T-3250-73
Philrick Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge suppléant
Sweet—Toronto, les 20 et 21 décembre 1976 et le
28 mars 1977.
Impôt sur le revenu — Déductions — «Entretien de chevaux
de course. par la demanderesse — Le Ministre a rejeté la
déduction des pertes provenant de l'exploitation agricole —
L'exploitation agricole en combinaison avec la seule autre
source de revenu de la demanderesse constitue-t-elle sa prin-
cipale source de revenu? — Loi de l'impôt sur le revenu,
S.R.C. 1952, c. 148, art. 13(1), 139(1)p).
La demanderesse fait «l'entretien de chevaux de course» au
sens où l'entend l'article 139(1)p) de la Loi de l'impôt sur le
revenu. Elle a subi des pertes importantes provenant de cette
entreprise pendant les années d'imposition 1967 1970. Pour la
même période, sa seule autre entreprise, celle de promoteur-
constructeur immobilier, a produit un revenu net variant entre
$18,000 et $69,000. La demanderesse a voulu déduire de son
revenu imposable ses pertes provenant de son exploitation
agricole. Le Ministre a rejeté la déduction. Il a aussi imputé à
l'exploitation agricole la moitié du salaire versé à R., le proprié-
taire bénéficiaire de la demanderesse, et l'a alors refusé comme
déduction de la principale source de revenu.
Arrêt: les appels sont accueillis. Les nouvelles cotisations
sont renvoyées au Ministre aux fins de modification. L'exploita-
tion agricole ne cesse pas d'être une source de revenu pendant
une année pour la seule raison qu'elle ne rapporte pas un profit
au cours de ladite année. Quand il n'y a que deux sources de
revenu, dont l'une est l'exploitation agricole, alors une «combi-
naison de l'agriculture et de quelque autre source» devient la
seule source de revenu et l'article 13(1) ne s'applique pas. Pour
qu'il puisse y avoir une «combinaison de l'agriculture et de
quelque autre source», il n'est pas nécessaire qu'il y ait un
rapport entre les deux. Sur le second point, il est raisonnable
d'imputer la moitié du salaire de R. à l'entreprise agricole,
compte tenu du temps que celui-ci lui a consacré, mais cette
mesure n'a aucun effet sur le règlement de la première
question.
Arrêt suivi: Brown c. La Reine 75 DTC 5433. Distinction
faite avec l'arrêt: Moldowan c. La Reine [1976] 1 C.F.
355.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
R. E. Anka et G. J. Corn pour la
demanderesse.
J. S. Gill pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Shibley, Righton & McCutcheon, Toronto,
pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET: Il s'agit ici d'un
appel des nouvelles cotisations de la demanderesse
établies pour ses années d'imposition 1967, 1968,
1969 et 1970. Il peut être divisé en deux parties.
L'une consiste en sa réclamation selon laquelle,
dans le calcul de son revenu imposable pour lesdi-
tes années, toutes les pertes provenant de son
exploitation agricole auraient dû être déduites
puisque l'exploitation agricole a été l'une de ses
entreprises. La Couronne, elle, adopte la position
suivante: la principale source de revenu de la
demanderesse pendant ces années n'a été ni l'ex-
ploitation agricole ni une combinaison de l'agricul-
ture et de quelque autre source, au sens de l'article
13(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu' (la Loi)
et les pertes déductibles provenant de son exploita
tion agricole égalent seulement le moindre des
chiffres déclarés dans les alinéas a) et b) dudit
article.
L'article 13(1) de la Loi est rédigé dans les
termes suivants:
13. (1) Lorsque le revenu d'un contribuable pour une année
d'imposition ne provient principalement ni de l'agriculture ni
d'une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source,
son revenu pour l'année est considéré comme n'étant pas infé-
rieur à son revenu obtenu de toutes sources autres que l'agricul-
ture, moins le plus faible des deux montants suivants:
a) ses pertes provenant de son exploitation agricole pour
l'année, ou
b) $2,500 plus le moindre des chiffres suivants:
(i) la moitié du montant par lequel ses pertes provenant de
son exploitation agricole, pour l'année, excèdent $2,500, ou
(ii) $2,500.
L'autre partie de l'appel vise le rejet par le
Ministre (je cite la déclaration) [TRADUCTION]
«de la moitié du salaire versé à M. Richards pour
le motif qu'il est imputé aux pertes provenant de
l'exploitation agricole». Il s'agit ici de H. W.
Richards, alors président de la demanderesse et
' S.R.C. 1952, c. 148.
propriétaire bénéficiaire de toutes ses actions
émises.
On s'accorde à dire que pendant les années
pertinentes, l'une des entreprises de la demande-
resse a été l'exploitation agricole et l'autre,
l'immobilier.
Le texte suivant est extrait de l'exposé de la
défense:
[TRADUCTION] Dans son calcul le ministre du Revenu national
a invoqué entre autres, les constatations et les allégations de
faits suivantes:
a) il a invoqué les faits ci-dessus admis;
b) à toutes les époques pertinentes, la demanderesse a
exploité deux entreprises: celle de promoteur-constructeur
immobilier et celle d'éleveur de chevaux de course
standard -bred;
c) selon les états financiers de la demanderesse, le revenu
net qu'elle a tiré de son entreprise de promotion et de
construction immobilières s'établit comme suit:
1967—$43,314.00
1968— 18,206.00
1969— 45,541.00
1970— 68,949.00
d) selon les états financiers de la demanderesse, ses pertes
provenant de son exploitation agricole s'établissent comme
suit:
1967—(15,196.00)
1968—(18,252.00)
1969—(25,142.00)
1970—(53,704.00)
e) la demanderesse n'a jamais réalisé de profits sur son
exploitation agricole.
Il ressort clairement de l'état actuel du droit que
l'exploitation agricole ne cesse pas d'être une
source de revenu pour une année donnée, au sens
où l'entend l'article 13 (1) de la Loi, pour la seule
raison qu'elle ne rapporte pas de bénéfices pendant
cette période.
Dans Moldowan c. La Reine [1976] 1 C.F. 355,
le juge Pratte déclare [aux pages 357-8]:
L'article 13 présuppose que l'agriculture peut constituer la
principale source de revenu d'un contribuable pour une année
d'imposition en dépit du fait que celui-ci peut avoir subi une
perte provenant d'une exploitation agricole au cours de cette
année. Une entreprise ne cesse pas d'être une entreprise durant
une année (et une source de revenu ne cesse pas d'être une
source de revenu durant une année) pour la seule raison qu'elle
n'a pas rapporté de bénéfices au cours de ladite année. L'article
13(1) ne parle pas de la «principale source du revenu du
contribuable» mais de la «principale source de revenu du contri-
buable». A mon avis, tant que le contribuable exploite une
entreprise agricole, l'agriculture demeure une de ses sources de
revenu sans égard au fait que l'entreprise agricole peut, certai-
nes années, opérer à perte et sans égard au fait que le contri-
buable peut n'avoir aucun espoir raisonnable d'exploiter son
entreprise agricole à profit pendant les années en question.
Dans la même affaire, le juge Urie, (qui est
dissident) déclare [à la page 365]:
Il faut maintenant se référer à l'article 139(1a)a). Cet
article, lu en corrélation avec l'article 3, permet de conclure
qu'on doit considérer toute entreprise comme une source de
revenu, qu'elle produise ou non un revenu brut ou net au cours
de n'importe quelle année.
L'avocat de l'intimée a soutenu que, puisque l'article 4 de la
Loi définit le revenu comme étant le bénéfice, l'expression
«source de revenu» employée dans l'article 13 signifie «source de
bénéfice». En toute déférence, je ne partage pas ce point de vue.
Et le juge Ryan déclare [à la page 369]:
Je suis aussi d'accord avec le point de vue que l'agriculture
ou l'agriculture en combinaison avec quelque autre source [de
revenu] peut constituer une source de revenu aux fins de l'article
13, même si le contribuable a subi une perte d'exploitation
durant l'année d'imposition. S'il n'en était pas ainsi, il serait
difficile de donner une signification à cet article.
Dans Brown c. La Reine 75 DTC 5433, qui a été
jugé après Moldowan, le juge Cattanach déclare:
Dans diverses affaires, il a été décidé qu'une source peut être
une source de revenu pour une année d'imposition donnée,
même si au cours de cette année le contribuable subit une perte.
Ceci étant, la simple comparaison mathématique des revenus
nets provenant de deux sources n'est pas un critère décisif pour
déterminer laquelle des deux est la source principale. Pour ce
faire, on peut avoir recours à d'autres critères.
Bien qu'une exploitation agricole qui subit des
pertes pour une année d'imposition donnée puisse
être une «source de revenu» pour ladite année, au
sens où l'entend l'article 13 (1) de la Loi, cela, en
soi, laisse sans réponse la question de savoir si une
combinaison de cette exploitation agricole et d'une
autre source constitue la «principale source de
revenu» du contribuable pour ladite année d'impo-
sition et dispense le contribuable de la limite qu'il
impose aux déductions afférentes aux pertes prove-
nant d'une exploitation agricole. Trois aspects ici
sont à considérer:
1. Le cas où il n'y a que deux sources de revenu,
l'une d'elles étant l'exploitation agricole.
2. Les caractéristiques (autres que le «rapport»)
permettant d'inclure l'exploitation agricole dans
«une combinaison de l'agriculture et de quelque
autre source», au sens de l'article 13(1) de la Loi,
comme l'indique l'arrêt Moldowan c. La Reine
(précité) où pourtant il y avait plus de deux sour
ces de revenu.
3. Doit-il y avoir un «rapport» entre l'exploita-
tion agricole et l'autre source de revenu?
J'examine d'abord la question de savoir si pen
dant les années d'imposition pertinentes, la deman-
deresse a eu deux sources de revenu ou plus.
A l'instance, personne n'a déclaré qu'elle avait
plus de deux sources de revenu, à savoir l'exploita-
tion agricole et l'immobilier. Dans l'exposé de la
défense, la défenderesse, comme je l'ai déjà indi-
qué, a plaidé qu'«à toutes les époques pertinentes,
la demanderesse a exploité deux entreprises: celle
de promoteur-constructeur immobilier et celle
d'éleveur de chevaux de course standard -bred».
Toutefois, les copies des états financiers, déposés
comme pièce, laissent apparaître un revenu de
placement, bien que cela ne soit pas très clair. En
conséquence, j'estime que je me dois d'examiner
cette possibilité. Les bilans reportent des investis-
sements comme actif. Pour les exercices financiers
prenant fin le 28 février 1967, 1968, 1969 et 1970,
ils indiquent respectivement $7,000, $12,467,
$8,001 et $1,001. Je ne trouve dans les états
financiers aucun poste indiqué comme revenu pro-
venant d'un placement de titres. Si ce genre de
revenu existe, je pense qu'il doit être relativement
faible. Dans les états des bénéfices non distribués
pour les années se terminant le 28 février 1969 et
le 28 février 1970, je relève des pertes afférentes à
la vente de titres qui s'élèvent à $259 et à $7,000.
Après avoir considéré tous les faits et notam-
ment l'imprécision (pour ne pas dire l'absence) de
preuve concernant l'éventualité d'un revenu de pla
cement, j'en arrive à la conclusion que pour juger
la présente action, il ne convient pas de donner à
cette éventualité une importance quelconque et
qu'il faut partir du principe qu'au cours des années
pertinentes, la demanderesse n'a eu que deux sour
ces de revenu: l'exploitation agricole et l'im-
mobilier.
En lisant l'article 13(1) de la Loi, je constate
que la phrase «Lorsque le revenu d'un contribuable
pour une année d'imposition ne provient principa-
lement ni de l'agriculture ni d'une combinaison de
l'agriculture et de quelque autre source» signifie
simplement que l'article ne se réfère qu'aux cas où
il y a plus de deux sources de revenu. Je pense que
le terme «principalement» le montre clairement.
Pour que la combinaison de l'agriculture et de
quelque autre source soit la «principale source», à
distinguer de la «seule source», il faudrait, selon
moi, qu'il y ait une ou plusieurs autres sources que
cette combinaison. J'en arrive ici à la conclusion
que la combinaison de l'agriculture et de l'immobi-
lier était la seule source de revenu de la demande-
resse. En conséquence, j'estime que l'article 13(1),
avec les limites qu'il prévoit pour les déductions
afférentes aux pertes provenant d'une exploitation
agricole, ne s'applique pas et ne gouverne pas cette
cause.
Le juge Urie a traité cet aspect de la question
dans Moldowan c. La Reine (précité) où il déclare
[aux pages 365-6]:
On doit examiner les diverses sources de revenu du contribua-
ble, s'il en a plusieurs, pour s'assurer que le revenu agricole,
combiné avec le revenu provenant d'une autre source, repré-
sente sa principale source de revenu. Naturellement, s'il n'a
qu'une seule autre source, sa principale source est nécessaire-
ment l'agriculture combinée avec l'autre source, auquel cas
l'article 13(1) ne s'applique évidemment pas au contribuable. Il
va sans dire qu'il en est de même si sa seule source de revenu
est l'agriculture.
Dans Brown c. La Reine (précité), le juge Catta-
nach déclare:
Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis arrivé sur
cette question de fait en l'espèce, il n'y a pas lieu pour moi
d'examiner la question de savoir si «la source principale de
revenu» du demandeur était «une combinaison de l'agriculture
et de quelque autre source». Si j'avais à le faire, je ne manque-
rais pas de signaler qu'en l'espèce il n'y a que deux sources de
revenu. Ceci étant, il s'ensuit, me semble-t-il que le revenu total
du demandeur, provenant de ces deux sources, doit être une
combinaison de l'agriculture et de quelque autre source de
revenu. On pourrait retenir d'autres considérations s'il y avait
plus de deux sources de revenu entraînant alors la possibilité de
combinaisons différentes.
Si les conclusions que je viens de formuler sont
exactes, alors la question est réglée. L'article 13(1)
ne s'applique pas ici et il faut accueillir l'appel de
la demanderesse en ayant à l'esprit les commentai-
res suivants que le juge Pratte fait dans Moldowan
c. La Reine [à la page 356]:
L'article 13 prévoit que, dans certaines circonstances, un
contribuable, exploitant agricole, n'a pas le droit, dans le calcul
de son revenu de toute provenance, de déduire la totalité des
pertes qu'il peut avoir subies [dans] son exploitation agricole.
On doit souligner qu'en dehors de cet article, les règles généra-
les gouvernant le calcul du revenu permettent au contribuable,
exploitant agricole, dans le calcul de son revenu de toute
provenance d'une année, de déduire ses pertes agricoles de ses
profits de toute autre source.
Si mes conclusions sont erronées et si, pour que
la demanderesse échappe aux limites imposées par
l'article 13 (1) aux déductions afférentes aux pertes
provenant d'une exploitation agricole, il faut que
son entreprise présente au moins certaines des
caractéristiques indiquées dans Moldowan (où il y
avait plus de deux sources de revenu), le résultat
sera néanmoins le même. J'estime que son entre-
prise agricole possède assez de ces caractéristiques
pour constituer une «combinaison de l'agriculture
et de quelque autre source de revenu», au sens où
l'entend l'article 13(1) de la Loi. Je ne suis pas ici
en train d'examiner s'il doit y avoir ou non un
rapport entre l'agriculture et l'autre source pour
pouvoir inclure l'agriculture dans la combinaison.
Cet aspect de la question est traité dans les com-
mentaires ci-dessous.
Dans Moldowan, le juge Pratte déclare [aux
pages 358-9]:
Mais, et c'est peut-être là la question décisive, comment
détermine-t-on la valeur relative des diverses sources de revenu
du contribuable?
Pour parvenir à une décision en l'espèce, je ne pense pas qu'il
soit nécessaire de donner une réponse exhaustive à cette ques
tion. A mon avis, il me suffit de dire que:
1. l'importance d'une source de revenu ne peut pas être
entièrement séparée de l'importance du revenu qu'elle pro-
duit normalement ou qu'on espère qu'elle produira à l'avenir;
2. une source de revenu qui, pour un contribuable, a toujours
été et sera, d'après ses prévisions, marginale ne peut pas être
considérée, tant qu'elle demeure marginale, comme la princi-
pale source de revenu du contribuable.
Les commentaires suivants sont extraits du juge-
ment du juge Urie et concernent la même affaire
[aux pages 365-6]:
Le fait de s'assurer, en se fondant sur la preuve, que le
prétendu agriculteur a «une expectative raisonnable de profit»
au sens de cette expression dans l'article 139(1)ae)(i), peut, me
semble-t-il, constituer un indice dans le cheminement du raison-
nement permettant d'établir qu'en fait une personne s'adonne à
l'agriculture. A mon avis, on doit souligner qu'il ne s'agit là que
d'un indice parmi d'autres, dont la valeur dépendra des preuves
produites dans chaque cas.
et
Sans prétendre d'aucune manière envisager toutes les possibili-
tés, il y a, parmi les critères qu'on pourrait retenir: les montants
du capital investi dans chacune des sources, l'expectative rai-
sonnable du profit pour chacune d'elles, le montant des revenus
bruts et nets provenant de chaque source, le temps que le
contribuable a consacré chaque jour à chacune des sources et le
montant de revenu produit dans le passé par chacune des
sources. Si, en se fondant sur toutes les preuves, on ne pouvait
déclarer que l'agriculture et une autre source ont constitué la
principale source de revenu, l'article 13(1) serait alors
applicable.
Traitant du même sujet dans la même affaire, le
juge Ryan déclare [aux pages 369-70]:
... s'il est vrai qu'une source peut être une source de revenu
pour une année donnée même si elle ne rapporte aucun bénéfice
au cours de l'année en question, il me paraît néanmoins oppor-
tun, pour déterminer la principale source du revenu d'un contri-
buable pour une année, d'examiner chacune de ses sources du
point de vue de son aptitude à produire des bénéfices pour le
présent ou pour l'avenir ou pour les deux à la fois. Il me semble
que l'importance relative des sources, en tant que source de
revenu, est largement fonction de leur aptitude à produire des
bénéfices. A mon avis, l'un des moyens adéquats de résoudre ce
problème difficile consiste à examiner soigneusement, d'un
point de vue pratique et commercial, les activités lucratives
courantes du contribuable et à déterminer ainsi laquelle de ces
sources de revenu, dans le cours normal de ses affaires,—
compte tenu de ses plans et des mesures prises pour les réali-
ser—est la principale en matière de rentabilité normale et (ou)
prévisible. Dans la recherche d'une réponse, on pourra tenir
compte du revenu brut, du revenu net, du capital investi, des
bénéfices avant amortissement, des engagements personnels et
d'autres facteurs.
D'après ses états financiers, l'actif total de la
demanderesse et les montants consacrés aux che-
vaux seuls (sans inclure aucun autre actif afférent
à l'exploitation agricole) étaient les suivants:
28 fév. 28 fév. 28 fév. 28 fév.
1967 1968 1969 1970
Total: $106,246 $107,132 $180,452 $153,444
Chevaux: 13,202 8,600 22,538 43,525
Je récapitule maintenant quelques éléments du
témoignage de Richards en rapport avec les activi-
tés agricoles de la demanderesse.
En 1964, celle-ci a décidé d'acheter des installa
tions pour les chevaux. Le choix s'est porté sur une
ferme située à cinq milles à l'est de Markham,
qu'elle a achetée et enregistrée à son nom. La
superficie de cette ferme était de 23 1 / 2 acres. Elle
comportait une maison où Richards et sa famille
sont allés habiter. La demanderesse a installé 14
boxes, une grange et une sellerie et construit une
piste sommaire. Elle y a amené environ huit che-
vaux. Elle a ensuite engagé un entraîneur, qui est
resté jusqu'au début du printemps 1967. Richards
voulait en finir avec l'immobilier, car il s'intéres-
sait aux chevaux. Vers 1966 ou 1967, il était fort
bien installé pour se livrer à cette entreprise.
Parmi les pièces produites, figure la copie d'un
bail en date du 15 mai 1969 intervenu entre la
demanderesse et Audrey M. Downing et afférent à
la ferme en question.
Selon Richards, la demanderesse a loué une
autre ferme, de l'autre côté de la route, d'une
superficie de 100 acres pour un loyer de $1,200 par
mois, comportant une écurie et une piste. Selon
Richards, la demanderesse a loué cette ferme
parce qu'elle avait besoin de la piste. Dans son
témoignage, il déclare que cette location a eu lieu
en 1971 ou 1972. Je pense qu'il a dû se tromper
sur la date parce que le bail susmentionné est du
15 mai 1969.
J'ai l'impression que la demanderesse a employé
ou engagé un montant important de son actif dans
son exploitation agricole.
Je conclus que vers 1967, Richards s'intéressait
personnellement beaucoup plus aux chevaux de
course qu'à l'immobilier. A partir de ce
moment-là, il y a consacré plus de temps qu'à son
autre entreprise. Je crois qu'il a nourri de grands
espoirs pour l'élevage et l'entraînement des che-
vaux de course. Il a dit qu'il a eu [TRADUCTION]
«une malchance incroyable», mais qu'il n'a aucune
raison de douter de son entreprise. Je pense qu'il le
croit réellement bien que l'expérience prouve que
pendant les années pertinentes au moins, il s'est
montré trop optimiste. En outre, il faut admettre
que l'élevage des chevaux est hasardeux. Le Parle-
ment l'a si bien reconnu qu'il a inclus dans la
définition du terme «agriculture», «l'entretien de
chevaux de course». (Article 139(1 )p).)
Je conclus que l'exploitation agricole de la
demanderesse a constitué une branche importante
de ses affaires, en dépit des pertes qui en ont
résulté.
Je passe maintenant à la question de savoir s'il
doit y avoir un «rapport» entre l'agriculture et
l'autre source pour qu'elle constitue la «combinai-
son de l'agriculture et de quelque autre source»,
dont parle l'article 13(1), qui permet au contribua-
ble d'éviter la limite que ce texte impose aux
déductions afférentes aux pertes provenant d'une
exploitation agricole.
Dans Moldowan c. La Reine, le juge Pratte
déclare [à la page 359]:
Je ne partage pas le point de vue selon lequel la principale
source de revenu d'un contribuable peut être «une combinaison
de l'agriculture et de quelque autre source» même s'il n'y a
aucun «lien» quelconque entre les activités agricoles du contri-
buable et son autre source de revenu. A mon avis, le terme
«combinaison» désigne plus qu'une «addition», il traduit un
certain degré d'association ou d'intégration. C'est seulement si
deux sources de revenu sont, d'une certaine façon, intégrées ou
liées que l'on peut dire que leur combinaison constitue une
source unique de revenu.
En outre, si le terme «combinaison» ne signifiait qu'«addi-
tion», l'article _ 13 n'aurait aucun effet puisque le contribuable
qui exploite une entreprise agricole et qui a aussi d'autres
sources de revenu plus importantes pourrait toujours soutenir
(en ajoutant «l'agriculture» à sa plus importante source de
revenu) que sa principale source de revenu est «une combinai-
son de l'agriculture et de quelque autre source de revenu».
Dans Moldowan, le juge Urie se réfère à Dorf-
man c. M.R.N. [1972] C.T.C. 151 et James c.
M.R.N. [1973] C.F. 691, où ont été énoncés plu-
sieurs principes qu'il approuve et accepte. Voici
l'un d'eux [voir page 363]:
Aucun lien n'est nécessaire entre l'agriculture et l'entreprise qui
est combinée avec elle pour constituer une source de revenu.
Il mentionne aussi les conclusions formulées par
le juge Gibson dans l'affaire James [à la page
700], à savoir:
... je ne trouve aucun texte législatif à l'appui de l'argument
qu'il faut, pour pouvoir décider en vertu de l'article 13 de la loi
si la principale source de revenu dans une année d'imposition
est une «combinaison» de l'agriculture et de quelque autre
source de revenu, qu'il existe un «rapport» entre l'agriculture et
l'entreprise qui constitue cette autre source de revenu.
Puis, le juge Urie continue ainsi [à la page 363]:
Je partage ce point de vue et me contente simplement d'ajouter
que si le législateur avait voulu que l'agriculture fut liée de
quelque manière avec l'autre source de revenu avec laquelle elle
pourrait être combinée, il aurait pu facilement exprimer cette
intention en termes clairs. Cependant, il a préféré utiliser le
mot «combinaison». The Shorter Oxford Dictionary, 3» éd.
définit ainsi le mot «combinaison»:
[TRADUCTION] 1. L'action de combiner deux ou plusieurs
choses distinctes. 1613
2. État ou nature de ce qui est combiné; conjonction 1597
3. Concr. un groupe de choses réunies en un tout 1532.
Ces définitions n'impliquent nullement la nécessité d'un rapport
entre les choses qui sont combinées. En fait ce serait plutôt le
contraire. Pour faire une telle implication, il faudrait lire dans
l'article des mots qui n'y sont pas et ce serait faire violence à la
signification normale d'un terme. L'un et l'autre résultat ne
sont pas souhaitables. Je conclus donc que ni l'historique de la
législation ni les définitions des dictionnaires n'exigent qu'il y
ait un rapport entre les entreprises ou sources de revenu entrant
dans la combinaison.
Le juge Ryan déclare [aux pages 370-1]:
A mon avis, la décision sur la question de savoir si la combinai-
son de l'agriculture et de quelque autre source de revenu
constituait la principale source de revenu du contribuable
implique un jugement de fait sur la question de savoir si
effectivement la combinaison constituait la principale source.
Je ne pense pas que l'on puisse répondre à la question en disant
simplement que l'on peut combiner l'agriculture et l'autre
source la plus importante de revenu du contribuable—quelle
qu'elle soit—et conclure, sans plus de façon, que la combinai-
son constitue la principale source.... Pour déterminer si l'agri-
culture seulement est la principale source, comme pour déter-
miner si l'agriculture combinée avec une autre source est la
principale source, il faut porter un jugement de fait et, à mon
avis, il faut le faire par analogie avec le critère approprié, utilisé
pour déterminer si l'agriculture seulement est la principale
source.
En lisant le contexte, il ne me semble pas que
lorsque le juge Ryan dit:
Je ne pense pas que l'on puisse répondre à la question en disant
simplement que l'on peut combiner l'agriculture et l'autre
source la plus importante de revenu du contribuable—quelle
qu'elle soit—et conclure, sans plus de façon, que la combinai-
son constitue la principale source.
il conclut qu'outre la simple combinaison, il doit y
avoir quelque rapport entre l'agriculture et l'autre
source. Si je comprends bien la déclaration de Sa
Seigneurie dans ce contexte, le «rapport» n'est pas
une condition requise.
Mais si mon interprétation des commentaires du
juge Ryan est inexacte et si, dans Moldowan c. La
Reine, il n'y a pas eu plus de deux points de vue
exprimés sur la question, alors il me faudra régler
ce point, car j'estime qu'à tous les égards, l'exploi-
tation agricole de la demanderesse satisfait à
toutes les exigences et constitue la combinaison de
l'agriculture et de quelque autre source mention-
née dans l'article 13(1), qui échappe à la limite
que ledit article impose aux déductions afférentes
aux pertes provenant de l'exploitation agricole.
A mon humble avis, pour qu'il y ait une «combi-
naison de l'agriculture et de quelque autre source»
au sens de l'article 13(1), il n'est pas nécessaire
qu'il y ait un rapport entre l'agriculture et l'autre
source de revenu. L'article 13 (1) n'en parle absolu-
ment pas et, en toute déférence, je ne pense pas
qu'il le sous-entende.
J'estime donc que, dans le calcul du revenu
imposable de la demanderesse pour ses années
d'imposition 1967, 1968, 1969 et 1970, les déduc-
tions afférentes aux pertes provenant de son
exploitation agricole ne sont pas limitées par l'arti-
cle 13 de la Loi, qui ne s'applique pas en l'espèce.
Je passe maintenant à la partie de l'appel qui
vise le rejet par le Ministre «de la moitié du salaire
versé à M. Richards pour le motif qu'il est imputé
aux pertes provenant de l'exploitation agricole».
La Couronne semble admettre que le salaire de
Richards est en règle, mais soutient que la moitié
doit être imputée à l'exploitation agricole. Dans les
déclarations des états financiers afférentes au
revenu, sous la rubrique «dépenses» figurent des
postes intitulés «salaire de la direction». Celui de
Richards y est probablement inclus. Donc, dans sa
comptabilité, la demanderesse ne semble avoir
imputé aucune partie du salaire de Richards à
l'exploitation agricole.
Si l'on tient compte du temps que Richards a
consacré aux activités agricoles pendant les années
pertinentes, je suis d'avis que la demanderesse ne
peut avoir d'objection valable à une allocation de
50% du salaire de Richards comme dépenses effec-
tuées à ce titre.
Toutefois, en tenant compte du règlement de
l'autre partie de l'appel et de l'objection de la
Couronne qui se limite apparemment à l'alloca-
tion, j'estime que le résultat sera le même quelle
que soit la répartition du salaire entre les deux
entreprises. Au lieu d'imputer la totalité à l'entre-
prise immobilière, le fait d'imputer la moitié à
l'exploitation agricole, comme la Couronne l'a fait,
augmente naturellement les bénéfices tirés de l'im-
mobilier et, du même coup, les pertes provenant de
l'exploitation agricole.
Néanmoins, ce point peut devenir important, au
cas où cette décision serait révisée. J'estime qu'il
ne faut pas modifier l'allocation de 50% du salaire
de Richards à l'exploitation agricole effectuée par
la Couronne. Autrement, je pense que, pendant les
années pertinentes, tout le salaire de Richards
pouvait être déduit à juste titre.
J'accueille les appels de la demanderesse.
Je renvoie au ministre du Revenu national les
cotisations de la demanderesse pour les années
1967, 1968, 1969 et 1970, afin qu'il les modifie sur
la base énoncée dans les présents motifs du
jugement.
La défenderesse paiera les frais de la demande-
resse afférents à la présente action.
Les deux parties peuvent préparer un projet de
jugement approprié pour entériner les conclusions
de la Cour et demander que le jugement soit rendu
en conséquence, conformément aux Règles et aux
ordonnances de la Cour.
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