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T-1395-73
Bandag Incorporated (Demanderesse) c.
Vulcan Equipment Company Limited et Penner Tire & Rubber Co. Ltd. (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Mahoney— Ottawa, le 18 janvier et le 4 février 1977.
Compétence Procédure Demande de jugement au motif que l'action a été réglée Pouvoirs d'un procureur d'engager la responsabilité de son client La Règle 341b) a-t-elle été respectée? S'agit-il d'un jugement sur un contrat? Le consentement des parties est-il requis afin de donner à la Cour compétence? Règle 341 de la Cour fédérale.
Les défenderesses demandent un jugement au motif que l'action, ayant pour objet une violation de brevets, a été réglée. La demanderesse soutient que son procureur n'a pas eu le pouvoir de régler le litige, et ne s'est jamais représenté comme tel. La demanderesse fait valoir, de plus, que tout jugement serait un jugement sur un contrat que la Cour n'aurait pas la compétence de prononcer si la cause initiale d'action avait été l'inexécution d'un contrat plutôt que la contrefaçon d'un brevet.
Arrêt: les défenderesses ont droit à l'ordonnance sollicitée. Un mandant est lié par les actes de son mandataire sauf s'il a fait connaître à des tierces parties la restriction des pouvoirs du mandataire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Au point de vue de la procédure, la situation en est une envisagée par la Règle 341 et cette Règle a été respectée. Quant à la compé- tence, tous les cas d'inscription de jugement sur consentement comportent une décision reflétant un contrat intervenu entre les parties et non une décision rendue sur le fond de la cause initiale d'action. Cependant, la compétence de la Cour ne résulte pas du consentement des parties mais de sa compétence inhérente de mettre à exécution ses moyens de contrainte.
Arrêt approuvé: Scherer c. Paletta [1966] 2 O.R. 524.
DEMANDE de jugement conformément à la Règle 341.
AVOCATS:
G. A. Macklin pour la demanderesse. N. H. Fyfe pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la demanderesse.
Smart & Biggar, Ottawa, pour les défenderesses.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Les défenderesses deman- dent un jugement au motif que la présente action a été réglée. Il s'agit d'une action en contrefaçon de brevets ayant pour objet deux brevets canadiens: le brevet 554,888, propriété de la demanderesse, et le brevet 616,567, propriété de Vakuum Vulk Holdings Ltd., dont la licence exclusive est détenue par la demanderesse. Après le dépôt des listes de documents, les avocats des parties ont entamé des négociations afin de régler l'action et, par la suite, ont échangé les lettres suivantes:
1. Une lettre, datée du 18 novembre 1975, de la part de l'avocat des défenderesses et adressée à l'avocat de la demanderesse:
[TRADUCTION] Nos clientes nous ont communiqué leurs points de vue quant à l'offre de règlement exposée dans votre lettre du 23 juillet 1975. Elles s'inquiètent du fait que si le présent litige, portant sur la contrefaçon, n'aboutit pas à un règlement, votre cliente ou le propriétaire du brevet Schelk- mann, soit Vakuum Vulk, pourrait intenter une nouvelle action fondée sur ledit brevet.
1. Que Bandag consent au renvoi de l'action; à renoncer à ses réclamations et à libérer Vulcan de toute réclamation pour dommages ou frais à ce jour, occasionnés par ledit renvoi.
2. Que Vulcan consent à se désister de sa demande reconven- tionnelle, sans frais à l'égard de Bandag.
3. Que Bandag tienne indemne et à couvert Vulcan à l'égard de toute réclamation en contrefaçon du brevet canadien Schelkmann, ayant pu se produire avant la date du renvoi de l'action.
4. Les deux parties s'accordent à ne pas rendre public le règlement. Cependant, à la demande des clients de Vulcan, cette dernière pourra leur indiquer que les parties ont réglé leur différend en consentant au renvoi de la demande et au désistement par Vulcan de sa demande reconventionnelle et ce, sans pour autant résoudre les points en litige.
2. La lettre, en date du 18 décembre 1975, émanant de l'avocat de la demanderesse et adres- sée à l'avocat des défenderesses, avec mention [TRADUCTION] «SOUS RÉSERVE»:
[TRADUCTION] Nos mandants nous ont fait parvenir leurs directives relativement aux points soulevés dans votre lettre du 18 novembre 1975.
Notre cliente est prête à accepter les points 1, 2 et 4 de l'entente en date du 18 novembre 1975, mais rejette le point 3 lequel s'applique à des tierces parties exclues du présent litige. Nous croyons que notre cliente s'est rendue à la limite de tout compromis visant à régler cette affaire; cependant, ce nouveau terme, qui impose à notre cliente une responsabilité condition- nelle découlant de redressements demandés par des tierces
parties, et sur lesquels notre cliente n'aurait aucun contrôle, entraînerait des conséquences insoupçonnées à l'égard de notre cliente et, de ce fait, est tout simplement inacceptable.
Si vos clientes refusent de régler cette action selon les termes stipulés dans les présentes, veuillez nous le faire savoir le plus rapidement possible de façon à obtenir de notre cliente les directives nécessaires quant à la poursuite de cette action.
3. La lettre du 19 février 1976, émanant de l'avocat des défenderesses et adressée à l'avocat de la demanderesse:
[TRADUCTION] En réponse à votre lettre du 18 décembre 1975, nos clientes nous informent qu'elles consentent à régler cette affaire conformément aux points 1, 2 et 4 de l'entente contenus dans notre lettre du 18 novembre 1975. Nous prépa- rons, pour votre examen, un projet d'entente incorporant les termes stipulés dans votre lettre du 18 novembre dernier. Nous vous ferons parvenir sous peu ledit projet.
Tel qu'il appert de la lettre du 18 novembre, il y avait déjà eu un échange de correspondance avant cette date. Par la suite, l'avocat de la demande- resse, dans une lettre du 3 mars 1976, accusa réception de la lettre du 19 février et indiqua sa volonté d'examiner le projet d'entente. Le 13 avril il s'informa de la date à laquelle il pourrait vrai- semblablement recevoir ledit projet et on l'avisa, le 27 avril, que l'avocat des défenderesses avait expé- dié le projet à ses clientes «aux fins d'approbation». Le 6 mai, l'avocat de la demanderesse réitéra sa demande et le 2 juin, le projet lui fut expédié. Malgré leur présentation formaliste et les exposés qui les entourent, les termes du projet ne s'écartent pas de ceux stipulés dans les paragraphes 1, 2 et 4 de la lettre du 18 novembre. Le 16 août, les avocats des défenderesses s'enquérirent auprès de l'avocat de la demanderesse afin de savoir si ce dernier avait eu l'occasion [TRADUCTION] «d'exa- miner le document avec (ses) clientes». Le 27 août, l'avocat de la demanderesse informa la partie adverse que sa cliente [TRADUCTION] «refusait de régler le litige conformément à ces termes».
L'étape suivante a consisté à présenter une requête exigeant de la défenderesse, Vulcan, qu'elle désigne un de ses dirigeants aux fins de subir un interrogatoire préalable. On a soulevé la prétendue entente afin d'obtenir le rejet de la requête; mais l'ordonnance fut accueillie, le 7 décembre 1976, avec frais à suivre l'issue de la cause.
Les défenderesses cherchent maintenant à obte- nir un jugement et, subsidiairement, à suspendre la
convocation de l'interrogatoire préalable. L'avocat de la demanderesse n'a pu trouver, parmi les déci- sions de la présente cour et de la précédente, soit la Cour de l'Échiquier du Canada, un quelconque précédent relativement à cette procédure. La demanderesse réclame le rejet de la requête aux motifs qu'elle n'est pas fondée et qu'il existe un défaut de compétence.
Cette entente fut conclue en Ontario et je suis d'accord avec la décision du juge d'appel Evans, alors juge puîné, rendue au nom de la Cour d'appel de l'Ontario.' A mon avis, cette décision corres pond à un exposé exact et complet du droit positif applicable en la matière:
[TRADUCTION] Les pouvoirs d'un procureur découlent de son mandat et, en ce qui concerne son client, ils se limitent aux transactions auxquelles s'étend ledit mandat, sous réserve des restrictions qui y sont stipulées. Cependant, à l'égard des tiers avec qui le procureur traite, la situation n'est pas la même. Le pouvoir de transaction d'un procureur peut s'inférer de son mandat de résoudre un litige à moins qu'une disposition restrei- gnant ce pouvoir ne soit communiquée à la partie adverse. Un client, qui a retenu les services d'un procureur pour une affaire particulière, investit ce dernier des pouvoirs d'un mandataire dont la fonction est d'exécuter le mandat qu'on lui a confié. En principe, le procureur est le mandataire du client et le repré- sente dans toute affaire qui doit faire l'objet d'une décision et qui est la conséquence normale de son mandat. Lorsqu'un mandant donne à un mandataire le pouvoir général de conduire en son nom n'importe quelle affaire, le mandant est responsable envers les tiers de tout acte accompli par son mandataire dans le cours ordinaire des affaires, ou de tout acte accompli dans les limites de son mandat. Entre le mandant et le mandataire, les pouvoirs peuvent être restreints par ententes ou par directives spéciales; mais à l'égard des tiers, le mandataire détient les pouvoirs qui s'infèrent normalement de sa charge—eu égard à toutes les circonstances de l'affaire—et de la nature de son travail et de ses obligations. L'étendue de ces pouvoirs est donc, dans une large mesure, régie par le genre d'emploi exercé par le mandataire, en autant qu'il agisse dans les limites de son occupation normale, ou par ses obligations envers le mandant ou encore par la coutume de son métier ou de sa profession particulière.
Le procureur qui reçoit le mandat de prendre les procédures nécessaires peut engager la responsabilité de son client en concluant une transaction relativement à ces procédures, à moins que le client n'ait restreint ses pouvoirs et que la partie adverse n'en ait eu connaissance, sous réserve du pouvoir discrétionnaire de la Cour, si on sollicite son intervention en lui demandant une ordonnance, de faire enquête sur les circons- tances entourant l'affaire et d'accepter ou de refuser d'interve- nir si elle le juge opportun; et sous réserve aussi de l'incapacité du client. Il s'ensuit que bien qu'un procureur ou qu'un avocat possède vraisemblablement le pouvoir d'engager la responsabi- lité contractuelle de son client dans une transaction particu-
' Scherer c. Paletta [1966] 2 O.R. 524, aux pp. 526 et ss.
hère, ni l'un ni l'autre n'a le pouvoir d'obliger la Cour à agir d'une manière précise, de telle sorte que, si la transaction stipule que la Cour doive rendre une ordonnance, l'absence de pouvoirs peut être signalé à la Cour en tout temps avant que soit rendue cette ordonnance; à ce moment, la Cour pourra refuser de la rendre. Cependant, lorsque les parties sont des personnes majeures ayant la capacité légale, qu'il n'y a entre elles aucun différend quant à l'existence du mandat et quant aux conditions qui ont fait l'objet de l'entente intervenue entre les procureurs, la Cour, en pratique, n'entreprend pas d'enquête sur la restriction des pouvoirs imposée par le client à son procureur.
Je suis convaincu que l'action a été réglée. Que l'on tienne compte du point de vue allégué par les défenderesses selon lequel l'entente fut conclue par les procureurs ou du point de vue allégué par la demanderesse selon lequel il est évident que non seulement l'avocat de cette dernière ne s'est jamais représenté comme ayant le pouvoir de régler l'af- faire, mais encore qu'il a toujours fait clairement comprendre qu'il n'était simplement qu'un inter- médiaire servant à acheminer les communications de son client, le résultat est le même. De plus, on n'a pas laissé entendre que les défenderesses avaient été avisées de la restriction des pouvoirs du procureur de la demanderesse ni que la contre- offre du 18 décembre 1975 constituait une erreur. Les termes de l'entente sont incontestables et com- plets; il est sans importance, à l'égard de la deman- deresse, qu'ils aient été proposés par son procureur ou proposés par la demanderesse elle-même et simplement transmis par son procureur.
Au point de vue de la procédure, je suis d'avis qu'il s'agit d'une situation qu'envisage l'alinéa b) de la Règle 341 2 , et que cette Règle a été respectée.
La demanderesse conteste la compétence de la présente cour d'accorder l'ordonnance au motif que, ce faisant, elle rendrait effectivement juge- ment sur un contrat, ce qu'elle n'aurait pas la compétence de faire si la cause initiale d'action avait été l'inexécution du contrat plutôt qu'une
2 Règle 341. Une partie peut, à tout stade d'une procédure, demander un jugement sur toute question
a) après une admission faite dans les plaidoiries ou d'autres documents déposés à la Cour, ou faite au cours de l'interro- gatoire d'une autre partie, ou
b) au sujet de laquelle la seule preuve est constituée par des documents et les affidavits qui sont nécessaires pour prouver la signature ou l'authenticité de ces documents,
sans attendre le jugement de tout autre point litigieux entre les
parties.
contrefaçon de brevet. Elle fait valoir que, pour que le contrat demeure à l'intérieur du cadre de l'action et, par conséquent, dans le champ de compétence de la Cour, les défenderesses doivent soulever ce point en défense en modifiant, comme il convient, leurs plaidoiries. Dans ce cas, l'affaire serait réglée par audition sur le fond et non par demande en vertu de la Règle 341. A défaut de quoi, la demanderesse invite les défenderesses à intenter une action fondée sur le contrat et ce, devant le tribunal compétent, et à demander une suspension de la présente action en attendant la décision sur l'autre. Ni l'un ni l'autre de ces recours ne s'impose aux défenderesses.
Le fait qu'il y ait eu, pour ainsi dire, une modification dans la cause d'action n'est pas en soi un motif valable d'opposition. Tous les cas d'ins- cription de jugement sur consentement comportent une décision reflétant un contrat intervenu entre les parties, et non une décision rendue sur le fond de la cause initiale d'action, quelle qu'elle soit.
Accepter la proposition selon laquelle la Cour n'aurait pas la compétence d'inscrire des juge- ments fondés sur une entente équivaudrait à lui nier la compétence d'inscrire et de rendre exécutoi- res des jugements sur consentement dans les nom- breux cas elle n'aurait pas eu la compétence de connaître, dès le début, d'une action fondée sur un contrat. Le fait que l'une des parties ne veuille plus mettre en vigueur l'entente n'a absolument aucune importance. La compétence de la Cour ne résulte pas du consentement des parties de sorte que le jugement sur consentement est valide simplement parce qu'aucune des parties n'a changé d'idée quant à l'entente et ce, avant l'inscription du juge- ment. Un jugement sur consentement est valide parce que la présente cour a la compétence inhé- rente de mettre à exécution ses moyens de con- trainte, ce qui lui permet de mener à bonne fin la raison d'être fondamentale qu'elle partage avec toutes les autres cours de compétence civile: le règlement des différends par jugement et leur exé- cution par les fonctionnaires de la Cour.
Les défenderesses ont droit à l'ordonnance solli- citée et aux frais de cette demande et de celle en date du 7 décembre 1976. Je comprends que tous les autres frais sont réglés par les termes de l'en- tente. Les défenderesses peuvent préparer un projet de jugement qui donnera effet à ces motifs. Le jugement ne sera pas inscrit avant que la Cour en ait fixé le libellé.
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