T-3339-77
In re l'ordonnance N° 1977-A-443 du Comité des
transports aériens de la Commission canadienne
des transports et in re l'exploitation d'un service
aérien commercial par Anishenineo Piminagan
Inc.
Division de première instance, le juge Mahoney—
Ottawa, les 15 et 19 septembre 1977.
Pratique — Demande d'annulation d'un certificat consti-
tuant une ordonnance rendue par la Commission canadienne
des transports — Subsidiairement, demande de suspension de
l'ordonnance en attendant qu'un jugement soit rendu sur une
autre action — Certificat faisant d'une ordonnance de la CCT
une ordonnance de la Cour par application de la Loi nationale
sur les transports — Ladite ordonnance peut-elle être annu-
lée? Si oui, devrait-elle être annulée? — Subsidiairement,
l'ordonnance devrait-elle être suspendue? — Loi sur l'aéro-
nautique, S.R.C. 1970, c. A-3, art. 9(1), 10(1),(2), 17(1) — Loi
nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 4b),
61(1).(2). 64(2) 64(9) inclus — Règles 330, 1904 et 1909 de
la Cour fédérale.
Une ordonnance rendue par la Commission canadienne des
transports en application de la Loi sur l'aéronautique a été
enregistrée à la Cour fédérale conformément à la Loi nationale
sur les transports et avec tous les effets de droit qui s'ensuivent.
La requérante cherche à obtenir une ordonnance prononçant
l'annulation de ladite ordonnance constituée par le certificat
conformément à la Règle 330. La requête soulève deux points
litigieux: premièrement, une ordonnance de la Cour peut-elle
être annulée par la Cour? Et secondement, en cas de réponse
affirmative, l'ordonnance devrait-elle être annulée? Subsidiai-
rement, la requérante cherche à obtenir une ordonnance, con-
formément aux Règles 1904 et 1909, prononçant la suspension
de l'ordonnance jusqu'à ce que soit rendu un jugement sur une
action intentée par la requérante, à titre de demanderesse,
contre la Commission canadienne des transports.
Arrêt: les demandes sont rejetées. Le Parlement a accordé à
la Commission canadienne des transports l'option, ou bien de
suivre »la pratique et la procédure coutumières» de la Cour, ou
bien d'appliquer la procédure qu'elle a suivie dans l'espèce. Il
ne serait pas raisonnable de soutenir qu'en choisissant la
deuxième alternative, elle reste liée par les exigences de la
première. En des termes non équivoques, le Parlement a pres-
crit des procédures pour faire des ordonnances rendues par la
CCT des ordonnances de la Cour, lesquelles procédures, à la
différence de celles de la Cour, ne requièrent pas le respect du
principe audi alteram partem. Ces procédures ont été rigoureu-
sement appliquées en l'espèce et, en conséquence, l'ordonnance
n'est pas plus passible d'annulation qu'elle l'aurait été si elle
avait été enregistrée suivant «la pratique et la procédure coutu-
mières» de la Cour. La Cour n'a aucun doute quant à sa
compétence de suspendre la présente ordonnance suivant ses
pratique et procédure coutumières. L'ordonnance dont on
demande la suspension a le caractère d'une ordonnance défini-
tive, et les paragraphes 64(2) à 64(9) inclus de la Loi nationale
sur les transports prévoient le cas d'appel contre ce jugement
définitif devant la Cour d'appel. Les procédures relatives au
jugement déclaratoire et suspensif devant cette cour ne consti-
tuent pas un appel au sens desdits paragraphes. Le pouvoir
discrétionnaire de cette cour relativement au délai fixé pour
l'exécution de l'ordonnance doit être exercé dans les circons-
tances où la Cour modifierait ou suspendrait l'un de ses propres
jugements définitifs de la même manière. Elle ne le ferait pas, à
moins qu'appel ait été interjeté ou au moins des démarches
commencées pour interjeter un tel appel.
Distinction faite avec l'arrêt: Le Syndicat canadien de la
Fonction publique, Local 660 c. La Société Radio-Canada
[1976] 2 C.F. 151; distinction faite avec l'arrêt: Fraternité
internationale des ouvriers en électricité, section locale
529 c. Central Broadcasting Co. Ltd. [1977] 2 C.F. 78;
distinction faite avec l'arrêt: R. c. Star Treck Holdings
Ltd. [1978] 1 C.F. 61.
DEMANDE.
AVOCATS:
Walter O. Fedoryk pour la Commission cana-
dienne des transports.
Michael L. Phelan pour Anishenineo Pimina-
gan Inc.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
Commission canadienne des transports.
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour Anishenineo
Piminagan Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Il s'agit d'une requête
introduite par la compagnie Anishenineo Pimina-
gan Inc. (ci-après appelée la «requérante») en vue
d'obtenir une ordonnance d'annulation du certifi-
cat de la Cour en date du 30 août 1977, ou,
subsidiairement, en vue d'obtenir une ordonnance
prononçant la suspension de l'ordonnance consti-
tuée par ledit certificat jusqu'au jugement d'une
action introduite devant la Cour par la requérante,
à titre de demanderesse, contre la Commission
canadienne des transports (ci-après appelée la
«CCT») comme défenderesse'. Le 24 août 1977, le
Comité des transports aériens et la Commission
canadienne des transports ont rendu l'ordonnance
n° 1977-A-443. Le 30 août, une copie de l'ordon-
nance a été enregistrée à la Cour, en application
des paragraphes 61(1),(2) et (3) de la Loi natio
N° du greffe T-3002-77, commencée le 21 juillet 1977.
pale sur les transports, avec tous les effets de droit
qui s'ensuivent 2 . L'ordonnance n° 1977-A-443
était rendue par suite de l'article 10 de la Loi sur
l'aéronautique'. La requête en annulation du cer-
tificat de la Cour est faite en application de la
Règle 330, et la requête subsidiaire en suspension
en application des Règles 1904 et 1909.
En ce qui concerne la première requête, deux
points litigieux distincts sont à déterminer. Premiè-
rement, une ordonnance de la Cour peut-elle être
annulée par la Cour? Secondement, en cas de
réponse affirmative à la première question, l'or-
donnance devrait-elle être annulée?
Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur
l'aéronautique:
9. (1) Dans la présente Partie
«Commission» désigne la Commission canadienne des trans
ports;
«prix de louage ou rémunération» signifie tdut paiement, contre-
partie, gratification ou profit, directement ou indirectement
demandé, exigé, reçu ou perçu par une personne pour l'usage
d'un aéronef;
«service aérien commercial» signifie tout emploi d'aéronef dans
les limites ou au-dessus du Canada, moyennant un prix de
louage ou une rémunération;
10. (1) La Commission a pleine juridiction pour examiner,
entendre et juger toute question
a) où la Commission estime qu'une personne a omis d'ac-
complir un acte ou une chose dont l'accomplissement est
prescrit par la présente Partie ou par un règlement, une
licence, un permis, une ordonnance ou une instruction que la
Commission a établis sous l'autorité de ladite Partie, ou
qu'une personne a accompli ou est en train d'accomplir un
acte ou une chose qui s'oppose ou qui contrevient à la
présente Partie, ou à ce règlement, cette licence, ce permis,
cette ordonnance ou cette instruction, ou
b) où la Commission estime que les circonstances exigent
que, dans l'intérêt public, elle rende une ordonnance, donne
des directives, une permission, sanction ou approbation que la
loi l'autorise à rendre ou à donner, ou en ce qui concerne un
acte ou une chose dont l'accomplissement est interdit, sanc-
tionné ou prescrit par la présente Partie ou l'un de ces
règlements, licences, permis, ordonnances ou directives.
(2) La Commission peut ordonner et prescrire à toute per-
sonne d'accomplir immédiatement, ou dans tel délai ou à telle
époque qu'elle fixe, et de la manière qu'elle détermine, en tant
qu'il ne s'y trouve rien d'incompatible avec la présente loi, tout
acte ou chose que cette personne est ou peut être tenue d'ac-
complir sous l'autorité de la présente Partie ou de tout règle-
2 S.R.C. 1970, c. N-17.
S.R.C. 1970, c. A-3.
ment, licence, permis, ordonnance ou directive que la Commis
sion a établie sous l'autorité de cette Partie; et elle peut aussi
interdire l'accomplissement ou la continuation de tout acte ou
chose contraire à la présente Partie ou à l'un de ces règlements,
licences, permis, ordonnances ou directives et, aux fins du
présent article, elle a pleine juridiction pour entendre et juger
toute question tant de droit que de fait.
17. (1) Nul ne doit exploiter un service aérien commercial à
moins qu'il ne détienne un permis valable et restant en vigueur
délivré aux termes de l'article 16.
L'article 17 prévoit que sa violation constitue une
infraction passible de sanction sur déclaration
sommaire de culpabilité.
Voici le texte complet de l'ordonnance n°
1977-A-443:
ATTENDU que le Comité des transports aériens a été informé
qu'un service aérien commercial est exploité, entre Winnipeg et
Island Lake (Manitoba), au moyen d'un aéronef ST-27, depuis
le 1e' juillet 1977, ou autour de cette date;
ATTENDU que par lettre du 30 juin 1977, les chefs de bandes
indiennes de St. Theresa, Waasagamack, Red Sucker Lake et
Garden Hill ont fait valoir auprès du président de la Commis
sion des transports aériens [sic] ce qui suit: [TRADUCTION]
«Notre organisation ne se veut pas un «transporteur aérien», aux
termes de la définition énoncée dans la partie II de la loi, et
nous ne sommes pas tout à fait certains si la définition «prix de
louage et rémunération» s'applique à un service appartenant à
une organisation, et qui est exploité par celle-ci au profit de ses
membres. Il est évident que les frais subis doivent être payés
d'une certaine manière, mais nous voulons à tout prix éviter de
faire quoi que ce soit qui puisse enfreindre la loi ou vos
règlements. Nous aimerions, par conséquent, que vous autori-
siez notre exploitation. Soyez assurés de notre entière collabo
ration pour de plus amples renseignements et garanties.»;
ATTENDU que par lettre du 12 juillet 1977, le Comité
demandait au procureur de Anishenineo Piminagan Inc. de lui
faire parvenir certains renseignements afin de déterminer si le
service en cause était de nature commerciale;
ATTENDU que par télex du 15 juillet 1977, le Comité deman-
dait au procureur de Anishenineo Piminagan Inc. de lui donner,
de toute urgence, les renseignements désirés soit avant le mardi
19 juillet;
ATTENDU que le Comité n'a reçu aucune réponse de la part
du procureur de Anishenineo Piminagan Inc.;
ATTENDU que par télex du 20 juillet 1977, envoyé au Conseil
d'administration et au procureur de Anishenineo Piminagan
Inc., le Comité a demandé à nouveau les renseignements dési-
rés, et a déclaré: [TRADUCTION] «D'après les documents dont
nous disposons, le Comité est d'avis qu'un service aérien com
mercial est actuellement exploité en violation de l'article 17 de
la Loi sur l'aéronautique»;
ATTENDU que le Comité ordonnait dans le télex susmen-
tionné ce qui suit: [TRADUCTION] «En conséquence, ladite
société et ses responsables doivent cesser l'exploitation de servi
ces aériens commerciaux, et y renoncer immédiatement.»;
ATTENDU que le procureur de Anishenineo Piminagan Inc. a
maintenant répondu aux questions du Comité;
ATTENDU qu'après étude de l'affaire le Comité confirme
l'ordre qu'il a émis antérieurement, lequel enjoignait Anisheni-
neo Piminagan Inc. de cesser l'exploitation d'un service aérien
commercial, et d'y renoncer immédiatement, puisqu'il était
assuré en violation de l'article 17 de la Loi sur l'aéronautique;
IL EST ORDONNÉ CE QUI SUIT:
Conformément au paragraphe 10(2) de la Loi sur l'aéronau-
tique, le Comité des transports aériens ordonne par les
présentes à Anishenineo Piminagan Inc. de cesser l'exploita-
tion d'un service aérien commercial, et d'y renoncer
immédiatement.
Voici les dispositions pertinentes de la Loi
nationale sur les transports:
4. La présente loi s'applique aux moyens de transport
suivants:
b) le transport par air auquel s'applique la Loi sur
l'aéronautique;
(L'article 5 rend expressément applicable aux pro-
cédures introduites devant la CCT en application
de la Loi sur l'aéronautique, les dispositions de la
Partie IV de la Loi y compris les articles ci-après):
61. (1) Toute décision ou ordonnance rendue par la Com
mission peut être déclarée règle, ordonnance ou décret de la
Cour fédérale ou de toute cour supérieure d'une province du
Canada, et être exécutée de la même manière qu'une règle, une
ordonnance ou un décret de ces cours.
(2) Pour faire de cette décision ou ordonnance, une règle,
une ordonnance ou un décret de ces cours, la pratique et la
procédure coutumières de ces cours en ces matières peuvent
être suivies; ou, pour y suppléer, le secrétaire peut faire une
copie certifiée de cette décision ou ordonnance, sur laquelle doit
être inscrite, sous le seing du président et le sceau officiel de la
Commission, la mention suivante:
Aux fins de faire du contenu des présentes une règle (une
ordonnance ou un décret, selon le cas) de la Cour fédérale du
Canada (ou d'une autre cour, selon le cas).
Daté ce jour de A.D. 19....
A.B.
[Sceau] Président de la Commission canadienne des
transports.
(3) Le secrétaire peut transmettre cette copie certifiée, por-
tant la mention susdite, au registraire ou à un autre officier
compétent de cette cour, qui doit, au reçu de cette copie, la
déposer dans les archives, et cette décision ou ordonnance
devient dès lors et constitue la règle, l'ordonnance ou le décret
de cette cour.
Le paragraphe (3) serait applicable seulement à
la procédure de rechange autorisée par la dernière
partie du paragraphe 61(2). La CCT a décidé
d'appliquer cette procédure, et, techniquement,
elle cherche l'annulation du certificat délivré par le
greffier de la Cour relativement à l'enregistrement
de l'ordonnance n° 1977-A-443, laquelle a été
rendue sous le régime de la Règle 330.
Règle 330. La Cour pourra annuler toute ordonnance rendue
ex parte, mais une telle annulation n'affecte ni la validité ni la
nature d'une action ou omission antérieure à l'ordonnance
d'annulation.
Vraisemblablement, l'annulation du certificat
entraînera celle de l'ordonnance n° 1977-A-443 en
tant qu'ordonnance de la Cour. Pour des raisons de
simplicité, je me référerai à l'«rrdonnance» lorsque
je traiterai ci-après de la requête d'annulation, ou,
subsidiairement, de la requête en suspension.
Plaidant la compétence de la Cour, la requé-
rante se fonde sur deux décisions de celle-ci relati
ves à l'enregistrement des ordonnances en applica
tion de la Partie V du Code canadien du travail 4 .
Dans la première affaires, mon collègue le juge
Walsh a annulé l'enregistrement de la sentence
rendue par un arbitre, enregistrement effectué sur
demande de l'une des parties, en application de
l'article 159 du Code. Mon collègue le juge Catta-
nach, tout en traitant de nombreuses autres matiè-
res, a adopté la décision du juge Walsh concluant
à la nullité de l'enregistrement, fait sur demande
de l'une des parties, d'une ordonnance rendue par
le Conseil canadien des relations du travail, en
application de l'article 123 du Code 6 . L'article 159
est libellé ainsi:
159. (1) Lorsqu'une personne ou une association ne s'est pas
conformée à une ordonnance ou décision d'un arbitre ou d'un
conseil d'arbitrage, toute personne ou association concernée par
l'ordonnance ou la décision peut, après l'expiration d'un délai
de quatorze jours à partir de la date de l'ordonnance ou de la
décision ou de la date d'exécution qui y est fixée, si celle-ci est
postérieure, déposer à la Cour fédérale du Canada une copie du
dispositif de l'ordonnance ou de la décision.
(2) Dès son dépôt à la Cour fédérale du Canada effectué en
vertu du paragraphe (1), une ordonnance ou une décision d'un
arbitre ou d'un conseil d'arbitrage doit être enregistrée à la
Cour et cet enregistrement lui confère la même force et le
même effet que s'il s'agissait d'un jugement émanant de la
Cour et toutes les procédures y faisant suite peuvent dès lors
être engagées en conséquence.
4 S.C. 1972, c. 18.
Le Syndicat canadien de la Fonction publique, Local 660 c.
La Société Radio-Canada [1976] 2 C.F. 151.
6 Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section
locale 529 c. Central Broadcasting Co. Ltd. [1977] 2 C.F. 78.
Il n'est pas nécessaire de reproduire ici l'article
123. Ainsi que l'a observé le juge Cattanach, à la
page 82,
A l'exception de différences mineures dans les libellés de
l'article 123 et de l'article 159, dictées par les nécessités du
sujet ... les deux articles sont identiques.
Les motifs de la décision du juge Walsh sont
exposés dans le passage ci-après, lequel commence
à la page 152:
Les requérants en appellent à l'article 159(2) du Code canadien
du travail, alléguant que la décision de l'arbitre peut être
enregistrée à la Cour sans avis préalable et que son enregistre-
ment lui accorde la même force et le même effet que s'il
s'agissait d'un jugement émanant de cette cour et toutes les
procédures y faisant suite peuvent dès lors être engagées en
conséquence. Cependant, il faut lire ce paragraphe en se réfé-
rant au premier paragraphe de l'article 159 qui prévoit le dépôt
d'une telle décision pour enregistrement à la Cour après l'expi-
ration d'un délai de 14 jours «Lorsqu'une personne ou une
association ne s'est pas conformée à une ordonnance ou décision
d'un arbitre ou d'un conseil d'arbitrage.» Il s'agit d'une condi
tion préalable essentielle au dépôt aux fins d'enregistrement et
le paragraphe (2) ne fait qu'exposer l'effet dudit enregistre-
ment. La Règle 321 des Règles de la Cour fédérale dit
clairement que sauf dans les cas où on peut présenter des
requêtes ex parte, les requêtes doivent être signifiées aux autres
parties au moins deux jours francs avant l'audition, sauf si la
Cour accorde une permission spéciale à l'effet contraire. Con-
formément à la Règle 319 la requête doit être appuyée par un
affidavit certifiant tous les faits sur lesquels se fonde la requête
sauf ceux qui ressortent du dossier; une partie adverse peut
déposer un affidavit en réponse et, avec la permission de la
Cour, un témoin peut être appelé à témoigner relativement à
une question de fait soulevée dans une requête.
Bien que la requête visant notamment à l'enregistrement de
la sentence arbitrale ait été accompagnée d'un affidavit expo-
sant que l'intimée ne s'était pas entièrement conformée à la
sentence, on n'a pas précisé à quelle stipulation on a dérogé; de
plus, la requête n'a pas été signifiée aux adversaires avant son
enregistrement afin de permettre à l'intimée de réfuter l'accu-
sation. II s'agit d'une dérogation à la Règle 321 de la Cour
fédérale et au principe fondamental d'équité audi alteram
partena. La preuve qu'on ne s'est pas conformé à la sentence
arbitrale est une condition essentielle à son enregistrement à
cette cour.
L'ordonnance du Parlement déclarant une
ordonnance de la CCT une ordonnance de la Cour,
en application de l'article 61 de la Loi nationale
sur les transports, est tout à fait différente de celle
prescrivant de donner des effets semblables aux
ordonnances rendues en application des articles
123 et 159 du Code canadien du travail. Il n'est
pas nécessaire d'examiner ici l'importance de la
distinction, le cas échéant, entre, d'une part, le
paragraphe 61(3) de la Loi nationale sur les
transports, d'après lequel une ordonnance rendue
par la CCT, une fois déposée dans les archives de
la Cour «devient dès lors et constitue, l'ordonnance
de cette cour, et, d'autre part, les dispositions
spéciales du Code canadien du travail d'après
lequel l'enregistrement confère à l'ordonnance «la
même force et le même effet que s'il s'agissait d'un
jugement émanant de ... [cette] Cours. Le Code
canadien du travail ne prescrit aucune mesure
spéciale pour la procédure de l'enregistrement.
Dans ce cas, les procédures de la Cour doivent
prévaloir, et les effets sont les mêmes que ceux
indiqués dans les décisions citées en référence.
L'article 61 de la Loi nationale sur les transports
a, cependant, prescrit des règles de procédure. La
CCT peut ou bien suivre «la pratique et la procé-
dure coutumières, de la Cour, ou bien appliquer la
procédure qu'elle a suivie dans l'espèce. Le Parle-
ment a, en termes clairs, reconnu à la CCT un
droit d'option et il ne serait pas raisonnable de
soutenir qu'en choisissant la deuxième alternative,
elle reste liée par les exigences de la première.
En des termes non équivoques, le Parlement a
prescrit des procédures pour faire des ordonnances
rendues par la CCT des ordonnances de la Cour,
lesquelles procédures, à la différence de celles de la
Cour, ne requièrent pas le respect du principe audi
alteram partem. Ces procédures ont été rigoureu-
sement appliquées en l'espèce et, en conséquence,
l'ordonnance n'est pas plus passible d'annulation
qu'elle l'aurait été si elle avait été enregistrée
suivant «la pratique et la procédure coutumières»
de la Cour. La requête aux fins d'annulation de
l'ordonnance sera rejetée et je vais traiter de la
requête subsidiaire en suspension de la même
ordonnance.
L'ordonnance étant, par application du paragra-
phe 61(3), celle de la Cour même, je n'ai aucun
doute quant à la compétence de la Cour de la
suspendre suivant ses pratique et procédure coutu-
mières. La CCT soutient que la jurisprudence de
l'affaire La Reine c. Star Treck Holdings Ltd.'
constitue un argument dans le sens contraire. Je ne
suis pas d'accord avec ce point de vue. Dans
l'espèce citée en référence, la Couronne demandait
7 [1978] 1 C.F. 61.
une ordonnance aux fins de modifier un certificat
enregistré à la Cour en application de l'article 223
de la Loi de l'impôt sur le revenu e .
223. (1) Un montant payable en vertu de la présente loi qui
est impayé, ou le solde d'un montant payable en vertu de la
présente loi, peut être certifié par le Ministre,
(2) Sur production à la Cour fédérale du Canada, un certifi-
cat fait sous le régime du présent article doit être enregistré à
cette cour et, lorsqu'il est enregistré, il a la même force et le
même effet, et toutes les procédures peuvent être engagées à la
faveur de ce certificat comme s'il était un jugement obtenu de
cette cour pour une dette du montant spécifié dans le certificat,
plus l'intérêt couru jusqu'à la date du paiement ainsi qu'il est
prescrit dans la présente loi.
Le certificat du Ministre demeure un certificat du
Ministre, nonobstant la règle qu'il «a la même
force et le même effet ... comme s'il était un
jugement» obtenu de cette cour; il ne «devient» ni
ne «constitue l'ordonnance» de la Cour comme le
serait une ordonnance à laquelle s'applique le
paragraphe 61(3) de la Loi nationale sur les
transports. Le certificat du Ministre ne devient
pas, par le fait de l'enregistrement, un certificat de
la Cour aux fins de modification. Une ordonnance
de la CCT devient effectivement une ordonnance
de la Cour aux fins de suspension ou autres.
La suspension est sollicitée en application des
Règles 1904 et 1909:
Règle 1904. (1) Même si un jugement ou une ordonnance
exigeant qu'une personne accomplisse un acte spécifiant dans
quel délai l'acte doit être accompli, la Cour peut rendre une
ordonnance exigeant que l'acte soit accompli dans tel autre
délai, calculé à partir de la signification de cette ordonnance ou
autrement, que spécifie cette dernière ordonnance.
(2) Lorsqu'un jugement ou une ordonnance exigeant qu'une
personne accomplisse un acte ne spécifie pas dans quel délai il
doit être accompli, la Cour peut par la suite rendre une
ordonnance exigeant que l'acte soit accompli dans tel délai,
calculé à partir de la signification de cette ordonnance ou
autrement, que spécifie cette dernière ordonnance.
Règle 1909. Une partie contre laquelle a été rendu un jugement
ou une ordonnance peut demander à la Cour la suspension de
l'exécution du jugement ou de l'ordonnance ou quelque autre
redressement à l'encontre de ce jugement ou de cette ordon-
nance, et la Cour peut, par ordonnance, accorder le redresse-
ment qu'elle estime juste, aux conditions qu'elle estime justes.
On sollicitait la suspension jusqu'à ce que juge-
ment soit rendu dans une action introduite devant
cette cour par la requérante contre la CCT en vue
d'obtenir un jugement déclaratoire et suspensif au
motif que la requérante n'exploite pas une entre-
8 S.C. 1970-71-72, c. 63.
prise aérienne commerciale, allégation contraire à
la décision rendue dans l'ordonnance. L'action
commença le 21 juillet; la CCT comparut et
déposa un avis de requête en application de la
Règle 324, cherchant à faire annuler la demande
introductive d'instance au motif qu'elle ne révèle
pas de cause raisonnable d'action, et qu'en consé-
quence, l'action devrait être rejetée.
En plus de l'action intentée devant cette cour,
une autre a été intentée devant la Cour du Banc de
la Reine du Manitoba, contre la requérante, par
un transporteur commercial autorisé, tendant à
faire déterminer par ladite cour si ladite requé-
rante exploite ou non, un service aérien commer
cial. Le procès est venu à son terme et la demande
d'injonction interlocutoire contre la requérante a
été rejetée. Il appert que la Cour a demandé des
plaidoiries écrites et a réservé sa décision. Et, pour
compléter le tout, une poursuite intentée contre la
requérante devant la Cour provinciale du Mani-
toba, en application de l'article 17 de la Loi sur
l'aéronautique, a été suspendue en attendant les
résultats de l'une, de l'autre ou des deux actions
introduites devant la Cour du Banc de la Reine et
devant cette cour. Les preuves démontrent qu'il
s'agit de l'action devant cette cour, mais l'avocat,
dans sa plaidoirie, a soutenu qu'il s'agit de celle
engagée devant la Cour du Banc de la Reine. Ceci
dit, la présente requête renvoie expressément à
l'action intentée devant cette cour.
L'ordonnance dont on demande la modification
ou la suspension a le caractère d'un jugement
définitif; elle n'est pas une ordonnance interlocu-
toire. Les paragraphes 64(2) à 64(9) inclus de la
Loi nationale sur les transports prévoient le cas
d'appel contre ce «jugement définitif» devant la
Cour d'appel fédérale. Les procédures relatives au
jugement déclaratoire et suspensif devant cette
cour ne constituent pas un appel au sens desdits
paragraphes 9 . Je suis d'avis que le pouvoir discré-
tionnaire de cette cour relativement au délai fixé
pour l'exécution de l'ordonnance, soit par la sus
pension de l'exécution soit par la détermination
d'une autre date d'exécution, doit être exercé seu-
lement dans les circonstances où la Cour modifie-
9 Effectivement, dans la présente affaire, les procédures ont
été commencées avant même que l'ordonnance ait été rendue,
dans l'intention évidente de devancer celle-ci.
rait ou suspendrait l'un de ses propres jugements
définitifs de la même manière. Je ne crois pas
qu'elle le ferait, à moins qu'appel ait été interjeté
ou au moins des démarches commencées pour
interjeter un tel appel. La requête doit être rejetée,
et, en l'absence de cette condition sine qua non, il
n'est pas nécessaire pour moi de montrer les résul-
tats que je me serais senti obligé d'atteindre sur le
fondement des autres éléments portés devant moi.
ORDONNANCE
La requête est rejetée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.