Martine Husson (Requérante)
c.
Roland Laplante (Intimé)
et
Guy Boucher, Léo Desjardins et le sous-procureur
général du Canada (Mis-en-cause)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Québec, les 7 et 17 février 1977.
Compétence — Assurance-chômage — La requérante a-
t-elle le droit de formuler une demande d'examen en vertu de
l'art. 28 si d'autres voies d'appel lui sont encore ouvertes?
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48,
art. 95 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c.
10, art. 28 et 29 — Règle 1100 de la Cour fédérale.
L'intimé et les mis-en-cause invoquent la Règle 1100 et
demandent que l'action de la requérante, introduite en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, soit rejetée au motif
que la requérante n'a pas épuisé les voies d'appel prévues par la
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage et que le Parlement n'a
pu avoir l'intention d'accorder deux formes subsidiaires d'appel.
Arrêt: la demande de rejet est refusée. A la lumière de
l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, le mot «décision.
contenu à l'article 28 réfère seulement à des décisions finales et
la Cour n'a pas la discrétion de refuser d'exercer la compétence
que lui accorde l'article 28.
DEMANDE de rejet des procédures.
AVOCATS:
Nicole Thivierge pour la requérante.
Jean-Marc Aubry pour l'intimé et les
mis-en-cause.
PROCUREURS:
Nicole Thivierge, Cabano (Québec), pour la
requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé et les mis-en-cause.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: L'intimé et les mis-en-cause
invoquent la Règle 1100 et demandent que les
procédures introduites par la requérante en vertu
de l'article 28 soient sommairement rejetées.
La requérante était en chômage et prétendait
avoir droit, en vertu de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage', à des prestations que la Commis
sion refusa de lui payer. Elle interjeta appel du
refus de la Commission devant un Conseil Arbi-
tral. Le Conseil rejeta unanimement l'appel. La
r requérante aurait alors pu, suivant l'article 95 de
la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, demander
au président du Conseil la permission d'interjeter ,
appel devant un juge-arbitre. Ignorant cette possi.'
bilité d'appel, la requérante s'est prévalue de Parti-
r 28 de la Loi sur la Cour fédérale 2 et a intro-
duit devant cette cour une demande visant à faire
annuler la décision du Conseil Arbitral. C'est cette
demande faite en vertu de l'article 28 que l'intimé
et les mis-en-cause veulent aujourd'hui faire reje-
ter. Ils prétendent que cette demande est prématu-
rée puisqu'elle a été faite avant que la requérante
n'ait épuisé les voies d'appel qui lui étaient ouver-
tes en vertu de la Loi de 1971 sur
l'assurance- chômage.
Il est constant que la décision du Conseil Arbi-
tral qui est attaquée par la requérante en est une
que cette cour, si on s'en tient à la lettre de
l'article 28, a le pouvoir de réviser. Si, malgré cela,
l'intimé et les mis-en-cause soutiennent que l'arti-
cle 28 n'en permet pas la révision, c'est qu'ils
considèrent inutile et anormal qu'une même déci-
sion puisse être attaquée à la fois par le moyen
d'un appel et par le biais de l'article 28. Le
législateur, disent-ils, n'a pu vouloir pareil-résultat.
Il est peut-être anormal, que celui qui veut faire
réformer la décision d'un Conseil Arbitral puisse
ignorer le processus d'appel prévu par la loi et
saisir immédiatement la Cour d'appel fédérale en
vertu de l'article 28. Mais cela me paraît bien être
ce qu'a voulu le législateur. La juridiction de la
Cour d'appel, en vertu de l'article 28, s'étend à
t toutes les décisions des tribunaux fédéraux sauf
aux décisions de nature administratives qui ne sont
pas légalement soumises à un processus judiciaire
ou quasi judiciaire. En présence de l'article 29, il
est impossible, à mon sens, de dire que re mot
décision dans l'article 28 réfère seulement à des
décisions définitives qui ne sont pas susceptibles
d'appel. La juridiction de la Cour en vertu de
l'article 28 s'étend donc aux décisions qui sont
susceptibles d'appel comme à celles qui ne le sont
S.C. 1970-71-72, c. 48.
2 S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10.
pas. Et cette juridiction, la Cour, à mon avis, est
tenue de l'exercer dès lors qu'on lui demande de le
faire puisque la loi ne lui accorde à cet égard
aucune discrétion.
Pour ces motifs, je rejetterais la requête présen-
tée par l'intimé et les mis-en-cause.
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je suis d'accord.
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