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A-865-76
Gaétan Lapointe (Requérant) c.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique et Edward B. Jolliffe (Intimés)
et
La Reine pour le Conseil du Trésor représentée par le procureur général du Canada (Mise-en- cause)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, les 20 et 21 avril 1977.
Examen judiciaire Convention collective du ministère des Postes Refus d'accorder du travail supplémentaire Bris de contrat allégué Preuve exigée Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
Durant la période des fêtes, le requérant, un employé du ministère des Postes, a effectué trois heures de travail supplé- mentaire en sus de sa journée ordinaire de travail et voulait faire une heure de plus de travail supplémentaire. Le ministère des Postes a refusé et a confié ce travail à des employés à temps partiel ou à des employés surnuméraires. Le requérant prétend que cela constitue une violation de l'article 39.05 de la conven tion collective.
Arrêt: la demande est rejetée. Pour prouver une violation de l'article 39.05, il ne suffit pas qu'un employé régulier établisse que, à l'époque de Noël, l'employeur a fait effectuer par un employé surnuméraire ou à temps partiel un travail que lui, l'employé régulier, voulait et pouvait effectuer. Il faut de plus que l'employé établisse l'existence de circonstances telles qu'el- les permettent de croire qu'il n'était pas raisonnable pour l'employeur de limiter ainsi le droit de travailler de son employé régulier.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Paul Lesage pour le requérant.
Yvon Brisson pour les intimés et la mise-en- cause.
PROCUREURS:
Trudel, Nadeau, Létourneau, Lesage & Cleary, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés et la mise-en-cause.
Voici les motifs du jugement de la Cour pro- noncés en français â l'audience par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande l'an- nulation, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, d'une décision prononcée le 17 décembre 1976 par monsieur Edward B. Jolliffe alors qu'il était président suppléant de la Commis sion des relations de travail dans la Fonction publi- que. Par cette décision, la Commission a rejeté un grief qu'avait présenté le requérant.
Le requérant est un employé régulier du minis- tère des Postes à Thetford Mines, Québec. Le 12 décembre 1975, en sus de sa journée ordinaire de travail, ii a effectué trois heures de travail supplé- mentaire. Il prétend, et c'est le grief qu'a rejeté la décision attaquée, que, suivant l'article 39.05 de la convention collective régissant ses conditions de travail, il avait droit de faire une heure de plus de travail supplémentaire.
Cet article 39.05 de la convention collective se lit comme suit:
**39.05 Dotation durant la période des fêtes
Dans le cas de besoin d'heures additionnelles, le personnel pour traiter le courrier de la période de Noël est recruté dans l'ordre suivant:
a) Les congés de roulement des employés réguliers à plein temps seront cancellés et le nombre d'heures d'une journée normale augmenté, sujet à l'acceptation des employés régu- liers à accepter de faire du travail supplémentaire.
b) Les heures des employés à temps partiel seront extension- nées au-delà de trente (30) heures par semaine pour la période de Noël telle que définie au niveau local, si néces- saire et sujet à l'acceptation des employés à temps partiel à accepter du travail supplémentaire.
c) Les employés surnuméraires seront engagés selon les besoins de chaque section.
Le requérant a formulé son grief de la façon suivante:
ÉNONCE: Durant la période des fêtes, le 12 décembre 1975, l'employeur ne s'est pas souscrit aux prescriptions de l'article 39 de la convention collective en utilisant les services d'un employé surnuméraire pour du travail requis de 11:35 heures à 12:35 heures et ce, en me limitant à trois (3) heures de surtemps après mon horaire quotidien de travail le 12 décembre 1975. J'estime être lésé et je considère que l'employeur n'a pas respecté les modalités des articles 15, 17 et 39 de la présente convention collective.
REDRESSEMENT: Je demande de recevoir en argent l'équiva- lent de une (1) heure à taux et demi (y) soit un montant égal à celui que j'aurais gagné si j'avais accompli le travail supplé- mentaire que je n'ai pas eu la chance d'accomplir de 11:35 à
12:35 heures le 12 décembre 1975 et ce, conformément aux articles 15, 17 et 39 de la présente convention collective.
Au premier palier de la procédure d'instruction, le grief du requérant fut rejeté dans les termes suivants:
Nous avons étudié votre grief.
Puisque vous avez effectué du surtemps entre 08.30 et 11.30
hrs. vous avez eu une chance le 12 décembre 1975.
Par conséquent, nous avons respecté la clause 39-05 de la
convention.
Votre grief est rejeté.
Au second palier de la procédure, l'employeur exprime ainsi son refus:
Nous avons entendu les représentations de votre Syndicat le 24 février 1976.
Nous avons étudié les faits donnant lieu à votre grief. Nous remarquons que vos heures de travail ont été augmentées le jour indiqué en conformité de la clause 39.05.
Nous ne croyons pas que l'employeur était tenu de vous offrir l'heure supplémentaire réclamée, car il est de sa responsabilité de fixer le nombre d'heures supplémentaires à effectuer. Votre grief est refusé.
Quant à la décision prononcée par l'employeur au troisième palier de la procédure, elle est ainsi rédigée:
Nous avons entendu les représentations de votre Syndicat à propos de votre grief.
Toutes les circonstances ayant été étudiées, nous sommes d'avis que la limite imposée sur les heures supplémentaires durant la période des fêtes était raisonnable. tant donné le montant de surtemps que vous avez effectué, vous n'avez pas été lésé. Par conséquent, votre grief est rejeté.
A l'arbitrage, les parties n'introduisirent aucune preuve. Ils se contentèrent de convenir de la véra- cité des faits récités dans la déclaration suivante:
[TRADUCTION] 1. L'employé s'estimant lésé, G. Lapointe, est au service du ministère des Postes à Thetford Mines (Québec) et fait partie de la classe P0-4.
2. On considérait à Thetford Mines que la période de Noël comprenait le vendredi 12 décembre 1975 qui était une journée ordinaire de travail pour l'employé s'estimant lésé.
3. Le vendredi 12 décembre 1975, l'employé s'estimant lésé a travaillé de 0h01 à 8h30, son horaire habituel de travail (8h).
4. Le vendredi 12 décembre 1975, l'employé s'estimant lésé a effectué trois (3) heures de surtemps, de 8h30 à 11h30 et a reçu l'équivalent de 3h30 à taux et demi. Il voulait et pouvait travailler de 11h30 à 12h30.
5. Le vendredi 12 décembre 1975, un surnuméraire (Marc Leblond) a travaillé de 6h à 11h et de 12h à 15h.
6. Le vendredi 12 décembre 1975, un employé temporaire (Marc Poulin) a travaillé de 6h à 11h et de 11h35 à 12h35.
Le requérant a donc travaillé onze heures (dont trois heures de temps supplémentaire) le 12 décembre 1975. Il aurait voulu travailler une heure de plus et prétend que son employeur a violé l'article 39.05 de la convention collective en ne lui permettant pas de le faire.
Pour décider cette affaire, il n'est pas nécessaire de s'attarder à étudier la longue décision de la Commission, ni de se prononcer sur l'exactitude de toutes les affirmations qu'elle contient.
Le requérant prétendait que son employeur n'avait pas exécuté les obligations que lui imposait la convention collective. Cette prétention, il devait la prouver. Le requérant avait le fardeau de la preuve. Sans vouloir définir quelle preuve il devait apporter pour satisfaire à cette exigence, on peut certes dire qu'il devait, pour réussir, établir à tout le moins des faits dont l'existence permettait rai- sonnablement de conclure que l'article 39.05 de la convention n'avait pas été respecté. Or, il nous semble que les faits établis devant la Commission, c'est-à-dire les faits dont les parties avaient con- venu dans la déclaration déjà citée, n'étaient pas suffisants pour permettre d'en arriver à cette conclusion.
Il est certain que, suivant l'article 39.05, dans le cas il y a un surcroît de travail dans le temps de Noël, les employés réguliers ont le droit d'exiger que ce travail leur soit confié plutôt qu'à des employés à temps partiel ou surnuméraires. Il est également certain, cependant, que ce droit de pré- férence des employés réguliers ne peut être et n'est pas absolu. Par exemple, un employé régulier n'au- rait pas le droit d'exiger que son employeur le fasse travailler 24 heures par jour. Il faut donc imposer des tempéraments, des limites à ce droit de préférence dont bénéficient les employés aux termes de l'article 39.05. Et il nous semble impos sible de définir ces limites autrement qu'en disant que ce sont celles qui, dans les circonstances de chaque cas, paraissent être raisonnables.
Pour prouver une violation de l'article 39.05, il ne suffit donc pas qu'un employé régulier établisse que, à l'époque de Noël, l'employeur a fait effec- tuer par un employé surnuméraire ou à temps partiel un travail que lui, l'employé régulier, vou- lait et pouvait effectuer. Il faut de plus que l'em- ployé établisse l'existence de circonstances telles
qu'elles permettent de croire qu'il n'était pas rai- sonnable pour l'employeur de limiter ainsi le droit de travailler de son employé régulier.
En l'espèce, tout ce que la preuve révélait, c'est que le requérant, après avoir travaillé depuis une heure jusqu'à onze heures et demie du matin le 12 décembre 1975, n'avait pu, comme il l'aurait voulu, travailler jusqu'à midi et demie, l'employeur ayant préféré confier cette heure additionnelle de travail à un employé à temps partiel qui n'avait, lui, commencé à travailler qu'à six heures ce matin-là.
A notre avis, ces faits, à eux seuls, ne sont pas suffisants pour permettre de conclure que les droits du requérant aux termes de l'article 39.05 de la convention n'ont pas été respectés. Comme c'est là, en substance, ce qu'a décidé la Commission, la demande du requérant sera rejetée.
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