T-3394-74
Circle Sales & Import Limited et Worter Mer
chandising (Demanderesses)
c.
Wilh. Wilhelmsen, Barber Lines, Wolfe Steve
dores (1968) Ltd., Steveco Terminal Operators
Ltd. et les propriétaires et les affréteurs du navire
Tarantel (Défendeurs)
et
T - 3395 - 74
Marie-Anne Novelties Incorporated et Nosans
Trading Co. Inc. (Demanderesses)
c.
Wilh. Wilhelmsen, Barber Lines, Wolfe Steve
dores (1968) Ltd., Steveco Terminal Operators
Ltd. et les propriétaires et les affréteurs du navire
Tarantel (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 5 avril; Ottawa, le 27 mai 1977.
Droit maritime — Contrat — Connaissements — Clause
Himalaya — Les tiers non parties au contrat peuvent-ils
réclamer le bénéfice de la clause? — Responsabilité délictuelle
— Négligence — Responsabilité en raison du vol de marchan-
dises entreposées dans un hangar.
Les demanderesses ont intenté des poursuites contre les
transporteurs et les manutentionnaires en raison du vol de
marchandises entreposées dans un hangar du port de Montréal.
Elles allèguent le défaut des défendeurs de prendre des mesures
de sécurité adéquates relativement aux marchandises entrepo-
sées et l'inexécution par les défendeurs du contrat conclu avec
elles. Les défendeurs, dont certains n'étaient pas parties au
contrat ou au connaissement, réclament le bénéfice de la clause
Himalaya et d'une clause limitant la responsabilité à la période
durant laquelle les marchandises étaient effectivement à bord
du navire.
Arrêt: l'action est accueillie. Sans conclure de façon générale
qu'une clause Himalaya correctement libellée peut étendre sa
protection aux acconiers et aux entreposeurs, même en cas de
comportement délictuel de leur part, on peut dire que ni Wolfe
ni Steveco ne peuvent en réclamer le bénéfice, car leur respon-
sabilité provenait non pas du contrat mais d'un acte délictueux
ou, suivant le mot employé dans la province de Québec, d'un
quasi-délit. Vu que les pertes proviennent indiscutablement
d'un vol perpétré dans un des hangars du port de Montréal
après que le transporteur y eut livré les marchandises, l'étendue
de leur responsabilité pour cause de négligence doit être déter-
minée selon le droit de la province de Québec.
ACTION.
AVOCATS:
David Beard, c.r., pour les demanderesses.
Marc Nadon pour les demanderesses.
Edouard Baudry pour Steveco Terminal
Operators Ltd. et Wolfe Stevedores (1968)
Ltd.
Sean Harrington pour Wilh. Wilhelmsen,
Barber Lines et les propriétaires et les affré-
teurs du navire Tarantel.
PROCUREURS:
DuVernet, Carruthers, Toronto, pour les
demanderesses.
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac -
Kell & Clermont, Montréal, pour les deman-
deresses.
Chauvin, Marler & Baudry, Montréal, pour
Steveco Terminal Operators Ltd. et Wolfe
Stevedores (1968) Ltd.
McMaster, Minnion, Patch, Hyndman,
Legge, Camp & Paterson, Montréal, pour
Wilh. Wilhelmsen, Barber Lines et les pro-
priétaires et les affréteurs du navire Tarantel.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Ces deux actions ont été
entendues ensemble sur preuve commune, sur le
conseil des avocats des parties, les faits et la
responsabilité contractuelle et (ou) délictuelle, ou
l'immunité conférée aux différents défendeurs,
étant identiques dans les deux causes. La seule
différence, bien entendu, réside dans la nature, la
quantité et la valeur des marchandises perdues. La
réclamation de Circle Sales & Import Limited
porte sur la perte de 60 cartons d'émetteurs-récep-
teurs portatifs, d'un montant de $10,436 et celle de
Marie-Anne Novelties Incorporated, sur la perte
de 34 cartons de séchoirs à cheveux, d'un montant
de $1,982.45.
La demanderesse, Worter Merchandising, de
Hong Kong, a vendu les émetteurs-récepteurs por-
tatifs à Circle Sales & Import Limited, de Mont-
réal, et les a expédiés sur le navire Tarantel, qui
appartient à la défenderesse Wilh. Wilhelmsen et a
été affrété par 14éfenderesse Barber Lines Lim
ited. Chacun des 60 cartons contenait 20 boîtes
d'émetteurs-récepteurs portatifs. D'après les cal-
culs basés sur le poids et le volume de la cargaison,
chaque carton devait peser environ 30 livres et, si
on lui donne la forme d'un cube parfait, mesurer
environ 15 pouces dans chaque sens. De même,
Nosans Trading Co. Inc., de Yokohama, a vendu
les 34 cartons de séchoirs à cheveux à Marie-Anne
Novelties Incorporated, de Montréal, et les a expé-
diés sur le même voyage du Tarantel. En l'espèce,
il est question de 254 cartons de marchandises
générales, dont 34 n'ont pas été livrés. La com-
mande était de 1,200 séchoirs à cheveux, soit 50
cartons de 24 boîtes et, en se basant toujours sur le
poids et le volume de la cargaison, chaque carton
devait peser environ 22 livres et, si on lui donne la
forme d'un cube parfait, mesurer environ 13
pouces dans chaque sens. Les avocats de Wilh.
Wilhelmsen, Barber Lines et des propriétaires et
des affréteurs du navire Tarantel ont admis qu'aux
fins des présentes actions, les deux compagnies
ainsi que le navire peuvent être considérés comme
des transporteurs.
Wolfe Stevedores (1968) Ltd. (ci-après appelée
«Wolfe») est l'acconier qui a déchargé les mar-
chandises et les a entreposées dans un enclos de
sûreté à l'intérieur de l'un des hangars du port de
Montréal loué au Conseil des ports nationaux par
Steveco Terminal Operators Ltd. (ci-après appelée
«Steveco»). Les expéditeurs, le transporteur et Ste-
veco n'ont passé directement aucun contrat. Ste-
veco est une société formée par Wolfe et une autre
firme d'acconage, Brown and Ryan, en vue de
louer l'espace terminal en question, chacun des
deux associés possédant 50% de Steveco. Selon le
témoignage de M. Wolfe, Steveco a négocié le bail
avec le Conseil des ports nationaux et a prévu des
normes de sécurité conformes aux exigences de ce
dernier. Les dépenses qu'elle a engagées à cet effet
ont été imputées à ses commettants, Wolfe et
Brown and Ryan, Steveco n'ayant cherché à réali-
ser aucun profit. En fait, Steveco est administrée
par le personnel des deux compagnies associées et
n'a pas de personnel qui lui appartienne en propre
dans la section du port en question, c'est-à-dire les
hangars 39 à 42 inclus. Une autre firme, Saguenay
Shipping, a loué le hangar 42 et a participé aux
mesures de sécurité, Brown and Ryan étant son
acconier attitré.
Le navire a été déchargé dans le port de Mont-
réal, les 26 et 27 septembre 1973. Sa cargaison a
été entreposée dans le hangar 39 et les marchandi-
ses en cause ont été apparemment volées dans
l'enclos de sûreté dudit hangar, la nuit du 2 au 3
octobre. Les demanderesses réclament des domma-
ges-intérêts pour inexécution de contrat et tiennent
également les défendeurs responsables des actes de
négligence de leurs préposés, agents et employés.
Les allégations de négligence contre le transpor-
teur sont nombreuses, mais elles ne sont pas
étayées par la preuve. Celles dirigées contre Wolfe
et Steveco leur reprochent, entre autres: de ne pas
avoir surveillé correctement la cargaison, ce qui
aurait éliminé le chapardage; de ne pas avoir livré
aux demanderesses les marchandises mentionnées
dans le contrat; de ne pas avoir correctement
surveillé leurs préposés, agents et employés; d'avoir
recouru à des contremaîtres, des surveillants et des
gardiens incompétents pour veiller sur les mar-
chandises entreposées dans le hangar de Montréal,
lequel hangar était inadéquat et peu sûr; d'avoir
permis à un personnel non autorisé et au public en
général d'entrer dans le hangar; de ne pas avoir
verrouillé et surveillé les portes dudit hangar,
comme elles auraient dû le faire; et d'avoir facilité
l'accès du hangar en ne surveillant pas correcte-
ment ledit hangar et l'enclos de sûreté, alors qu'el-
les savaient ou auraient dû savoir que des patrouil-
les régulières et une surveillance diligente
s'imposaient à tous moments. En conséquence, la
version modifiée de la déclaration affirme que
cette conduite équivaut à une négligence flagrante
de la part desdites défenderesses, qui leur enlève
tout droit à la protection des droits et indemnités
dont ils auraient pu autrement bénéficier en droit
ou en vertu des connaissements maritimes, et a
entraîné une inexécution des conditions essentielles
du contrat qui leur enlève tout droit de prétendre à
une limitation de responsabilité, comme ils
auraient pu le faire en d'autres circonstances. A
noter ici que l'avocat des défendeurs a admis
qu'aucun des cartons en question ne valant plus de
$500, la question de la limitation de responsabilité
ne se pose pas en l'espèce. Les demanderesses
invoquent dans leur argumentation la Loi sur les
connaissements' et la Loi sur la marine mar-
chande du Canada 2 . Elles invoquent aussi la doc
trine res ipsa loquitur, les défendeurs ayant reçu
les marchandises en bon état, comme les connais-
sements sans réserve l'attestent. Le transporteur
' S.R.C. 1970, c. B-6 et ses modifications.
2 S.R.C. 1970, c. S-9, art. 611 et ses modifications.
soutient en défense que le connaissement maritime
comprend le contrat de transport et qu'il a le droit
d'invoquer ici les conditions et les exceptions aux-
quelles les demanderesses ont souscrit; que les
marchandises ont été déchargées à Montréal en
bon état; que si elles n'ont pas été livrées, ce n'est
pas à cause d'un quasi-délit ou d'une inexécution
de contrat imputables aux défendeurs, dont la
responsabilité cessait après le déchargement des
marchandises.
Wolfe déclare dans sa défense qu'en vertu d'une
entente avec le transporteur, elle devait fournir les
services suivants:
a) services d'acconage, c.-à-d. décharger dans le port de
Montréal, les marchandises transportées à bord du
TARANTEL;»
b) services terminaux, notamment l'entreposage à Montréal
des marchandises transportées sur ledit navire.
Elle prétend que les opérations d'acconage ont
été effectuées avec prudence, soin et habileté, con-
formément aux instructions reçues des commet-
tants et qu'il en a été de même des opérations
terminales; et que les pertes et les dommages ont
résulté des activités de voleurs et (ou) d'autres
éléments criminels pour lesquelles elle n'encourt
aucune responsabilité, ayant pris toutes les mesu-
res raisonnables pour protéger le chargement. Elle
adopte en particulier une défense contractuelle
suivant laquelle les demanderesses ont consenti
dans le connaissement maritime à une stipulation
déclarant que les préposés, les agents et les entre
preneurs indépendants, notamment les acconiers
auront le droit de se prévaloir des défenses et
' limites de responsabilité auxquelles le transporteur
a droit en vertu du contrat attesté par le connaisse-
ment maritime, et elle se réfère tout particulière-
ment aux clauses 3 et 5 du connaissement mari
time, dont voici le libellé:
[TRADUCTION] 3. IDENTITÉ DU TRANSPORTEUR ET CLAUSE
HIMALAYA.
Toutes les défenses présentées en vertu du présent connaisse-
ment s'appliqueront aussi au profit des agents, préposés et
employés du transporteur et de tout entrepreneur indépendant,
notamment aux acconiers, exécutant l'une des obligations du
transporteur en vertu du contrat de transport ou agissant en
qualité de consignataire des marchandises, que les poursuites
soient contractuelles ou délictuelles.
Aux fins de la présente clause, toutes les personnes, firmes ou
entités juridiques susmentionnées seront réputées être parties
au contrat attesté par le présent connaissement et la personne,
firme ou entité juridique qui l'a signé sera réputée être leur
agent ou fiduciaire.
5. PÉRIODE DE RESPONSABILITÉ.
Si ledit connaissement n'est pas délivré pour un chargement
à destination ou en provenance des ports des É.-U. alors, quelles
que soient les autres dispositions, les marchandises confiées à la
garde du transporteur ou de ses agents ou préposés avant et
après le déchargement, que les marchandises soient en souf-
france ou sur le point d'être envoyées sur le navire ou débar-
quées du navire, entreposées à terre ou à flot ou en instance de
transbordement ou à n'importe quel stade du transport, elles
sont confiées à cette garde au seul risque du commerçant et le
transporteur n'a donc aucune sorte de responsabilité à l'égard
des marchandises avant leur chargement et ensuite après leur
déchargement du navire.
La défenderesse Steveco fait valoir comme
défense que Wolfe l'a engagée pour rendre des
services limités ayant trait aux opérations effec-
tuées dans certains hangars et terminaux du port
de Montréal, notamment le terminal en question,
pour lesquels Wolfe l'a rémunérée, lesdits services
consistant à fournir un espace terminal et à assurer
la surveillance et le nettoyage des hangars. Elle
prétend qu'elle a exécuté ces services fidèlement,
correctement et avec diligence, qu'à aucun
moment pertinent elle n'a eu le soin, la possession,
la garde ou le contrôle des marchandises apparte-
nant aux demanderesses ni l'autorité, le contrôle
ou la direction des personnes entrant ou sortant du
hangar ou évoluant dans son voisinage, et qu'elle
n'a commis aucun acte ou omission qui constitue
une négligence ayant un rapport causal avec la
perte des marchandises subie par les demanderes-
ses et qu'en outre, n'ayant aucune relation contrac-
tuelle avec les demanderesses, il n'existe aucun lien
de droit entre elle et ces dernières.
Bien que Wolfe et Steveco soient des personnes
morales distinctes, leur avocat a indiqué claire-
ment qu'elles n'ont pas de conflit d'intérêts, car
elles sont assurées toutes les deux par le même
assureur. Il estime donc tout à fait normal de les
représenter toutes les deux. De toute évidence, bien
que la responsabilité juridique de chacune d'elles
(s'il y en a) puisse être différente, il importe peu en
pratique que le jugement soit rendu contre l'une ou
l'autre ou contre les deux, et c'est certainement de
leur part une fort mauvaise défense, face à l'action
des demanderesses, de se repasser mutuellement la
responsabilité, Wolfe prétendant qu'elle a effectué
ses opérations terminales avec soin et prudence en
engageant à cet effet Steveco comme agent, et
Steveco prétendant de son côté que puisqu'elle
n'avait qu'un contrat avec Wolfe visant à fournir
un espace terminal et des services de surveillance
et de nettoyage des hangars, elle n'a eu ni le soin ni
la possession ni la garde ni le contrôle des mar-
chandises ni non plus le contrôle des personnes
entrant ou sortant du hangar puisque ce contrôle
était exercé par les employés de Wolfe ou les
agents que celle-ci avait engagés. S'il y a eu une
négligence qui a conduit au vol des marchandises
dans le hangar, alors elle provient des employés ou
agents de l'une des deux compagnies en question, à
moins qu'on puisse établir qu'elle provient de
l'agence de sécurité Pinkerton engagée pour assu-
rer la sécurité du hangar en question. Sur ce point,
que j'examinerai plus tard, la preuve ne révèle pas
que cette agence, qui ne figure pas comme défen-
deresse, doit être tenue exclusivement responsable
de manière à exonérer Wolfe et Steveco. Au vu de
la preuve produite devant moi, je ne peux pas non
plus accepter la défense de Wolfe suivant laquelle
elle n'est pas responsable, le vol ayant résulté des
activités de voleurs ou d'éléments criminels qui se
sont produites malgré les mesures raisonnables
qu'elle a prises pour protéger la cargaison en ques
tion. Le vol ne saurait être un cas de force majeure
et il ne constitue pas en soi une défense valable
pour une partie qui est responsable de la protection
des marchandises confiées à ses soins et à sa garde.
Le 6 avril 1973, le Conseil des ports nationaux a
écrit à Steveco Terminal Operators Ltd. pour l'avi-
ser qu'il lui accordait un permis d'occupation affé-
rent aux hangars 39, 40 et 41. La lettre l'avisait
également qu'elle était assujettie aux [TRADUC-
TION] «règlements régissant l'occupation et l'usage
des hangars de transit pour la manipulation des
marchandises» en date du 1 °r mars 1973. La clause
9 est particulièrement importante. Elle stipule que
Saguenay Shipping Limited, Brown and Ryan
Limited et Wolfe Stevedores (1968) Ltd., qui ont
toutes reçu copie de la lettre, devront dans les 15
jours s'engager par écrit conjointement et solidai-
rement avec Steveco Terminal Operators Ltd., à
exécuter toutes les obligations que le permis
impose à son titulaire. Les règlements qui énoncent
en détail les conditions d'occupation traitent de la
sécurité dans les clauses 54, 55 et 56. La clause 54
déclare qu'un garde de sécurité doit être de service
dans le hangar tant que celui-ci reste ouvert, mais,
lorsqu'il est fermé, à moins que le maître de port
n'estime que le type de marchandises justifie un
garde de sécurité à tous moments, une surveillance
continue n'est pas requise. Toutefois, l'intérieur de
chaque hangar doit être surveillé toutes les deux
heures au moins, afin de s'assurer que les mar-
chandises sont en sécurité et qu'il n'existe aucun
risque d'incendie. La clause 55 prévoit que le
Conseil se réserve le droit d'assumer tous les servi
ces de sécurité à tous moments, sur avis de 30
jours au titulaire du permis, et que ces services de
sécurité remplaceront le service de surveillance
assuré par le titulaire du permis, qui en supportera
le coût. Une disposition prévoit que le directeur du
port peut ordonner au directeur de la police et de
la sécurité du port, de prendre toutes les mesures
qu'il juge les plus aptes à assurer la sécurité des
marchandises et des personnes dans les locaux, le
tout aux frais du titulaire du permis. Aucune
démarche n'a été engagée pour mettre cette clause
à exécution. Toutefois, la clause 56 énonce les
normes minimales de sécurité qui requièrent que le
contrôle de la grille soit assuré durant les heures
d'affaires par un garde de sécurité qui inspectera
les camions quittant les lieux et prendra la copie
du reçu de livraison destinée au garde, qu'il
signera. Après quoi, il remettra au camionneur le
talon de la carte de contrôle et dans les cas où des
marchandises sont prises dans les espaces ouverts,
un garde de sécurité sera de service et suivra la
même procédure. Les enclos de sûreté devront être
munis d'un cadenas fourni par le Conseil et soumis
au système de contrôle des clefs, actuellement en
vigueur.
Le 17 avril 1973, Steveco Terminal Operators
Ltd. a passé un contrat de sécurité avec Pinkerton
du Canada Limitée aux termes duquel celle-ci a
accepté de fournir des gardes en uniforme pour les
hangars 40 et 41, 425 heures par semaine. Le tarif
horaire est de $2.80 par garde et $3.70 par lieute
nant, avec un tarif horaire supplémentaire de
$3.50 par garde pour toutes les heures en sus des
425 heures par semaine. En acceptant ce contrat,
Steveco Terminal Operators Ltd. a indiqué dans
une lettre du 3 mai qu'elle ne garantissait à aucun
moment qu'il y aurait 425 heures de surveillance
par semaine.
Le contrat intervenu entre Barber Lines et
Wolfe Stevedores (1968) Ltd. a aussi été produit.
Cette dernière s'y engage à charger et à décharger
tous les navires possédés, exploités, contrôlés ou
affrétés par Barber Lines, entre autres, dans le
port de Montréal. On a radié la clause qui prévoit
qu'au cas où des services de surveillance seraient
requis, Wolfe les fournira à titre d'agent de Barber
Lines, à la condition expresse de n'encourir aucune
responsabilité pour chapardage, vol ou disparition
mystérieuse et qui prévoit également que Barber
Lines convient d'indemniser Wolfe si cette der-
nière est appelée à débourser quoi que ce soit à la
suite de chapardage, vol ou disparition mysté-
rieuse. M. Wolfe, dans sa déposition, en a mini-
misé l'importance en déclarant simplement qu'elle
a été supprimée parce qu'elle était trop rigoureuse
pour que Barber Lines l'accepte, mais cela ne
signifie pas pour autant que Wolfe ne s'est pas
engagée à fournir des services de sécurité et de
surveillance. Bien que le permis d'occupation ne
mentionne que les hangars 39, 40 et 41 et le
contrat avec Pinkerton, les hangars 40 et 41, les
parties s'accordent à dire que tout le complexe
constitué par les hangars 39, 40, 41 et 42 était
inclus, ainsi qu'une zone à découvert du quai Lau-
rier sur laquelle on peut décharger un chargement
de conteneurs. Cette zone est entièrement entourée
d'une clôture, qui comporte une grille. Un portier
se tient dans une baraque située à l'extrémité la
plus éloignée du hangar 42. La seule autre entrée
est une grille qui peut s'ouvrir pour permettre à un
train de venir y chercher des wagons de marchan-
dises. Elle ne reste ouverte que pendant le passage
du train et est ensuite immédiatement verrouillée.
Aux moments pertinents, aucun train n'est passé
dans aucun des deux sens. Entre minuit et 7h, dans
la nuit du 2 au 3 octobre, le garde de Pinkerton,
Louis Philippe Pelletier, qui était de service, n'a
ouvert qu'une seule fois la porte située près du
hangar 42 pour admettre un camion à ordures, qui
est resté environ 10 minutes. Ce n'est certainement
pas de cette manière que les marchandises ont été
volées dans l'enclos de sûreté situé à l'intérieur du
hangar 39. Les hangars mesurent de 500 600
pieds de long et l'ensemble du complexe n'a pas
moins de 2,500 pieds de long, en sorte que le
garde, lors de ses rondes entre la grille de l'extré-
mité du hangar 42 (qu'il tient verrouillée la nuit)
et l'extrémité du hangar 39, a près d'un demi-mille
à parcourir dans les deux sens. A chaque extré-
mité, les hangars ont une grande porte pour l'en-
trée et la sortie des camions, qui reste verrouillée
la nuit au moyen de lourdes chaînes attachées dans
une sorte de crampon à fente et ne peut être
ouverte que de l'intérieur du hangar. Ils ont aussi
des portes latérales ouvrant sur les quais, qui sont
aussi verrouillées de l'intérieur quand il n'y a pas
de chargement ou de déchargement de marchandi-
ses. Trois d'entres elles font directement communi-
quer le quai et l'enclos de sûreté, qui consiste en un
espace entouré de treillage métallique situé à l'in-
térieur du hangar 39 avec une serrure spéciale
pour laquelle il n'existe qu'une seule clef que le
garde de sécurité est censé garder en sa possession.
Les gardes de sécurité ont accès aux hangars par
une petite porte verrouillée pour piétons, qui se
trouve à côté de la porte principale où les vérifica-
teurs contrôlent les marchandises qui sortent des
hangars, le jour, lorsque les camions font le va-et-
vient. Sauf lorsqu'on utilise le hangar, la nuit, pour
décharger ou livrer des marchandises, ce qui est
inhabituel et n'a pas été le cas en l'espèce, toutes
les grandes portes pour le passage des camions
restent verrouillées avec la chaîne intérieure. La
partie clôturée, c'est-à-dire l'enclos de sûreté où se
trouvent les marchandises précieuses ou suscepti-
bles d'être volées, ne peut être ouverte que par le
garde de sécurité qui a la clef, en présence du
camionneur qui doit prendre livraison et d'un véri-
ficateur. Le treillage métallique qui l'entoure
mesure 15 pieds de haut, mais n'atteint toutefois
pas le plafond du hangar. Le garde de sécurité, en
faisant ses rondes, est censé entrer dans chaque
hangar et le traverser d'un bout à l'autre pour
s'assurer que tout est en ordre, avant de passer au
suivant où il fait la même chose. Il retourne alors à
son poste à la porte du hangar 42, en longeant
l'extérieur des hangars, c'est-à-dire le côté opposé
à l'eau. Le garde qui était de service la nuit en
question, Louis Philippe Pelletier, a déclaré toute-
fois dans sa déposition qu'il n'a pas fait le tour des
hangars et n'a pas examiné le côté qui donne sur
l'eau. Toutes les portes latérales donnent sur le
quai qui a de 15 18 pieds de large, et il ressort
des photographies prises le jour suivant, que la
dénivellation du quai au niveau de l'eau, où flotte
un radeau, est d'environ 15 pieds. Deux des portes
du hangar qui font communiquer le quai et l'enclos
de sûreté et s'ouvrent en glissant de bas en haut,
ont été trouvées, le matin du 3, partiellement
ouvertes. Des piles de cartons de palettes cachaient
partiellement l'ouverture des portes, qui avaient
été levées sur une hauteur de deux ou trois pieds.
Toutefois, cette ouverture aurait pu être facile-
ment repérée par le garde si, pendant la nuit, il
avait marché le long du hangar 39 près de l'eau. Il
est évident que l'une des portes du quai ouvrant
dans l'enclos n'a pas été correctement verrouillée
avec la chaîne intérieure, la nuit précédente, ou
que quelqu'un a pénétré dans l'enclos de sûreté et
a ouvert les portes de l'intérieur, mais naturelle-
ment n'a pas pu les verrouiller de l'extérieur.
Après le vol des marchandises, les portes sont donc
restées partiellement ouvertes et l'ouverture a été
dissimulée le mieux possible.
Le lieutenant Allard, garde de sécurité de Pink-
erton, qui était de service de 7h à 17h et, la nuit du
2 octobre 1973, de 17h à 24h, a déclaré dans sa
déposition que ses fonctions incluaient la vérifica-
tion de l'enclos de sûreté. Il a assisté au dépôt des
60 cartons d'émetteurs-récepteurs portatifs et des
50 cartons de séchoirs à cheveux dans ledit enclos.
Quand il a fait ses rondes entre 17h et 23h30, les
palettes étaient toujours à leur place. C'est lui qui
était chargé de verrouiller les portes du hangar, la
nuit. Le matin suivant, quand le vol a été décou-
vert, il a constaté que deux des portes donnant sur
le quai avaient été ouvertes. Il a aussi remarqué,
derrière le hangar, une échelle qu'il n'avait jamais
vue auparavant. Selon lui, il faut environ 45 minu
tes pour faire le tour complet des hangars et
Pelletier était censé faire un tour extérieur des
quais. Pelletier, le garde de nuit, a fait bien piètre
impression comme témoin. Il a déclaré que sa
mémoire était déficiente parce qu'il était sous trai-
tement, et qu'il n'a rien vu ni entendu pendant la
nuit. Il est effectivement allé jusqu'à l'extrémité
des bâtiments, mais il n'en a pas fait le tour du
côté de l'eau et personne ne lui a jamais dit qu'il
devait le faire.
Hurum Shipping and Trading Company Limi
ted, agent montréalais de Barber Lines, avait écrit
au directeur de la police de sécurité du Conseil des
ports nationaux et a adressé des copies de sa lettre
à Wolfe au hangar 39 et à son siège social et aussi
à M. Mathews, directeur des opérations, le 19
septembre 1973, en . attirant l'attention sur la
nécessité de protéger certaines marchandises de
valeur expédiées sur le Tarantel attendu le 24
septembre, ou vers cette date, et qui devaient être
déchargées dans le hangar 39. Parmi les articles
énumérés, figurent les 60 cartons d'émetteurs-
récepteurs portatifs et les 50 cartons de séchoirs à
cheveux. La lettre conclut ainsi:
[TRADUCTION] Il y a beaucoup d'autres articles de valeur, qui
proviennent spécialement de Hong Kong, mais ils sont trop
nombreux pour les mentionner. Nous voulons vous remercier à
nouveau de votre coopération pour la protection de ces mar-
chandises, car nous sommes sûrs que, sans elle, le chapardage
serait beaucoup plus fréquent qu'il ne l'est actuellement.
Il s'agit là d'une allusion à la fréquence des vols et
des chapardages dans le port de Montréal. Le
lieutenant de la police du Conseil des ports natio-
naux a déclaré à ce propos qu'en 1973, jusqu'au 3
octobre, il y avait eu 37 cas d'effraction dans le
port de Montréal. Il a aussi déclaré qu'à son avis
un seul garde de nuit était nettement insuffisant
pour protéger 4 hangars et que la sécurité était
donc pratiquement inexistante. Les règlements du
Conseil des ports spécifient simplement que le
titulaire du permis de location afférent aux han
gars du port doit assurer une sécurité minimale,
mais un garde est insuffisant lorsqu'un hangar
contient des marchandises de valeur parce que,
pour faire ses tournées d'inspection, il doit quitter
la grille d'entrée. En outre, une inspection toutes
les deux heures ne suffit pas. Selon lui, il y a
toujours une activité considérable dans les hangars
39 42. Par analogie, il cite un complexe de 6
hangars où 4 gardes de sécurité sont de service la
nuit et font des rondes toutes les heures; et dans un
autre, qui compte 7 hangars, il y a un garde à
l'entrée et un dans chaque hangar contenant des
marchandises.
Paul Guay, surveillant des enquêtes de Pinker-
ton, qui était à cette époque son chef du service de
sécurité, a déclaré dans sa déposition que son
agence a proposé à Saguenay Shipping des mesu-
res de sécurité supplémentaires mais que Steveco
les a refusées en raison des frais supplémentaires.
Avec un seul garde qui doit à la fois vérifier
l'intérieur des hangars, pointer à différents
endroits, veiller sur les marchandises entreposées à
l'extérieur sur le quai Laurier et retourner à son
poste, il est improbable qu'il soit en mesure de voir
si quelque chose manque. D'après son témoignage,
l'enclos n'avait qu'une seule clef, qui aurait été
remise au garde de l'équipe de jour, mais pas au
garde de nuit. Celui-ci n'aurait eu en sa possession
que les clefs des portes d'entrée des hangars.
Maurice Ste. Marie, qui était à ce moment-là
chef de service au port de Montréal pour le compte
de Wolfe, a déclaré dans sa déposition qu'il a avisé
la police du Conseil des ports nationaux qu'une
cargaison spéciale était attendue, en ayant été
lui-même informé par Hurum Shipping. Le
déchargement du bateau a été terminé le 27 sep-
tembre. Normalement, les marchandises spéciales
sont livrées dans les deux jours bien qu'à cette
époque, il était permis de les laisser 5 jours dans
les hangars sans payer de droits supplémentaires.
L'enclos de sûreté aurait été ouvert de temps à
autre pendant cette période en la présence du
camionneur chargé de transporter les marchandi-
ses, d'un vérificateur et du garde qui avait la clef.
Les marchandises ne portent qu'un numéro de
code et la police du Conseil des ports nationaux a
une copie du manifeste. Il est visible que plusieurs
des caisses restant dans l'enclos ont été partielle-
ment ouvertes pour en examiner le contenu. Cer-
taines marchandises destinées à Marie-Anne
Novelties avaient été endommagées lorsqu'elles
ont été déchargées du navire. Il avait donc fallu les
réemballer et les recompter, ce qui explique en
partie le retard survenu dans la livraison.
On ne peut que bâtir des hypothèses sur la
manière dont les marchandises ont été volées, mais
les policiers cités comme témoins sont tous d'avis,
d'après la preuve, qu'elles ont été extraites de
l'enclos de sûreté par les portes ouvrant sur le quai
et de là, descendues pendant la nuit sur un bateau.
Suivant la taille du bateau, il a fallu un ou plu-
sieurs voyages pour charger les 94 cartons sans
l'aide de grues, de filets ou autre équipement dont
les acconiers disposent pendant le jour. Il est pro
bable que les cartons ont été descendus du quai sur
le navire à l'aide d'une échelle, un ou deux à la
fois. Même si le vol est l'oeuvre de deux ou trois
personnes, il leur a certainement fallu un temps
respectable pour le perpétrer et, si le garde de
sécurité avait fait un tour du côté du hangar qui
longe le quai pendant que ces opérations étaient en
cours, il n'aurait pas manqué de les voir ou de les
entendre. Il est tout à fait possible que l'un des
voleurs ait fait le guet, en sorte que chaque fois
que le garde s'est approché du hangar 39, les
opérations ont été suspendues jusqu'à ce qu'il se
soit éloigné. C'est aussi pure spéculation que
d'imaginer la manière dont les voleurs ont pénétré
dans l'enclos de sûreté pour ouvrir les portes, de
l'intérieur. L'échelle trouvée sur le quai, le matin
suivant, peut peut-être l'expliquer. Elle a pu être
apportée dans le hangar dans la journée par un
débardeur ou quelqu'un habillé comme tel ou par
un camionneur, dont la présence n'aura pas été
remarquée pendant les heures de travail de pointe.
La clef de la porte du hangar a peut-être été
copiée, ce qui a permis au voleur d'entrer pendant
la nuit. Il se peut aussi qu'il soit entré pendant que
le garde était à l'extrémité du hangar, si celui-ci a
omis de verrouiller la porte derrière lui, et se soit
caché jusqu'à ce que le garde soit sorti. Dans l'un
ou l'autre cas, il n'est pas difficile pour un voleur
de grimper sur la clôture qui entoure l'enclos de
sûreté en se servant de l'échelle et de la tirer
ensuite à l'intérieur pour descendre et une fois-là,
après avoir ouvert les portes donnant sur le quai,
de l'utiliser pour décharger sur un bateau les mar-
chandises volées. Une autre possibilité, c'est que
l'un des voleurs soit entré dans l'enclos de sûreté
pendant le jour, alors qu'il était ouvert pour per-
mettre à un camionneur de charger des marchan-
dises. Il se peut, si on le connaissait comme débar-
deur, que sa présence n'ait pas même été
remarquée par le vérificateur ou le garde de sécu-
rité. Il a alors pu se cacher dans l'enclos jusqu'à la
nuit. Le lieutenant Allard, garde de sécurité de
Pinkerton, qui a été de service le jour et la soirée
du 2 octobre, ne pense pas que cela soit possible,
car il prétend être entré dans l'enclos, avoir
regardé autour de lui et vérifié si toutes les portes
extérieures étaient fermées. Toutefois, il ressort de
l'examen des photographies déposées comme
pièces que les marchandises étant déposées en
hautes piles sur des palettes séparées par d'étroits
espaces, il a dû être relativement facile pour un
voleur audacieux de ne pas être vu d'un garde qui
entre dans l'enclos simplement pour s'assurer que
les palettes de marchandises sont en ordre et que
les portes du hangar sont verrouillées avec les
chaînes.
Toutefois, les marchandises ont été indiscutable-
ment volées dans l'enclos de sécurité situé à l'inté-
rieur du hangar 39 après minuit, dans la nuit du 2
au 3 octobre 1973, et il est improbable que ce vol
aurait pu réussir si les mesures de sécurité avaient
été suffisantes. Le garde Pelletier paraît avoir été
mal instruit de ses fonctions et d'une compétence
pour le moins douteuse; néanmoins, aucun garde
n'aurait pu à lui tout seul exercer une surveillance
suffisante sur un aussi grand espace. Si les gardes
n'ont pas été plus nombreux, ce n'est pas à cause
de Pinkerton, qui a proposé une augmentation des
effectifs, mais parce que Steveco et Wolfe n'ont
pas voulu payer les frais d'un ou de plusieurs
gardes supplémentaires, et ce, bien qu'elles aient
été avisées en bonne et due forme de la présence
dans l'enclos de sûreté, la nuit en question, de
marchandises qui, sans avoir une valeur intrinsè-
que considérable, étaient susceptibles d'être facile-
ment volées et sans doute revendues ensuite. A
cette époque, il y avait des effractions et des vols
dans le port de Montréal et les deux défenderesses
le savaient fort bien; néanmoins, elles ont préféré
économiser de l'argent en ne fournissant pas un
garde supplémentaire pour surveiller pendant la
nuit l'enclos de sûreté situé à l'intérieur du hangar
39. Si elles avaient pris la décision contraire, le vol
n'aurait pas eu lieu, car il n'était ni imprévisible ni
inévitable. J'estime donc qu'il y a eu négligence de
leur part. Par contre, on ne peut retenir aucune
négligence contre Barber Lines pour avoir employé
Wolfe Stevedores (1968) Ltd., firme d'acconage
bien connue et expérimentée, et pour lui avoir
confié le déchargement des marchandises et leur
entreposage jusqu'à la livraison. On ne peut pas
non plus attribuer les pertes à une faute des pro-
priétaires du navire Tarantel.
Toutefois, la question qui reste à trancher est
difficile. Elle porte essentiellement sur l'effet que
le connaissement et les autres contrats ont sur la
responsabilité et les immunités contractuelles et
sur la limitation de responsabilité impartie à plu-
sieurs défendeurs. Outre la clause 3 (la clause
Himalaya) et la clause 5 du connaissement, que
j'ai déjà reproduites, il convient de noter la clause
7 du contrat intervenu entre Barber Lines et Wolfe
Stevedores (1968) Ltd. En voici le libellé:
[TRADUCTION] Il est aussi expressément entendu et convenu
que la compagnie incluera l'entrepreneur comme bénéficiaire
exprès, dans la limite des services à accomplir ci-dessous, de
tous les droits, immunités et limitation de responsabilité inclus
dans les contrats d'affrètement attestés par les connaissements
maritimes et (ou) billets de passage émis par la compagnie
durant la période effective du présent contrat ....
Les clauses de type Himalaya figurant dans un
connaissement, qui attestent un contrat de trans
port, peuvent-elles servir de défense ou de limita
tion de responsabilité à des tiers, tels que les
acconiers et les entreposeurs, qui ne sont pas par
ties au contrat? La question a beaucoup embar
rassé les tribunaux de tous les pays et n'a peut-être
pas encore été résolue de façon satisfaisante au
Canada. Aux États-Unis, un jugement de la Cour
d'appel, 2e circuit, rendu dans Bernard Screen
Printing Corporation c. Meyer Line and Universal
Terminal & Stevedoring Corporation 3 , le 14 juil-
let 1972, après s'être référé à l'arrêt de la Cour
suprême Robert C. Herd & Co. c. Krawill Ma
chinery Corp., 1959 A.M.C. 879, a statué qu'un
transporteur maritime et un propriétaire de mar-
chandises peuvent, par contrat, étendre à l'acco-
nier le bénéfice `de la limitation de $500 par colis
prévue par la COGSA, pourvu que cette disposi
tion soit exprimée clairement dans le connaisse-
ment maritime. Ce faisant, il confirme la décision
rendue en première instance, qui a statué que
l'acconier était un «entrepreneur indépendant»,
expression utilisée dans la clause en question qui
limite la responsabilité de l'expéditeur et du consi-
gnataire à titre de transporteur, de consignataire
ou autre, que ce soit sur le plan contractuel ou
délictuel. L'arrêt Herd déclare à la page 883:
[TRADUCTION] Nous concluons que rien dans les disposi
tions, l'historique et le contexte de la Loi ni dans les disposi
tions relatives à la limitation de responsabilité figurant dans le
connaissement n'indique une quelconque intention du Congrès
de limiter par la Loi, ou des parties contractantes de limiter par
le connaissement maritime, la responsabilité des agents négli-
gents du transporteur.
Le jugement Bernard Screen continue aux pages
1921-22:
[TRADUCTION] Un tel langage incite à croire qu'un trans-
porteur et un propriétaire de marchandises peuvent, par con-
trat, étendre à un acconier, le bénéfice dont les transporteurs
jouissent en vertu de la limitation des dommages à $500 prévue
à la COGSA afférente aux dommages-intérêts et nous nous
considérons liés par une décision antérieure de cette cour, qui
permet aux parties d'agir précisément ainsi. Dans des termes
indiscutablement fort clairs, le juge Bonsal, invoquant l'arrêt
Herd, a statué dans Carle & Montanari, Inc. c. American
Export Isbrandtsen Line, 1967 A.M.C. 1637... qu'un acconier
négligent a droit au bénéfice de la limitation de responsabilité à
$500 quand le connaissement maritime applicable contient les
termes énoncés dans la marge.
Dans Carle & Montanari, la clause de limita
tion incluait [TRADUCTION] «tous les agents et
tous les acconiers et autres entrepreneurs indépen-
dants quels qu'ils soient», en déclarant [TRADUC-
TION] «[qu'aucun d'eux] n'est ou ne sera réputé
responsable pour les marchandises à titre de trans-
porteur, consignataire ou autre, sur le plan con-
tractuel ou délictuel».
3 1972 A.M.C. 1919.
Dans Bernard Screen, le juge de première ins
tance a distingué le jugement antérieur Cabot
Corp. c. S.S. Mormacscan 4 , où la Cour d'appel a
interprété les termes d'un connaissement maritime
qui limitaient la responsabilité à [TRADUCTION]
«toutes les personnes rendant des services ayant
rapport avec l'exécution de ce contrat», a réaffirmé
la nécessité d'interpréter strictement les clauses de
limitation de responsabilité, a invoqué l'arrêt Herd
comme autorité à l'appui de la proposition suivant
laquelle l'intention des parties doit être énoncée
[TRADUCTION] «avec une grande clarté», et a
exprimé quelque doute que l'expression [TRADUC-
TION] «toutes les personnes rendant des services»
vise les acconiers qui chargent des marchandises
pour le compte d'un autre expéditeur.
En l'espèce, la clause du connaissement mari
time est rédigée dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Toutes les défenses présentées en vertu du
présent connaissement s'appliqueront aussi au profit des agents,
préposés et employés du transporteur et de tout entrepreneur
indépendant, notamment aux acconiers, exécutant l'une des
obligations du transporteur en vertu du contrat de transport ou
agissant en qualité de consignataire des marchandises, que les
poursuites soient contractuelles ou délictuelles.
Aux fins de la présente clause, toutes les personnes, firmes ou
entités juridiques susmentionnées seront réputées être parties
au contrat attesté par le présent connaissement et la personne,
firme ou entité juridique qui l'a signé sera réputée être leur
agent ou fiduciaire.
Les termes de cette clause, aux yeux de la jurispru
dence américaine, suffiraient à donner à Wolfe
une défense valable, mais peut-être pas à Steveco,
qui n'est pas partie directe au contrat intervenu
entre Barber Lines et Wolfe, mais est un agent de
Wolfe et non pas du transporteur.
A une certaine époque, la question semble avoir
été réglée en Angleterre par l'arrêt Scrutions Ltd.
et Midland Silicones Ltd. 5 , où le Conseil privé,
lord Denning étant dissident, a statué que les
acconiers n'ont pas le droit d'invoquer la limitation
de responsabilité contenue dans le connaissement
maritime puisque dans la Loi, le terme «transpor-
teur» n'inclut pas les acconiers, que rien dans le
connaissement n'indique ou même ne sous-entend
que les parties ont eu l'intention d'étendre la limi
tation de responsabilité aux acconiers et que le
4 197 1 A.M.C. 1130.
5 [1962] A.C. 447.
transporteur n'a passé aucun contrat à titre
d'agent des acconiers. Toutefois, lord Reid faisant
une distinction possible, déclare à la page 474:
[TRADUCTION] Selon moi, l'argument de l'intermédiaire a
une chance de succès si (1) le connaissement énonce clairement
que ses dispositions limitant la responsabilité visent à protéger
l'acconier; (2) si le connaissement énonce clairement que le
transporteur, en plus de convenir par contrat que ces disposi
tions s'appliqueront à lui-même, convient aussi à titre d'agent
de l'acconier qu'elles s'appliqueront à l'acconier; (3) si le
transporteur a l'autorisation du déchargeur d'agir ainsi (ou
peut-être qu'une ratification de l'acconier suffira); et (4) si
toutes les difficultés concernant la contrepartie provenant des
acconiers sont surmontées. Alors, pour que le consignataire soit
visé, il faudra prouver que les dispositions de la Bills of Lading
Act, 1885, s'appliquent.
En l'espèce, contrairement au connaissement mari
time de Midland Silicones, ces conditions parais-
sent remplies à l'exception de la quatrième, dont je
traiterai ultérieurement. En fait, les termes de la
clause Himalaya en l'espèce paraissent expressé-
ment conçus pour englober les conditions énoncées
dans l'arrêt Midland Silicones, où lord Reid
déclare à la page 474:
[TRADUCTION] Mais là encore, dans la présente action, il
n'y a rien de ce genre. J'admets avec vos Seigneuries que le
terme «transporteur» qui figure dans le connaissement mari
time, n'inclut pas les acconiers et si cela est, je ne trouve rien
dans ledit connaissement qui déclare ou même sous-entende que
les parties ont eu l'intention d'étendre la limitation de responsa-
bilité aux acconiers. Même si on peut dire que tout homme
raisonnable, à la place de ces parties, aurait convenu que les
acconiers doivent jouir de ce bénéfice, cela ne suffit pas à en
faire une condition implicite du contrat. Et si on pouvait
détecter dans le connaissement l'intention d'étendre le bénéfice
aux acconiers, certainement rien n'indique que le transporteur
s'est engagé par contrat à titre d'agent des acconiers en plus de
s'engager pour son propre compte. Il me semble donc que
l'argument de l'intermédiaire doit échouer.
A la page 494, dans la même affaire, lord Morris
of Borth -y-Gest déclare:
[TRADUCTION] La proposition détaillée en faveur des acco-
niers demande examen. Vos Seigneuries, votre Chambre a
nettement affirmé que seule une personne qui est partie à un
contrat, peut intenter des poursuites à son sujet (Dunlop Pneu
matic Tyre Co. Ltd. c. Selfridge & Co. Ltd.) [1915] A.C. 847.
Alors si A (pour bonne contrepartie) promet à B de faire un
cadeau à C, C ne peut présenter aucune réclamation contre A.
En principe, il n'y aura aucune différence si A promet à B qu'il
ne réclamera pas à C ce que C doit lui payer (à A). En
présence d'une réclamation formulée contre lui par A, C ne
peut pas établir la promesse que A a faite à B. J'exclus, aux fins
des présentes, les contrats relatifs aux biens-fonds et toutes les
questions d'intermédiaire, de cession, de fiducie, ainsi que
toutes les dispositions législatives. Donc, si A (pour bonne
contrepartie) s'engage par contrat avec B à ne pas poursuivre C
si C est négligent et si C cause par négligence des dommages à
A, C ne peut pas se défendre en invoquant un contrat auquel il
est étranger. Il en est ainsi que C soit ou non préposé de B. Il le
sera a fortiori si A (pour bonne contrepartie) promet à B qu'il
(A) ne poursuivra pas B si C lui cause (à A) des dommages par
sa négligence. Si A a l'occasion de poursuivre C, ce dernier ne
pourra pas établir la promesse de A à B et même s'il le pouvait,
la promesse serait inutile car elle n'est rien d'autre qu'une
promesse de ne pas poursuivre B.
Toutefois, plus récemment, en octobre 1973
(l'importance de la date apparaîtra plus tard) le
Conseil privé dans l'affaire The New Zealand
Shipping Company Limited c. A. M. Satterth-
waite & Company Limited (The «Eurymedon») 6 a
examiné la question plus à fond et est parvenu à
une conclusion quelque peu différente sur les faits
dont il était saisi, bien qu'avec deux dissidences. A
la page 538, lord Wilberforce se réfère au juge-
ment rendu dans Midland Silicones, qui laisse
indécis le cas où l'une des parties s'engage par
contrat à titre d'agent d'un tiers, et se réfère aux
quatre propositions (précitées) de lord Reid. A la
page 539, il déclare:
[TRADUCTION] ... leurs Seigneuries reconnaissent ... que le
connaissement a engendré une affaire qui était à l'origine
unilatérale, mais susceptible de devenir mutuelle entre les
expéditeurs et les appelants par l'intermédiaire du transporteur
agissant en qualité d'agent. Elle est devenue un contrat complet
lorsque l'appelante a fourni des services en déchargeant des
marchandises. L'exécution de ces services au profit de l'expédi-
teur a constitué la contrepartie de la convention signée par ce
dernier en vertu de laquelle l'appelante devait bénéficier des
exemptions et des limitations contenues dans le connaissement
maritime.
Le jugement conclut à la page 540:
[TRADUCTION] De l'avis de leurs Seigneuries, le fait de
donner à l'appelante le bénéfice des exemptions et des limita
tions contenues dans le connaissement revient à donner effet
aux intentions claires d'un document commercial et peut inter-
venir dans le cadre des principes existants. Elles ne voient
aucune raison de forcer le droit ou les faits afin de déjouer ces
intentions. Il ne faut pas oublier que nier la validité de la clause
aurait pour effet d'encourager les actions contre les préposés,
les agents et les entrepreneurs indépendants afin de faire accep-
ter par les expéditeurs, contre les transporteurs, des exemptions
considérables (qui sont presque invariables et souvent obligatoi-
res), dont l'existence et l'efficacité présumée se reflètent dans
les taux de fret. Elles ne voient aucun avantage à cette
conséquence.
Au Canada, dans l'affaire Falconbridge Nickel
Mines, Ltd., Janin Construction, Ltd., et Hewitt
Equipment, Ltd. c. Chimo Shipping, Ltd., Clarke
6 [1974] 1 Lloyd's Rep. 534.
Steamship Company, Ltd., et Munro Jorgensson
Shipping, Ltd. 7 , le juge Kerr a examiné à fond la
jurisprudence qui existait à l'époque et est parvenu
à la conclusion que les clauses du connaissement
maritime dans cette affaire n'exonéraient pas les
défenderesses des conséquences de leur négligence
ni ne limitaient leur responsabilité en matière de
perte. Aux pages 295-296, il traite des principes à
appliquer aux clauses qui visent à exempter une
partie à un contrat de toute responsabilité et se
réfère à l'arrêt du Comité judiciaire du Conseil
privé dans Canada Steamship Lines Ltd. c. Le
Roi 8 , où on peut lire aux pages 207-208:
[TRADUCTION] En examinant cette question d'interpréta-
tion, leurs Seigneuries ont eu en vue les articles 1013 à 1021 du
Code civil du Bas-Canada et aussi les principes spéciaux appli-
cables aux clauses qui ont pour effet d'exempter de responsabi-
lité une partie à un contrat. Ces principes ont été énoncés par le
Maître des rôles lord Greene dans Alderslade c. Hendon Laun
dry Ld. [[1945] K.B. 189, à la p. 192] dans les termes suivants:
«Lorsque la catégorie de dommages à l'égard desquels on veut
limiter sa responsabilité par une clause de ce genre est fondée
uniquement sur la négligence, la clause doit alors être interpré-
tée comme visant cette catégorie de dommages, puisque autre-
ment elle serait sans objet. Lorsque, en revanche, la catégorie
des dommages peut avoir une autre cause que la négligence, le
principe général est que la clause doit se restreindre dans son
application aux pertes résultant de cette autre cause, à l'exclu-
sion des pertes découlant de la négligence. C'est que si une
partie contractante désire en ce cas limiter sa responsabilité
découlant de la négligence, elle doit le faire en des termes clairs
sans lesquels la clause est interprétée comme visant une respon-
sabilité non fondée sur la négligence.»
Leurs Seigneuries constatent qu'aucun des juges de la Cour
suprême a considéré que ce passage entre en conflit avec le
droit du Bas-Canada et le juge Kellock fait observer [[1950]
R.C.S. (Can.) 550]: «Il est bien établi qu'une clause de cette
nature ne doit pas être interprétée comme allant jusqu'à proté-
ger la personne en faveur de qui elle est faite contre les
conséquences de la négligence de ses propres préposés, à moins
qu'elle contienne des termes exprès à cet effet ou que la clause
ne puisse avoir effet que lorsqu'elle s'applique à ce cas.»
Leurs Seigneuries sont d'avis que le devoir d'un tribunal, qui
aborde l'examen de pareilles clauses, peut se résumer comme
suit:—
(I) Si la clause est libellée de façon à décharger expressé-
ment la personne au bénéfice de qui elle est faite (ci-après
appelée «le «proferens») des conséquences de la négligence de
ses propres préposés, il faut appliquer la disposition. La
décision de la Cour suprême du Canada dans The Glengoil
Steamship Company c. Pilkington [(I897) 28 R.C.S. (Can.)
146], a fait disparaître tout doute qui pouvait subsister sur
l'application de cette règle dans la province de Québec.
7 [1969] 2 R.C.É. 261.
8 [1952] A.C. 192.
L'arrêt de la Cour suprême rendu en juin 1970
dans Canadian General Electric Company Ltd. et
Pickford & Black Ltd. 9 avant l'arrêt Eurymedon
du Conseil privé, examine, à la page 43, un argu
ment qui n'avait pas été soulevé devant les tribu-
naux d'instance inférieure. Il porte sur l'extension
aux arrimeurs de la limitation de responsabilité
pour dommages, conformément à l'Article IV de la
Règle 5 figurant dans l'annexe de la Loi sur le
transport des marchandises par eau, S.R.C. 1952,
c. 291, qui avait été incorporé dans les contrats de
transport attestés par les connaissements mariti-
mes. Le juge Ritchie, en rendant le jugement de la
Cour, déclare aux pages 43-44:
... il est peut-être préférable que je signale le fait que l'arri-
meur n'étant aucunement partie au contrat de transport, n'est
touché par aucune disposition tendant à limiter la responsabi-
lité ou autrement contenue dans les connaissements. Si l'inti-
mée a manqué à son devoir d'apporter un soin raisonnable en
faisant l'arrimage de la marchandise sur le navire, elle doit
subir les conséquences normales de sa faute. A mon avis, le
droit qui s'applique à cette question est correctement énoncé
dans les motifs du jugement majoritaire de la Chambre des
Lords dans Midland Silicones v. Scrutions Limited [[1962]
A.C. 446, [ 1962] 1 All E.R. 1], où les précédents pertinents
sont discutés à fond.
L'intimée prétend que l'appelante a participé activement au
chargement et à l'arrimage de la cargaison et qu'elle est ainsi
responsable de la façon d'arrimer la marchandise et de tous
défauts qui ont pu survenir dans cet arrimage. Cependant, le
savant Juge de première instance constate ce qui suit:
[TRADUCTION] Je pense que la responsabilité d'assurer un
arrimage correct revenait à l'entreprise d'arrimage défende-
resse et la preuve ne démontre pas que celle-ci ait jamais
elle-même présumé que les demandeurs la relevaient de cette
responsabilité.
Je suis d'accord avec cette conclusion, qui ne semble pas avoir
été remise en question par la Cour de l'Échiquier.
La plus récente autorité en la matière est un
arrêt de la Cour d'appel du Québec, qui n'a pas
encore été publié et porte le numéro 09-000703-73
Ceres Stevedoring Co. Ltd. c. Eisen Und Metall
A.G. et Canddian Overseas Shipping Ltd. rendu
par le juge Owen, le 20 décembre 1976. Celui-ci y
traite d'une clause Himalaya, qui étend aux entre
preneurs indépendants employés par le transpor-
teur, les exemptions du transporteur quant à la
responsabilité résultant directement ou indirecte-
ment d'un acte, d'une négligence ou d'un défaut en
cours d'emploi, et spécifie que le transporteur est
réputé agir à titre d'agent ou de fiduciaire de ces
préposés ou agents, et notamment des entrepre-
9 [ 1971 ] R.C.S. 41.
neurs indépendants, qui sont ainsi réputés parties
au contrat attesté par le connaissement maritime.
La Cour a conclu en fait que la perte était due à la
négligence de l'acconier et a alors examiné la
question de savoir s'il pouvait bénéficier de
l'exemption. Après avoir analysé la jurisprudence,
et notamment l'arrêt américain Herd c. Krawill
(précité), l'arrêt britannique Midland Silicones c.
Scruttons (précité) et l'arrêt de la Cour suprême
Pickford & Black (Lake Bosomtwe) (précité), il
déclare à la page 11 de son jugement non publié:
[TRADUCTION] Toutefois, en février 1974, le Comité judi-
ciaire du Conseil privé dans aEURYMEDON» [1974] 1 Lloyd's
Rep. 523, a statué par trois voix contre deux, que l'acconier a
droit au bénéfice de la clause Himalaya contenue dans le
connaissement maritime. Quant aux tribunaux d'instance infé-
rieure, la Cour suprême de la Nouvelle-Zélande avait statué
que l'acconier était protégé, tandis que la Cour d'appel de la
Nouvelle-Zélande avait accueilli l'appel en concluant que l'ex-
péditeur et l'acconier n'étaient pas liés par contrat.
Il cite alors l'extrait du jugement de lord Wilber-
force, qui donne effet aux intentions clairement
énoncées dans un document commercial, et que
j'ai déjà cité. Il s'y conforme en accordant à
l'exploitant du terminal et aux débardeurs, le
bénéfice de la clause d'exonération. Toutefois, il
examine ensuite la question de savoir si leur con-
duite n'a pas constitué une négligence flagrante et
se réfère à l'arrêt de la Cour suprême du Canada
Le Roi c. Canada Steamship Lines 10 , en acceptant
la définition de Pothier, CEuvres de Pothier, 1861
éd., Tome II, p. 32, qui est la suivante:
Selon cette doctrine, la négligence, la faute lourde, consiste à
ne pas apporter aux affaires d'autrui le soin que les personnes
les moins soigneuses et les plus stupides ne manquant pas
d'apporter à leurs affaires. Cette faute est contraire à la bonne
foi.
Il juge en se basant sur les faits dont il est saisi que
les acconiers et les exploitants de terminal sont
coupables de négligence flagrante. Enfin, il se pose
la question de savoir si les clauses d'exonération du
connaissement maritime peuvent les protéger
contre la négligence flagrante. Commentant à nou-
veau l'arrêt Le Roi c. Canada Steamship Lines, il
souligne que les savants juges de la Cour suprême
ont estimé, dans cette affaire-là, qu'il n'y avait pas
de négligence flagrante, en sorte que toutes les
déclarations qui y ont été faites à propos de l'annu-
lation de la protection découlant de la clause de
non-responsabilité due à la négligence flagrante,
10 [1950] R.C.S. 532.
doivent être considérées comme incidentes. A la
page 540, le juge en chef Rinfret se dit d'avis qu'il
ne pourrait pas conclure que la négligence fla-
grante puisse rendre la clause inopérante et le juge
Kellock a exprimé des doutes sur la question de
savoir si la négligence flagrante pouvait être invo-
quée. Le jugement du Conseil privé rendu dans
cette affaire, infirme celui de la Cour suprême
afférent à la clause de non-responsabilité, mais ne
traite pas de la question de savoir si une telle
clause s'applique en cas de négligence flagrante.
Le juge de première instance avait statué que la
clause de non-responsabilité ne fournissait aucune
protection contre la négligence flagrante et le juge
Owen déclare à la page 15:
[TRADUCTION] Dans cette affaire, la Cour de l'Échiquier est
le seul tribunal qui ait eu à connaître de la question actuelle-
ment sous examen et son jugement bien motivé appuie forte-
ment la proposition selon laquelle les clauses de non-responsabi-
lité n'exemptent pas une personne de la responsabilité
consécutive à la négligence flagrante.
Il conclut:
[TRADUCTION] ... je suis d'avis qu'une clause déchargeant
une personne de responsabilité pour négligence n'est pas valable
dans le cas de négligence flagrante ou de «faute lourde», parce
que contraire à l'intérêt public. Celle-ci serait sujette à la
définition de «faute lourde» de Pothier, qui limite l'application
de la doctrine à des cas très rares.
Il discute alors du partage possible de responsabi-
lité entre les acconiers et les entreposeurs et, tout
en concluant que ledit partage doit être décidé
dans une action récursoire, d'un point de vue stric-
tement procédural, il estime souhaitable de tran-
cher immédiatement la question d'une façon autre
que la condamnation conjointe et solidaire et con-
clut au partage des dommages à égalité entre les
défendeurs.
Il convient de se référer à un autre arrêt non
publié, une décision du juge Schultz, de la Cour
suprême de la Colombie-Britannique, dans l'af-
faire Calkins & Burke Ltd. et Far Eastern Steam
ship Company c. Empire Stevedoring Co. Ltd., n°
27396/75. Il s'y réfère à Yorks Products Property
Ltd. c. Gilchrist Watt et Sanderson Property
Ltd.", affaire jugée par le Conseil privé, où lord
Pearson déclare à la page 14:
" [1970] 2 Lloyd's Rep. 1.
[TRADUCTION] Tant en principe qu'en vertu de la jurispru
dence ancienne et récente, il est évident que, bien qu'il n'y ait ni
contrat ni reconnaissance entre les demandeurs et les défen-
deurs, ces derniers en prenant volontairement possession des
marchandises des demandeurs dans les circonstances, ont
assumé l'obligation d'en prendre dûment soin et sont responsa-
bles envers les demandeurs de leur défaut de ce faire (comme a
conclu le juge de première instance). L'obligation est du reste
la même que celle d'un consignataire, qu'on puisse ou non la
décrire nettement comme telle.
Il discute les arrêts Pickford and Black, Scruttons
c. Midland Silicones Ltd. et New Zealand Ship
ping (Eurymedon), entre autres, en soulignant que
dans le dernier, trois juges de la Cour d'appel ont
infirmé la décision du juge de première instance et
qu'au Conseil privé, trois juges ont accueilli l'appel
tandis que deux faisaient dissidence et il déclare à
la page 14:
[TRADUCTION] Ni le jugement de la Chambre des Lords ni
celui du Conseil privé, bien que présentant souvent une forte
valeur persuasive, ne lie un juge de première instance de la
Colombie-Britannique. D'autre part, un jugement de la Cour
suprême du Canada fixe le droit au Canada.
Bien que cette déclaration de principe soit indiscu-
tablement vraie, il convient de se souvenir que
lorsque la Cour suprême a rendu son jugement
dans Pickford and Black, elle s'est réclamée de
l'arrêt Midland Silicones, l'arrêt du Conseil privé
dans Eurymedon n'ayant pas encore été rendu. J'ai
aussi devant moi le jugement unanime de la Cour
d'appel du Québec étendant la validité d'une
clause Himalaya aux acconiers et aux entrepo-
seurs.
Il subsistera donc quelque doute dans notre droit
tant que la Cour suprême n'aura pas réglé définiti-
vement dans un arrêt postérieur à celui du Conseil
privé dans Eurymedon et à celui de la Cour d'ap-
pel du Québec dans Ceres Stevedoring Co., la
question de savoir si une clause Himalaya correc-
tement rédigée peut étendre aux acconiers et aux
entreposeurs les clauses de non-responsabilité et de
limitation de responsabilité consenties au transpor-
teur dans le connaissement maritime, en recourant
au biais suivant: déclarer dans la clause Himalaya
que le transporteur agit dans le connaissement
maritime comme étant leur agent ou leur fidu-
ciaire, bien qu'ils ne soient pas eux-mêmes parties
au contrat.
A ce propos, on s'est référé à l'article 1029 du
Code civil du Québec, dont voici le libellé:
1029. On peut pareillement stipuler au profit d'un tiers
lorsque telle est la condition d'un contrat que l'on fait pour
soi-même, ou d'une donation que l'on fait à un autre. Celui qui
fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a
signifié sa volonté d'en profiter.
On a soutenu que les acconiers et les entreposeurs
par le fait de manipuler les marchandises ont
signifié leur assentiment au contrat de transport
intervenu entre l'expéditeur et le transporteur, et
attesté par le connaissement maritime. On a sou-
tenu en outre que le quatrième critère énoncé par
lord Reid dans Midland Silicones (précité) suivant
lequel il faut prouver que les acconiers ont fourni
une certaine contrepartie, a été respecté en raison
du fait que les acconiers et les entreposeurs ont
effectué la manutention des marchandises conte-
nues dans la cargaison. Les défendeurs ont soutenu
que pour les contrats exécutés dans la province de
Québec, l'existence de l'article 1029 du Code civil
du Québec aplanit les difficultés que l'on rencontre
dans les juridictions de common law à propos des
effets qu'ont sur les tiers les contrats auxquels ils
ne sont pas parties. En l'espèce, je ne crois pas que
le Code civil du Québec puisse être invoqué dans
tous les cas pour interpréter les connaissements
maritimes. Celui afférent aux émetteurs-récep-
teurs portatifs expédiés à Circle Sales & Import a
été émis à Hong Kong et celui afférent aux
séchoirs à cheveux expédiés à Marie-Anne Novel
ties, à Tokyo. Les connaissements maritimes ne
doivent donc pas être interprétés selon les lois du
Québec, même si la perte des marchandises y a
pris place. S'il s'agissait d'expéditions vers l'exté-
rieur effectuées du Québec, où le connaissement
maritime est émis, on pourrait alors invoquer l'ar-
ticle 1029, mais j'estimerais fort regrettable que
les principes de droit maritime canadien, qui doi-
vent être les mêmes dans l'ensemble du pays,
puissent être interprétés de manière à entraîner des
résultats différents suivant que le connaissement
est émis au Québec ou dans l'une des autres
provinces.
Je dois maintenant statuer sur l'autre argument
présenté par les défenderesses Wolfe et Steveco,
qui porte sur la protection engendrée par les clau
ses de non-responsabilité du connaissement mari
time. Le contrat entre Wolfe (appelée «l'entrepre-
neur») et Barber Lines (appelée «la compagnie»)
visant la fourniture des services d'acconage et
d'entreposage, a été rédigé sur une formule ordi-
naire de Wolfe Stevedores Ltd. Voici un extrait de
sa clause 2:
[TRADUCTION] 2. Au cas où des services de réception, de
livraison, de vérification et (ou) de surveillance sont requis, il
est expressément convenu que l'entrepreneur fournira ou pour-
voira autrement lesdits services, en sa qualité d'agent, seule-
ment pour la compagnie et à la condition expresse que l'entre-
preneur, ses agents et ses employés ne soient pas tenus
responsables pour les erreurs de livraison, les chapardages, les
vols ou la disparition mystérieuse de marchandises, quelle qu'en
soit la cause, et la compagnie convient d'indemniser l'entrepre-
neur au cas où il serait appelé à payer des sommes d'argent à la
suite de ces erreurs de livraison, ces chapardages, ces vols ou
cette disparition mystérieuse de marchandises.
Cette clause a été radiée dans le contrat intervenu
entre les parties. Wolfe réclame maintenant pour
elle-même et pour Steveco, le bénéfice de la clause
Himalaya qui figure dans le connaissement mari
time, de manière à bénéficier d'une protection
identique à celle du transporteur contre toutes les
réclamations contractuelles et délictuelles et ce,
bien que dans le contrat où elle s'est engagée à
fournir ces services au transporteur, elle ait con-
senti à la radiation d'une clause qui l'exonérait de
toute responsabilité pour vol ou disparition mysté-
rieuse de marchandises, quelle qu'en soit la cause.
Elle ne peut certainement pas réclamer à titre
d'agent du transporteur, une protection contre les
réclamations des demanderesses plus étendue que
celle offerte par ce contrat d'intermédiaire et, rien
que pour cette raison, Wolfe et Steveco ne peuvent
pas prétendre en l'espèce que la clause Himalaya
les protège contre les pertes résultant de leur
propre négligence ou acte délictueux.
Sans conclure de façon générale qu'une clause
Himalaya correctement libellée peut étendre sa
protection aux acconiers et aux entreposeurs,
même en cas de comportement délictuel de leur
part, j'estime en me basant sur les faits de l'espèce
que ni Wolfe ni Steveco ne peuvent en réclamer le
bénéfice, leur responsabilité provenant non pas du
contrat mais d'un acte délictueux ou, suivant le
mot employé dans la province de Québec, d'un
quasi-délit. Vu que les pertes proviennent indiscu-
tablement d'un vol perpétré dans un des hangars
du port de Montréal après que le transporteur y
eut livré les marchandises, l'étendue de leur res-
ponsabilité pour cause de négligence doit être
déterminée selon le droit de la province de Québec.
Contrairement au jugement rendu par la Cour
d'appel du Québec dans Ceres Stevedoring, je n'ai
pas conclu qu'elles bénéficient de la protection
assurée par la clause Himalaya; je n'ai donc pas
besoin d'examiner l'autre conclusion du juge Owen
dans ladite affaire, à savoir si la négligence n'était
pas une négligence ordinaire mais une négligence
flagrante, telle que définie par Pothier et approu-
vée par la Cour suprême du Canada dans Le Roi c.
Canada Steamship Lines (précité) comme étant le
fait de «ne pas apporter aux affaires d'autrui le
soin que les personnes les moins soigneuses et les
plus stupides ne manquant pas d'apporter à leurs
affaires». S'il m'avait fallu le faire, j'aurais été
enclin à aller aussi loin, en me basant sur la preuve
produite devant moi. Wolfe et Steveco savaient (ou
auraient dû savoir) que les vols étaient fréquents à
cette époque dans le port de Montréal. On les avait
averties à l'avance que des marchandises suscepti-
bles d'être facilement volées seraient livrées à une
certaine date dans leur hangar et on leur avait
demandé de les placer dans l'enclos de sûreté
spécial, ce qu'elles ont fait. Après quoi, elles se
sont contentées pour protéger leurs marchandises,
la nuit, d'un seul garde qui se tenait normalement
près d'une grille située près d'un demi-mille du
hangar en question et ne faisait des tournées d'ins-
pection que toutes les deux heures. La présence
d'un autre garde dans le hangar, pendant la nuit,
ou plus exactement dans le voisinage de l'enclos,
aurait certainement rendu le vol, tel qu'il semble
avoir été perpétré, impossible. Je suis enclin à
croire que même la personne la moins soigneuse et
la plus stupide aurait engagé un autre garde, au
moins pour les nuits en question, et que le vol est
une conséquence directe de cette omission.
Quant au montant réclamé, la preuve est quel-
que peu insatisfaisante et comporte des divergen
ces inexpliquées dans les chiffres soumis. La
demanderesse Circle Sales & Import Limited
réclame des dommages-intérêts de $10,436 avec
un intérêt de 12%, de la date de la perte à celle du
jugement, et la demanderesse Marie-Anne Novel
ties, des dommages-intérêts de $1,982.45, avec
intérêt à 12%, de la date de la perte à celle du
jugement. Dans les calculs afférents à la réclama-
tion de Circle Sales & Import, déposés en preuve,
figurent une facture de 7,320 $ÉU et un fret
maritime de $270.43, soit un total de 7,590.43
$ÉU qui, une fois convertis au cours du change du
14 juin 1974, donne un montant de 7,590.43
$CAN. Si on ajoute des droits de douane de
$1,060.05 et une taxe de vente de $982.44, on
obtient une réclamation totale de $9,632.92. L'in-
térêt est alors calculé à 8%, du 2 octobre 1973 au 5
avril 1977, date de l'audience, et on arrive à un
montant de $2,708.83, ce qui fait une réclamation
totale de $12,341.75. De même, dans la réclama-
tion de Marie-Anne Novelties, figure une facture
de 1,158.72 $ÉU pour les 34 cartons perdus à
laquelle s'ajoutent 77.76 $ÉU pour la perte de 4'
douzaines d'ornements de verre et $11.06 pour la
perte de deux pièces d'un jeu couvertes par le
même connaissement.
A cela s'ajoute une partie du fret maritime
s'élevant à $235.85, ce qui donne une réclamation
totale de 1,483.39 $ÉU qui, après conversion au
cours du change donne 1,483.39 $CAN, plus une
partie des droits et des taxes de vente et d'accise
qui s'élève à $345.45, ce qui fait un total de
1,828.84 $CAN, plus un intérêt à 8% de $514.28,
du 2 octobre 1973 au 5 avril 1977, soit une récla-
mation totale de $2,343.12. La compagnie d'assu-
rance maritime a payé à Circle Sales & Import
pour sa réclamation $10,436 et est devenue ainsi
subrogée à ses droits, et à Marie-Anne Novelties
pour sa réclamation, $1,982.45 et est devenue ainsi
subrogée à ses droits. Ces montants sont ceux pour
lesquels les présentes procédures ont été engagées,
plus la demande d'intérêt. Il n'existe aucune expli
cation sur la méthode employée pour ces calculs,
mais on a laissé entendre que la valeur des récla-
mations d'assurance peut différer légèrement de
celle de la facture, plus le fret maritime, plus les
droits de douane et la taxe de vente. La clause 16
du connaissement maritime prévoit que chaque
fois que la valeur des marchandises est inférieure à
la responsabilité maximale par colis, la valeur aux
fins des réclamations pour laquelle le transporteur
peut être tenu responsable sera la valeur de la
facture, plus le fret et l'assurance (si payés), peu
importe que l'autre valeur soit supérieure ou infé-
rieure. Toutefois, comme je l'ai déjà dit, la pré-
sente réclamation a réussi sur une base délictuelle
et non pas contractuelle et j'ai conclu que le
transporteur n'était pas responsable. Je ne conclus
donc pas que cette clause peut être utilisée pour
déterminer le montant des dommages-intérêts que
Wolfe et Steveco doivent payer, car il faut recourir
à cet effet aux principes généraux du droit de la
province de Québec. Puisque les montants récla-
més dans les deux actions sont identiques à ceux
réglés par la compagnie d'assurance et que les
défendeurs ne les contestent pas sérieusement, je
conclus que dans le cas de Circle Sales & Import,
la valeur doit être fixée à $10,436 et, dans celui de
Marie-Anne Novelties, à $1,982.45, comme il est
réclamé. La seule question qui me reste à trancher
est celle de l'intérêt.
L'article 1056c du Code civil du Québec traite
de l'intérêt. En voici le libellé:
1056c. Le montant accordé par jugement pour dommages
résultant d'un délit ou d'un quasi-délit porte intérêt au taux
légal depuis la date de l'institution de la demande en justice.
Il peut être ajouté au montant ainsi accordé une indemnité
calculée en appliquant à ce montant, à compter de ladite date,
un pourcentage égal à l'excédent du taux d'intérêt fixé suivant
l'article 53 de la Loi du ministère du revenu (Statuts refondus,
1964, chapitre 66) sur le taux légal d'intérêt.
Le taux fixé suivant l'article 53 de la Loi sur le
ministère du revenu, modifié par L.Q. 1971, c. 21,
art. 5, et remplacé par L.Q. 1972, c. 22, art. 28, est
celui fixé à 8% par le règlement et le décret en
conseil 3784 du 13 décembre 1972, en vue de
prendre effet le 20 décembre. Toutefois, le Code
civil du Québec n'applique cette disposition qu'à
partir de la date où l'action a été engagée, soit
dans les deux présentes affaires le 20 septembre
1974.
Le juge Addy, de cette cour, traite assez longue-
ment la question de l'intérêt dans son ensemble
dans La Compagnie de Téléphone Bell du Cana-
da—Bell Canada c. Le navire «Mar-Tirenno» et
ses propriétaires 12 confirmé par la Cour d'appel
dans un arrêt publié à [1976] 1 C.F. 539. Il
déclare â la page 311:
Il est certain que cette cour, en sa juridiction d'amirauté, a
compétence pour allouer des intérêts à titre de partie intégrante
des dommages-intérêts auxquels la demanderesse peut par ail-
leurs avoir droit, que ce soit ex contractu ou ex delicto.
Plus loin, à la même page, il déclare:
... le principe est fondé sur le droit de la demanderesse à une
indemnisation intégrale, intérêts compris à compter de la date
du préjudice .... [C'est moi qui souligne.]
12 [1974] 1 C.F. 294.
A la page 312, il déclare que l'intérêt dans ces
causes est accordé:
... comme partie intégrante de l'indemnisation du dommage
initial subi par la partie lésée et imputable au défendeur: ceci
constitue une application totale du principe restitutio in
integrum.
Dans l'affaire dont il était saisi, la déclaration ne
réclamait l'intérêt qu'à partir de la date de la
signification; il a souligné que puisque aucune
modification n'était intervenue, la Cour, de toute
évidence, ne pouvait pas accorder l'intérêt pour
une époque antérieure à la signification du bref. Il
déclare ensuite aux pages 312-313:
Si la déclaration ne mentionnait que les intérêts sans préciser
de date, j'aurais eu à examiner s'il y avait lieu d'accorder des
intérêts à partir de la date de l'accident.
En ce qui concerne le taux d'intérêt, il déclare à la
page 314:
Il me semble cependant aller de soi que si l'on considère le
droit de la demanderesse à des intérêts comme faisant partie
intégrante de ses dommages-intérêts en vertu du principe resti-
tutio in integrum, il convient alors, en toute justice, de fixer les
intérêts au taux d'intérêt commercial couramment applicable,
quel que soit le taux d'intérêt prévu sur une somme due en
vertu d'un jugement en ce moment ou quel que soit le taux
d'intérêt versé par les gouvernements en ce moment pour les
sommes consignées en cour.
En l'espèce, l'intérêt est réclamé à partir de la
date de la perte comme faisant partie du montant
des dommages-intérêts et, bien qu'initialement le
taux ait été 12%, les demanderesses, dans le calcul
de leurs réclamations, l'ont réduit à 8%, taux que
j'estime convenable dans les circonstances. Je
rends donc jugement en faveur de Circle Sales &
Import Limited, n° du greffe T-3394-74, contre
Wolfe Stevedores (1968) Ltd. et Steveco Terminal
Operators Ltd. conjointement, chacune d'elles
étant redevable de la moitié de la somme de
$10,436 plus un intérêt annuel de 8% sur ce mon-
tant, du 2 octobre 1973 à la date du présent
jugement, et des dépens, et je rejette avec dépens
l'action contre Wilh. Wilhelmsen, Barber Lines et
les propriétaires et affréteurs du navire Tarantel.
Quant à l'action introduite par Marie-Anne Nov
elties Incorporated, portant le n° du greffe
T-3395-74, je rends jugement conjointement
contre Wolfe Stevedores (1968) Ltd. et Steveco
Terminal Operators Ltd., chacune d'elles étant
redevable de la moitié de la somme de $1,982.45
plus un intérêt annuel de 8%, du 2 octobre 1973 à
la date du présent jugement, et des dépens, et je
rejette avec dépens l'action contre Wilh. Wil-
helmsen, Barber Lines et les propriétaires et affré-
teurs du navire Tarantel. Les causes ayant été
entendues simultanément, seuls 50% des dépens
seront alloués dans chacune d'elles. L'intérêt sur le
montant total alloué dans chaque cause portera un
intérêt au taux légal à partir de la date du
jugement.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.