition, j'ai eu l'avantage d'entendre le plus haut cadre au Canada du groupe Pechiney-Ugine- Kuhlmann. Le registraire n'a pas eu cet avantage. Je crois que le témoignage de M. Messud a éclairé l'affaire, en faisant une synthèse du fonctionne- ment du groupe de compagnies, et en expliquant le pourquoi de l'usage du préfixe UGI. Ce préfixe UGI est employé parce que la première aciérie dans le groupe fut construite et opérée au village d'Ugine, en Savoie, France. UGI en soi n'est pas un nom géographique, pas plus que MONT est un nom géographique comparé à Montréal.
Le savant procureur a dit que le registraire savait qu'il s'agissait d'un groupe de compagnies mais je doute qu'une lettre ait la même force d'impact et puisse donner la même clarté que l'exposé que M. Messud a fait du groupe, de l'usage d'UGINox, de celui d'UGIPLUs, et des diffé- rents produits auxquels ces mots se rattachent et des différents groupes de personnes auxquels ils s'adressent.
Le registraire n'a pas pu évaluer ces faits de la même façon que la Cour, vu qu'il n'a pas eu l'avantage du témoignage de M. Messud, lequel
témoignage, qui a été permis par la Cour, est plus élaboré et apporte une lumière nouvelle en faisant bien sentir que l'usage du mot UGI n'a jamais créé de confusion.
A la page 48 de la transcription de la preuve, on peut lire la question suivante posée à M. Messud, et sa réponse:
Q. Fut-il déjà porté à votre attention, monsieur Messud, que le public consommateur créait de la confusion entre les différents produits sur le marché par votre énorme entre- prise, par ses différentes filiales, produits identifiés par des marques de commerce portant toutes les préfixes «Ugi»; vous a-t-il été donné de prendre connaissance de témoignages de quelqu'un qui disait que ceci portait à confusion?
R. J'ai jamais entendu parler de confusion; je crois que le but recherché est de séparer les différentes catégories de produits par des marques différentes, tout en maintenant l'unité de l'image, et c'est le rôle que joue le préfixe «Ugi», et c'est la deuxième partie de la marque en général qui différencie les produits, et s'applique à une certaine catégorie de produits par rapport à d'autres et je n'ai pas connaissance de confusion à ce sujet.
L'on a mentionné à la Cour des marques de commerce avec les préfixes UGI, soit «Ugicarb», «Ugigramme», «Ugicryl», «Ugidien», «Ugigrip», «Ugigum» et également les noms suivants enregis- trés au Canada: «Ugi», «Ugigum», «Ugicryl», «Ugibor», «Ugipren» et «Ugitex». Si de tels noms ont été enregistrés, je ne vois pas pourquoi UGI- PLUS ne le serait pas également.
Prenant tous les facteurs en considération et ne croyant pas qu'il puisse y avoir confusion, l'appel sera alloué.
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