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T-2285-71
Penn Central Transportation Company (Débitrice) c.
Robert W. Blanchette et al., fiduciaires des biens de la Penn Central Transportation Company (Requérants)
In re Canada Southern Railway Company (Requérante)
Division de première instance, le juge Walsh— Ottawa, les 9 et 17 novembre 1976.
Chemins de fer Vente projetée d'actions de la Canada Southern par Penn Central Projet approuvé par la Cour en vertu de la Loi sur les chemins de fer Demande d'obtention d'une ordonnance enjoignant à Penn Central de ne retirer du Canada aucun des produits de la vente projetée, ou de nomi nation d'un séquestre jusqu'au règlement du litige Compé- tence de la Cour Conflit de lois possible Pouvoir de la Cour d'accorder les redressements demandés Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, art. 95 Regional Railway Organization Act (1973, É.-U.) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 3, 23 et 64 Règles 2004 et 2405 de la Cour fédérale.
La requérante, Canada Southern Railway Company, demande une injonction ou une ordonnance enjoignant aux fiduciaires de Penn Central de ne pas transférer du Canada aux États-Unis le produit de sa vente d'actions de la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway Company. La requérante demande, à titre de solution de rechange, la nomination d'un séquestre pour garder ledit produit jusqu'au règlement du litige. La requérante prétend que si les fonds sont versés inconditionnellement aux fiduciaires de Penn Central, ils seront transportés aux É.-U. Cette prétention est appuyée par l'opi- nion du doyen des avocats des fiduciaires de la Penn Central, lequel considère que l'ordonnance d'un juge de la Cour de district de l'est de la Pennsylvanie aux États-Unis, autorisant la vente des actions à la condition que les produits soient détenus par fidéicommis, signifie que les fonds doivent être détenus en fidéicommis aux États-Unis, bien que l'ordonnance ne le dise pas expressément.
Arrêt: la demande de nomination d'un séquestre est accueil- lie. Il est évidemment préférable que les fonds demeurent au Canada afin d'éviter le préjudice irréparable que pourrait subir la requérante; et l'avantage est nettement de son côté, puisque aucun créancier n'en souffrira, même si les fiduciaires devaient éventuellement transférer lesdits fonds aux États-Unis suite à un jugement définitif du tribunal compétent. La Cour est compétente pour rendre une ordonnance en l'espèce, puisqu'il s'agit d'un incident des procédures impliquant l'approbation par elle d'un projet de concordat pour les créanciers de la compagnie au Canada, en vertu de l'article 95 de la Loi sur les chemins de fer. La seule mesure efficace en l'espèce est la nomination d'un séquestre et l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale qui fait de celle-ci un tribunal d'equity donne pouvoir à la Cour de rendre une ordonnance en ce sens.
Distinction faite avec l'arrêt: Canadien Pacifique Liée c. Quebec North Shore Paper Company (1976) 9 N.R. 471.
DEMANDE de redressement interlocutoire. AVOCATS:
Duncan Finlayson, c.r., pour les fiduciaires des biens de la Penn Central Transportation Company.
Gerald C. Hollyer, c.r., pour les fiduciaires des biens de la Michigan Central Railroad Company.
John D. McElwain, c.r., et J. Edgar Sexton pour la Canada Southern Railway Company.
B. K. Laird pour Albert D. Segal et certains actionnaires minoritaires de la Canada South ern Railway Company.
M. S. Bistrisky pour Canadien Pacifique Limitée.
PROCUREURS:
Lafleur & Brown, Montréal, pour les fiduciai- res des biens de la Penn Central Transporta tion Company.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit d'une demande pré- sentée au nom de la Canada Southern Railway Company pour:
1. obtenir une ordonnance enjoignant aux fiduciai- res des biens de la Penn Central Transportation Company, Robert W. Blanchette, Richard C. Bond et John H. McArthur, de ne rien soustraire du produit de la vente projetée des actions de la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway Company au Canadien Pacifique Limitée de l'Ontario, con- formément à l'ordonnance du juge Addy en date du 27 septembre 1974.
2. ou une ordonnance nommant un séquestre judi- ciaire pour gérer ledit produit jusqu'au règlement du litige qui oppose la Canada Southern Railway Company et la Penn Central Transportation Company.
3. ou pour obtenir une injonction enjoignant aux fiduciaires de la Penn Central Transportation Company, Robert W. Blanchette, Richard C. Bond et John H. McArthur, de ne rien soustraire
du produit de la vente proposée des actions de la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway Company au Canadien Pacifique Limitée de l'Ontario.
4. ou pour obtenir une injonction interdisant à la Canadien Pacifique Limitée de payer les actions de la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway Company à l'extérieur de l'Ontario.
Les demandes 1 et 3 visent en ce sens le même recours.
Pour des raisons de commodité et parce que certains des renseignements pertinents se trouvent dans d'autres dossiers, la demande a été entendue en même temps et sur la même preuve et les mêmes plaidoiries que la demande portant le numéro de dossier 76-T-615, présentée par la Canada Southern Railway Company contre Doug- las Campbell, fiduciaire des biens de la Michigan Central Railroad Company, demande visant un redressement semblable. Ce deuxième dossier com- portait également une requête présentée par Albert D. Segal, actionnaire minoritaire de la Canada Southern Railway Company, qui, semble-t-il, déte- nait 43 procurations d'autres actionnaires désireux de s'opposer à la nomination d'un séquestre devant gérer le produit de la vente proposée des actions de la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway Com pany par Douglas Campbell, en sa qualité de fiduciaire des biens de la Michigan Central Rail road Company, au Canadien Pacifique Limitée, jusqu'au moment se terminerait l'arbitrage entre la Canada Southern Railway Company et la Michigan Central Railroad Company; et ce à moins que l'arbitrage ne survienne entre les parties jugées appropriées, soit Canada Southern Railway Company et Consolidated Rail Corporation of America (Con. Rail), plutôt qu'entre Canada Southern Railway Company et Michigan Central Railroad Company.
Une autre demande présentée sur un bref avis, concluant au même redressement, portant le numéro de dossier T-4367-76 et opposant la demanderesse Canada Southern Railway Com pany et les défendeurs, Robert W. Blanchette, Richard C. Bond, John H. McArthur, fiduciaires des biens de la Penn Central Transportation Com pany, Douglas Campbell, fiduciaire des biens de la Michigan Central Railroad Company et du Cana-
dieu Pacifique Limitée, a été présentée au même moment, sur la même preuve et les mêmes plaidoi- ries. Cette dernière demande contenait certains vices de formes, mis à part le bref avis, mais les procureurs des parties représentées à l'audience ont déclaré ne pas s'opposer à sa présentation, écartant lesdits vices sans toutefois reconnaître le bien-fondé de la demande. Il est très important que ce dossier soit également devant la Cour puisqu'il est le seul à contenir la déclaration énonçant les motifs pour lesquels la demanderesse, en l'espèce Canada Southern Railway Company, cherche à obtenir le redressement qu'elle réclame dans ses nombreuses demandes. L'avocat de Canada South ern Railway Company admet que cette procédure remplacera en fait la procédure antérieure portant le numéro 76-T-615, introduite à la dernière minute et qui cherchait d'abord à obtenir une ordonnance ex parte. Aucune déclaration ne figu- rait dans cette procédure qui se bornait à deman- der un redressement contre Douglas Campbell, fiduciaire des biens de la Michigan Central Rail road Company, alors que l'action portant le numéro de dossier T-4367-76 était dirigée non seulement contre lui, mais également contre les fiduciaires de la Penn Central Transportation Company et le Canadien Pacifique. C'est la demande sur laquelle il veut poursuivre.
Pour expliquer le dépôt d'une demande sembla- ble dans le présent dossier, numéro T-2285-71, qui ne concerne que la Penn Central Transportation Company, on invoque que c'est dans cette affaire que le juge Addy a rendu son ordonnance du 27 septembre 1974 confirmant le projet de concordat de la requérante pour ses créanciers au Canada en vertu des articles 95 et suivants de la Loi sur les chemins de fer'. Il a fallu présenter une demande distincte contre le fiduciaire des biens de la Michi- gan Central Railroad Company le même jour dans le dossier portant le numéro 76-T-615 susmen- tionné, pour lequel aucun projet de concordat n'avait jamais été présenté ni accepté au Canada. Ce processus peut s'avérer très sage, puisqu'on a soulevé l'importante question de la compétence de cette cour à l'égard du fiduciaire de la Michigan Central Railroad Company et il semble y avoir une différence entre cette dernière et la Penn Central
' S.R.C. 1970, c. R-2.
Transportation Company dont le projet de concor- dat a été homologué par cette cour, alors que celui de la Michigan Central Railroad Company ne nécessitait aucune reconnaissance au Canada.
J'examinerai d'abord la demande de M. Segal visant l'autorisation d'intervenir dans le dossier numéro 76-T-615. L'avocat de Canada Southern Railway Company nous a laissé entendre qu'il envisageait de garder ce dossier en attente sans désistement formel pour l'instant, et de procéder plutôt dans l'action portant le numéro T-4367-76; et ce, supposant que M. Segal essaierait sans doute d'intervenir en temps opportun dans ces dernières procédures, puisque ses allégations affectent non seulement les actions détenues par la Michigan Central Railroad Company, mais aussi celles déte- nues par la Penn Central Transportation Company dans la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway Company. Dans ce cas, toute ordonnance rendue dans le dossier 76-T-615 aurait très peu d'effet pratique et serait superflue si une ordonnance était subséquemment rendue dans le dossier numéro T-4367-76. De plus, bien que je ne me prononce pas sur cette question puisqu'il n'est pas nécessaire de le faire dans les procédures actuelles, il existe un doute sérieux quant à savoir si un actionnaire minoritaire ou un groupe d'actionnaires minoritai- res peuvent intervenir pour faire opposition à une action intentée par la compagnie dont ils sont actionnaires, au motif que l'action aurait être intentée contre un défendeur différent. M. Segal prétend qu'elle aurait l'être par la Canada Southern Railway Company contre la Consolidat ed Rail Corporation of America (Con. Rail), en sa qualité de locataire des biens de la Canada South ern Railway Company depuis le 25 juin 1976, date à laquelle cette dernière a présenté sa demande, plutôt que contre les fiduciaires de la Michigan Central Railroad Company et Penn Central Trans portation Company respectivement, et que cela n'a pas été fait parce que la Canada Southern Railway Company est contrôlée par la Con. Rail. Il se peut fort bien que les actionnaires minoritaires aient quelque recours contre la compagnie ou ses admi- nistrateurs, mais cette question n'a pas à être tranchée dans les présentes demandes qui visent la rétention au Canada, pour le bénéfice des créan- ciers canadiens, du produit de la vente proposée d'actions de la Toronto, Hamilton and Buffalo
Railway Company par les fiduciaires respectifs de la Michigan Central Railroad Company et de la Penn Central Transportation Company, au Cana- dien Pacifique. La demande de M. Segal dans le dossier numéro 76-T-615 sera donc rejetée sans frais puisqu'elle ne peut ni ne doit être réglée maintenant.
Les faits sur lesquels s'appuie la déclaration de la Canada Southern Railway Company montrent qu'elle détient certains biens ferroviaires en Onta- rio, dont une voie principale entre Welland et Windsor, deux embranchements entre Welland et Fort Érié, Welland et Niagara Falls ainsi que le pont de la rivière Niagara réunissant le Canada et les États-Unis, par l'intermédiaire d'une filiale de la Niagara River Bridge Company qui lui appar- tient entièrement; tous ces dits biens font l'objet d'un bail conclu en juin 1903, ratifié et confirmé en 1904 z par une loi du Parlement. Le locateur est Michigan Central. Le bail portait également sur des intérêts majoritaires dans d'autres compagnies de chemins de fer en exploitation aux États-Unis. Avant le l er avril 1976, les fiduciaires de la Penn Central Transportation Company et celui de la Michigan Central Railroad Company détenaient 107,163 actions de la Canada Southern Railway Company, ce qui totalisait environ 71.4% de son capital souscrit et à cette date, conformément au Regional Railway Organization Act de 1973 modifié par le Congrès des États-Unis, ces actions ont été transférées à la Con. Rail Corporation, dûment constituée en vertu de la loi de la Pennsyl- vanie. Le bail prévoyait l'arbitrage en cas de désaccord entre les parties, chaque compagnie devant nommer un arbitre. Les arbitres devaient choisir le troisième arbitre qui, à défaut d'un tel choix, serait désigné par un juge d'une Haute cour de l'Ontario. Les parties seraient liées par l'arbi- trage et toute sentence arbitrale pourrait être sanc- tionnée par un tribunal de l'État du Michigan ou de la province d'Ontario. La déclaration men- tionne certaines créances «déterminées» recouvra- bles de la Penn Central et la Michigan Central et comprenant des revenus payés à tort à Penn Cen tral sur le produit des ventes des terrains loués de 1963 à 1975 moyennant un loyer de $1,486,- 116.05, des sommes dues pour l'aliénation d'ac-
2 4 Edward VII, c. 55.
tions amortissables totalisant $13,000,000, et une réclamation de $3,100,000 provenant du fait que la Michigan Central a, de façon inappropriée, amené la Canada Southern à transférer les actions et obligations de la Toledo, Canada Southern and Detroit Railway Company pour une contrepartie insuffisante, une réclamation de $3,560,000 contre la Penn Central et la Michigan Central résultant de l'usage qu'ils ont fait dans le passé de l'alloca- tion du coût en capital accordée à la Canada Southern en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu au Canada de même que d'autres réclama- tions subsidiaires désignées par réclamations indé- terminées, telle une reddition de compte à l'égard d'actions et d'actifs de diverses filiales.
Le 25 juin 1976, la Canada Southern a invoqué la clause d'arbitrage mais la Penn Central et la Michigan Central l'ont informé qu'afin de nommer un arbitre elles devaient être autorisées par la «Reorganization Court» des États-Unis à partici- per à l'arbitrage, mais qu'elles n'ont pas encore décidé de demander cette autorisation. de mets sérieusement en doute la validité de cette position, du moins en ce qui concerne les fiduciaires de la Penn Central, qui agissent au Canada en vertu d'un projet de concordat approuvé par la Cour. L'arbitrage envisagé est prévu par une clause d'un bail approuvé au Canada et portant sur des che- mins de fer situés principalement au Canada. Des discussions ont eu lieu relativement aux modalités de l'arbitrage; on s'est borné à convenir qu'il se tiendrait à Toronto et que la loi de l'Ontario s'appliquerait.
La Canada Southern Railway Company déclare peu probable que l'on applique cette sentence arbi- trale dans l'État du Michigan, puisque les actifs de la Penn Central et de la Michigan Central dans l'État sont assujettis aux importantes réclamations de la «Reorganization Court». Les seuls actifs que les fiduciaires de la Penn Central conservent encore au Canada sont 20,120 actions de la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway, et les seuls actifs que la Michigan Central conserve au Canada sont 11,180 actions de ladite compagnie; par une transaction en date du 27 mai 1976 devant se compléter à Hamilton, ces deux compagnies se sont engagées à vendre les actions susmentionnées au Canadien Pacifique Limitée pour des sommes respectives de $3,400,280 et $1,995,890. La requé-
rante désire que les fiduciaires retiennent en Onta- rio les produits de la vente au Canadien Pacifique jusqu'à l'aboutissement des procédures d'arbitrage, mais aucune garantie n'en a été donnée et elle prétend que si ces sommes sont versées incondi- tionnellement aux fiduciaires, elles seront trans- portées aux États-Unis et assujetties aux réclama- tions de tous les créanciers de ce pays. Ces réclamations se chiffrant à plusieurs milliards de dollars, ce transfert causerait auxdits créanciers un préjudice irréparable. Voilà pourquoi elles cher- chent à obtenir le redressement demandé en atten dant l'aboutissement des procédures d'arbitrage.
Il faut mentionner ici l'ordonnance du juge Addy en date du 27 septembre 1974, qui homolo- gue, en vertu des articles 95 et suivants de la Loi sur les chemins de fer, le projet de concordat pour les créanciers de Penn Central Transportation Company au Canada. A la page 3 des motifs de son ordonnance, il s'exprime ainsi au sujet des fiduciaires:
[TRADUCTION] Aux États-Unis ils peuvent aussi agir comme séquestres en équité et toutes les saisies de biens appartenant à la compagnie ou étant en sa possession sont limitées, sauf en ce qui a trait au droit des propriétaires de matériel roulant d'en prendre possession en vertu de leur con- trat de matériel.
Il est bien évident que la réorganisation du chemin de fer, homologuée par la «Reorganization Court» des États-Unis, n'aurait pas de portée extra-terri- toriale, de façon à prévenir une saisie de biens au Canada, pas plus qu'un jugement d'un tribunal canadien n'aurait d'effet extra-territorial à l'égard de biens situés aux États-Unis. Au paragraphe 5 de son ordonnance, le juge Addy donne aux fidu- ciaires le pouvoir de [TRADUCTION] «vendre, céder ou louer les biens situés au Canada qui ne sont pas nécessaires aux activités de la compagnie». Au paragraphe 6, il accorde aux fiduciaires au Canada à peu près les mêmes pouvoirs que ceux attribués par la «Reorganization Court», y compris le droit de [TRADUCTION] «se défendre dans toutes actions, procédures ou poursuites pendantes contre la compagnie ou les fiduciaires pouvant être soute- nues ou intentées devant quelque cour, officier, ministère, commission ou tribunal, auxquelles sont ou seront parties au Canada la compagnie ou les fiduciaires, de les mener à fin, de les régler ou de transiger».
Il évoque le projet de concordat pour les créan- ciers de Penn Central Transportation Company au Canada et suggère à la page 7 le règlement suivant pour les réclamations exigibles de tous les créan- ciers de la compagnie au Canada:
[TRADUCTION] 1. Les réclamations courantes et futures des créanciers de la compagnie, provenant des opérations continues de l'entreprise de chemins de fer de celle-ci, au Canada, après le 21 juin, seront payées à l'échéance en totalité.
2. Dans un délai de six mois (ou s'il s'agit d'une créance dont le montant est indéterminé, le délai additionnel requis pour la rendre liquide) du jugement final de la Cour fédérale du Canada (la «Cour fédérale») confirmant le projet conformé- ment à la Loi sur les chemins de fer du Canada (la «Loi sur les chemins de fer») ou pendant le délai supplémentaire prescrit par la Cour fédérale, les fiduciaires devront payer en entier les créances desdits créanciers de la compagnie au Canada, prove- nant de l'exploitation de l'entreprise de chemins de fer de celle-ci avant le 22 juin 1970 ou des obligations contractées par la compagnie et à sa charge, qui sont dues et exigibles (mais ce sans intérêt après le 21 juin 1970), et qui ont une ou plusieurs des particularités suivantes:
e) obligations découlant de baux portant sur des biens des chemins de fer canadiens.
Il est intéressant de noter qu'à la clause 3 des pages 8 et 9 du jugement, il traite des obligations de la compagnie (c.-à-d. Penn Central) envers des créanciers au Canada, obligations contractées avant le 22 juin 1970 suite aux activités commer- ciales de la compagnie ou des créanciers canadiens à l'extérieur du Canada, et aux États-Unis en particulier, et soulignant que, puisque ces réclama- tions n'ont pas été [TRADUCTION] «encourues à l'égard de l'exploitation de chemins de fer cana- diens, elles doivent être jugées dans la `Cour de district' des États-Unis siégeant dans l'est de la Pennsylvanie (la 'Reorganization Court'), et devraient y recevoir un traitement égal et propor- tionnel à celui reçu par les autres créanciers de même catégorie de la compagnie, quels que soient leur résidence ou domicile». Réciproquement, il est évident que les réclamations de créanciers cana- diens encourues au Canada seront payées à même les actifs canadiens et qu'à l'égard de ces actifs, les créanciers canadiens ne recevraient pas dans la «Reorganization Court» un traitement [TRADUC- TION] «égal et proportionnel à celui reçu par les autres créanciers de même catégorie de la compa- gnie, quels que soient leur résidence ou domicile».
Voici d'autres documents pertinents pour per- mettre de trancher cette question:
Les ordonnances 2506 concernant la Penn Central Transportation Company et 75 con- cernant la Michigan Central Railroad Company rendues par le juge John P. Fullam, de la «Cour de district» de l'est de la Pennsylvanie, en date du 17 août 1976, autorisant les fiduciaires des deux compagnies de chemins de fer à vendre leurs actions dans la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway Company au Canadien Pacifi- que Limitée pour un montant de $169 l'unité, totalisant la somme de $5,396,170. Voici le libellé de la clause 2 de cette ordonnance:
[TRADUCTION] Les produits nets de la susdite vente seront détenus par fidéicommis, sous réserve des privilèges qui s'y rattachent et de toute réclamation sur les produits d'icelle, pouvant résulter de la vente, et ce jusqu'à nouvel ordre de la Cour.
L'ordonnance n'indique pas les fonds doivent être détenus en fidéicommis, mais selon les fidu- ciaires, la Cour pensait aux États-Unis, lieu de résidence desdits fiduciaires et d'investissement des autres actifs des deux compagnies de chemins de fer. Telle est certainement l'interprétation de M. Siembieda, avocat doyen des fiduciaires de la Penn Central Transportation Company, qui dit au troi- sième paragraphe de son affidavit être d'avis que le juge Fullam a homologué la vente [TRADUC- TION] «à la condition que les produits en soient détenus par fidéicommis aux États-Unis sous réserve des privilèges qui s'y rattachent et de toute réclamation éventuelle, et ce jusqu'à nouvel ordre de la 'Reorganization Court'». Par ailleurs rien dans l'ordonnance ne semble interdire aux fidu- ciaires de détenir en fidéicommis les fonds au Canada. L'affidavit de M. Siembieda mentionne également deux autres ordonnances du juge Fullam, l'ordonnance 343 en date du 23 juillet 1971 et l'ordonnance 713 en date du 16 mai 1972, permettant respectivement aux fiduciaires d'orga- niser le dépôt et le paiement des réclamations des créanciers canadiens, et d'amender leur projet de concordat. Les deux ordonnances font mention de l'approbation du projet de concordat établi pour les créanciers canadiens et permettent aux fidu- ciaires [TRADUCTION] «sur approbation de la Cour fédérale du Canada, de mettre à exécution et d'appliquer les dispositions du projet de concor- dat». On a ajouté cependant: [TRADUCTION] «La
Cour se réserve le pouvoir de ratifier tout change- ment important apporté au projet de concordat». Manifestement, le juge Fullam veut, dans la mesure du possible, donner effet audit projet de concordat à homologuer au Canada pour les créan- ciers canadiens. La requérante craint cependant que si les fonds allaient aux États-Unis, l'applica- tion de la loi américaine vienne contrecarrer les réclamations prioritaires des créanciers canadiens sur des actifs canadiens, au bénéfice d'autres récla- mations pouvant avoir priorité aux États-Unis.
Il ne s'agit pas d'une crainte futile, comme il appert à la lecture du paragraphe 9 de l'affidavit de M. E. Roger Frisch, avocat principal de la requérante Canada Southern Railway Company aux États-Unis, portant que ladite compagnie a déclaré un dividende de 60 $É.-U. par action le 29 mars 1976, suite auquel des dividendes totalisant la somme de 5,465,315 $É.-U. ont été payés à la Penn Central Transportation Company et à la Michigan Central Railroad après retenue de 15% d'impôt canadien et mise en fiducie de comptes aux Etats-Unis pour permettre à la Canada South ern Railway d'établir ses réclamations et de cher- cher à se faire payer sur lesdits comptes. Cepen- dant, le paragraphe 10 révèle que d'autres réclamations relatives à ces fonds ont été présen- tées par d'autres créanciers, dont une de $50,000,- 000 par les États-Unis d'Amérique une autre par Wilington Trust Company pour le plein montant en fidéicom m is et une par la banque de New York pour tout le montant en fidéicommis. Sans décider de la validité de ces réclamations, ce qui relève des tribunaux américains, je dirai que la réclamation des États-Unis d'Amérique peut être d'ordre fiscal et donc pourrait bien avoir préséance sur les récla- mations des créanciers ordinaires. Les ordonnances susmentionnées du juge Fullam en date du 17 août 1976 traitent des fonds déposés en fidéicommis [TRADUCTION] «sous réserve des privilèges qui s'y rattachent» et la réclamation fiscale, si telle est sa nature, pourrait créer un privilège si les fonds étaient déposés en fidéicommis aux États-Unis; les réclamations supposément prioritaires des créan- ciers canadiens seraient ainsi compromises. Je par- tage donc entièrement l'avis de la requérante Canada Southern Railway Company selon lequel il est préférable que les fonds demeurent au
Canada en attendant l'aboutissement de ses procé- dures contre les fiduciaires des deux compagnies de chemins de fer, Penn Central Transportation Company et Michigan Central Railway Company, et je crois que s'il n'en est pas ainsi, la requérante pourrait subir un préjudice irréparable. A tout prendre, l'avantage est nettement de son côté puis- que si les fonds sont retenus au Canada dans un compte productif d'intérêts, aucun créancier n'en souffrira, même si les fiduciaires devaient éven- tuellement transférer lesdits fonds aux États-Unis suite à un jugement définitif de la Cour compé- tente. La difficulté cependant est de savoir com ment réussir à garder les fonds au Canada.
Avant d'étudier cette question, je dois tout d'abord considérer l'objection des avocats des fidu- ciaires, qu'appuie l'avocat de Canadien Pacifique, relativement à la compétence de cette cour en l'espèce. L'action intentée par la Canada Southern Railway Company dans le dossier numéro T-4367-76 résulte de la location, en 1903, de biens ferroviaires par la Canada Southern à la Michigan Central et de la sous-location en 1930 par cette dernière à sa compagnie mère, la New York Cen tral Railroad Company, ancêtre de la Penn Cen tral. Bien que ce bail ait, comme requis, été homo- logué en 1904 par une loi du Parlement, je ne crois pas que la demande de redressement ait ladite loi pour origine au sens de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale. Voici le libellé de l'article 23:
23. La Division de première instance a compétence concur- rente en première instance, tant entre sujets qu'autrement, dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en matière de lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est partie aux procédures, d'aéronautique ou d'ouvrages et entre- prises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province, sauf dans la mesure cette compé- tence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
On a cependant allégué que le bail concernait les «ouvrages et entreprises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province». En effet, bien qu'au Canada les voies en question se situent en Ontario seulement, elles sont prolongées aux États-Unis par la Canada and Michigan Bridge and Tunnel Company, et le bail comportait également certaines lignes reliées entre
elles et exploitées aux États-Unis. Cependant, l'ar- rêt récent de la Cour suprême du Canada Cana- dien Pacifique Ltée c. Quebec North Shore Paper Company' établit bien que l'article 23 ne peut être interprété comme attribuant une compétence. En prononçant le jugement de la Cour, le juge en chef Laskin s'exprime ainsi aux pages 9 et 10 de son jugement:
Le juge Addy n'a pas étudié l'effet de l'art. 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sur l'art. 23 de la Loi sur la Cour fédérale. Il semble avoir présumé qu'il avait compétence si l'entreprise prévue dans l'accord relevait du pouvoir législatif fédéral. Comme je l'ai déjà souligné, il lui fallait d'abord conclure que la demande de redressement était faite «en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement». En Cour d'appel fédérale, le jugement rendu par le juge Le Dain, rédigé en son nom et au nom du juge Ryan, le juge Thurlow (tel était alors son titre) ayant rendu des motifs concomitants, formule également la question en litige sans tenir compte de l'expression susmentionnée:
Il s'agit donc de trancher la question de savoir si la demande de redressement en l'espèce se rattache à une matière tom- bant dans la catégorie des «ouvrages et entreprises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province».
Cependant, le juge Le Dain examine alors le sens des termes «ou autrement» qui signifient à son avis «toute autre loi faisant partie des `lois du Canada' au sens de l'art. 101 de l'Acte de l'A.N.B.». Puis vient un passage sur lequel se fonde l'avocat des intimées:
Il dit ceci à la page 11:
Si la loi est en elle-même valide et applicable, comme c'est de toute évidence le cas pour la loi du Québec en l'espèce (les parties ont en effet convenu que leur contrat serait régi par les lois du Québec), elle ne constitue pas une loi fédérale et ne peut être transposée dans le droit fédéral afin de donner compétence à la Cour fédérale. Il y a compétence en vertu de l'art. 23 si la demande de redressement relève du droit fédéral existant et non autrement.
On a allégué que la situation présente se différen- cie de celle examinée dans ledit jugement parce que la Loi de 1904 homologuant le bail accordé par la Canada Southern Railway Company 4 , énonce à son article 4 que «l'entreprise de la compagnie dite Leamington and St. Clair Railway Company est déclarée être à l'avantage général du Canada». La Loi accorde à la Canada Southern Railway Company les concessions, pouvoirs, auto- risations, droits et privilèges de la Leamington Company. A mon avis, le fait que les entreprises
3 (1976) 9 N.R. 471.
4 4 Edward VII, c. 55.
d'une compagnie de chemins de fer constituent aux termes même de la Loi, des ouvrages à l'avantage général du Canada, et compte tenu de l'interpréta- tion par la Cour suprême de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale dans l'arrêt Quebec North' Shore Paper Company, ce fait ne donne pas à la Cour fédérale compétence sur toutes les procédu- res, quelle que soit leur nature, intentées par cette compagnie de chemins de fer, lorsque celles-ci sont nettement de nature civile et relèvent de la compé- tence des cours provinciales. Or la réclamation introduite contre la Michigan Central Railroad Company en vertu du bail semble être une récla- mation civile pour bris de contrat.
Relativement à la compétence de la Cour sur le redressement demandé ici contre Penn Central Transportation Company, la situation diffère cependant complètement puisqu'il s'agit d'un inci dent des procédures engagées devant cette cour depuis 1971 et qui implique l'approbation par le juge Addy, en date du 27 septembre 1974, du projet de concordat établi pour les créanciers de la compagnie au Canada en vertu des articles 95 et suivants de la Loi sur les chemins de fer, loi fédérale valide. L'avocat des fiduciaires et du Canadien Pacifique allègue que la simple approba tion du projet par cette cour ne donne pas compé- tence à cette dernière sur des actions, par ailleurs purement civiles, intentées par des créanciers contre les fiduciaires, et qu'une telle homologation entraînerait la multitude d'actions semblables que le projet de concordat cherchait à prévenir; mais je ne crois pas qu'il en soit ainsi dans les procédures actuelles portant le numéro du greffe T-2285-71. Il se peut que cette prétention s'applique aux procé- dures intentées dans le dossier numéro T-4367-76, mais la question ne m'est pas soumise relativement à la présente demande, aussi je ne me prononcerai pas sur icelle. Cependant, j'ai devant moi une demande qui vise essentiellement l'obtention d'un même redressement que celui pour lequel le juge- ment du juge Addy a été rendu. Je crois que la demande visant à conserver au Canada les produits de la vente proposée, par les fiduciaires de la Penn Central Transportation Company, des actions que cette dernière détient dans la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway, au Canadien Pacifique pour un montant de $3,400,280, est accessoire à l'or- donnance du juge Addy et constitue une suite raisonnable et prévisible de celle-ci, nécessaire
pour lui donner plein effet. Si les créanciers au Canada doivent être payés (dans la mesure les fonds canadiens le permettent) avant les créanciers aux États-Unis, à même les actifs disponibles au Canada pour ce paiement, il est désirable de con- server lesdits fonds au Canada pour s'assurer que le paiement se fera en conformité de l'ordonnance du juge Addy.
A l'appui de sa prétention selon laquelle cette cour a compétence pour statuer sur la réclamation de Canada Southern contre Penn Central Trans portation Company et Michigan Central Railroad, l'avocat de Canada Southern Railway a invoqué l'article 64(1) de la Loi sur la Cour fédérale, selon lequel les articles 26 à 28 de la Loi sur la Cour de l'Echiquier ne sont pas abrogés. Il s'appuie ensuite sur l'article 26 de la Loi sur la Cour de l'Échi- quier pour attribuer compétence à la Cour mais, à mon avis, la lecture de cet article indique claire- ment sa non-application en l'espèce, puisque la réclamation ne porte pas sur_la vente d'un chemin de fer ou de matériel roulant, mais sur la dé- chéance à la demande d'un créancier hypothé- caire.
Je conclus donc que dans le présent procès por- tant le numéro T-2285-71, la Cour a juridiction sur le produit de la vente des actions de Toronto, Hamilton and Buffalo Railway, qui appartiennent à Penn Central Transportation Company mais non pas sur les produits de la vente des actions qui appartiennent à Michigan Central Railroad Com pany. Cela ne signifie pas que la Cour suprême de l'Ontario n'est pas compétente dans de telles pro- cédures, mais il est évident que cette cour ne peut accorder d'injonction ou autre redressement affec- tant la disposition des fonds provenant de la vente des biens de Michigan Central Railroad Company contre qui la Canada Southern Railway Company a une créance non liquidée qui doit être soumise à un autre tribunal. J'ajouterai ceci: bien que la déclaration, dossier numéro T-4367-76, qualifie la réclamation de Canada Southern de liquide, comme le fait un passage de l'affidavit de M. Frisch, je suis d'avis qu'elle demeurera incertaine quant à son montant et à sa validité d'ici l'aboutis- sement des procédures d'arbitrage que la Canada Southern Railway Company veut intenter en Ontario, ou d'ici le prononcé du jugement définitif
d'un tribunal compétent.
Cependant, je n'hésite pas à conclure, comme je le faisais observer plus haut, que les sommes reçues par les fiduciaires de la Penn Central Transportation Company et provenant de la vente de ses actions à la Toronto, Hamilton and Buffalo Railway Company devraient être conservées au Canada par les fiduciaires afin de donner plein effet au jugement du juge Addy homologuant le projet de concordat relatif à ce chemin de fer au Canada. Il s'agit de décider de la meilleure façon d'atteindre ce but. Certes si le juge Fullam modi- fiait ses ordonnances n°$ 2506 et 75 en date du 17 août 1976 concernant la Penn Central Transporta tion Company et la Michigan Central Railroad Company et permettait aux fiduciaires de ces che- mins de fer respectifs de déposer les fonds en fidéicommis, s'il déclarait que lesdits fonds peu- vent être ainsi déposés en fidéicommis au Canada, et si suite à ces modifications les fiduciaires s'en- gageaient à déposer les fonds en fidéicommis au Canada plutôt qu'aux États-Unis, l'effet voulu par la requérante serait obtenu et tous les créanciers canadiens en bénéficieraient puisque les fonds seraient protégés jusqu'à règlement de leurs récla- mations éventuelles contre ces fonds. Bien que tout porte à croire que le juge Fullam accepterait de modifier son ordonnance, puisqu'il a permis aux fiduciaires de conclure le projet de concordat au Canada, lequel projet a par la suite été homologué par le juge Addy, les termes actuels de l'ordon- nance peuvent signifier, comme l'alléguait M. Siembieda, que les fiduciaires devraient déposer les produits de la vente des actions en fidéicommis aux États-Unis malgré les dangers susmentionnés à l'égard des requérants et des autres créanciers canadiens. Il va sans dire que cette cour ne peut ni ne doit indiquer les prochaines étapes que pourrait suivre le juge Fullam pour assurer la protection des intérêts des créanciers au Canada en vertu de l'ordonnance du juge Addy; il est certain qu'il désire qu'on s'y conforme entièrement et rien ne permet de penser que les fiduciaires ne s'y confor- meront pas. Cependant si les fonds sont transférés aux États-Unis on peut facilement prévoir le grand danger qu'ils soient assujettis aux privilèges des créanciers américains, dont le gouvernement amé- ricain, ce qui entraînerait tout au moins de longs procès là-bas, sinon un préjudice définitif pour la
créance du requérant dans les procédures actuelles et celles d'autres créanciers canadiens. On pour-
rait, bien sûr, émettre une injonction contre Mes
sieurs Robert W. Blanchette, Richard C. Bond et John H. McArthur en leur qualité de fiduciaires
des biens de la Penn Central Transportation Com
pany, leur enjoignant de ne pas retirer les fonds du Canada avant l'aboutissement des procès et des
procédures d'arbitrage au Canada, mais il n'est pas certain qu'on obtiendrait ainsi l'effet voulu. A moins que l'ordonnance du juge Fullam soit modi- fiée avant que ne s'effectue la vente des actions, pour permettre aux fiduciaires de déposer les fonds en fidéicommis au Canada, et qu'ils s'engagent à agir ainsi, ils pourraient fort bien se trouver dans une situation difficile. D'une part ils seraient assu- jettis à une injonction de cette cour leur interdisant de retirer les fonds du Canada, et d'autre part leur propre avocat, M. Siembieda, les informerait qu'aux termes de l'ordonnance actuelle du juge Fullam les fonds doivent être déposés en fidéicom- mis aux États-Unis. Au moment de l'approbation du projet de concordat au Canada aucune garan- tie, sous forme de cautionnement ou autre, n'a été demandée aux fiduciaires. Ils résident aux États- Unis et une fois effectués les transferts des fonds en ce dernier pays, la Cour n'aurait aucun contrôle réel sur ces fonds ni sur les fiduciaires. L'injonc- tion pourrait très bien devenir inefficace. Un con- flit de lois surviendrait certainement et il est préfé- rable de l'éviter.
Le seul recours efficace semblerait être la nomi nation d'un séquestre. C'est l'une des solutions proposées par Canada Southern Railway Com pany. Mais ai-je le pouvoir de procéder à cette nomination? Aucune disposition des Règles de la Cour fédérale ne m'y autorise expressément. La Règle 2405 traite de la nomination d'un séquestre judiciaire aux fins d'une exécution en juridiction d'equity, mais en l'espèce Canada Southern Rail way n'a aucun jugement à faire exécuter contre les fiduciaires. Aussi ne peut-on parler de juridiction d'equity. La Règle 2004 porte sur les brefs de séquestration, mais elle se trouve au chapitre C des Règles, lequel traite des brefs d'exécution, ce qui
sous-entend l'existence d'un jugement. La Règle 5, connue parfois sous le nom de «Règle d'échappe- ment», prévoit ce qui suit:
Règle 5. Dans toute procédure devant la Cour, lorsque se pose une question non autrement visée par une disposition d'une loi du Parlement du Canada ni par une règle ou ordonnance générale de la Cour (hormis la présente règle), la Cour déter- minera (soit sur requête préliminaire sollicitant des instruc tions, soit après la survenance de l'événement si aucune requête de ce genre n'a été formulée) la pratique et la procédure à suivre pour cette question par analogie
a) avec les autres dispositions des présentes Règles, ou
b) avec la pratique et la procédure en vigueur, pour des procédures semblables devant les tribunaux de la province à laquelle se rapporte plus particulièrement l'objet des procédures.
selon ce qui, de l'avis de la Cour, convient le mieux en l'espèce.
L'objet des procédures actuelles relève de la pro vince d'Ontario et les règles de pratique de l'Onta- rio ne prévoient pas la nomination d'un séquestre judiciaire ni la saisie avant jugement (contraire- ment au Code de procédure du Québec qui a de telles dispositions aux articles 733 et suiv.) pour protéger les intérêts d'un créancier d'une réclama- tion non liquidée, ayant de bonnes raisons de croire que celle-ci sera mise en péril par l'usage que l'on veut faire des fonds, à moins qu'ils ne soient confiés à un séquestre ou gelés jusqu'à l'aboutisse- ment du procès par lequel il essaie d'établir sa réclamation.
Cependant, en l'absence d'une règle précise, l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale dont voici le libellé, m'enhardit:
3. Le tribunal de common law, d'equity et d'amirauté du Canada existant actuellement sous le nom de Cour de l'tchi- quier du Canada est maintenu sous le nom de Cour fédérale du Canada, en tant que tribunal supplémentaire pour la bonne application du droit du Canada, et demeure une cour supé- rieure d'archives ayant compétence en matière civile et pénale.
l'article établit donc que la Cour fédérale est un tribunal d'equity. On peut alors recourir à des décisions anglaises en equity. Traitant de la loi anglaise sur ce sujet, Kerr on Receivers, 14e éd., s'exprimait ainsi à la page 6:
[TRADUCTION] La deuxième catégorie d'arrêts inclut ceux dans lesquels une nomination est faite pour protéger les biens en attendant l'aboutissement du procès qui déterminera les droits des parties, ou préviendra une dispute entre les ayants droit, tout comme le cas de la nomination de séquestre dans l'attente d'une homologation ou d'une administration, ou pour assurer la protection des incapables, ou lorsqu'il y a danger de détérioration ou dissipation des biens par ceux qui détiennent
un titre légal sur cesdits biens, tels que les exécuteurs, fiduciai- res ou usufruitiers perpétuels, ou par les détenteurs d'un intérêt partiel sur lesdits biens, tels les partenaires, ou les personnes ayant autorité, tels les dirigeants d'une compagnie en désaccord sur l'exercice des pouvoirs également partagés. Pour tous les cas de la deuxième catégorie, il est nécessaire d'alléguer et de prouver du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Celle-ci agit prudemment dans l'exercice de ce pouvoir et est régie par l'ensemble des circonstances. Nulle règle positive et constante ne peut être rétablie pour déterminer si la Cour interviendra ou non dans cette protection intérimaire des biens.
On a également fait mention de l'arrêt Oldfield c. Cobbett, 4 L.J. Ch. 271 le Maître des rôles
déclare à la page 272:
[TRADUCTION] Il s'agit de savoir s'il n'est pas du devoir de la Cour d'empêcher que les biens passent aux mains de ce défen- deur: et je suis d'avis que les circonstances autorisent ici la Cour à mettre ces dits biens en lieu sûr.
Il est vrai que dans cette affaire l'exécuteur avait mauvaise réputation, ayant déjà donné lieu à plu- sieurs jugements et condamnations, alors que rien ici ne permet de douter de l'excellente réputation et de la probité des fiduciaires, mais en dépit de cela, il semble que les circonstances permettent à la Cour de retenir les fonds en vue de leur distribu tion aux créanciers canadiens détenteurs d'un
jugement.
De plus The Judicature Act 5 de l'Ontario con- tient un article qui prévoit entre autres:
[TRADUCTION] 19.—(1) Un mandamus ou une injonction peuvent être accordés ou un séquestre judiciaire peut être nommé par une ordonnance interlocutoire de la Cour, dans tous les cas la Cour est d'avis qu'il serait juste et convenable de le faire, et si une demande d'injonction est présentée avant ou après l'audition de toute affaire ou cause, visant à prévenir toute perte ou violation de propriété, l'injonction peut être accordée, que la personne concernée soit ou non en possession, en vertu d'une réclamation de titre ou autre, ou si elle n'est plus possesseur, qu'elle réclame ou non le droit de poser l'acte qu'on veut lui refuser de faire en s'appuyant sur un droit non vérifié, et que la propriété réclamée par les parties ou l'une d'entre elles soit légale ou en equity.
Des séquestres ont été nommés en Ontario avant l'aboutissement du procès dans Gooderham c. Toronto and Nipissing Railway Co. (1880) 8 Ontario Appeal Reports 685, General Host Corp. c. Chemalloy Minerals Ltd. [1972] 3 O.R. 142 et Wahl c. Wahl [N° 2] [1972] 1 O.R. 879 (voir les pages 889-891).
5 S.R.O. 1970, c. 228.
Bien que j'hésite à ordonner que l'on retire aux fiduciaires de la Penn Central Transportation Company le produit de la vente des actions, détenu par cette dernière, pour le confier à un séquestre judiciaire qui sera désigné, cela s'impose à moins que les fiduciaires ou autres personnes intéressées n'obtiennent une modification de l'ordonnance du juge Fullam de façon à la préciser, de sorte qu'elle leur permette de garder les fonds en fidéicommis au Canada, et qu'ils acceptent de le faire, ou, s'ils décidaient de les transporter aux États-Unis, qu'ils fournissent un cautionnement de $3,400,280 approuvé par cette cour pour satisfaire à toutes réclamations des créanciers canadiens confirmées par jugement ou arbitrage ou admises par les fiduciaires et approuvées par cette cour.
J'invite les parties à se prononcer sur la nomina tion d'un séquestre judiciaire convenable et sur les conditions à établir, ladite nomination devant se faire au plus tard le 26 novembre 1976, date à laquelle a été reportée la vente des susdites actions. Les dépens de la demande suivront le sort de la cause.
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