T-2934-76
International Marine Banking Co. Limited
(Demanderesse)
c.
Le pétrolier Dora et Abyreuth Shipping Company
Limited (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Collier—
Montréal, le 7 mars; Toronto, le 21 mars 1977.
Droit maritime — Requête visant à obtenir une décision sur
un point de droit — Collocation de la réclamation de la
demanderesse pour le mazout au même rang que les dépenses
du prévôt — Le produit de la vente du navire, ajouté comme
défendeur dans l'intitulé de la cause.
REQUÊTE.
AVOCATS:
G. Vaillancourt pour la demanderesse Inter
national Marine Banking.
M. Nadon pour Trans-Asiatic Oil Ltd., S.A.
PROCUREURS:
Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau-
dreau, Québec, pour la demanderesse Interna
tional Marine Banking.
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac -
Kell & Clermont, Montréal, pour Trans-Asi-
atic Oil Ltd., S.A.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Par sa requête en date du 23
février 1977, International Marine Banking Co.
Ltd. demande une décision sur un point de droit.
Des remarques préliminaires s'imposent. L'intitulé
de la requête diffère de celui ci-dessus.
La demanderesse en l'espèce a saisi le pétrolier
Dora le 27 juillet 1976. Le 8 septembre 1976, L. J.
Daoust, administrateur de cette cour à Montréal,
a, par ordonnance spéciale, été nommé prévôt pour
la vente du navire et ce n'est que le 20 septembre
1976 qu'il en a pris possession. Le prix de vente du
navire s'est élevé à $6,650,000 et la remise en
possession de l'acheteur par le prévôt a pris effet le
29 octobre 1976.
Conformément aux dispositions de la commis
sion de vente, la demanderesse et six autres créan-
tiers ont déposé leurs réclamations contre le
navire. Le 26 novembre 1976 cette cour a décidé
que chaque réclamant devait produire une déclara-
tion, se désigner demandeur et désigner défendeurs
les autres réclamants; chacun devait exposer sa
réclamation et sa revendication quant à son rang
de créancier privilégié. Les procédures devaient se
poursuivre par voie de défense etc. tout comme les
actions ordinaires intentées en vertu des disposi
tions des Règles de cette cour. Aucune directive ne
prévoyait qu'on devait ajouter le navire ou ses
propriétaires comme parties défenderesses ni que
l'action devait également être intentée contre «Le
produit de la vente du pétrolier Dora». (Voir la
Règle 1002(2)e) pour cette dernière description. 1 )
Pour des fins administratives il a été décidé que
toutes ces plaidoiries seraient déposées sous le seul
numéro du greffe susmentionné. Suite à cette
ordonnance il n'y a eu qu'une seule action princi-
pale (T-2934-76) entre un demandeur et un défen-
deur, et sept sous-actions (à défaut d'un terme plus
précis) portant le même numéro du greffe. En
l'espèce, l'intitulé de cette sous-action est:
ENTRE:
TRANS-ASIATIC OIL LTD., S.A.
Demanderesse
ET
INTERNATIONAL MARINE BANKING CO. LTD.,
et
ALHOUTYAM HAFIA LTD.,
et
SHELL INTERNATIONAL PETROLEUM CO. LTD.,
et
DREW AMEROID INTERNATIONAL CORPORATION,
et
HITACHI SHIPBUILDING AND ENGINEERING CO. LTD.,
et
THE LONDON STEAM-SHIP OWNERS MUTUAL INSURANCE
ASSOCIATION LIMITED,
Défenderesses.
Dans la requête qui m'est présentement soumise,
la requérante est International Marine Banking
Co. Ltd., une des défenderesses. L'intimée est la
demanderesse Trans-Asiatic Oil Limited, S.A. Les
autres défenderesses à cette sous-action n'ont pas
I Pour la signification de la déclaration dans une action in
rem portant sur le produit de la vente consigné au tribunal, voir
la Règle 1002(5)a).
produit de défense à la déclaration de la demande-
resse Trans-Asiatic. En substance le point de droit
consiste à déterminer la collocation de la demande-
resse dans sa réclamation contre le navire.
J'ai accepté de trancher ce point de droit avant
le procès, en m'appuyant sur certains faits admis.
Pour les fins de cette requête on admet les para-
graphes 2, 3, 4, 5, 6 et 8 de la déclaration dans la
sous-action. La date de la saisie du navire, de la
prise de possession par le prévôt et de sa vente sont
de notoriété. Voici brièvement les faits admis:
La demanderesse avait affrété le Dora de ses
propriétaires disposants. Ces derniers avaient cédé
leurs droits au propriétaire nommé dans l'intitulé
de l'action principale. Conformément aux termes
de la charte-partie la demanderesse a accepté de
fournir le carburant nécessaire et d'en assumer le
paiement. A l'expiration de la charte-partie, le
propriétaire a accepté de payer tout le mazout à
bord du navire. Au moment de la saisie par la
requérante, le mazout à bord du Dora avait été
fourni par la demanderesse et payé par elle. Il est
admis que depuis le 27 juillet 1976, date de la
saisie par la requérante, jusqu'à la date de la vente,
le mazout fourni par la demanderesse et payé par
elle, a servi à l'entretien du Dora et «... était
nécessaire à sa conservation pendant la saisie».
Aux dires des parties, les quantités de mazout
consommées au cours des périodes qui nous inté-
ressent et décrites ci-après, peuvent facilement être
vérifiées:
(a) Du 27 juillet au 20 septembre 1976—saisie jusqu'à la
prise de possession par le prévôt.
(b) Du 20 septembre 1976 jusqu'au 28 octobre 1976 (inclu-
sivement)—durée de la possession du navire par le prévôt.
Toutes les parties et tous les créanciers ont
consenti à un jugement accordant $14,961.35 à
Trans-Asiatic, pour la valeur du mazout restant à
bord du navire après la vente. Le jugement sera
satisfait à même le produit de la vente. 2
Passons maintenant aux prétentions émises sur
le point de droit.
Trans-Asiatic soutient que la valeur du mazout
consommé entre la date de la saisie initiale et la
date de la vente représente une créance privilégiée
au même titre qu'une dépense encourue par le
prévôt pour saisir le navire et le garder en lieu sûr.
Il ne faudrait pas faire de distinction, dit-on, entre
la période antérieure et postérieure à la possession
du prévôt; la consommation du mazout qu'elle a
fourni assurait, de l'avis de tous, la conservation du
navire pour le bénéfice reconnu de tous les créan-
ciers, y compris le créancier hypothécaire.
Le créancier hypothécaire soumet plusieurs
réponses. Pour la première période, dit-il, le carbu-
rant ne peut être colloqué au même rang que les
dépenses du prévôt, celui-ci n'ayant pas possession
du navire à cette époque; on ne peut conclure que
le prévôt aurait nécessairement encouru cette
dépense ou que dans les circonstances, il aurait
accepté de rembourser Trans-Asiatic pour le car-
burant consommé; le mazout s'y trouvait fortuite-
ment en raison des ententes contractuelles préexis-
2 Lors de la demande visant la nomination d'un prévôt et la
permission de faire évaluer et vendre le navire, le juge en chef
adjoint a prévu les problèmes actuels. Il s'exprime ainsi aux
pages 3 et 4 de ses motifs du jugement en date du 7 septembre
1976:
[TRADUCTION] Quant au mazout, il m'apparaît que, dans
la mesure où il est consommé entre la prise de possession et
la vente du navire par le prévôt, sa valeur doit être considérée
comme faisant partie des frais d'entretien engagés par le
prévôt, mais il est trop tôt pour se prononcer sur cette
question. Dans cette mesure et si l'affréteur établit qu'il est
propriétaire du mazout, sa réclamation peut être portée
contre le prévôt pour le mazout que celui-ci a utilisé. Dans
cette éventualité, sa réclamation pourra être examinée en
même temps que les réclamations sur le produit de la vente.
La réclamation portant sur le mazout consommé entre la
saisie et la prise de possession du navire par le prévôt doit,
elle aussi, attendre que soit confirmé le droit de l'affréteur à
en recouvrer le coût sur le produit de la vente du navire.
Même en ce qui concerne le mazout restant dans les réser-
voirs au moment de la vente, il m'apparaît qu'on ne peut
présumer de la réponse à la question de savoir qui en est le
propriétaire et cette question ne peut également être tranchée
avant l'examen des réclamations sur le produit de la vente.
Pour ce qui est du mazout restant dans les réservoirs du
navire au moment de sa vente, il se peut que le courtier
maritime estime à propos de lancer un appel d'offres en
espérant que l'adjudicataire aura offert un montant se rap-
prochant davantage du prix courant de ce mazout à Québec.
tantes entre Trans-Asiatic et les propriétaires; la
consommation partielle à la demande des person-
nes responsables du navire, après l'obtention d'un
mandat de saisie, ne peut transformer une créance
éventuelle contre ces personnes en un privilège
traité au même rang que ce que nous désignons
familièrement par «frais du prévôt».
Je suis d'accord avec ces affirmations générales,
et je n'ai pas à formuler d'autres raisons. Selon
moi, Trans-Asiatic n'a établi aucun droit contre le
navire, d'autres créanciers ou sur le produit de la
vente lui donnant droit à un privilège au même
rang que celui du prévôt pour les dépenses qu'il a
encourues pour prendre possession du navire, le
garder en sûreté pendant la saisie et le vendre. La
saisie ne donne pas ipso facto un privilège de
premier rang aux propriétaires ou aux fournisseurs
d'approvisionnements du navire.
Passons maintenant à la période pendant
laquelle le prévôt était en possession du navire et
en avait la garde. Le créancier hypothécaire admet
que le mazout fourni par Trans-Asiatic a été con-
sommé par le navire pendant cette période et que
l'approvisionnement en carburant et sa consomma-
tion s'imposaient. Je conclus en outre que c'était
pour le bénéfice de tous les créanciers y compris le
créancier hypothécaire. Ce dernier s'oppose à la
reconnaissance d'un privilège principalement parce
que le prévôt n'a jamais permis, ni expressément ni
implicitement, la consommation de mazout; il n'a
pas ordonné que le pourvoyeur, Trans-Asiatic, soit
payé ou remboursé; ses mémoires de frais présen-
tés pour taxation n'incluent pas le prix du mazout
consommé. On s'est appuyé sur deux décisions du
juge Noël: Pelchat c. N.M. Morrisburg et al
#379—Cour de l'Échiquier—(17 septembre 1970,
non publiée) et Canadian Vickers Limited c.
Atlantean I #1741—Cour de l'Échiquier—(22 jan-
vier 1971, non publiée). A mon avis ces affaires
sont tout à fait différentes de la présente.
Les remarques du juge Walsh dans «Evie W»
#1327—Cour de l'Échiquier—(27 janvier 1970,
non publiée) sont beaucoup plus appropriées. Il
devait juger de la préséance d'une réclamation
pour carburant fourni à un navire sous saisie et en
la possession du prévôt. Je cite un extrait de la
page 38:
[TRADUCTION] Cette réclamation provient de la fourniture
de carburant nécessaire à un navire, entre le 28 novembre 1967
et le 23 janvier 1968, subséquemment à sa saisie et préalable-
ment à sa vente. Si le prévôt avait commandé ledit carburant et
si on lui avait présenté la réclamation, il aurait pu l'inclure à
bon droit dans les dépenses encourues pour saisir et vendre le
navire. Il semblerait qu'on a continué les livraisons de carbu-
rant après la saisie et qu'elles étaient essentielles à la conserva
tion du navire vu l'hiver rigoureux qui sévissait à ce moment-là,
ce qui assurait la conservation de la garantie du créancier
hypothécaire. Tel que le déclare Halsbury's Laws of England,
la question de la priorité d'un privilège sur un autre s'appuie
sur «le principe qu'il faut rendre justice à chaque partie dans les
circonstances particulières de chaque cas et non sur l'applica-
tion d'une règle rigide». Je donnerais donc priorité à la réclama-
tion de Golden Eagle Canada Ltd. sur l'hypothèque.
En l'instance, il m'apparaît évident que ni le
prévôt, ni la requérante, ni l'intimée n'a en aucun
temps soulevé la question de la fourniture de
mazout pour le Dora ou de l'utilisation et du
paiement du carburant déjà à bord. En equity cela
n'est pas fatal pour la réclamation de Trans-Asi-
atic. Le navire avait besoin du carburant et devait
l'utiliser. La source logique d'approvisionnement
était celle qui se trouvait déjà à bord. Si la ques
tion lui avait été soumise, le prévôt aurait sans
doute formellement permis l'utilisation du carbu-
rant et le paiement à l'ayant droit. Il aurait alors
inclus ce montant dans son compte et ses frais.'
Je conclus donc que la valeur raisonnable du
mazout consommé par le Dora entre le 20 septem-
bre 1976 et le 28 octobre 1976 a, sur les produits
de la vente, un privilège de même rang que les
dépenses du prévôt.
Il appert, je crois, de ces motifs, que je n'accepte
pas vraiment le libellé particulier de la requête de
la requérante sur le point de droit. Je suis d'avis
qu'il devrait se lire comme suit:
Peut-on colloquer sur les produits de la vente du navire la
totalité ou une partie de la valeur raisonnable du mazout
consommé par le pétrolier Dora entre le 26 juillet 1976 et le 28
octobre 1976 au même rang que les dépenses encourues par le
prévôt?
Ma réponse sera telle que je l'ai indiquée
précédemment.
3 Après le dépôt de la déclaration de Trans-Asiatic, on a
demandé au prévôt d'inclure dans ses frais la valeur du carbu-
rant consommé entre le 27 juillet et le 20 septembre. Ce dernier
a, avec raison, refusé de ce faire, invoquant qu'au point où en
était l'affaire, la question devait être tranchée par la Cour.
C'est à dessein que je me suis abstenu de décla-
rer que l'intimée Trans-Asiatic a le droit de
demander et d'obtenir préséance. Dans cette
requête, il semble qu'on ait pris pour acquis, si on
ne l'a pas de fait admis, que Trans-Asiatic était le
propriétaire légal du carburant consommé. Cela ne
me semble pas découler des admissions ni de la
charte-partie. On peut opposer qu'à la livraison, les
titres sur l'huile ont été transférés aux propriétai-
res. Je ne me prononce pas sur cette question. La
décision formelle ne parlera donc pas de propriété
ni de droit. Les parties concernées et les deman-
deurs réussiront peut-être à s'entendre.
Pour que le jugement dans cette affaire soit
exécutoire, une modification de l'intitulé de cette
sous-action s'impose. J'ordonne que l'on ajoute
comme défendeur «Le produit de la vente du pétro-
lier Dora» 4 , qui devra figurer dans l'intitulé de
toutes les procédures à venir.
Vu les résultats partagés sur cette requête je
n'accorde aucuns frais.
° J'estime que les autres demandeurs devraient, dans leurs
actions respectives et au moment convenable, demander des
modifications semblables.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.