T-3168-76
James Laurence Kezar, mineur agissant par son
représentant ad litem Ralph Kezar, ainsi que ledit
Ralph Kezar (Demandeurs)
c.
La Reine et le commissaire des territoires du
Nord-Ouest, Rufus Graves et Ronald Dodds et
M0e Ronald Dodds et Joy Carter (Défendeurs)
Division de première instance, le juge suppléant
Primrose—Yellowknife, le 3 décembre; Edmonton,
le 13 décembre 1976.
Procédure—Demande en vue d'obtenir une ordonnance por-
tant radiation de la déclaration au motif qu'elle ne révèle
aucune cause raisonnable d'action—La Couronne a-t-elle un
devoir à l'égard des demandeurs?—Les défendeurs nommés
sont-ils les préposés de la Couronne?—Compétence de la Cour
fédérale—Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C.
1970, c. C-38, art. 3(1 )—Loi sur la Cour fédérale, art. 17—
Loi sur les territoires du Nord-Ouest, S.R.C. 1970, c. N-22,
art. 13—Public Service Ordinance, O.R. 1974, c. P-13—
School Ordinance, O.R. 1974, c. S-3—Règle 419(1)a) de la
Cour fédérale.
Les demandeurs allèguent que les défendeurs, conjointement
et solidairement, ont un devoir de diligence à l'égard du deman-
deur mineur, que le commissaire des territoires du Nord-Ouest
agissait en qualité de plus haut fonctionnaire du gouvernement
des territoires du Nord-Ouest et en qualité d'employeur des
défendeurs nommés et que ces derniers agissaient, en tout
temps, dans les limites et dans l'exercice de leurs fonctions. Les
défendeurs soutiennent qu'en vertu de l'article 17 de la Loi sur
la Cour fédérale, la compétence de la Cour est limitée aux cas
où l'on demande un redressement contre la Couronne, que les
défendeurs nommés aux présentes sont exclus des dispositions
de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, par le biais de
l'expression «préposé» définie à l'article 2 de cette Loi et que la
Couronne elle-même est responsable seulement lorsqu'elle a un
devoir à l'égard d'une personne en particulier.
Arrêt: la demande est accueillie. Les défendeurs nommés,
bien que préposés de la Couronne, sont exclus des dispositions
de la Loi sur la responsabilité de la Couronne. La Couronne
n'est donc pas responsable de leur négligence et la Cour
fédérale n'a pas la compétence d'entendre une demande de
redressement présentée contre eux. Le commissaire des territoi-
res du Nord-Ouest est un fonctionnaire de la Couronne et, dans
les circonstances en l'espèce, n'a aucun devoir à l'égard des
particuliers.
Arrêts appliqués: Montreal Transportation Co. Ltd. c. Le
Roi [1923] R.C.É. 139; La Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante c. La Reine [1974] 2 C.F. 443;
Lignes aériennes Canadien Pacifique, Limitée c. La Reine
[1977] 1 C.F. 715; Cleveland -Cliffs S.S. Co. c. La Reine
[1957] R.C.S. 810 et La Banque Royale du Canada c.
Scott; le commissaire des territoires du Nord-Ouest
(1971) 20 D.L.R. (3e) 728.
DEMANDE en radiation d'une déclaration.
AVOCATS:
M. Sigler pour les demandeurs.
C. J. Wilson et G. B. Barrington pour les
défendeurs.
PROCUREURS:
Searle, Sigler, Yellowknife, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT PRIMROSE: Il s'agit d'une
demande en vue d'obtenir conformément à la
Règle 419(1)a) des Règles de la Cour fédérale,
une ordonnance portant radiation de la déclaration
au motif qu'il n'existe pas de cause raisonnable
d'action. La demande a été entendue à Yellow-
knife, T.N.-O. et puisqu'il n'existe pas dans les
territoires du Nord-Ouest de bureau du registraire
où déposer les plaidoiries, une déclaration modifiée
a été présentée et la demande a été entendue
comme s'il y avait eu dépôt de la déclaration
modifiée dans laquelle ont été ajoutés d'autres
défendeurs, y compris le défendeur Graves, Surin-
tendant de l'éducation à Fort Providence, le défen-
deur Dodds, Directeur de l'école Elizabeth Ward,
employé à Fort Providence par le gouvernement
des territoires du Nord-Ouest, et Mmc Ronald
Dodds et Joy Carter toutes deux des employées et
institutrices de l'école en question.
La déclaration modifiée allègue que les défen-
deurs, conjointement et solidairement, ont un
devoir de diligence à l'égard du demandeur
mineur: que l'institutrice Joy Carter surveillait les
élèves de l'école en cause et qu'elle a prêté son
concours au transport inconsidéré du demandeur
blessé; que M me Ronald Dodds était la surveillante
de récréation en fonction le jour en question et
qu'elle a mal ou n'a pas du tout surveillé les
enfants; que le défendeur Graves était présent
lorsque l'enfant a été blessé et a aidé à son trans
port inconsidéré; et enfin, que le défendeur Dodds
était le Directeur de l'école et qu'il était tenu de
prendre bien soin du demandeur.
La déclaration allègue en outre qu'à l'exception
du commissaire des territoires du Nord-Ouest, les
défendeurs agissaient en tout temps dans les limi-
tes et dans l'exercice de leurs fonctions, et de plus
que le commissaire défendeur agissait en qualité
de plus haut fonctionnaire du gouvernement des
territoires du Nord-Ouest et d'employeur des
autres défendeurs nommés.
La défense soutient que la Couronne est respon-
sable in tort seulement lorsque des dispositions
législatives le prévoient expressément, et qu'en leur
absence, une action ne peut être intentée contre la
Couronne. Voir Montreal Transportation Co. Ltd.
c. Le Roi [1923] R.C.É. 139; Bouillon c. Le Roi
(1916) 16 R.C.É.443.
La Loi sur la responsabilité de la Couronne,
S.R.C. 1970, c. C-38 concernant la responsabilité
in tort de la Couronne prévoit à l'article 3(1):
3. (1) La Couronne est responsable des dommages dont elle
serait responsable, si elle était un particulier majeur et capable,
a) à l'égard d'un délit civil commis par un préposé de la
Couronne, ou
b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la pro-
priété, l'occupation, la possession ou la garde d'un bien.
L'article 4(2) prévoit:
4. (2) On ne peut exercer de recours contre la Couronne, en
vertu de l'alinéa 3(1)a), à l'égard d'un acte ou d'une omission
d'un préposé de la Couronne, sauf si, indépendamment de la
présente loi, l'acte ou l'omission eût donné ouverture à une
poursuite en responsabilité délictuelle contre ce préposé ou sa
succession.
L'expression «préposé» est définie à l'article 2 de
la Loi comme suit:
2....
«préposé» comprend un mandataire, mais ne comprend pas une
personne nommée ou employée en vertu d'une ordonnance du
territoire du Yukon ou des territoires du Nord-Ouest.
Les défendeurs soutiennent que l'action, bien
qu'elle soit fondée sur la responsabilité délictuelle
pour défaut de surveillance pendant la récréation
dans la cour de l'école, n'est pas recevable parce
que les défendeurs sont des employés conformé-
ment à une ordonnance et sont régis par les lois des
territoires du Nord-Ouest.
Le commissaire gère et administre la Fonction
publique en vertu de la Public Service Ordinance,
O.R. 1974, c. P-13. L'ordonnance porte sur les
traitements et rémunérations ainsi que le personnel
et les nominations, et en vertu de l'article 15(1), le
commissaire a le droit et le pouvoir exclusifs de
nommer des personnes à des postes dans la Fonc-
tion publique.
Les défendeurs soutiennent qu'en vertu de l'arti-
cle 17 de la Loi sur la Cour fédérale, la compé-
tence de la présente cour est limitée aux cas où l'on
demande un redressement contre la Couronne, et
que cette dernière n'est pas responsable de la
négligence de ses préposés, sauf dans les cas prévus
par la Loi sur la responsabilité de la Couronne. La
défense soutient en outre que, bien que chacun des
défendeurs nommés aux présentes, c'est-à-dire
Graves, Dodds et son épouse et Carter puissent
être personnellement poursuivis en dommages-
intérêts si la négligence est prouvée, ces derniers ne
peuvent être défendeurs dans la présente action et
aucune action ne peut être intentée, en tout état de
cause, contre Sa Majesté ou le commissaire.
Le poste de commissaire est créé en vertu de la
Loi sur les territoires du Nord-Ouest, S.R.C.
1970, c. N-22. En vertu de l'article 13 de la Loi, le
commissaire en conseil peut rendre des ordonnan-
ces pour le gouvernement des territoires, et l'arti-
cle 13(r) énonce:
13....
r) l'instruction dans les territoires, à condition que, dans
toute ordonnance relative à l'instruction, il soit toujours
décrété qu'une majorité des contribuables d'un district ou
d'une partie des territoires, ou d'une moindre partie ou
subdivision, sous quelque nom qu'elle soit désignée, peut y
établir les écoles qu'elle juge appropriées etc.
Par conséquent, il ne fait aucun doute que le
commissaire en conseil peut rendre des ordonnan-
ces dans les territoires relativement à l'éducation.
La School Ordinance, O.R. 1974, c. S-3 énu-
mère les attributions du commissaire et lui donne
le pouvoir d'établir des règlements pour mettre en
application les dispositions de l'ordonnance:
[TRADUCTION] 3. Le commissaire peut établir les règle-
ments qu'il estime nécessaires ou souhaitables pour mettre en
application les dispositions de cette ordonnance et, sans limiter
la portée générale de ce qui précède, il peut établir des règle-
ments prévoyant
a) l'organisation, l'administration et la discipline des écoles;
b) l'aménagement et la disposition des bâtiments scolaires;
c) le matériel et l'ameublement scolaires;
d) la classification des écoles et le classement des
instituteurs;
e) les livres de classe et le matériel scolaire qui seront utilisés
dans les écoles;
J) les devoirs et les attributions des inspecteurs d'écoles et
des contrôleurs des absences nommés par le commissaire;
g) les livres destinés aux bibliothèques scolaires;
h) les plans pour la construction et l'ameublement des
écoles;
i) les normes régissant l'enseignement et l'étude dans les
écoles;
j) la durée de l'année scolaire, les heures de classe, les
récréations, les vacances et les jours de congé, et
k) les fonctions des instituteurs et des directeurs.
Les défendeurs soutiennent qu'il s'agit là de
pouvoirs réglementaires, qu'aucune obligation
n'est créée envers qui que ce soit en particulier et
ils renvoient à l'arrêt La Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante c. La Reine [1974] 2
C.F. 443. Il s'agissait d'une demande de radiation
de la déclaration parce qu'elle ne révélait aucune
cause raisonnable d'action contre la Couronne et le
ministre des Postes; l'action se fondait sur le non-
règlement d'une grève illégale. Dans cet arrêt le
juge Mahoney déclare à la page 450:
Les décisions prises par les défendeurs et les actes et omis
sions dont on se plaint étaient manifestement, dans le contexte
de la Loi, des décisions de politique et des actes et omissions
intervenant dans l'exercice de fonctions de direction et d'exploi-
tation. Le ministre des Postes et d'autres fonctionnaires de la
Couronne ne sont responsables que devant le Parlement des
conséquences de ces décisions, actes et omissions et, en particu-
lier, les défendeurs n'en sont pas comptables aux demanderesses
devant la présente cour.
Les défendeurs s'appuient également sur l'arrêt
Lignes aériennes Canadien Pacifique, Limitée c.
La Reine [1977] 1 C.F. 715, les motifs du juge-
ment ayant été prononcés le 8 novembre 1976 par
le juge Collier. La compagnie Lignes aériennes
Canadien Pacifique, Limitée, qui utilise les aéro-
ports des principaux centres du Canada que la
défenderesse exploite par l'entremise de ministère
ou ministres, affirmait avoir subi des pertes et des
dommages à la suite de l'interruption, au mois de
mars 1975, de 21 de ses vols prévus sur l'horaire.
Les interruptions avaient été causées par la ferme-
ture temporaire des pistes d'envol aux aérodromes
internationaux de la défenderesse à Toronto et à
Ottawa. La demanderesse soutenait qu'il incom-
bait au ministre des Transports de maintenir ces
aérodromes et qu'il a manqué à cette obligation les
jours en question. En vertu de l'article 3c) de la
Loi sur l'aéronautique, le Ministre est tenu «de
construire et maintenir tous les aérodromes et
stations ou postes d'aéronautiques de l'État, y
compris toutes les installations, machines et tous
les bâtiments nécessaires à leur équipement et
entretien efficaces». En discutant cette obligation
le savant juge déclare à la page 726:
J'estime que, dans l'intérêt du grand public, l'obligation
consiste à préserver, à entretenir, «à conserver en existence ou
en continuation» ou à réparer. Je n'ai pas la prétention de
donner une définition qui comprenne tous les sens du terme
employé à l'alinéa 3c). Toutefois, je suis convaincu que l'obliga-
tion ne dépasse pas les limites générales que j'ai indiquées. En
particulier, à mon avis, elle n'a pas la portée que la demande-
resse lui attribue, à savoir: s'assurer, dans les limites pratiques,
que les installations des aérodromes sont opérationnelles ou
fonctionnent (par comparaison avec l'entretien, la réparation ou
la durée des installations), à tous les moments raisonnables. Je
dis que l'obligation de maintenir, interprétée correctement, ne
va pas si loin.
Aux pages 727-28, le savant juge dit:
Je passe maintenant à un autre point litigieux important
entre les parties. L'alinéa 3c) de la loi confère-t-il un droit
d'action à la demanderesse et aux autres usagers canadiens des
aérodromes, qui prétendent avoir été lésés par l'inexécution de
l'obligation? Ici, il me faut présumer que l'obligation a bien la
portée que la demanderesse lui attribue. Dans Orpen c.
Roberts, le juge Duff a défini le critère de la façon suivante
[[19251 R.C.S. 364, à la p. 370]:
[TRADUCTION] Cependant on doit examiner l'esprit et la
lettre d'une loi en vue de déterminer si la création au profit
d'un particulier de droits sanctionnés par une action corres
pond à l'économie de la loi; ou si les redressements prévus par
la loi sont les seuls qui soient accordés pour garantir le
respect de l'obligation légale au profit du public ou pour
indemniser les personnes lésées par suite de la non-exécution
de cette obligation. [C'est moi qui souligne.]
Dans Direct Lumber Co. Ltd. c. Western Plywood Co. Ltd.,
[une action que j'ai entendue il y a 15 ans] le juge Judson [en
appel], parlant au nom de la Cour suprême du Canada, a
souscrit à l'extrait que je viens de citer [[1962] R.C.S. 646, à la
p. 648]:
[TRADUCTION] Je suis convaincu, comme l'a été le juge
d'appel Johnson après une revue complète de la jurispru
dence, dont Cutler c. Wandsworth Stadium Ld. [[1949]
A.C. 398] est le point culminant, que cette loi criminel e ne
donne aucune cause d'action civile pour son inexécution et je
ratifie le jugement qui fait l'objet du pourvoi pour les raisons
données par le juge d'appel Johnson, à savoir que cette loi
créant un nouveau délit, a été adoptée exclusivement pour la
protection de l'intérêt public et n'engendre pas une cause
d'action civile. Elle ne comporte aucun principe nouveau et,
en dépit de l'examen répété du problème, rien n'a été ajouté
aux commentaires que le juge Duff a faits dans Orpen c.
Roberts .. .
Et de nouveau à la page 728:
Ici, l'organisme que l'on veut poursuivre est la Couronne, par
l'entremise d'un ministre. Il me semble que le Parlement serait
mal venu d'imposer des sanctions à un ministre de la Couronne
à propos d'une inexécution. De toutes façons, ce dernier est
responsable devant le Parlement pour tous ses manquements. Il
appartient au législateur d'appliquer les recours, si on peut
utiliser ces termes, lorsque le Ministre est appelé à lui rendre
des comptes.
Les défendeurs soutiennent que trois conditions
doivent être remplies, à savoir: l'existence d'une
obligation prescrite, une dérogation à cette obliga
tion et plus encore important, il doit y avoir res-
ponsabilité envers une personne touchée par ladite
dérogation; à l'appui de leur thèse, les défendeurs
renvoient à l'arrêt La Reine, du chef de la province
de l'Île-du-Prince -Edouard c. La Reine, du chef
du Canada [1976] 2 C.F. 712. Dans cette affaire,
on alléguait que le gouvernement n'avait pas
assuré un service continu de traversiers entre
l'Île-du-Prince -Edouard et le continent, en viola
tion de l'article 146 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique; la Cour a statué qu'il n'existe
pas de responsabilité en dommages-intérêts à
l'égard du préjudice causé. à la province par l'inter-
ruption du service à la suite de cette inexécution. A
la page 734, le juge Cattanach a dit en renvoyant à
l'arrêt La Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante c. La Reine (précité):_
Parmi les motifs du juge Mahoney, ordonnant la radiation de
la déclaration, on peut lire à la page 450:
Les décisions prises par les défendeurs et les actes et
omissions dont on se plaint étaient manifestement, dans le
contexte de la Loi, des décisions de politique et des actes et
omissions intervenant dans l'exercice de fonctions de direc
tion et d'exploitation. Le ministre des Postes et d'autres
fonctionnaires de la Couronne ne sont responsables que
devant le Parlement des conséquences de ces décisions, actes
et omissions et, en particulier, les défendeurs n'en sont pas
comptables aux demanderesses devant la présente cour.
En somme, le manquement à une obligation édictée par la
Loi dans l'intérêt commun n'est pas sanctionné par un droit
d'action que pourrait exercer l'individu lésé. On en a jugé ainsi
dans un cas de manquement du gouvernement canadien à
fournir un service postal ininterrompu. Il n'existe aucune diffé-
rence fondamentale entre une grève paralysant un service
postal et une grève paralysant un service de traversiers.
Les défendeurs renvoient à l'arrêt Cleveland -
Cliffs S.S. Co. c. La Reine [1957] R.C.S. 810: un
navire s'était échoué en entrant dans un port et ses
propriétaires et affréteurs avaient déposé une péti-
tion de droit réclamant des dommages-intérêts
pour négligence dans le balisage du chenal et
l'établissement des cartes y afférentes. Le savant
juge a rejeté l'action aux motifs que: 1. l'échoue-
ment a eu lieu en dehors des limites du chenal et 2.
la Couronne ne serait pas légalement responsable
même si l'échouement avait eu lieu dans les limites
du chenal. En appel le juge en chef Kirwin dit à la
page 813:
[TRADUCTION] Étant donné la prétention des appelantes selon
laquelle elles seraient pour le moins fondées à obtenir un
nouveau procès de manière qu'elles puissent prendre les mesu-
res nécessaires à cette fin ou en sorte de se procurer les noms de
ceux à l'encontre de qui, au sens de la Loi sur la responsabilité
de la Couronne, elles pourraient démontrer qu'elles ont une
cause d'action in tort, j'ai étudié la question avec un soin
particulier et j'ai conclu que le redressement recherché ne doit
en aucun cas être accordé. Le Service hydrographique du
Canada n'avait aucune obligation, à l'égard des appelantes, de
sonder l'entrée est du chenal et, dans les circonstances particu-
lières à l'espèce, je ne conçois aucune obligation possible envers
les appelantes à laquelle serait tenu un autre préposé de la
Couronne et dont l'inexécution constituerait le fondement d'une
cause d'action contre lui.
Le juge Rand dit à la page 814:
[TRADUCTION] L'administration des aides à la navigation
dépend des crédits votés par le Parlement. Mais indépendam-
ment de ceci, pour qu'un préposé de la Couronne puisse être
personnellement tenu responsable envers un tiers d'un manque-
ment à ses devoirs envers la Couronne, les faits doivent permet-
tre de conclure à l'intention de créer une relation directe entre
le préposé et le tiers. Le premier devoir des préposés de la
Couronne est envers celle-ci; et les circonstances dans lesquelles
le préposé peut, en même temps, être tenu d'une obligation
envers un tiers sont extrêmement rares.
En ce qui concerne l'existence d'un devoir, on a
renvoyé aux arrêts Laberge c. La Reine [1951]
R.C.E. 369 et La Reine c. Nord-Deutsche Versi-
cherungs-Gesellschaft [1971] R.C.S. 849 et l'on a
souligné que les conditions suivantes doivent être
réunies pour que le requérant puisse actionner la
Couronne pour négligence: existence d'un devoir
de diligence envers le requérant; omission de se
conformer aux règles de diligence prescrites par la
loi et responsabilité envers la personne lésée. Dans
la dernière affaire, 50% de la responsabilité a été
imputée à la Couronne et l'on expose les principes
sur lesquels se fondent cette responsabilité.
Les demandeurs ont soutenu qu'il s'agit d'une
action in tort, que le commissaire a agi dans les
limites de ses attributions et que ses employés ou
ceux qu'il a nommés conformément aux ordonnan-
ces sont des préposés de la Couronne.
Dans l'arrêt La Banque Royale du Canada c.
Scott; le commissaire des territoires du Nord-
Ouest (1971) 20 D.L.R. (3e) 728, le juge Morrow
de la Cour territoriale du Nord-Ouest traite d'une
manière exhaustive de l'histoire constitutionnelle
et judiciaire des territoires du Nord-Ouest. Cette
affaire traite d'une question de saisie-arrêt et il a
été jugé que le salaire d'un instituteur employé par
le gouvernement des territoires du Nord-Ouest ne
pouvait pas être l'objet d'une saisie-arrêt.
Discutant dans le jugement susmentionné du
statut du commissaire et des employés des territoi-
res, le juge Morrow a statué:
Il me semble que ce contrôle, exercé conformément à la Loi
sur les territoires du Nord-Ouest (précitée), en particulier aux
articles 4 et 19 [rempl. et sub. 1966-67, c. 22] de cette dernière,
place légalement le commissaire dans une position qui exige de
lui qu'il manie ces fonds comme venant du .trésor royal». Il se
peut qu'en pratique les instructions du gouverneur en conseil ou
du Ministre de la Reine, prévues à l'article 4, soient assez
larges et vagues pour permettre au commissaire de prendre des
décisions très souples et, en apparence, indépendantes, mais
ceci n'affecte en rien la situation du point de vue juridique. Les
dépenses qu'il engage conformément à ses pouvoirs, sont cen-
sées l'être conformément aux instructions directes de la Cou-
ronne du chef du Gouvernement fédéral ou canadien.
Il est manifeste que selon la législation en vigueur, les
employés ou préposés du gouvernement territorial ne sont pas
les employés ou les préposés du commissaire, bien que celui-ci
les engage et les paye, mais ceux de Sa Majesté; le commissaire
en qualité de fonctionnaire exécutif n'est pas le chef d'un État
ou gouvernement indépendant de Sa Majesté mais seulement
l'agent (fort important et efficace, il est vrai) de transmission et
d'exécution des instructions qui peuvent lui venir de Sa Majesté
(le Gouvernement canadien) ou des Ordonnances adoptées par
le Conseil territorial. Voir aussi le juge Duff aux pages 677-8
dans l'affaire Lake Champlain & St. Lawrence Ship Canal Co.
c. Le Roi (1916), 35 D.L.R. 670, 54 R.C.S. 461 pour le point
de savoir si [TRADUCTION] «les pouvoirs qui appartiennent à la
Couronne peuvent être exercés par l'intermédiaire des minis-
tres» et ma référence à Dicey infra, p. 744.
Je ne vois aucune différence dans le fait que
dans les territoires du Nord-Ouest, le pouvoir est
établi en vertu des Ordonnances édictées aux
termes de la Loi sur les territoires du Nord-Ouest
et, à toutes fins pratiques, la situation est la même
que s'il s'agissait d'une action contre la Couronne
dans l'une des provinces du Canada.
Les demandeurs avancent que cette School
Ordinance ne s'applique qu'aux districts scolaires
constitués établis dans les territoires et la déclara-
tion en l'espèce n'indique pas que l'administration
scolaire à Fort Providence se trouve être dans un
district scolaire visé par l'Ordonnance. Il ressort
clairement de la déclaration modifiée que l'on ne
prétend pas que l'école Elizabeth Ward situé à
Fort Providence a été établie aux termes de l'Or-
donnance en question et les demandeurs soutien-
nent que, bien que l'article 13r) de la Loi sur les
territoires du Nord-Ouest accorde au commissaire
une délégation générale de pouvoirs, il ne s'ensuit
pas que la présente action est fondée sur l'autorité
donnée au commissaire en vertu de cet article,
c'est-à-dire que l'école n'est pas nécessairement
établie en vertu dudit article. Cependant, les
demandeurs soutiennent que le commissaire défen-
deur est le plus haut fonctionnaire, que le défen-
deur Graves, surintendant de l'éducation, est un
employé du gouvernement aussi bien que Ronald
Dodds, directeur de l'école, son épouse Mme Dodds
et Joy Carter, toutes deux institutrices. Tout le
système scolaire des territoires repose sur les pou-
voirs donnés au commissaire aux termes de la Loi
sur les territoires du Nord-Ouest et de la School
Ordinance en question, aussi dois-je conclure que
la déclaration en l'espèce prend pour acquis que
l'école a été établie en vertu de la School Ordi
nance ou que les défendeurs mentionnés sont des
employés engagés en vertu de ladite Ordonnance
et, à mon avis, la seule conclusion possible est que
les employés susmentionnés ainsi que l'école sont
respectivement régis et établis en vertu de la délé-
gation générale accordée au commissaire aux
termes de la School Ordinance. Il est possible que
les demandeurs soient fondés à entamer des procé-
dures devant la Cour suprême des territoires du
Nord-Ouest dans le cas où les actes de négligence
allégués peuvent être prouvés, mais eu égard à la
loi que j'ai étudiée et à la jurisprudence citée, je
dois conclure qu'une action ne peut être intentée
devant la Cour fédérale contre Sa Majesté, le
commissaire ni aucun des autres défendeurs. Pour
ces motifs, la demande de radiation des plaidoiries
est accueillie.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.