T-2278-74
Alaska Trainship Corporation, Pacific Maritime
Agencies Limited et le navire S.S. Alaska
(Demandeurs)
c.
L'Administration de pilotage du Pacifique, la
Reine et le procureur général du Canada
(Défendeurs)
Division de première instance, le juge Gibson—
Vancouver, les 21, 22, 23, 24 et 25 février; Ottawa,
le 6 juin 1977.
Droit maritime — Juridiction — Règlement de l'Adminis-
tration de pilotage du Pacifique concernant le pilotage obliga-
toire dans les zones de pilotage obligatoire — Exemption ou
dispense d'utilisation de pilote dans la zone — Immatricula-
tion au Canada ou aux Etats-Unis comme condition préalable
— Navire d'immatriculation libérienne faisant route sans
pilote — Cabotage ordinaire Demandeurs cherchant à
obtenir un jugement statuant que l'Administration a rendu un
règlement ultra vires — Dans une action distincte, l'Adminis-
tration demande paiement des droits de pilotage conformément
au règlement — Par demande reconventionnelle, le navire, le
propriétaire et l'équipage demandent le remboursement des
sommes versées au titre des services de pilotage, antérieure-
ment à l'approbation du Règlement Règlement sur le
pilotage dans la région du Pacifique, DORS/73-354,
DORS/74-242, art. 9 et 10 — Loi sur le pilotage, S.C.
1970-71-72, c. 52, art. 12, 14, 34, 43.
Les demandeurs exploitent une entreprise de transport mari
time de marchandises embarquées à New Westminster (Colom-
bie-Britannique) à destination de l'Alaska. Le navire S.S.
Alaska n'avait pas de pilote autorisé dans une zone de pilotage
obligatoire où la sécurité publique n'était pas compromise, et
l'Administration de pilotage du Pacifique a demandé le paie-
ment des frais de pilotage comme si le service avait été effecti-
vement rendu, conformément à son règlement. Le navire n'a
pas satisfait à une condition préalable,—à savoir l'immatricula-
tion au Canada ou aux États-Unis—de la dispense des règle-
ments relatifs au pilotage obligatoire. En outre, le capitaine du
navire et les officiers de pont ne pouvaient pas être des pilotes
brevetés par règlements et, subséquemment, par une décision de
la Guilde de la marine marchande du Canada à laquelle ils
appartenaient. Les demandeurs cherchent à obtenir un juge-
ment déclaratoire statuant que le Règlement de l'Administra-
tion est ultra vires, en tout ou en partie. A titre de demande-
resse dans une autre action, l'Administration réclame des droits
de pilotage relatifs à une période postérieure à l'approbation
des règlements sur le pilotage obligatoire. Par demande recon-
ventionnelle, le navire, ses propriétaires et l'équipage réclament
le remboursement de droits payés sans qu'aucun service de
pilotage soit effectivement rendu, durant une période antérieure
à l'approbation du Règlement, mais postérieure à l'octroi de
l'autorisation pour rendre ledit règlement, pour les motifs que
lesdits droits auraient été versés par suite d'une erreur de droit
relative aux circonstances, ce qui, d'après la jurisprudence,
permettrait leur recouvrement.
Arrêt: dans les deux actions, il est jugé que l'insertion des
expressions «immatriculés au Canada» ou «immatriculés aux
États-Unis», dans les articles 9 et 10 du Règlement, est ultra
vires du pouvoir de l'Administration de pilotage du Pacifique,
tel que ce pouvoir lui a été délégué par l'article 14 de la Loi sur
le pilotage. Le jugement peut aussi être rendu, dans les deux
actions, pour d'autres déclarations attestant: (1) que les pilotes
membres de l'Administration de pilotage du Pacifique étaient
en situation de conflit d'intérêts, au sens d'équité du terme,
lorsqu'ils ont participé à la rédaction et à l'adoption du Règle-
ment, et ne se sont disculpés de ce conflit d'intérêts à aucun
moment pertinent; (2) que l'Administration, en insérant dans
les articles 9 et 10 les termes prévoyant le pavillon du navire,
n'a pas été motivée par l'objet public de sécurité au sens de
l'article 12 de la Loi sur le pilotage, mais plutôt par le désir de
procurer un bénéfice matériel aux pilotes, ses adhérents; (3)
que le S.S. Alaska, dans les parcours où il voyageait sans pilote
de l'Administration à son bord, n'a constitué aucune menace
pour la sécurité au sens de l'article 12 de la Loi sur le pilotage;
(4) que l'Administration, en incluant lesdites expressions dans
le règlement, a transgressé les intentions du Parlement voulant
que certains navires, qui ne présentent aucune menace pour la
sécurité de la navigation au sens de l'article 12, soient exemptés
du pilotage obligatoire, par les méthodes de l'exemption ou de
la dispense prescrites dans la Loi sur le pilotage. (La Guilde de
la marine marchande du Canada, en interdisant à ses membres
de demander l'octroi d'un certificat de pilotage, a pareillement
transgressé l'intention du législateur.)
Autre arrêt: la réclamation des droits de pilotage par l'Admi-
nistration est rejetée. L'article 34 de la Loi sur le pilotage vise
le statut des navires, et il est fondé sur la prémisse qu'un
règlement a été édicté en vertu des dispositions de ladite loi.
Ledit article vise bien l'Administration de pilotage qui a édicté
et approuvé ledit règlement avant l'entrée en vigueur de l'arti-
cle. L'Administration de pilotage du Pacifique n'ayant édicté
aucun règlement avant le 9 avril 1974, la partie de sa réclama-
tion relative aux droits de pilotage encourus avant le 31 mars
inclus est sans fondement. Il en va de même des droits encourus
en avril 1974, en raison du jugement déclaratoire ultra vires.
Autre arrêt: la demande reconventionnelle est rejetée. Par
l'article 43(1) de la Loi sur le pilotage, le Parlement a expres-
sément remédié à la situation dans laquelle le paiement des
droits n'est pas obligatoire. Ce paragraphe déclare que tous
règlements y mentionnés et édictés en vertu des dispositions
pertinentes de la Loi sur la marine marchande du Canada
«sont, à toutes fins, censés avoir été ... établis en application
d'une loi du Parlement du Canada qui donnait pouvoir de les
établir».
Arrêt critiqué: Regina c. Cec, non publié, rendu par le juge
N. Mussallem, Cour provinciale de la Colombie-Britanni-
que, Vancouver, en date du 16 mai 1973. Arrêt suivi:
Eadie c. The Corporation of the Township of Brantford
[1967] R.C.S. 573. Arrêt appliqué: Landreville c. La
Reine [1973] C.F. 1223.
ACTION.
AVOCATS:
D. A. Hogarth, c.r., pour les demandeurs.
W. O'Malley Forbes pour la défenderesse,
l'Administration de pilotage du Pacifique.
G. Donegan pour les défendeurs, la Reine et le
procureur général du Canada.
PROCUREURS:
Hogarth, Oliver, Hughes & Drabik, New
Westminster pour les demandeurs.
Owen, Bird, Vancouver, pour la défenderesse,
l'Administration de pilotage du Pacifique.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs, la Reine et le procureur géné-
ral du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE GIBSON: La présente action et une
autre action ont été jugées sur preuve commune.
En l'espèce, les demandeurs réclament un juge-
ment déclaratoire portant que le Règlement sur le
pilotage dans la région du Pacifique, approuvé par
le gouverneur en conseil le 9 avril 1974,
DORS/74-242 (pièce P-1), est dans son ensemble
ultra vires, ou subsidiairement que son sous-alinéa
9(2)a)(iii) et son alinéa 10(1)a) le sont. Dans
l'autre action (numéro du greffe T-2093-74), l'Ad-
ministration de pilotage du Pacifique, demande-
resse, réclame des droits de pilotage de $10,780.54
au navire S.S. Alaska, à Alaska Trainship Corpo
ration et à Pacific Maritime Agencies Limited,
défendeurs; et lesdits défendeurs présentent une
demande reconventionnelle pour le remboursement
de $74,247.66, montant versé à l'Administration
de pilotage du Pacifique à titre de droits de pilo-
tage de cet ordre. Ils prétendent que ce paiement a
été effectué en raison d'une erreur de droit
mutuelle et dans des circonstances où la jurispru
dence autorise la récupération.
Ces actions ont été motivées par la position
adoptée par les propriétaires et les exploitants du
navire S.S. Alaska, qui soutiennent que ce navire
n'est pas tenu de se conformer à certaines des
dispositions relatives au «pilotage obligatoire» et
plus particulièrement aux «zones de pilotage obli-
gatoire» prescrites par le Règlement édicté par
l'«Administration de pilotage du Pacifique», en
vertu des pouvoirs que lui confère l'article 14 de la
Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52.
L'«Administration de pilotage du Pacifique» ne
prévoit dans ledit règlement ni «exemption» ni
«dispense» de «pilotage obligatoire» qui permette
au S.S. Alaska d'obtenir une exemption dans une
certaine partie de la «zone de pilotage obligatoire»;
et, en outre, pour des raisons que je commenterai
plus tard, il a été impossible à tout «membre
régulier de l'effectif [de]» (ce navire) (voir l'article
16 de la Loi) d'obtenir un «certificat de pilotage»
(voir l'article 2j) de la Loi) pour la zone de
pilotage obligatoire pertinente, de manière à être
exempté dudit «pilotage obligatoire» par ce biais.
En outre, le S.S. Alaska s'est vu refuser certains
autres moyens d'éliminer ses problèmes afférents
au Règlement sur le pilotage obligatoire, comme il
le prétend dans les présentes actions, parce qu'à
toutes fins pratiques, il ne pouvait pas être imma-
triculé au Canada ni aux Etats-Unis, comme l'in-
dique le rapport (pièce P-54) en date du 2 janvier
1974, de John J. Mahoney commissaire nommé
par le ministre des Transports, en vertu de l'article
14(5) de la Loi sur le pilotage, pour enquêter sur
des projets de règlement proposés en 1973 par
l'Administration de pilotage du Pacifique:
[TRADUCTION] Le s.s. «ALASKA» a été construit au Japon. Il
appartient à une compagnie américaine et a été financé par
l'entremise d'une agence du gouvernement américain. Toute-
fois, en raison de sa construction à l'étranger, il ne pouvait pas
être immatriculé aux États-Unis et l'a donc été au Libéria. Vu
la participation financière du gouvernement américain, le capi-
taine du navire doit obligatoirement être citoyen des États-
Unis; les autres officiers de pont et l'équipage sont canadiens.
Le S.S. Alaska a eu recours aux pilotes
employés par l'Administration de pilotage du Paci-
fique sur le fleuve Fraser, où se trouve une partie
des zones de pilotage obligatoire de cette région,
mais les propriétaires et exploitants du navire ont
refusé les services de ces pilotes dans une autre
partie, les eaux libres situées entre l'île de Vancou-
ver et la partie continentale de la Colombie-Bri-
tannique, plus particulièrement de Pine Island à
Sand Heads et retour.
En l'espèce, la sécurité du public, visée par
l'article 12 de la Loi sur le pilotage, n'est pas en
cause, car elle n'exige pas en l'occurrence que le
S.S. Alaska ait des pilotes à son bord. Si les
propriétaires et exploitants du navire étaient obli-
gés de recourir à cette mesure sur ce parcours, il
leur en coûterait annuellement de $200,000 et
$250,000. Par contre, ur}e telle exigence aurait un
résultat pratique, d'ordre privé: elle procurerait
aux pilotes un bénéfice matériel appréciable. Il
s'ensuit donc que la présence obligatoire de pilotes
à bord sur ces parcours, loin d'être bénéfique pour
le public ou pour les propriétaires et exploitants du
navire, serait inutile et fort coûteuse.
Dans les présentes actions, on a invoqué un
autre bénéfice public qu'on pourrait obtenir en
aidant le S.S. Alaska, ainsi que es propriétaires et
exploitants, à continuer leurs activités de façon
économiquement viable. Ce bénéfice public,
c'est-à-dire le maintien de l'exploitation du navire
dans la région du Pacifique, profiterait de façon
constante au Canada et plus spécialement à la ville
de New Westminster (Colombie-Britannique). Il
en serait ainsi parce que ledit navire fait depuis un
certain temps déjà la navette entre les ports de
New Westminster et de Whittier (Alaska). La
plupart des marchandises qu'il transporte provien-
nent des É.-U. et y sont envoyées, mais il est
chargé à New Westminster. Cette ville est donc, à
toutes fins pratiques, son port d'attache. Il s'y
fournit en approvisionnement et en carburant et
achète aux fournisseurs locaux les autres articles et
services dont il a besoin. Comme M. Mahoney le
déclare dans son rapport: [TRADUCTION] «Le
navire contribue de toute évidence au bénéfice
économique du Canada, sans concurrencer pour
autant son industrie. Il ne constitue aucune
menace pour la sécurité.»
Néanmoins, l'Administration de pilotage du
Pacifique affirme que ceux de ses règlements en
cause sont intra vires, que le S.S. Alaska doit
prendre des pilotes à bord pour ses parcours dans
ladite partie et que les propriétaires et exploitants
(qui soutiennent le point de vue contraire) sont
redevables des droits de pilotage réclamés.
Récapitulons donc: a) les présentes actions com-
portent les deux motifs d'intérêt public suivants:
(1) le Règlement édicté par l'Administration de
pilotage du Pacifique entre-t-il dans les objets et
intentions pour lesquels la Loi a créé ladite admi
nistration et lui a enjoint «d'établir, de faire fonc-
tionner, d'entretenir et de gérer, pour la sécurité de
la navigation, un service de pilotage efficace dans
... [sa] région», comme le prescrit l'article 12 de
la Loi sur le pilotage; et (2) convient-il de mainte-
nir le bénéfice économique dont jouit le port de
New Westminster en faisant tout ce qui est possi
ble, mais non contraire à la loi en général, à
l'intérêt public et aux objets et intentions de l'arti-
cle 12, en particulier, pour faciliter une exploita
tion continue économiquement viable du S.S.
Alaska par ses propriétaires et exploitants à partir
du port de New Westminster; b) les présentes
actions poursuivent les deux buts privés suivants:
(1) le bénéfice matériel des pilotes dans les zones
de pilotage obligatoire établies par l'Administra-
tion de pilotage du Pacifique, et (2) la viabilité
économique continue du service fourni par les
propriétaires et exploitants du S.S. Alaska dans
les eaux qui séparent les ports de New Westmin-
ster et de Whittier (Alaska).
Bien que l'Administration de pilotage du Pacifi-
que ait été créée par la Loi sur le pilotage, S.C.
1970-71-72, c. 52, et soit entrée en vigueur le 30
juin 1971, ce n'est que le 26 juin 1973 qu'a été
édicté le Règlement, DORS/73-354, (pièce P-3)
qui ne prescrit qu'une seule zone de pilotage obli-
gatoire dans la région sous le contrôle de l'Admi-
nistration de pilotage du Pacifique et ce n'est que
le 9 avril 1974 (voir pièce P-1 (DORS/74-242))
que l'Administration susdite a édicté, en vertu des
pouvoirs que lui confère l'article 14 de la Loi sur le
pilotage un Règlement (autre que le Règlement,
pièce P-3 (DORS/73-354)) relatif aux objets et
intentions dudit article.
A ce sujet aussi, il convient de noter que du 1e`
février 1974 au 9 avril 1974 il n'y a eu aucun
règlement (autre que le Règlement, pièce P-3,
établissant une zone de pilotage obligatoire),
édicté en vertu de l'article 14 de la Loi sur le
pilotage, ni de règlement transitoire adopté en
vertu de la Loi sur la marine marchande du
Canada, S.R.C. 1970, c. S-9. De 1971 au 1"
février 1974, les lois adoptées, chaque année, par le
Parlement ont prolongé les anciens règlements
édictés en vertu des pouvoirs conférés par la Loi
sur la marine marchande du Canada. La dernière
de ces lois, S.C. 1973-1974, c. 1, a été sanctionnée
le 31 janvier 1973 et prolonge les règlements tran-
sitoires jusqu'au lei février 1974 seulement. En
voici les termes:
Loi modifiant la Loi sur le pilotage
[Sanctionnée le 31 janvier 1973]
Sa Majesté, sur l'avis et du consentement du Sénat et de la
Chambre des communes du Canada, décrète:
1. Le paragraphe 43(4) de la Loi sur le pilotage est abrogé
et remplacé par ce qui suit:
44) Tout règlement qui a été établi ou déclaré avoir été
établi par une autorité de pilotage telle qu'elle est définie
dans la Loi sur la marine marchande du Canada et tout
règlement établi en application de la Partie VII de cette loi et
en vigueur ou censé être en vigueur lors de l'entrée en
vigueur de la présente loi, demeurent exécutoires jusqu'au 1''
février 1974, moins d'être annulés par une Administration.»
C'est pertinent parce que, comme je l'indiquerai
ultérieurement dans ces motifs, le Règlement
édicté par l'Administration de pilotage du Pacifi-
que (pièce P-1 (DORS/74-242)) a été approuvé
par le gouverneur en conseil, le 9 avril 1974, sous
la pression de contraintes de temps. Le ministre
des Transports n'en a pas été satisfait, mais le
gouverneur en conseil l'a néanmoins approuvé,
d'après la preuve, parce qu'il a jugé préférable
d'avoir ce règlement plutôt que de n'en avoir
aucun, au cas où une affaire d'ordre public surgi-
rait dans la région du Pacifique et ce, même si
ledit règlement est sujet à caution et peut être
même déclaré un jour illégal.
De façon générale, en l'espèce, le S.S. Alaska,
ainsi que ses propriétaires et exploitants affirment
que les articles 9 et 10 du Règlement approuvé le 9
avril 1974 (pièce P-1) sont entièrement, ou au
moins en partie, ultra vires parce qu'ils ne visent
pas l'objet public prescrit par l'article 12 de la Loi
sur le pilotage et outrepassent les pouvoirs confé-
rés par l'article 14. Toutefois, ils ne prétendent pas
que l'autre objet public cité en preuve, c'est-à-dire
le bénéfice économique constant que le port de
New Westminster retire du fait que le parcours du
S.S. Alaska vers cette ville est rendu économique-
ment viable, serve à déterminer si ledit règlement
est ultra vires en tout ou en partie, et ce en dépit
de la grande importance qu'il revêt.
La Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52,
est entrée en vigueur le 30 juin 1971.
Avant son adoption, les dispositions législatives
régissant le pilotage étaient celles de la Loi sur la
marine marchande du Canada.
Avant son adoption également, une Commission
royale sur le pilotage, créée le 1" novembre 1962
(C.P. 1962-1575) a reçu mandat «de faire enquête
et de présenter un rapport sur les problèmes rela-
tifs au pilotage maritime au Canada ... et de
recommander les modifications [sur les questions
énoncées plus spécifiquement dans l'arrêté en con-
seil]» y afférent.
Cette commission royale a adressé au gouver-
neur en conseil un rapport en cinq parties, qui
comporte plusieurs volumes.
Le rapport traite à fond des lois et des pratiques
en matière de pilotage depuis 1867 et formule de
nombreuses recommandations visant la nouvelle
législation.
L'introduction générale au rapport, Titre I,
pages xxvii-xxviii, expose ce qui suit:
PLAN DU RAPPORT
Nous présentons le rapport en cinq titres dont chacun com-
prendra un volume ou un groupe de volumes distincts.
Le Titre I, étude de la législation, est une synthèse. Il attire
l'attention sur l'état actuel de la loi sur le pilotage (Partie VI de
la Loi sur la marine marchande du Canada) et des lois con-
nexes, juge de sa valeur à la lumière des conditions actuelles
qu'a révélées la preuve, et recommande les modifications fonda-
mentales qu'il y aurait lieu d'apporter à la loi, afin qu'elle
réponde aux exigences présentes et prévisibles du service de
pilotage. La seule exception faite dans cette revue générale de
la loi, concerne le pilotage sur les Grands lacs (Partie VIA de la
Loi sur la marine marchande du Canada) dont nous traitons au
Titre V du rapport. Les recommandations générales de la
Commission concernant les principes fondamentaux qui
devraient inspirer cette nouvelle législation, ainsi que certaines
réformes fondamentales que nous jugeons souhaitables d'appor-
ter à l'organisation de la structure du pilotage, apparaissent à la
fin du Titre I du rapport.
Le Titre II (Côte ouest et Churchill), le Titre III (Provinces
de l'Atlantique) et le Titre IV (Saint-Laurent) exposent les
faits constatés sur la situation du pilotage, dans chacune des 25
circonscriptions* de pilotage administrées aux termes de la
Partie VI de la Loi sur la marine marchande du Canada. Pour
les besoins du rapport, nous avons groupé ces circonscriptions
d'après leur région géographique et adopté le même plan pour
chaque rapport particulier, à savoir:
a) la législation, y compris les données historiques, concer-
nant la création et l'administration de la circonscription;
b) les mémoires présentés concernant le pilotage dans cette
circonscription;
c) le résumé et l'analyse des témoignages sur tous les aspects
du pilotage dans la circonscription; et
d) les recommandations de la Commission, plus précisément
en ce qu'elles touchent le pilotage dans cette circonscription.
Le Titre V traite du pilotage sur les Grands lacs. Ainsi que
nous l'avons déjà signalé, le pilotage dans cette région constitue
un cas totalement différent, régi par des lois distinctes du
Canada et des États-Unis visant à faciliter, par un accord entre
les deux pays, le fonctionnement d'un régime conjoint de
pilotage dans le bassin des Grands lacs. Autant pour cette
raison que pour les aspects internationaux, la Commission a
jugé opportun de faire le sujet d'un rapport distinct les résultats
de son enquête et ses recommandations à cet égard. Ce titre,
qui termine le rapport, renferme aussi quelques dernières obser
vations de portée générale et les remerciements de la Commis
sion pour la collaboration généreuse et l'aide précieuse dont elle
a constamment bénéficié.
Les décisions judiciaires citées dans le rapport figurent aux
appendices mentionnés dans chaque titre. Pour le Titre I voir
l'appendice XIV.
* On remarquera que la circonscription de Kingston, créée
aux termes de la Partie VI de la Loi sur la marine marchande
du Canada, est aussi connue comme la circonscription dite n° 1
des Grands lacs, régie par la Partie VIA de la Loi sur la marine
marchande du Canada, avec les circonscriptions dites nO' 2 et 3
des Grands lacs.
Avec la Loi sur le pilotage, de 1971, le Parle-
ment a adopté de nouvelles dispositions en matière
de pilotage. Cette loi comporte, entre autres, un
changement de philosophie par rapport au passé en
ce qui a trait aux droits de pilotage, changement
qui influe sur les actions en cause ici. Quand la Loi
sur la marine marchande du Canada régissait les
questions de pilotage, il était possible d'obtenir une
exemption dans une zone de pilotage obligatoire en
payant des droits de pilotage, sans en recevoir en
échange les services dans lesdites zones ou eaux de
pilotage obligatoire. La Loi sur le pilotage ne le
permet plus. Elle prévoit que ladite exemption ne
pourra être obtenue que de trois façons:
1. par mesure expresse (voir à ce sujet l'article 9
du Règlement sur le pilotage dans la région du
Pacifique, approuvé le 9 avril 1974 (DORS/74-
242) pièce P-1);
2. par dispense (voir à ce sujet l'article 10 dudit
règlement) et
3. par un capitaine de navire ou un officier de
pont qualifié, titulaire d'un «certificat de pilo-
tage» au sens où l'entendent les articles 2j) et 15
de la Loi.
La Loi sur le pilotage a créé quatre administra
tions de pilotage. En l'espèce, l'«Administration de
pilotage du Pacifique» est celle qui nous intéresse.
Elle englobe «Toutes les eaux canadiennes sises
dans la province de Colombie-Britannique et eaux
limitrophes.»
L'article 12 prescrit l'objet public poursuivi lors
de la création des administrations de pilotage et
délimite les objets d'une telle administration
comme suit:
12. Une Administration a pour objets d'établir, de faire
fonctionner, d'entretenir et de gérer, pour la sécurité de la
navigation, un service de pilotage efficace dans la région indi-
quée dans l'annexe en ce qui concerne cette Administration.
Aux termes de l'article 5:
5. Une Administration n'est pas mandataire de Sa Majesté.
L'article 9 autorise une administration à
employer des pilotes et à passer certains contrats
avec eux ou avec une société établie par eux à cette
fin.
L'article 14(1)a) autorise une administration de
pilotage à édicter, avec l'agrément dui gouverneur
en conseil, des règlements qu établissent des zones
de pilotage ôbligatôire. L'article 2e) définit une
«zone de pilotage obligatoire» comme «..`. une zone
de navigation dans laquelle les navires sont assujet-
tis au pilotage obligatoire». (Ainsi qu'il est dit,
l'Administration de pilotage du Pacifique a édicté
un règlement séparé, le 26 juin 1973, DORS/73-
354 (voir pièce P-3).)
L'article 2d) définit ainsi le «pilotage obliga-
toire»: «... en ce qui concerne un navire, signifie
que lé navire doit obligatoirement être sous la
conduite d'un pilote breveté ou du titulaire d'un
certificat de pilotage». L'article 2g) définit un
«pilote breveté» comme «... un pilote titulaire d'un
brevet valide». L'article 2f) définit un «brevet»
comme «... un brevet attribué ou censé attribué
par une Administration en application de l'article
15». L'article 2j) définit un «certificat de pilotage»
comme «. .. un certificat attribué par une Admi
nistration en application de l'article 15».
La Loi requiert le «pilotage obligatoire» (article
2d)) dans toutes les «zone[s] de pilotage obliga-
toire» (article 2e)).
Toutefois, un navire peut être dispensé du «pilo-
tage obligatoire» de trois façons, ainsi qu'il a été
dit: (1) par exemption particulière (au moyen d'un
règlement édicté par une administration en vertu
des pouvoirs que l'article 14(1)b) lui confère); (2)
par dispense (également au moyen d'un règlement
édicté par une administration en vertu des pouvoirs
que l'article 14(1)c) lui confère); ou (3) par «un
membre régulier de l'effectif du navire» (voir l'ar-
ticle 16) titulaire d'un «certificat de pilotage» (voir
l'article 2j)) valable pour la zone de pilotage obli-
gatoire pertinente.
De façon générale, la Loi délègue à une admi
nistration le pouvoir d'édicter des règlements avec
l'agrément du gouverneur en conseil dans le but
d'intérêt public prescrit à l'article 12 et dans le
domaine déterminé par l'article 14.
Des règlements «prescrivant les tarifs des droits
de pilotage qui doivent être payés à cette Adminis
tration pour le pilotage» (voir l'article 22).
La Loi sur le pilotage prévoit aussi une certaine
protection d'ordre légal pour Sa Majesté et l'Ad-
ministration et octroie des bénéfices et privilèges
spéciaux aux pilotes (et à leur corporation s'il en
existe une) employés par une administration. L'ar-
ticle 29 stipule que «Les dommages ou pertes
résultant de la faute, de la négligence, de l'impéri-
tie ou d'un acte délictueux d'un pilote breveté ou
du titulaire d'un certificat de pilotage n'engagent
ni la responsabilité de Sa Majesté, ni celle d'une
Administration.» L'article 30 stipule que «Le mon-
tant des dommages-intérêts qu'un pilote breveté ou
qu'une corporation qui passe avec une Administra
tion, en application du paragraphe (2) de l'article
9, un contrat de louage de services de pilotes
brevetés est tenu de payer pour tout dommage ou
toute perte résultant de sa faute, de sa négligence
ou de son impéritie ne peut dépasser mille dollars.»
L'article 32 déclare: «Le propriétaire, le capitaine
et l'agent d'un navire sont solidairement responsa-
bles du paiement des droits de pilotage», et l'article
33: «Lorsqu'un navire se trouvant dans une zone de
pilotage obligatoire et ayant à son bord un pilote
breveté guide un navire assujetti au pilotage obli-
gatoire qui n'a pas à son bord un pilote breveté ou
le titulaire d'un certificat de pilotage pendant
toute période durant laquelle il est impossible, en
raison des circonstances prévalant à ce moment, de
monter à bord du navire ainsi guidé, celui-ci est
responsable envers l'Administration de tous les
droits de pilotage comme si un pilote breveté avait
été à bord du navire et l'avait piloté»; et l'article
34: «Sauf si l'Administration dispense du pilotage
obligatoire, lorsqu'un navire assujetti au pilotage
obligatoire poursuit sa route dans une zone de
pilotage obligatoire sans être sous la conduite d'un
pilote breveté ou du titulaire d'un certificat de
pilotage, le navire est responsable envers l'Admi-
nistration dont relève cette zone de tous les droits
de pilotage, comme si le navire avait été sous la
conduite d'un pilote breveté»; et l'article 35:
«Aucun préposé des douanes qui est de service
dans un port du Canada ne doit donner de congé à
un navire s'il est informé par une Administration
que des droits de pilotage concernant le navire sont
exigibles et impayés.»
Les dispositions transitoires, abrogatives et
résultantes figurent dans les articles 43 47.
Il a été établi en preuve que l'Administration de
pilotage du Pacifique, comme elle était en droit de
le faire, a loué dans sa région les services de pilotes
auprès d'une société appelée The British Columbia
Coast Pilots Limited (voir pièce P-66), dont tous
les pilotes de la Colombie-Britannique sont action-
naires (voir pièce P-18). En d'autres termes, cette
société appartient à tous les pilotes qui opèrent
dans la zone de pilotage obligatoire du Pacifique,
et fournit à ladite administration tous les pilotes
dont elle a besoin.
A l'époque considérée, trois des sept membres de
l'Administration de pilotage du Pacifique étaient
des pilotes en activité actionnaires de The British
Columbia Coast Pilots Limited. Ces pilotes ont
joué un rôle important dans la rédaction des règle-
ments en cause.
Il a aussi été établi en preuve que pour le
parcours Sand Heads—Pine Island du navire
demandeur S.S. Alaska, l'objet public de sécurité
prescrit par l'article 12 de la Loi sur le pilotage
n'exige pas la présence d'un pilote à bord. En
d'autres termes, exiger cette présence entraînerait
une dépense inutile sans que l'objet public prescrit
par la Loi y trouve son compte.
Si le Règlement sur le pilotage obligatoire dans
les zones de pilotage obligatoire régies par l'Admi-
nistration de pilotage du Pacifique, que cette der-
nière a édicté en vertu des pouvoirs que lui confère
l'article 14, n'exemptait pas le S.S. Alaska du
pilotage obligatoire sur ledit parcours, les trois
pilotes membres de la susdite administration rece-
vraient alors un bénéfice matériel (ainsi que tous
les autres pilotes de la région) et l'objet public de
sécurité n'en serait pas servi pour autant.
Il a été établi en preuve que le Règlement (pièce
P-1), dans sa rédaction actuelle, n'exempte pas le
S.S. Alaska du pilotage obligatoire sur ledit par-
cours (qui constitue en partie la zone de pilotage
obligatoire du Pacifique) par voie (1) d'exemption
ou (2) de dispense. (Voir les articles 9 et 10 dudit
règlement, pièce P-1.)
Il a aussi été établi en preuve que l'Administra-
tion de pilotage du Pacifique savait aux époques
considérées, et spécialement quand elle a rédigé et
adopté le Règlement (pièce P-1) actuel et plus
particulièrement les articles 9 et 10, qu'il était
parfaitement improbable qu'aucun «membre régu-
lier de l'effectif du» (voir l'article 16) S.S. Alaska
soit titulaire d'un certificat de pilotage (voir l'arti-
cle 2j)) permettant de dispenser le navire du pilo-
tage obligatoire sur ledit parcours et ce, parce que
tous les officiers de pont du navire appartenaient
alors à la Guilde de la marine marchande du
Canada (comme c'est d'ailleurs le cas de tous les
pilotes de la région du Pacifique). Cet organisme
(au début oralement, ensuite par écrit et mainte-
nant dans ses statuts) a interdit à tous ses mem-
bres de la région du Pacifique de demander des
certificats de pilotage dans quelque circonstance
que ce soit. En conséquence, à toutes fins pratiques
et à toutes les époques considérées, dans les zones
de pilotage obligatoire du ressort de l'Administra-
tion de pilotage du Pacifique, aucun certificat de
pilotage au sens de l'article 2j) de la Loi n'a été
émis (ni ne le sera) en faveur d'une personne
qualifiée, certificat qui permettrait au navire, dont
elle est capitaine ou officier de pont, d'être ainsi
dispensé du pilotage obligatoire dans une quelcon-
que partie de ces zones. En d'autres termes, à tous
les moments pertinents, les actes de la Guilde de la
marine marchande du Canada ont transgressé l'in-
tention expresse du Parlement exprimée dans la
Loi sur le pilotage. Le législateur a prévu en effet
que dans les cas appropriés, l'exemption du pilo-
tage obligatoire doit être accordée au moyen de
certificats de pilotage émis en faveur de personnes
qualifiées en vue d'exempter certains navires du
pilotage obligatoire dans les parties des zones où il
est prescrit, et où l'objet public de sécurité n'exige
pas la présence de pilotes.
L'article 9(2)a)(iii) du Règlement sur le pilo-
tage dans la région du Pacifique (pièce P-1) pré-
voit une exemption de pilotage pour tout navire
«immatriculé au Canada» et autrement qualifié
selon le sous-alinéa (iii). L'article 9 est rédigé dans
les termes suivants:
9. (1) Sous réserve des dispositions du paragraphe (2),
a) tout navire d'une jauge brute supérieure à 350 tonneaux,
b) tout remorqueur dont la jauge brute et ajoutée à celle du
remorqué est supérieure à 350 tonneaux, ou
c) tout yacht d'une jauge brute supérieure à 250 tonneaux
est assujetti au pilotage obligatoire.
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas aux navires
a) immatriculés au Canada
(i) qui appartiennent à Sa Majesté du chef du Canada et
non employés à des fins commerciales,
(ii) qui sont affectés à la pêche commerciale, ou
(iii) qui font des voyages dans la région ou entre tout
endroit dans la région et tout endroit sur la côte ouest des
États-Unis non au sud de San Francisco ni à l'ouest de
Cook Inlet en Alaska, si le capitaine ou l'officier de quart
à la passerelle de ces navires est titulaire d'un certificat de
capacité de la catégorie et de la classe appropriées, attri-
bué par le ministre des Transports ou reconnu par lui aux
fins du paragraphe 130(1) de la Loi sur la marine mar-
chande du Canada et a été régulièrement employé, en
qualité de capitaine ou d'officier de quart à la passerelle à
bord d'un navire faisant des voyages entre les endroits
décrits dans le présent sous-alinéa, durant les dix-huit mois
qui ont précédé la date à laquelle le navire a fait l'objet
d'une demande d'exemption conformément aux disposi
tions du présent paragraphe; ou
b) immatriculés aux États-Unis et qui sont affectés à la
pêche commerciale.
(3) Le capitaine ou l'officier de quart à la passerelle dont il
est question au sous-alinéa (2)a)(iii) doit, si l'Administration
l'exige, lui fournir une preuve qu'elle juge suffisante, établissant
qu'il est un capitaine ou un officier de quart à la passerelle aux
termes de ce sous-alinéa.
L'Administration a édicté cette partie du Règle-
ment en vertu de l'article 14(1)b) de la Loi sur le
pilotage, dont voici le libellé:
14. (1) Une Administration peut, avec l'approbation du
gouverneur en conseil, établir les règlements généraux nécessai-
res pour atteindre ses objets notamment, et sans restreindre la
portée générale de ce qui précède, des règlements généraux
b) prescrivant les navires ou catégories de navires assujettis
au pilotage obligatoire;
L'article 10 du Règlement sur le pilotage dans
la région du Pacifique (pièce P-1) énonce les cas
où un navire peut obtenir une dispense de pilotage
obligatoire. L'article 10(1)a) impose comme con
dition que le navire soit «immatriculé aux États-
Unis». L'article 10 est ainsi rédigé:
10. (1) L'Administration peut, sur demande, dispenser du
pilotage obligatoire un navire
a) qui est immatriculé aux États-Unis et affecté au cabotage
et dont le capitaine ou l'officier de quart à la passerelle est
dûment breveté pour ce navire et a été régulièrement
employé en qualité de capitaine ou d'officier de quart à la
passerelle d'un navire faisant du cabotage durant les dix-huit
mois qui ont précédé la date à laquelle on étudie la question
d'accorder au navire la dispense prévue au présent article;
b) dont le capitaine, le propriétaire ou l'agent a observé les
dispositions des articles 12 et 13 et pour lequel aucun pilote
breveté n'est disponible pour remplir les fonctions de pilote à
son bord; ou
c) qui est en détresse ou qui effectue des opérations de
secours ou de sauvetage.
(2) Une dispense de pilotage obligatoire est accordée à tout
navire
a) qui entre dans une zone de pilotage obligatoire en vue d'y
embarquer un pilote breveté, et y navigue jusqu'au point
d'embarquement prévu; ou
b) qui quitte une zone de pilotage après le débarquement
d'un pilote breveté.
(3) Le capitaine ou l'officier de quart à la passerelle dont il
est question à l'alinéa (1)a) doit, si l'Administration l'exige, lui
fournir une preuve qu'elle juge suffisante, établissant qu'il est
un capitaine ou un officier de quart à la passerelle aux termes
de cet alinéa.
(4) Une demande de dispense de pilotage obligatoire peut
être faite verbalement, mais elle doit être faite par écrit lorsque
l'Administration l'exige.
L'Administration a édicté cette partie du Règle-
ment en vertu de l'article 14(1)c) de la Loi sur le
pilotage, dont voici le libellé:
14. (1) Une Administration peut, avec l'approbation du
gouverneur en conseil, établir les règlements généraux nécessai-
res pour atteindre ses objets notamment, et sans restreindre la
portée générale de ce qui précède, des règlements généraux
c) prescrivant les circonstances dans lesquelles il peut y avoir
dispense du pilotage obligatoire;
A propos de ces parties du Règlement, on a
soutenu que l'insertion des termes «immatriculés
au Canada» et «immatriculés aux États-Unis» les
place en dehors des pouvoirs de l'Administration
vu que, dans le premier cas, la désignation du
pavillon n'illustre pas le pouvoir de prescrire «les
navires ou catégories de navires assujettis au pilo-
tage obligatoire» et, dans le dernier cas, rien dans
l'article 14(1)c) ne permet d'assujettir la dispense
au pavillon du navire. A l'opposé de cet argument,
on a fait valoir avec insistance que la désignation
des navires comme «immatriculés au Canada» ou
«immatriculés aux États-Unis» dans ces parties du
Règlement constitue une façon rapide et commode
de désigner les navires ou les catégories de navires,
car l'Administration connaît les qualifications exi-
gées des capitaines et des officiers de pont de ces
navires dans ces juridictions et peut ainsi les dis
penser du pilotage obligatoire dans certaines par
ties des zones qui y sont assujetties.
Il convient de considérer ce dernier point de vue
sans oublier que, si on supprimait dans l'article
9(2) du Règlement (pièce P-1) les termes «imma-
triculés au Canada», le S.S. Alaska serait alors
admissible sur lesdits parcours à une exemption du
pilotage obligatoire en vertu des autres termes de
l'article 9(2)a)(iii) dudit règlement.
Il convient aussi de se rappeler en l'occurrence
qu'avant l'approbation du Règlement (pièce P-1),
un avant-projet en a été envoyé au ministre des
Transports, qui ne l'a pas approuvé et en réponse a
nommé un commissaire, M. John J. Mahoney, en
vertu des pouvoirs que lui confère l'article 14(5) de
la Loi sur le pilotage. M. Mahoney a tenu une
audition à Vancouver et, après avoir reçu des
mémoires de toutes les parties intéressées, a
adressé au Ministre un rapport (pièce P-54) le 2
janvier 1974. Le Ministre a approuvé le rapport et
a ordonné, comme il en avait le droit, de modifier
la partie du projet de règlement établi par l'Admi-
nistration dans l'exercice des pouvoirs que lui con-
fère l'article 14(1)a) et f) de la Loi sur le pilotage.
Il a recommandé aussi de modifier d'autres arti
cles du projet de règlement, agissant dans les deux
cas en accord avec le rapport de M. Mahoney.
L'Administration a alors procédé à une nouvelle
rédaction du Règlement, qu'elle a adoptée confor-
mément à l'ordonnance du Ministre, pour la partie
qui tombe sous le coup de l'article 14(1)a) et f) de
la Loi sur le pilotage; mais elle a refusé de modi
fier d'autres articles comme le recommandait le
rapport de M. Mahoney, recommandation qui
avait reçu l'agrément du Ministre. Elle a aussi
déclaré que la difficulté rencontrée par les proprié-
taires et les exploitants des navires dans la région
du Pacifique pour obtenir une dispense de pilotage
obligatoire par le biais de certificats de pilotage
était un problème de main-d'oeuvre qui ne la con-
cernait pas. Néanmoins, le Règlement édicté dans
la forme proposée a été approuvé par le gouver-
neur en conseil, le 9 avril 1974 (voir pièce P-1)
sous la pression de contraintes de temps. Ces con-
traintes provenaient du retard à obtenir des règle-
ments dans la région de pilotage du Pacifique.
Ainsi qu'il a été dit, sauf pour une zone de pilotage
obligatoire désignée (voir le Règlement pièce P-3
approuvé par le gouverneur en conseil, le 26 juin
1973), il n'en existait aucun depuis le 1" février
1974 (voir S.C. 1973-74, c. 1).
A ce sujet, voici les extraits du rapport John J.
Mahoney en date du 2 février 1974, qui s'appli-
quent aux présentes actions:
[TRADUCTION] Le S.S. «ALASKA» a été Construit au Japon. Il
appartient à une compagnie américaine et a été financé par
l'entremise d'une agence du gouvernement américain. Toute-
fois, en raison de sa construction à l'étranger, il ne pouvait pas
être immatriculé aux États-Unis et l'a donc été au Libéria. Vu
la participation financière du gouvernement américain, le capi-
taine du navire doit obligatoirement être citoyen des États-
Unis; les autres officiers de pont et l'équipage sont canadiens.
Le navire, depuis plusieurs années, fait la navette entre les ports
de New Westminster (Colombie-Britannique) et Whittier
(Alaska). La plupart des marchandises qu'il transporte provien-
nent des É.-U. et y sont envoyées, mais il est chargé à New
Westminster. Cette ville est donc, à toutes fins pratiques, son
port d'attache. Il s'y approvisionne en vivres et en carburant. Le
navire est exploité par Pacific Maritime Agencies, compagnie
canadienne dont le siège social est à New Westminster.
On a déclaré qu'au titre d'ententes antérieures, le S.S.
«ALASKA» utilise des pilotes dans le fleuve Fraser et continuera
à le faire quoi qu'il arrive, mais que tous ses officiers de pont
sont titulaires de certificats de capacité canadiens et sont
citoyens canadiens. Soit dit en passant, ils détiennent aussi des
certificats de capacité libériens, mais je considère que ce fait est
sans rapport avec l'objet du débat ....
L'avocat des propriétaires et des exploitants du S.S.
«ALASKA» a aussi déclaré que devant la réticence de l'Adminis-
tration de pilotage à accorder une dispense à ce navire, il a
compris que la Guilde de la marine marchande du Canada, à
laquelle appartiennent les officiers de pont, les a priés de ne pas
demander des certificats de pilotage, même s'il en existe de
disponibles. Cette question sera examinée plus en détail sous la
rubrique «Qualifications pour les brevets et certificats de
pilote», mais je la mentionne ici pour montrer les difficultés
auxquelles les propriétaires et les exploitants se sont heurtés par
suite de la législation, des règlements et de l'attitude des parties
concernées.
Dans une section précédente de ce rapport, j'ai dit qu'à mon
avis, en n'imposant pas le caractère obligatoire de l'alinéa
14(1)b), l'exemption a pour principal objet d'accorder un allé-
gement aux navires qui opèrent sans interruption, ou presque,
dans la région. Pour cette raison, la définition de «caboteur»
doit être quelque peu restreinte, comme elle l'est dans le projet
de règlement. Ces considérations, sauf en ce qui concerne son
immatriculation à l'étranger, semblent s'appliquer au S.S.
«ALASKA». Par ailleurs, la notion d'exemption implique un
statut plus permanent que celui de la dispense et convient
mieux aux navires nationaux qu'étrangers. J'estime donc que
l'Administration a eu raison d'accorder une dispense au lieu
d'une exemption aux cabotiers immatriculés aux Etats-Unis.
Cela étant, il ne convient guère d'accorder un statut d'exemp-
tion (apparemment) plus permanent à un navire battant pavil-
lon étranger, même monté par des officiers canadiens. Donc,
s'il apparaît judicieux d'accorder un certain allégement en
matière de pilotage au S.S. «ALASKA», il faut que cet allégement
soit une dispense plutôt qu'une exemption, qui laisse de côté
pour le moment la question des certificats de pilotage.
A ce propos, la première question à trancher est la suivante:
la dispense est-elle méritée en l'occurrence? J'ai déjà conclu
dans ce sens. Il est dans l'intérêt public de l'accorder. Le navire
contribue, de toute évidence, au bénéfice économique du
Canada sans concurrencer pour autant son industrie. Il ne
constitue aucune menace pour la sécurité.
Il ressort aussi clairement à mes yeux, à la suite des questions
que j'ai posées aux avocats, que l'Administration n'a nullement
l'intention d'accorder une dispense au S.S. «ALASKA». Il est clair
aussi, bien que la question soit traitée ailleurs, que les officiers
de ce navire ne disposeront pas de certificats de pilotage....
Quant au cas particulier du «ALASKA», je ne vois pas quel
inconvénient pourrait découler du genre de modification propo
sée par M. Hogarth qui, j'en suis sûr, viserait seulement le cas
du «ALASKA» et ne laisserait pas la porte ouverte à une dispense
générale en faveur de tous les navires étrangers, comme certai-
nes des parties le craignaient.
A mon avis l'Administration, en prescrivant
dans les articles 9 et 10 du Règlement (pièce P-1)
que le pavillon d'un navire est une condition
d'exemption ou de dispense de pilotage obligatoire,
n'a pas agi dans le cadre des pouvoirs que l'article
14(1)b) et c) de la Loi sur le pilotage lui confè-
rent. Cet article n'a pas non plus en vue l'objet
public de sécurité imposé par l'article 12 de ladite
loi et l'insertion des expressions «immatriculés au
Canada» et «immatriculés aux États-Unis» est
ultra vires des pouvoirs de l'Administration de
pilotage du Pacifique.
Deuxièmement, il ressort de la preuve la consta-
tation de fait suivante: la susdite administration,
probablement par suite des protestations de trois
de ses pilotes, avait des motifs pour insérer dans les
articles 9 et 10 de ce règlement, des termes qui
prévoient le pavillon du navire, de manière à empê-
cher totalement le S.S. Alaska de bénéficier d'une
exemption ou d'une dispense de pilotage obliga-
toire et, ainsi motivée, l'Administration savait,
aussi à toutes fins pratiques, que ce navire ne
disposait pas de l'autre méthode d'exemption envi
sagée par la Loi sur le pilotage, à savoir le certifi-
cat de pilotage. En outre, sa motivation en rédi-
geant le Règlement et en y insérant lesdits termes,
n'a jamais rien eu à voir avec l'objet public de
sécurité imposé par l'article 12 de ladite loi.
A cause de ces deux constatations, l'insertion de
ces termes dans les articles 9 et 10 dudit règlement
était ultra vires des pouvoirs de l'Administration.
Le fait que le gouverneur en conseil ait approuvé
le Règlement ne supprime nullement cette
invalidité.
L'Administration de pilotage du Pacifique, en
rédigeant ces parties du Règlement, qui outrepas-
saient ses pouvoirs, et sachant pertinemment que
l'émission de certificats de pilotage était improba
ble, a bien transgressé l'intention du Parlement
lorsqu'il a adopté la Loi sur le pilotage, à savoir:
lorsque l'objet public de sécurité n'est pas en
cause, les navires doivent être exemptés de pilotage
obligatoire.
Aux fins de l'espèce, cette constatation est la
seule qui s'impose. Je déclare donc que l'acte
législatif qui a inclus les termes «immatriculés au
Canada» dans l'article 9(2)a) du Règlement (pièce
P-1) était ultra vires des pouvoirs de l'Administra-
tion de pilotage du Pacifique et que lesdits termes
doivent être supprimés.
Quand je déclare ces termes ultra vires, il faut
comprendre que la suppression desdits termes
«immatriculés au Canada», qui figurent dans la
rédaction actuelle de cette partie du Règlement
(pièce P-1) risque d'en modifier en partie l'esprit.
Il en sera ainsi temporairement. Mais l'Adminis-
tration de pilotage du Pacifique peut y remédier en
procédant à une nouvelle rédaction, qu'elle fera
approuver par le gouverneur en conseil, de l'article
9(2)a) (et 10(1)a)) du Règlement (pièce P-1), de
manière que les pouvoirs à elle conférés par l'arti-
cle 14(1)b) et c) de la Loi sur le pilotage soient
exercés correctement et conformément à l'objet
public de sécurité imposé par l'article 12. Elle peut
alors employer des termes généraux qui permet-
tront au S.S. Alaska, ou à tout autre navire quali-
fié, d'obtenir une exemption de pilotage obligatoire
dans les eaux en question lorsque la sécurité publi-
que n'impose pas ce pilotage à des navires
qualifiés.
Je peux donc rendre dans la présente action et
dans celle qui porte le numéro du greffe
T-2093-74, un jugement déclarant que les termes
«immatriculés au Canada» insérés dans le Règle-
ment sur le pilotage dans la région du Pacifique
C.P. 1974-851, approuvé le 9 avril 1974 et enregis-
tré sous le numéro DORS/74-242, le 10 avril
1974, sont ultra vires des pouvoirs que l'article 14
de la Loi sur le pilotage confère à l'Administration
de pilotage du Pacifique.
Le jugement peut aussi être rendu dans les deux
actions pour d'autres déclarations.
Ces autres déclarations doivent en pratique
avoir un but utile et ne pas être purement théori-
ques. Il convient donc qu'elles figurent dans ces
actions. (Voir Landreville c. La Reine', où le juge
Pratte adopte le raisonnement tenu par la Cour
d'appel britannique dans Merricks c. Nott-
Bower 2 , spécialement par lord Denning, Maître
des rôles, à la page 721 et lord Salmon à la page
724.) Ces déclarations peuvent montrer clairement
à l'Administration de pilotage du Pacifique, à la
Guilde de la marine marchande du Canada et au
public en général que l'intention du Parlement, en
adoptant la Loi sur le pilotage, était celle expri-
mée dans l'article 12 d'icelle, c'est-à-dire l'objet
public de sécurité relatif à la navigation effectuée
dans les eaux de pilotage obligatoire. Lorsque la
sécurité publique n'est pas en cause, les navires
qualifiés doivent être exemptés de pilotage obliga-
toire de l'une des trois façons prescrites par la Loi.
Le Règlement édicté en vertu des pouvoirs que
l'article 14 de la Loi sur le pilotage confère à
l'Administration ne doit pas être rédigé en vue du
bénéfice matériel exclusif des pilotes et au détri-
ment, non seulement des propriétaires et des
exploitants des navires, mais aussi du grand public.
Les autres déclarations pour lesquelles un juge-
ment peut être rendu attesteraient:
1. Que les pilotes membres de l'Administration
de pilotage du Pacifique avaient un conflit d'in-
térêts, au sens d'équité du terme, lorsqu'ils ont
participé à la rédaction et à l'adoption du Règle-
ment (pièce P-1 par le décret du conseil C.P.
1974-851 approuvé le 9 avril 1974 et enregistré
sous le numéro DORS/74-242, le 10 avril 1974)
et ne se sont disculpés de ce conflit d'intérêts à
aucun moment pertinent.
2. Que la motivation de l'Administration de
pilotage du Pacifique lorsqu'elle a adopté le
Règlement (pièce P-1) et inclus, dans les articles
9 et 10 les termes prévoyant le pavillon du
navire comme une condition d'exemption ou de
dispense, n'était pas fondée sur l'objet public de
sécurité au sens de l'article 12 de la Loi sur le
pilotage, mais sur le désir de procurer un béné-
fice matériel aux pilotes qui étaient ses adhé-
[1973] C.F. 1223.
2 [1964] 1 All E.R. 717.
rents, ainsi qu'aux autres pilotes de la région.
3. Que le S.S. Alaska à tous les moments consi-
dérés, sur son parcours Sand Heads Pine
Island, qui se situe en partie dans la zone de
pilotage obligatoire de la région du Pacifique,
avec un effectif d'officiers de quart et sans pilote
de l'Administration de pilotage du Pacifique à
son bord, n'a constitué aucune menace pour la
sécurité, au sens où l'entend l'article 12 de la
Loi sur le pilotage.
4. Que l'Administration de pilotage du Pacifi-
que, en adoptant ledit règlement et en y incluant
aux articles 9(2)a) et 10(1)a) les termes «imma-
triculés au Canada» et «immatriculés aux États-
Unis», a transgressé l'intention du Parlement
voulant que certains navires qualifiés, qui ne
présentent aucune menace pour la sécurité de la
navigation au sens de l'article 12 de la Loi sur lç
pilotage, soient exemptés du pilotage obligatoire,
par les méthodes de l'exemption ou de la dis
pense prescrites dans ladite loi.
Si la Guilde de la marine marchande du
Canada avait été partie à l'une ou l'autre de ces
actions et avait eu l'occasion d'être entendue,
j'aurais alors rendu un jugement déclaratoire
statuant:
Que la Guilde de la marine marchande du
Canada, en interdisant à tous les capitaines et
officiers de quart dans la région du Pacifique
(qui sont tous au nombre de ses adhérents) de
demander l'octroi d'un certificat, au sens où
l'entendent les articles 2j) et 15 de la Loi sur
le pilotage, a transgressé l'intention du légis-
lateur selon laquelle certains navires, qui ne
présentent aucune menace pour la sécurité au
sens de l'article 12 de ladite loi, doivent être
exemptés de pilotage obligatoire en faisant en
sorte que leur capitaine (ou un ou plusieurs de
leurs officiers de quart) soit titulaire d'un
certificat de pilotage au moment considéré.
La réclamation de $10,780.54 objet de l'action
qui porte le numéro du greffe T-2093-74 est
fondée sur le Règlement sur le pilotage dans la
région du Pacifique, approuvé le 26 juin 1973
(pièce P-3). Ainsi qu'il a été dit, ce règlement
établissait des zones de pilotage obligatoire dans la
région du ressort de l'Administration de pilotage
du Pacifique, sans plus.
La réclamation vise les droits de pilotage encou-
rus par le S.S. Alaska du 12 février 1974 au 20
avril 1974 sur le parcours Sand Heads—Pine
Island. Ce navire a navigué sans pilote sur le
parcours pendant les mois de février, mars et avril
1974 et la demanderesse, l'Administration de pilo-
tage du Pacifique, prétend que ledit navire, ses
propriétaires et exploitants sont redevables de
droits de pilotage équivalant au montant susdit,
parce que ce parcours est situé en partie sur une
zone de pilotage obligatoire établie par ledit règle-
ment (pièce P-3). Le paragraphe 5 de la déclara-
tion afférente à la présente action expose l'affaire
ainsi:
[TRADUCTION] 5. Au cours des mois de février, mars et avril
1974, le navire défendeur a illégalement opéré dans des zones
de pilotage obligatoire établies par le Règlement sur le pilotage
obligatoire dans la région du Pacifique (DORS/73-354, 27 juin
1973; C.P. 1973-1810, 26 juin 1973) sans dispense de pilotage
obligatoire et sans pilote breveté ou titulaire d'un certificat de
pilotage. En conséquence, les défendeurs sont solidairement
responsables du paiement des droits de pilotage à la demande-
resse comme si le navire avait été sous la conduite d'un pilote
breveté. Le montant desdits droits s'élève à $10,780.54, dont
voici le détail:
[Détails des dates et des droits.]
Ainsi qu'il a été dit, le 1" février 1974, tous les
règlements en vigueur au titre de la Loi sur la
marine marchande ont expiré, en sorte qu'à cette
date, il n'existait aucun règlement de pilotage en
vigueur édicté en vertu de l'article 14 de la Loi sur
le pilotage, à l'exception du Règlement (pièce P-3)
qui établit des zones de pilotage obligatoire dans la
région du Pacifique.
La demanderesse, l'Administration de pilotage
du Pacifique, soutient qu'en dépit de ce qui pré-
cède, elle est en droit de se prévaloir de l'article 34
de la Loi sur le pilotage, pour obtenir le paiement
des droits susdits. L'article est rédigé dans les
termes suivants:
34. Sauf si l'Administration dispense du pilotage obligatoire,
lorsqu'un navire assujetti au pilotage obligatoire poursuit sa
route dans une zone de pilotage obligatoire sans être sous la
conduite d'un pilote breveté ou du titulaire d'un certificat de
pilotage, le navire est responsable envers l'Administration dont
relève cette zone de tous les droits de pilotage, comme si le
navire avait été sous la conduite d'un pilote breveté.
L'article 16(1) de la Loi sur le pilotage prévoit
que:
16. (1) Sauf dispositions contraires des règlements géné-
raux, nul n'assurera la conduite d'un navire à l'intérieur d'une
zone de pilotage obligatoire s'il n'est un pilote breveté ou un
membre régulier de l'effectif du navire qui est titulaire d'un
certificat de pilotage pour cette zone.
Les termes «breveté» et «certificats de pilotage»
qui figurent dans cet article, ont le même sens que
dans l'article 2f) et j) et dans l'article 15 de la Loi.
L'article 34 de la Loi sur le pilotage vise le
statut des navires. Il est fondé sur la prémisse
qu'un Règlement a été édicté en vertu de l'article
14(1)b) de ladite loi, c'est-à-dire à propos des
«navires ou catégories de navires assujettis au pilo-
tage obligatoire», et aussi en vertu de l'article
14(1)c) relatif aux «circonstances dans lesquelles il
peut y avoir dispense du pilotage obligatoire».
A mon avis, l'article 34 vise bien l'Administra-
tion de pilotage qui a édicté et approuvé le Règle-
ment avant son entrée en vigueur, en vertu de
l'article 14(1)b) et c) de la Loi. L'Administration
de pilotage du Pacifique n'ayant édicté aucun
règlement avant le 9 avril 1974, la partie de sa
réclamation relative aux droits de pilotage encou-
rus avant le 31 mars 1974 inclus est donc sans
fondement. Il en va de même pour les droits
encourus en avril 1974, en raison du jugement
déclaratoire ultra vires relatif à l'article 9(2)a) du
Règlement approuvé le 9 avril 1974 (pièce P-1). Je
rejette donc la réclamation.
La demande reconventionnelle de $74,247.66
(numéro du greffe T-2093-74) présentée par le
navire S.S. Alaska, Alaska Trainship Corporation
et Pacific Maritime Agencies Limited contre l'Ad-
ministration de pilotage du Pacifique, porte sur les
droits de pilotage qu'ils ont payés à cette dernière
pour la période du 9 février 1972 au 1" février
1974.
On prétend qu'il y a eu erreur de droit récipro-
que, dans des circonstances qui permettent de
revendiquer le recouvrement, l'argent ayant été
versé sous la contrainte d'une saisie éventuelle du
navire S.S. Alaska par l'Administration pour non-
paiement des droits. Il ressort de la preuve que
cette allégation est bien fondée et conforme au
principe étayant la décision rendue par le juge
Spence dans Eadie c. The Corporation of the
Township of Brantford' (voir pages 580 - 81):
[TRADUCTION] J'estime que le savant juge de première ins
tance a eu raison de considérer que l'action du demandeur, qui
visait le remboursement des $800 payés à la demande de
l'intimée, était fondée sur un règlement qui a été ensuite jugé
illégal et entaché de nullité. Je suis disposé à accepter l'argu-
ment de l'avocat de l'intimée à l'effet qu'il s'agit d'une action
visant le remboursement de sommes payées à la suite d'une
erreur de droit. L'avocat établit une distinction entre la pré-
sente affaire et l'arrêt rendu par cette cour dans George
(Porky) Jacobs Enterprises Ltd. c. Ville de Regina ([1964]
R.C.S. 326). Ici, la Cour traite d'une demande afférente au
paiement de droits de brevet. En fait, il n'existait aucun règle-
ment permettant d'exiger les droits demandés. Il est donc vrai
que cette décision illustre une erreur de fait réciproque. Toute-
fois, il faut souligner que le jugement se fonde sur une erreur de
fait et sur un paiement effectué sous la contrainte d'une
nécessité pressante. A la page 330, le juge Hall a prononcé le
jugement de la Cour dans ces termes:
Je suis d'avis que les paiements ont été faits sous la
contrainte d'une nécessité pressante et non pas volontaire-
ment, comme l'intimée l'affirme. Le juge en chef lord Read
ing a habilement résumé le droit sur ce point dans Maskell c.
Horner (1915), 84 L.J.K.B. 1752 la p. 1755.
Dans la mesure où il traite du paiement sous une nécessité
pressante, ce jugement s'applique à la présente action où il
existait un règlement censé permettre le paiement des droits
demandés par la société intimée, mais ce règlement a été
ultérieurement jugé illégal et annulé.
C'est, naturellement, un principe rebattu que l'argent payé
en vertu d'une erreur réciproque ne peut pas être remboursé.
Toutefois, ce principe est sujet à plusieurs exceptions bien
établies. Je n'ai pas besoin de les traiter en détail. Le savant
juge de comté a invoqué, entre autres, l'exception selon laquelle
l'argent payé à un officier de justice par suite d'une erreur de
droit, peut être remboursé. Selon lui, l'argent a été payé à la
société intimée sur l'insistance de son trésorier, dont les fonc-
tions sont assimilables à celles d'un haut fonctionnaire de
l'ordre administratif ou judiciaire et il est fort injuste, pour ne
pas dire malhonnête, de la part de la société intimée, d'exiger la
rétention des fonds qui doivent être remboursés. Il y a beaucoup
à dire en faveur de ce point de vue.
Je préfère fonder mon opinion sur l'exception au principe
général, dont le juge en chef lord Reading a exposé les grandes
lignes dans Maskell c. Horner, ((1915) 84 L.J.K.B. 1752;
[1915] 3 K.B. 106) dans les termes suivants:
Si une personne paie en connaissance de cause une somme
qu'elle n'est pas tenue en droit de payer et dans des circons-
tances impliquant qu'elle la paie volontairement pour clore la
transaction, elle ne peut pas la récupérer. Un tel paiement est
considéré en droit comme un cadeau et la transaction ne peut
3 [1967] R.C.S. 573.
pas être rouverte. Si une personne paie une somme qu'elle
n'est pas tenue de payer sous l'empire d'une nécessité pres-
sante ou d'une saisie, réelle ou imminente, de ses biens, elle
peut la récupérer. L'argent a été payé, non pas sous la
contrainte au sens strict du terme, qui implique la contrainte
de la personne, mais sous la pression de la saisie ou de la
détention des biens, ce qui est analogue à la contrainte. Si le
paiement a été effectué sous cette pression, cela prouve qu'il
ne l'a pas été volontairement en vue de clore la transac
tion .... Le paiement vise à prévenir un dommage- imminent
et non pas à renoncer à un droit, mais il est effectué sous la
pression de la nécessité immédiate et avec l'intention de
préserver le droit de contester la légalité de la demande.
Du 9 février 1972 au ler février 1974, l'Adminis-
tration de pilotage du Pacifique n'a édicté aucun
règlement en vertu des pouvoirs que lui confère
l'article 14 de la Loi sur le pilotage, à l'exception
de celui prescrivant les zones de pilotage obliga-
toire en vertu de l'article 14(1)a), Règlement qui
n'a été approuvé que le 26 juin 1973, ainsi qu'il est
dit (voir pièce P-3).
En conséquence, en vertu de l'article 43 de la
Loi sur le pilotage, pendant cette période, l'Admi-
nistration agissait, pour ainsi dire, sous le régime
des anciens règlements édictés au titre de la Loi
sur la marine marchande du Canada. Comme je
l'ai déjà dit, ces règlements et ladite loi pré-
voyaient le droit de percevoir, dans une zone de
pilotage obligatoire, des droits de pilotage sur les
propriétaires ou exploitants d'un navire sans leur
rendre en échange les services correspondants.
Le 16 mai 1973, la Cour provinciale de Vancou-
ver a rendu un jugement dans Regina c. Cec
[devant N. Mussallem, juge provincial, Cour pro-
vinciale, Vancouver (C.-B.), jugement en date du
16 mai 1973] (voir pièce P-41 pour les motifs).
Vladimir Cec, capitaine d'un navire assujetti au
pilotage obligatoire, était accusé d'avoir, vers le 18
février 1972 conduit ledit navire dans une zone de
pilotage obligatoire sans dispense de pilotage obli-
gatoire émanant de l'Administration de pilotage
du Pacifique; le navire n'était pas non plus sous la
conduite d'un pilote breveté ou détenteur d'un
certificat de pilotage en vertu de la Loi sur le
pilotage. La Cour provinciale a statué qu'à cette
date, le paiement des droits n'était pas obligatoire
dans le district de la Colombie-Britannique et donc
que «la zone de pilotage de la Colombie-Britanni-
que n'est pas une zone de pilotage obligatoire».
A la suite de cette décision, le Règlement a
établi des zones de pilotage obligatoire dans la
région de la Colombie-Britannique en vertu des
pouvoirs que lui confère l'article 14(1)a) de la Loi
sur le pilotage approuvé le 26 juin 1973 ainsi qu'il
a été dit (voir pièce P-3).
La Cour provinciale, dans le jugement précité,
s'est référée au rapport de la Commission royale
sur le pilotage, Titre II, page 6, rédigé de la
manière suivante:
CIRCONSCRIPTION DE PILOTAGE DE LA
COLOMBIE-BRITANNIQUE
(2) AUTORITÉ DE PILOTAGE
(art. 325 et 327 de la Loi sur la marine marchande du Canada)
Depuis 1929, année où elle fut rétablie, la circonscription est
toujours restée sous la direction d'une autorité de pilotage d'une
seule personne, le Ministre du ministère fédéral compétent. La
plus récente nomination, en date du 15 août 1956 (décret en
conseil C.P. 1956-1264), nomme le ministre des Transports à la
fonction d'autorité de pilotage de la circonscription de pilotage
de la Colombie-Britannique entre autres.
(3) PAIEMENT OBLIGATOIRE DES DROITS DE PILOTAGE
(art. 326 de la Loi sur la marine marchande du Canada)
Le décret en conseil ayant rétabli la circonscription de
pilotage, c.-à-d. le décret en conseil C.P. 493 du 22 mars 1929,
prévoyait que le paiement des droits de pilotage n'était pas
obligatoire. Ce décret en conseil n'a pas été abrogé et, en ce qui
concerne le paiement des droits, n'a été modifié par aucun
autre décret en conseil émanant du gouverneur en conseil en
vertu des pouvoirs que lui confère l'article 326 de la Loi sur la
marine marchande.
Cependant, l'autorité de pilotage a prétendu rendre le paie-
ment des droits obligatoire, par une disposition de son propre
règlement de circonscription qu'elle a établi en vertu des pou-
voirs que lui confère l'article 329 de la Loi sur la marine
marchande. Cette disposition, prise en premier lieu le 14 avril
1949 (C.P. 1618-1959 [pièce 195]) sous forme de modification
au règlement général, a été reproduite depuis (art. 6 du Règle-
ment général actuel).
Cette disposition réglementaire est manifestement ultra vires
et, en conséquence, nulle et de nul effet. Le fait que le
gouverneur en conseil l'ait ratifiée ne change en rien la nature
de la disposition: elle demeure une disposition réglementaire de
circonscription qui échappe à la juridiction du gouverneur en
conseil dès qu'il l'a sanctionnée. Cette situation est incompati
ble avec les dispositions de l'article 326 de la Loi sur la marine
marchande. (Cf. Titre I, chap. 8, pp. 274 et 275.)
La situation légale est donc la suivante: nonobstant les
dispositions du règlement général, le paiement des droits n'est
pas obligatoire dans la circonscription de la Colombie-Britanni-
que.
La déclaration qui figure dans le rapport de la
Commission royale: «La situation légale est donc la
suivante: nonobstant les dispositions du règlement
général, le paiement des droits n'est pas obligatoire
dans la circonscription de la Colombie-Britanni-
que», doit maintenant être lue dans le contexte de
l'article 43 de la Loi sur le pilotage, spécialement
de ses paragraphes (1),(5) et (7):
43. (1) Pour plus de certitude,
a) tout règlement qui a été établi ou déclaré avoir été établi
avant l'entrée en vigueur du présent article par une autorité
de pilotage en application de l'article 319 de la Loi de la
marine marchande du Canada, 1934 ou de l'article 329 de la
Loi sur la marine marchande du Canada, chapitre 29 des
Status revisés du Canada de 1952, et
b) tout décret du gouverneur en conseil qui a été établi ou
déclaré avoir été établi avant l'entrée en vigueur du présent
article en application de l'article 319 de la Loi de la marine
marchande du Canada, 1934 ou de l'article 329 de la Loi sur
la marine marchande du Canada, chapitre 29 des Statuts
revisés du Canada de 1952 afin de ratifier un règlement visé
à l'alinéa a),
sont, à toutes fins, censés avoir été applicables et avoir eu tout
leur effet au même titre que si, à la date à laquelle ils ont été
déclarés avoir été établis, ils avaient été établis en application
d'une loi du Parlement du Canada qui donnait pouvoir de les
établir.
(5) Tout décret en conseil pris en application des articles 324
et 326 de la Loi sur la marine marchande du Canada et en
vigueur lors de l'entrée en vigueur de la présente loi demeure
exécutoire pendant une année à compter de l'entrée en vigueur
de la présente loi à moins qu'il ne soit annulé plus tôt.
(7) Tout district de pilotage, qui est créé aux termes ou en
vertu de la Partie VI de la Loi sur la marine marchande du
Canada et dans lequel le paiement des droits de pilotage est
obligatoire au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi,
est censé être une zone de pilotage obligatoire établie en
application de la présente loi jusqu'au moment où l'Administra-
tion compétente établit, en application de l'alinéa a) du para-
graphe (1) de l'article 14, un règlement général relatif aux eaux
en question.
A mon avis, l'article 43 invalide ladite déclara-
tion du rapport et il appert que le jugement Regina
c. Cec (précité), prononcé après l'adoption de la
Loi sur le pilotage, est mal fondé en droit.
Au vu des faits de l'espèce et des dispositions de
l'article 43(1) et (7) de la Loi sur le pilotage,
j'estime qu'il y avait une «zone de pilotage obliga-
toire établie en application de ... [Loi sur le
pilotage]». (Voir l'article 43(7).)
Le Parlement a expressément remédié à l'invali-
dité évoquée dans l'extrait du rapport de la Com
mission royale sur le pilotage, par l'article 43 (1) de
la Loi sur le pilotage. Ce texte déclare que tous
règlements y mentionnés, édictés en vertu des pou-
voirs pertinents que confère la Loi sur la marine
marchande du Canada «sont, à toutes fins, censés
avoir été ... établis en application d'une loi du
Parlement du Canada qui donnait pouvoir de les
établir». L'article 43(5) de la Loi sur le pilotage ne
modifie pas la situation au point de valider le
décret du conseil de 1929, dont il est question dans
le rapport de la Commission royale sur le pilotage
(selon lequel le paiement des droits de pilotage
n'était pas obligatoire) et annulait le dernier
«règlement de district» de l'Administration de pilo-
tage de l'époque dans la mesure où il a trait à la
région du Pacifique.
Je rejette donc la demande reconventionnelle.
Alaska Trainship Corporation, Pacific Maritime
Agencies Limited et le navire S.S. Alaska ont
droit aux dépens afférents l'action qui porte le
numéro du greffe T-2278-74; quant à l'action por-
tant le numéro du greffe T-2093-74, les dépens
seront taxés entre parties, mais il n'y aura qu'un
seul mémoire d'honoraires d'avocats pour les deux
actions et la demande reconventionnelle afférente
à la dernière action.
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