T-803-75
Fraternité internationale des ouvriers en électri-
cité, section locale 529 (Requérante)
c.
Central Broadcasting Company Ltd. (Intimée)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Saskatoon, les 8 et 9 septembre; Ottawa, le 29
septembre 1976.
Pratique—Requête visant l'exécution d'une ordonnance
rendue par le Conseil canadien des relations du travail, en
vertu de l'art. 123 du Code canadien du travail—La requête
est-elle étayée par des affidavits pertinents?—La preuve orale
est-elle admissible?—L'ordonnance rendue par le Conseil a-
t-elle été déposée correctement et est-elle suffisamment pré-
cise pour être exécutable?—Code canadien du travail, S.R.C.
1970, c. L-1 tel que modifié, art. 122, 123, 184 et 189—Loi sur
la Cour suprême, art. 53—Règles de la Cour suprême, 41 et
42—Loi sur la Cour fédérale, art. 28—Règles de la Cour
fédérale, 319, 332(5), 337, 1903, 1904 et 1905(4).
La requérante demande que l'ordonnance rendue par le
Conseil canadien des relations du travail soit déposée et enre-
gistrée nunc pro tunc à la Cour fédérale, en vertu de l'article
123 du Code canadien du travail, si la nullité du dépôt et de
l'enregistrement précédents rend cette mesure nécessaire. La
requérante demande aussi que les employés énumérés dans
l'ordonnance du Conseil soient réintégrés et sollicite l'autorisa-
tion d'obtenir un bref de séquestration visant les biens de
l'intimée et de son président ainsi qu'une ordonnance d'incarcé-
ration contre le président de l'intimée, et de citer des témoins à
déposer à l'audition de la présente requête. La requérante
s'oppose en outre à l'audition des objections de l'intimée.
Celle-ci soutient notamment qu'il n'y a pas eu défaut de sa part
à se conformer à l'ordonnance du Conseil.
Arrêt: la requête est rejetée dans son intégralité. (1) Le dépôt
et l'enregistrement de l'ordonnance du Conseil, non contestés
auparavant, sont nuls. (2) La demande que l'ordonnance soit
déposée maintenant est rejetée parce qu'il n'est pas suffisam-
ment prouvé que les intimés ne se sont pas conformés à
l'ordonnance, et qu'ils n'ont pas été en mesure de présenter une
défense pleine et entière. (3) La demande que la Cour modifie
l'ordonnance du Conseil en fixant un délai pour s'y conformer,
est rejetée en raison des restrictions imposées par l'article
122(2) du Code canadien du travail. (4) L'autorisation d'obte-
nir un bref de séquestration et une ordonnance d'incarcération
est refusée parce que l'ordonnance du Conseil n'a pas été
déposée et enregistrée comme s'il s'agissait d'une ordonnance
de cette Cour; ladite ordonnance, en tous cas, est conditionnelle
et les conditions n'ont pas été remplies. Par ailleurs, elle est si
inexplicite à d'autres égards qu'on ne peut pas déterminer les
actes qu'elle ordonne d'accomplir ni déclarer qu'il y a eu défaut
de s'y conformer. (5) La requérante doit étayer son avis de
requête par des affidavits révélant tous les faits pertinents. (6)
La copie de l'ordonnance signifiée à l'intimée et à son président
ne portait pas l'avis exigé par la Règle 1905(4).
Arrêts appliqués: Le Syndicat canadien de la Fonction
publique c. La Société Radio-Canada [1976] 2 C.F. 151;
Jackson c. Fisher's Foils Ltd. [1944] 1 All E.R. 421 et
Iberian Trust, Limited c. Founders Trust and Investment
Company, Limited [1932] 2 K.B. 87.
REQUÊTE.
AVOCATS:
D. K. MacPherson, c.r., pour la requérante.
G. Taylor, c.r., pour l'intimée.
PROCUREURS:
MacPherson, Leslie & Tyerman, Regina,
pour la requérante.
Goldenberg, Taylor & Tallis, Saskatoon,
pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Il s'agit d'une requête en
vue d'obtenir les ordonnances énoncées dans l'avis
de requête ou celles d'entre elles que cette Cour
jugera équitables.
La meilleure manière d'illustrer le redressement
demandé consiste à reproduire le texte de l'avis de
requête:
[TRADUCTION] 1. QUE l'ordonnance rendue par le Conseil
canadien des relations du travail le 19 février 1975, où ledit
conseil, sur plainte formulée par la requérante, a ordonné à
l'intimée Central Broadcasting Company Ltd., de réintégrer
dans leurs emplois les employés suivants:
[viennent ensuite les noms de 21 employés que je ne repro-
duis pas.]
énumérés plus particulièrement dans ladite ordonnance,
laquelle ordonnance a été déposée et enregistrée à la Cour
fédérale, le 12 mars 1975, soit déposée et enregistrée à la Cour
fédérale par suite de la présente requête, si besoin est;
2. QUE les intimés soient requis de reprendre au service de
l'intimée Central Broadcasting Company Ltd., dans les fonc-
tions qu'ils occupaient avant leur renvoi, le 2 décembre 1974,
au même taux de traitement et avec les mêmes privilèges, ainsi
qu'avec toute rémunération ou tout privilège dont ils auraient
bénéficié s'ils n'avaient pas été renvoyés, les employés dont
l'ordonnance rendue par le Conseil canadien des relations du
travail le 19 février 1975, a ordonné la réintégration, à cette
date ou avant cette date, comme cette Cour le jugera équitable;
3. QUE la réquérante soit autorisée à obtenir un bref de séques-
tration visant les biens de l'intimée Central Broadcasting Com
pany Ltd. et de l'intimé Edward Arthur Rawlinson, son
président;
4. QUE la requérante soit autorisée à obtenir une ordonnance
d'incarcération contre l'intimé Edward Arthur Rawlinson, pré-
sident de l'intimée Central Broadcasting Company Ltd.;
5. QUE la requérante soit autorisée à appeler des témoins à
déposer en audience publique relativement au redressement
demandé dans la présente affaire;
6. QUE cette Cour rende toute autre ordonnance ou recours que
pourrait exiger la nature de la présente cause;
7. Dépens.
J'estime aussi utile de reproduire le texte de
l'ordonnance rendue le 19 février 1975, par le
Conseil canadien des relations du travail. Les noms
des 21 employés qui y figurent sont identiques à
ceux énoncés dans l'avis de requête:
[TRADUCTION] ATTENDU QUE le Conseil canadien des rela
tions du travail a reçu une plainte relative à des pratiques de
travail déloyales, déposée par la plaignante au nom d'un groupe
d'employés en vertu de l'article 187(1) du Code canadien du
travail (Partie V—Relations industrielles) contre l'employeur,
Central Broadcasting Company Limited, pour violation des
dispositions de l'article 184(3)a)(i) du Code;
ET ATTENDU QUE le Conseil, après avoir mené une enquête
et tenu une audition, a jugé que l'employeur a renvoyé les
employés en violation des dispositions de l'article 184(3)a)(i)
du Code, sauf pour Gerry Georget, Janice Primeau et Don
Hayduk, dont les plaintes ont été rejetées;
À CES CAUSES, le Conseil canadien des relations du travail,
en vertu de l'article 189 du Code canadien du travail, ordonne à
l'employeur Central Broadcasting Company Limited, de se
conformer aux dispositions de l'article 184 dudit code, et plus
particulièrement
(i) conformément à l'article 189b)(i), de rétablir les
employés énumérés dans ladite ordonnance, dans les fonc-
tions qu'ils occupaient avant leur renvoi, le 2 décembre 1974,
au même taux de traitement, et avec les même privilèges,
ainsi qu'avec toute rémunération ou tout privilège dont ils
auraient bénéficié s'ils n'avaient pas été renvoyés; et
(ii) conformément à l'article 189b)(ii), de verser aux anciens
employés ainsi énumérés, une indemnité égale au montant de
la rémunération qu'ils auraient reçue du 9 décembre 1974 à
la date de la réintégration, si la requérante s'était conformée
aux dispositions de l'article 184.
Les employés réintégrés sont:
[Ici encore, je ne reproduis pas les noms des 21 employés.]
Le Conseil ordonne, en outre, que le quantum de ladite
indemnité à verser aux plaignants susmentionnés ne soit pas
fixé par ses soins mais qu'il y soit évidemment soustrait tout
paiement effectué au lieu et place d'avis, au moment du renvoi,
et toutes déductions normalement requises par la loi ou autre-
ment et qui résultent de l'emploi chez cet employeur.
Le Conseil se réserve le droit de statuer sur le quantum au
cas où les parties ne parviendraient pas à se mettre d'accord et
si l'une ou l'autre d'entre elles lui adressait une demande à cet
effet.
RENDUE à Ottawa, le 19 février 1975, par le Conseil cana-
dien des relations du travail.
Ladite ordonnance du Conseil canadien des rela
tions du travail a été déposée et enregistrée au
greffe de cette Cour, à Saskatoon, le 12 mars
1975. Je suis certain qu'elle a été présentée unila-
téralement au nom de la requérante en l'espèce,
sous le régime de l'article 123 du Code canadien
du travail (S.R.C. 1970, c. L-1, dans sa forme
modifiée par les S.C. 1972, c. 18).
L'article 123 est rédigé de la façon suivante:
123. (1) Lorsqu'une personne, un employeur, une associa
tion patronale, un syndicat, un conseil de syndicats ou un
employé a omis de se conformer à une ordonnance ou une
décision du Conseil, toute personne ou association concernée
par l'ordonnance ou la décision peut, passé un délai de quatorze
jours à partir de la date de l'ordonnance ou de la décision ou de
la date d'exécution qui y est fixée, si celle-ci est postérieure,
déposer à la Cour fédérale du Canada une copie du dispositif de
l'ordonnance ou de la décision.
(2) Dès son dépôt à la Cour fédérale du Canada effectué en
vertu du paragraphe (1), une ordonnance ou une décision du
Conseil doit être enregistrée à la Cour et cet enregistrement lui
confère la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un
jugement émanant de cette Cour, et, sous réserve de l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale, toutes les procédures lui faisant
suite peuvent dès lors être engagées en conséquence.
L'intention exprimée par le législateur dans le
paragraphe (2) de l'article 123 est fort claire:
lorsqu'une ordonnance du Conseil a été enregis-
trée, elle a, aux fins d'exécution, la même force et
le même effet que s'il s'agissait d'un jugement
émanant de ce Conseil, car tous les brefs qui
peuvent servir à l'exécution d'une ordonnance de
cette Cour s'appliquent également à celle d'une
ordonnance du Conseil, lorsque celle-ci a été enre-
gistrée conformément aux dispositions de l'article.
L'article 123 figure, ainsi que l'article 122, dans
la rubrique «Revision et mise à exécution des
ordonnances». A mon avis, il ne convient pas de
traiter ladite rubrique comme une note marginale
ou simplement comme une classification de textes
législatifs. A mon avis, elle constitue une partie
importante de la loi elle-même, et elle peut être
considérée non seulement comme expliquant les
articles suivants, comme un préambule, mais
comme offrant pour leur interprétation une bien
meilleure clef que ne le serait un simple
préambule.
C'est cette raison, ajoutée aux termes employés
dans l'article, qui m'amène à conclure que l'article
123(2) a été inséré dans la loi aux fins de prévoir
l'exécution des ordonnances du Conseil par les
brefs de la Cour, le Code canadien du travail ne
fournissant au Conseil aucun moyen analogue pour
faire exécuter ses ordonnances. Telle est l'obliga-
tion que l'article 123(2) impose à cette Cour. Cela
étant, les ordonnances du Conseil doivent être
rédigées en des termes aussi précis que celles ren-
dues par les juges de cette Cour et aussi être
conçues de manière à pouvoir être exécutées par
les procédés normaux de cette Cour.
Dans Le Syndicat canadien de la Fonction
publique c. La Société Radio-Canada' mon collè-
gue le juge Walsh a accueilli une requête visant à
radier l'enregistrement d'une décision arbitrale
censé avoir été effectué auprès de cette Cour en
vertu de l'article 159 du Code canadien du travail.
A l'exception de différences mineures dans les
libellés de l'article 123 et de l'article 159, dictées
par les nécessités du sujet (comme, par exemple,
dans leur paragraphe (2) respectif, l'utilisation des
termes «d'un arbitre ou d'un conseil d'arbitrage»
dans l'article 159, et celle des termes «du Conseil»,
dans l'article 123), les deux articles sont identi-
ques. Cela étant, la décision du juge Walsh est une
interprétation qui a autant de valeur pour l'un
comme pour l'autre.
Suivant la conclusion du juge Walsh, pour que
l'enregistrement d'une ordonnance soit valable, il
faut qu'il ait lieu par suite d'un avis de requête
signifié à la partie adverse et étayé par des affida
vits qui établissent l'existence de la condition préa-
lable prévue au paragraphe (1) de l'article 159, à
savoir qu'on ne s'est pas conformé à la décision ou
à l'ordonnance, et que la partie adverse ait eu
l'occasion de déposer des affidavits en réponse.
Cela n'ayant pas été fait, il a par conséquent
conclu à la nullité de l'enregistrement et en a
ordonné la radiation.
C'est cette décision qui a inspiré le redressement
demandé dans le paragraphe 1 de l'avis de requête,
à savoir que l'ordonnance rendue par le Conseil le
19 février 1975, déposée et enregistrée le 12 mars
1975, devait être enregistrée par suite de la
demande formulée dans le présent avis de requête.
En outre, l'avocat de la requérante a verbalement
complété la demande en sollicitant l'enregistre-
ment nunc pro tunc de l'ordonnance, c'est-à-dire
avec effet rétroactif au 12 mars 1975.
' [1976] 2 C.F. 151.
La cause qui a engendré cette requête, a fait
l'objet d'un litige.
A la suite du prononcé de l'ordonnance du Con-
seil, le 19 février 1975, Central Broadcasting Com
pany Ltd., l'intimée en l'espèce, en vertu de l'arti-
cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale, a demandé,
le 21 février 1975, la Division d'appel d'examiner
et d'annuler l'ordonnance du Conseil.
Le 5 mars 1975, elle a demandé une suspension
des procédures afférentes à l'exécution de l'ordon-
nance du Conseil.
Le 13 mars 1975, le juge en chef a transféré la
demande à la Division de première instance, qui
était compétente en l'espèce 2 ; puis, le 17 mars
1975, en sa qualité de juge ex officio de ladite
Division, il a rendu une ordonnance suspendant les
procédures, à condition que l'intimée paie aux 21
personnes nommément désignées dans l'ordon-
nance du Conseil, les mêmes salaires et autres
bénéfices qu'elle leur payait immédiatement avant
la cessation de leur emploi, le 2 décembre 1974,
(excepté qu'aucun des employés ne devait se pré-
senter au lieu de l'emploi ni exercer autrement les
fonctions de l'emploi dans lequel il était réintégré
par l'ordonnance du Conseil, à moins que l'intimée
l'en prie) pour la période comprise entre le 14
mars 1975 et la date où la Cour d'appel fédérale
rendrait son jugement concernant la demande for-
mulée en vertu de l'article 28 et relative à l'ordon-
nance du Conseil. Il était aussi prévu dans la
condition qu'un employé n'aura pas droit à être
payé par l'intimée pour toute période où il aura été
employé par une autre personne.
Le 14 mai 1975 3 , la Cour d'appel a rejeté la
demande adressée en vertu de l'article 28 de la Loi
sur la Cour fédérale.
Le même jour, la défenderesse a adressé une
demande en vue de la prolongation de la suspen
sion des procédures et le même jour également, le
juge Pratte a rendu une ordonnance dans ce sens,
sous réserve que la condition susmentionnée conti-
nuerait et, aux fins matérielles de la présente
2 [1975] C.F. 310.
3 [1975] C.F. 314.
requête, jusqu'à ce que la Cour suprême du
Canada statue sur l'appel interjeté devant elle du
jugement de la Cour d'appel fédérale.
La Cour d'appel a refusé l'autorisation d'interje-
ter appel devant la Cour suprême du Canada, mais
cette dernière l'a accordée, à la suite d'une
demande qui lui a été adressée.
Le 29 juin 1976, le juge de Grandpré a prononcé
l'arrêt de la Cour suprême, qui a rejeté l'appel à
l'unanimité.
Puisque, selon l'ordonnance du juge Pratte, la
suspension de l'exécution a pris fin lorsque la Cour
suprême du Canada a tranché la question, j'ai, en
conséquence, demandé à l'avocat à quelle date le
registraire de la Cour suprême a certifié le juge-
ment au fonctionnaire compétent de la cour de
première instance, conformément à l'article 53 de
la Loi sur la Cour suprême 4 . J'ai fait cette enquête
parce que cette certification, selon moi, représen-
tait le jugement effectif de l'affaire par la Cour
suprême, mettant ainsi fin à la suspension des
procédures, et parce que ces renseignements ne
figuraient pas dans les documents dont je dispo-
sais, comme cela aurait dû être.
L'avocat de l'intimée m'a alors présenté (et je
l'ai accepté) un affidavit émanant de son manda-
taire d'Ottawa et établissant que, le 25 août 1976,
celui-ci s'est rendu au bureau du registraire de la
Cour suprême et a assisté et participé à la rédac-
tion définitive du jugement de ladite cour, confor-
mément aux Règles 41 et 42 de la Cour suprême
du Canada. L'auteur de l'affidavit ajoute qu'il
ressort d'une recherche effectuée dans les dossiers
de la Cour fédérale que le jugement de la Cour
suprême du Canada, rédigé le 25 août 1976, a bien
été certifié le même jour par le registraire au
fonctionnaire compétent de la Division d'appel de
la Cour fédérale du Canada.
Il n'y a pas le moindre doute, à mon sens, que
l'avocat de l'intimée a obtenu cet affidavit par
anticipation d'une objection qu'il a ensuite
présentée.
L'avocat de l'intimée a proposé de procéder aux
objections préliminaires à l'octroi de la requête,
qui sont au nombre de huit. L'avocat de la requé-
4 S.R.C. 1970, c. S-19.
rante s'y est opposé au motif que l'intimée n'a pas
déposé un avis de requête aux fins de rejeter la
requête de la requérante et que, par conséquent,
cette dernière n'a pas eu connaissance préalable
des objections et n'a donc pas été en mesure de se
préparer à y faire face.
A mon avis, cette objection présentée au nom de
la requérante est parfaitement insoutenable. Une
demande par voie de requête ne ressemble nulle-
ment à l'audition d'une cause d'action, basée sur
des plaidoiries antérieures. C'est plutôt la requête
du requérant qui, en vertu de la Règle 319, doit
être étayée par un affidavit établissant tous les
faits sur lesquels elle se fonde et qui n'apparaissent
pas au dossier. La partie adverse peut déposer en
réponse un affidavit, qui doit aussi viser les faits.
C'est tout ce qu'elle est tenue de faire et encore ne
le fait-elle que si elle le juge utile.
La requête émanant de la requérante, celle-ci
doit, de toute évidence, être prête à en défendre la
validité et à réfuter toutes les attaques dont elle est
l'objet. Après tout, si elle l'a présentée, c'est parce
qu'elle devait être convaincue de sa justesse et
prête à prévenir et à réfuter les attaques suscepti-
bles d'être dirigées contre cette conviction.
J'ai rejeté l'objection de la requérante à ce que
l'intimée procède aux objections préliminaires à la
requête et j'ai autorisé cette dernière à les
présenter.
Après coup et en y réfléchissant à nouveau, je
persiste dans mon rejet de l'objection formulée à
cet égard par la requérante et je suis convaincu
que j'ai raison.
L'audition de la requête a duré deux jours com-
plets, et je pourrais faire observer que même alors,
vu les circonstances particulières, la requête n'a
pas été complètement entendue. L'après-midi du
premier jour, l'avocat de l'intimée a procédé aux
objections préliminaires. L'audition a continué le
jour suivant; l'avocat de la requérante était donc
informé des objections préliminaires et a eu ample-
ment le temps de les examiner et d'y répondre.
La première objection formulée au nom de l'in-
timée porte que la demande est prématurée parce
que la suspension des procédures n'a pris fin que le
25 août 1976 (et non pas le 29 juin 1976) et que
l'avis de requête, daté du 16 août 1976, a été
déposé le 19 août 1976, signifié le 24 août 1976 à
l'intimée (qui est une corporation) et, le même
jour, à Edward Arthur Rawlinson, son président.
Toutes ces dates sont antérieures à la certification
de l'arrêt de la Cour suprême qui a eu lieu le 25
août 1976, alors que la suspension des procédures
était encore en vigueur.
L'avis de requête devait être présenté à Saska-
toon (Saskatchewan), le 3 septembre 1976. L'audi-
tion de la requête qui devait d'abord avoir lieu
dans cette ville à ladite date, a été reportée au 8
septembre 1976. Elle a finalement eu lieu
ultérieurement.
Cette objection préliminaire est mal fondée et je
la rejette. La date réelle d'une requête est celle de
son audition et non pas celle qui figure sur l'avis y
afférent. En l'espèce, l'audition a commencé le 8
septembre 1976, ce qui est postérieur au 25 août
1976.
Toutefois, l'avocat de l'intimée a opposé à l'avis
sept autres objections préliminaires, qu'il reste à
examiner. En raison même de leur nature, il arrive
qu'en certains cas, elles se chevauchent notable-
ment et ne peuvent pas être correctement isolées ni
traitées séparément et successivement. L'une d'el-
les est importante, car elle allègue que les affida
vits étayant la requête ne révèlent pas tous les faits
sur lesquels se fonde la requête. C'est manifeste-
ment vrai lorsqu'on examine leur contexte. Cinq
des affidavits déposés émanent des employés et
suivent un modèle uniforme. Leurs auteurs décla-
rent que l'intimée, à l'instigation de son président,
a refusé et continue de refuser de reprendre les
employés à son emploi, comme le lui enjoint l'or-
donnance du Conseil. Dans le même paragraphe,
ils ajoutent que ce refus a été exprimé de maintes
façons et en maintes occasions. Au paragraphe
suivant, l'auteur affirme avoir tenté vainement à
plusieurs reprises de retrouver son emploi et le
paragraphe continue en disant que ledit refus a
comporté de nombreux motifs et incidents qui ne
sauraient correctement figurer dans un affidavit.
A mes yeux, il est parfaitement clair que l'inti-
mée a le droit de savoir quels sont les nombreux
motifs et incidents sur lesquels les auteurs des
affidavits se fondent pour justifier leurs allégations
concernant son refus de reprendre les employés à
son emploi, comme le lui enjoint l'ordonnance du
Conseil.
En disant cela, je ne néglige pas la phrase de
l'affidavit invoquée à l'appui de la requête de la
requérante où il est dit que les auteurs des affida
vits devraient être autorisés à témoigner en
audience publique sur ces nombreux motifs et
incidents.
Le paragraphe 5 de l'avis de requête demande
que les témoins soient autorisés à déposer en
audience publique, mais il n'indique pas expressé-
ment de quels témoins il s'agit. Je m'attends d'ail-
leurs à ce que leur nombre se limite aux auteurs
des affidavits déposés à l'appui de la requête.
La Règle 319 prescrit que les allégations de fait
sur lesquelles se fonde une requête doivent revêtir
la forme d'affidavits. Il est exceptionnel qu'un
témoin puisse être appelé à déposer en audience
publique en rapport avec une question de fait
soulevée dans la demande. L'exception n'est accor-
dée que par autorisation lorsqu'on peut apporter la
preuve qu'il y a une raison spéciale.
L'avocat de la requérante ne peut pas présumer
que l'autorisation sera accordée ou que la raison
invoquée pour l'obtenir sera considérée comme
«spéciale» et justifiera une exception à la règle
générale.
A mon sens, le simple fait qu'on envisage de
présenter une demande d'autorisation pour intro-
duire une preuve orale ne dispense pas l'auteur
d'un affidavit de l'obligation d'y révéler tous les
faits sur lesquels la demande se fonde et cela, tout
particulièrement parce que l'intimée a le droit de
connaître ces faits et de ne pas être réduite à des
conjectures, comme dans le cas qui nous occupe. Je
ne pense pas non plus, car un refus est lourd de
conséquences, qu'un auteur d'affidavit soit, de ce
fait, dispensé de révéler les faits lorsqu'ils sont à la
base de la demande, comme c'est manifestement le
cas ici, ni non plus qu'il soit au-delà des moyens
d'un avocat compétent, comme l'est celui de la
requérante, de rédiger un affidavit complet.
Au cours de l'audition, l'avocat de l'intimée a
déclaré qu'il voulait contre-interroger les auteurs
des affidavits. C'est son droit et il aurait dû s'en
prévaloir avant l'audition, afin qu'il soit possible de
la conclure. Il croyait qu'une demande d'autorisa-
tion pour contre-interroger l'auteur d'un affidavit
doit d'abord être adressée à la Cour. Or, il n'en est
rien, quoique cela puisse être vrai dans d'autres
juridictions (peut-être en Saskatchewan). Aux
termes de la Règle 332(5), il suffit de prendre
rendez-vous devant une personne qui a l'accord des
parties et, au besoin, d'obtenir un subpoena pour
assigner le témoin à contre-interroger.
Dans l'espoir que l'audition puisse être conclue
sans un nouveau retard, j'ai dit que j'envisagerais
peut-être d'autoriser les auteurs des affidavits à
témoigner en audience publique, ce qui donnerait à
l'avocat de l'intimée l'occasion de les contre-inter-
roger. Cet espoir s'est avéré illusoire, car ce der-
nier a prétendu qu'après avoir terminé son contre-
interrogatoire, il lui faudrait le temps d'examiner
les renseignements obtenus et de préparer des affi
davits pour y répondre. C'est son droit; il m'a donc
semblé évident qu'il était impossible de gagner du
temps. En conséquence, il ne m'a pas été néces-
saire de décider si ces circonstances pouvaient être
considérées comme une «raison spéciale».
Dans tous les litiges précédents, d'abord devant
la Division de première instance à l'occasion d'une
demande de prolongation afférente à la suspension
des procédures, deuxièmement, à l'occasion de la
demande présentée en vertu de l'article 28 devant
la Division d'appel, et enfin, en appel de cette
décision devant la Cour suprême du Canada, la
question de la validité du dépôt et de l'enregistre-
ment de l'ordonnance rendue par le Conseil en
vertu de l'article 123 du Code canadien du travail,
n'a pas été soulevée comme point litigieux et
aucune de ces cours n'en a été saisie, en sorte que
la question n'a pas été tranchée.
L'avocat de l'intimée, vu la position qu'il a
adoptée dans le litige antérieur, c'est-à-dire la
simple acceptation de la validité du dépôt et de
l'enregistrement de l'ordonnance du Conseil, était
disposé à admettre qu'aux fins de la présente
requête, le dépôt et l'enregistrement de l'ordon-
nance du Conseil sont valables.
L'avocat de la requérante, lui, n'était pas dis-
posé à accepter cette opinion. Il a soutenu avec
intransigeance que la demande formulée dans le
paragraphe 1 de l'avis de requête, à savoir que le
dépôt de l'ordonnance du Conseil devant cette
Cour par suite de la requête, doit être examinée et
même avec effet rétroactif, a-t-il ajouté
verbalement.
Les parties ont hérité de certains droits à la suite
du dépôt et de l'enregistrement de l'ordonnance du
Conseil, effectués le 12 mars 1975 et peut-être
entachés de nullité. Comme il est souhaitable de
préserver ces droits, je refuse, en l'espèce, d'accep-
ter que le dépôt et l'enregistrement de l'ordon-
nance du Conseil aient un effet rétroactif au 12
mars 1975. Si, après avoir bien examiné la ques
tion, et en me fondant sur la jurisprudence, je dois
accepter le dépôt et l'enregistrement de l'ordon-
nance du Conseil, alors je ne leur donnerai effet
qu'à compter du 8 septembre 1976.
A ma connaissance, le seul jugement qui fasse
autorité à propos des conditions préalables au
dépôt d'une ordonnance en vertu des articles 123
ou 159 du Code canadien du travail est celui
prononcé par mon collègue le juge Walsh dans
l'affaire Le Syndicat canadien de la Fonction
publique c. La Société Radio-Canada (précitée).
Selon lui, ces conditions sont les suivantes: il faut
prouver que l'employeur a négligé de se conformer
à l'ordonnance du Conseil et la demande de dépôt
doit être faite par voie d'avis de requête signifié à
la partie adverse et accompagné d'affidavits énon-
çant tous les faits qui prouvent ledit défaut de se
conformer auxquels la partie adverse peut répon-
dre par un affidavit.
Le problème en l'espèce étant analogue à celui
réglé par le juge Walsh, je pense que je suis obligé
de l'aborder de la même façon et ce, jusqu'à ce
qu'une cour supérieure indique une ligne de con-
duite différente, si cela se produit un jour. Quand
je dis «obligé», je n'entends pas me prétendre lié
par une règle stricte de stare decisis, mais il me
paraît souhaitable que cette Cour, dans la mesure
du possible, suive une ligne de conduite uniforme.
Cela étant, le dépôt et l'enregistrement de l'ordon-
nance du Conseil au greffe de cette Cour, effectués
le 12 mars 1975, sont nuls. Le paragraphe 1
m'invite donc maintenant à déposer une copie de
l'ordonnance du Conseil. L'intimée conteste vigou-
reusement qu'elle ne se soit pas conformée à l'or-
donnance. Comme je l'ai indiqué précédemment, le
dépôt et l'enregistrement d'une ordonnance du
Conseil à la Cour fédérale, visent à assurer son
exécution par les brefs de cette Cour. C'est en fait
ce que demandent les paragraphes 3 et 4 de l'avis
de requête. Ils réclament un bref de séquestration
visant les biens de l'intimée et de Rawlinson, son
président, ainsi qu'une ordonnance d'incarcération
contre ce dernier.
Lorsqu'il est question de bref de séquestration et
d'ordonnance d'incarcération, je pense qu'il est des
plus souhaitables que l'ordonnance, dont on
réclame l'exécution par ces moyens, énonce avec
précision le délai à l'intérieur duquel il faut accom-
plir les actes qu'elle ordonne. Je ne veux pas dire
pour autant qu'une ordonnance ne pourra jamais
être exécutée par séquestration et incarcération, du
seul fait qu'elle ne mentionne pas de délai. Cela
dépend des circonstances propres à chaque cas.
Toutefois, en l'espèce, l'ordonnance aurait dû indi-
quer le délai d'exécution.
L'avocat de la requérante est d'accord sur ce
point, car le paragraphe 2 de l'avis de requête
m'invite à fixer un délai pour l'exécution de l'or-
donnance. Or, si le Conseil avait voulu que son
ordonnance soit exécutée immédiatement, il aurait
au moins pu le dire expressément. Puisqu'il n'a
indiqué aucune limite de temps, je présume qu'il a
voulu dire: exécution immédiate de l'ordonnance.
Mais, même lorsqu'une ordonnance doit être exé-
cutée immédiatement, il faut interpréter ce dernier
mot dans son contexte et en fonction de son objet
et des circonstances qui l'entourent. En l'espèce,
compte tenu de ces considérations, le mot «immé-
diatement» doit vouloir dire «dans un délai
raisonnable».
Toutefois, ces considérations mises à part, on me
demande ni plus ni moins que de modifier l'ordon-
nance du Conseil. Or, cela, je ne pense pas en avoir
le pouvoir.
L'article 122 du Code canadien du travail est
rédigé dans les termes suivants:
122. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente
Partie, toute ordonnance ou décision du Conseil est définitive et
ne peut être mise en question devant un tribunal ni revisée par
un tribunal, si ce n'est conformément à l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale.
(2) Sous réserve du paragraphe (1), aucune ordonnance ne
peut être rendue, aucun bref ne peut être décerné ni aucune
procédure ne peut être engagée, par ou devant un tribunal, soit
sous forme d'injonction, certiorari, prohibition ou quo war-
ranto, soit autrement, pour mettre en question, reviser, inter-
dire ou restreindre une activité exercée en vertu de la présente
Partie par le Conseil.
En vertu du paragraphe (1), l'ordonnance du
Conseil est définitive et ne peut pas être mise en
question devant un tribunal, si ce n'est conformé-
ment à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Le paragraphe (2) est un texte négatif qui interdit
de recourir aux brefs de prérogative et aux moyens
de droit du même ordre. Il n'est donc pas possible
d'en appeler d'une ordonnance du Conseil et, par
suite, je ne peux pas rendre l'ordonnance que le
Conseil aurait dû rendre.
L'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale ne
prévoit pas d'appel devant la Cour d'appel d'une
décision rendue par un office, une commission ou
un autre tribunal fédéral. Tout ce que l'article
accorde à la Cour d'appel, c'est la compétence
d'examiner et d'annuler une ordonnance. Au cours
de son examen, elle peut indiquer au tribunal les
actes qu'il aurait dû accomplir et lui renvoyer la
question pour qu'il y soit donné suite. Selon moi, la
Cour d'appel n'a pas reçu le pouvoir de modifier
ou de transformer une ordonnance rendue par un
tribunal fédéral, mais seulement de l'examiner et
de l'annuler. De toute évidence, la Division de
première instance n'est pas habilitée à modifier
une ordonnance du Conseil canadien des relations
du travail.
Je n'oublie pas qu'en vertu de l'article 123(2) du
Code canadien du travail, lorsqu'une ordonnance
du Conseil est enregistrée, elle a la même force et
le même effet que s'il s'agissait d'un jugement
émanant de cette Cour et que toutes les procédures
lui faisant suite peuvent dès lors être engagées. J'ai
conclu précédemment que ces dispositions visent à
faire exécuter l'ordonnance du Conseil.
L'avocat de la requérante, en demandant qu'un
délai soit fixé pour exécuter l'ordonnance, part
d'abord du point de vue que l'ordonnance du Con-
seil, par son enregistrement, est devenue une
ordonnance de cette Cour et il invoque alors la
Règle 1904, dont voici le libellé:
Règle 1904. (1) Même si un jugement ou une ordonnance
exigeant qu'une personne accomplisse un acte spécifiant dans
quel délai l'acte doit être accompli, la Cour peut rendre une
ordonnance exigeant que l'acte soit accompli dans tel autre
délai, calculé à partir de la signification de cette ordonnance ou
autrement, que spécifie cette dernière ordonnance.
(2) Lorsqu'un jugement ou une ordonnance exigeant qu'une
personne accomplisse un acte ne spécifie pas dans quel délai il
doit être accompli, la Cour peut par la suite rendre une
ordonnance exigeant que l'acte soit accompli dans tel délai,
calculé à partir de la signification de cette ordonnance ou
autrement, que spécifie cette dernière ordonnance.
Pour répondre pleinement à cette requête, il
convient d'insister sur le fait qu'aucune ordon-
nance du Conseil n'a validement été déposée ni
enregistrée à cette Cour.
Je suis appelé à statuer sur la validité du dépôt
et de l'enregistrement de l'ordonnance du Conseil,
qui ont été effectués le 12 mars 1975. Cette ques
tion est soulevée par le paragraphe 1 de l'avis de
requête, que je cite à nouveau partiellement par
souci de commodité et à cause de son importance:
«laquelle ordonnance a été déposée et enregistrée à
la Cour fédérale le 12 mars 1975, soit déposée et
enregistrée à la Cour fédérale par suite de la
présente requête, si besoin est».
En raison de la décision du juge Walsh à
laquelle je me suis référé précédemment, le dépôt
et l'enregistrement de l'ordonnance effectués le 12
mars 1975, sont nuls. Donc, il devient nécessaire
d'examiner la demande de dépôt de l'ordonnance
du Conseil car, pour reprendre les termes du para-
graphe 1, «besoin est». Pour les raisons que j'ai
déjà données et celles que je donnerai ensuite, je
refuse de déposer l'ordonnance, d'où il résulte qu'il
n'y a aucune ordonnance du Conseil déposée et
enregistrée devant cette Cour et, par suite, aucune
ordonnance de cette Cour à modifier. Et même s'il
y en avait une, je ne fixerais pas de délai pour son
exécution. Le fait de déposer et d'enregistrer
devant cette Cour une ordonnance du Conseil vise
à en assurer l'exécution par les brefs de cette Cour.
Si on examine la question de façon réaliste, l'or-
donnance, même après son dépôt devant cette
Cour, reste l'ordonnance du Conseil. Or, l'ordon-
nance du Conseil est définitive et ne peut pas être
mise en question ni révisée par un tribunal, si ce
n'est conformément à l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale; il n'entre donc pas dans les attribu
tions d'un juge de la Division de première instance
de la modifier pour la rendre exécutable. L'ordon-
nance du Conseil, même lorsqu'elle est déposée et
enregistrée aux termes de l'article 123, reste
intacte. Telle a été, à mon sens, sans aucun doute
l'intention du Parlement lorsqu'il a rédigé l'article
122 du Code canadien du travail. Le tribunal
compétent pour modifier une ordonnance du Con-
seil, c'est le Conseil lui-même. J'ai exprimé ce
point de vue (auquel j'adhère toujours) à l'avocat
de la requérante, à plusieurs reprises au cours de
l'audition de la requête. Il n'appartient pas à la
Division de première instance de deviner ce qui se
cache sous le libellé de l'ordonnance, et de la
modifier de façon à dire ce que le Conseil voulait
dire, mais n'a pas dit. Un tel procédé équivaudrait
à usurper les fonctions du Conseil.
Si on autorise un juge de la Division de première
instance à agir ainsi, même en se confinant dans
les limites de la Règle 1904, alors ladite Règle
devient ultra vires. Or, il existe un principe cardi
nal d'interprétation juridique en vertu duquel on
ne doit pas donner à une Règle une interprétation
qui la rende ultra vires tant qu'il y en a une où elle
est intra vires. En l'occurrence, l'interprétation
intra vires, c'est tout simplement que la Règle
1904 ne s'applique pas aux ordonnances comme
celle rendue par le Conseil dans la présente cause.
La Règle 337 permet une procédure analogue à
celle qui, selon moi, doit être suivie en l'espèce.
Elle stipule que quand les termes du jugement ont
été fixés et prononcés, l'une ou l'autre des parties
peut demander un nouvel examen desdits termes
pour le motif que leur auteur a négligé ou acciden-
tellement omis de traiter une question qu'il aurait
dû traiter. De toute évidence, puisque le texte parle
d'un «nouvel examen», nul n'est mieux placé pour y
procéder que le juge qui a fait le prononcé. Sauf
impossibilité, cette Cour a toujours suivi cette
pratique. Par analogie, il appartient donc au Con-
seil de modifier son ordonnance.
Pour les raisons précédentes, je refuse le redres-
sement demandé dans le paragraphe 2 de l'avis de
requête.
L'avocat de la requérante a déclaré qu'il s'atten-
dait à ne défendre et à n'invoquer que le redresse-
ment demandé dans les paragraphes 1 et 2 de l'avis
de requête, à savoir: le dépôt de l'ordonnance du
Conseil par suite de la requête et sa modification
en vue de fixer un délai pour son exécution. Il a
fondé son affirmation sur l'introduction de l'avis
de requête, où il est demandé que l'avocat soit
entendu à propos de l'octroi des ordonnances énon-
cées dans l'avis de requête ou de celles d'entre elles
que cette Cour jugera équitables. Ce langage ne
signifie pas que certaines des questions qui y sont
soulevées doivent être omises, mais que seules les
ordonnances, dont le bien-fondé est établi, doivent
être accordées.
Le paragraphe 3 de l'avis de requête réclame un
bref de séquestration visant les biens de l'intimée
et d'Edward Rawlinson et le paragraphe 4, une
ordonnance d'incarcération contre ce dernier.
Je ne peux pas voir pour quelle raison l'avocat
de la requérante s'attendait à ce que seul le redres-
sement sollicité aux paragraphes 1 et 2 soit exa-
miné, à moins que cette attente équivale à admet-
tre que le dépôt et l'enregistrement de
l'ordonnance du Conseil effectués le 12 mars 1975,
sont entachés de nullité et que le fait que le
Conseil ait omis de fixer un délai pour l'exécution
de l'ordonnance constitue une lacune qui doit être
comblée pour que ladite exécution puisse avoir
lieu. Ces admissions n'étaient pas imminentes. Et
il est raisonnable qu'il en ait été ainsi parce que le
redressement demandé aurait très bien pu être
accordé comme l'avocat de la requérante s'y
attendait.
J'ai aussi invité l'avocat de la requérante à
abandonner le redressement réclamé aux paragra-
phes 3 et 4 de l'avis de requête s'il jugeait que le
refus du redressement réclamé aux paragraphes 1
et 2 le rendait inopérant et prématuré. Il a décliné
cette invitation et il n'avait pas tort de le faire pour
la raison que je viens d'indiquer.
En conséquence, il me faut examiner le redresse-
ment réclamé dans les paragraphes 3 et 4, à savoir:
un bref de séquestration visant les biens de l'inti-
mée, Central Broadcasting Company Ltd., et
d'Edward Arthur Rawlinson, et une ordonnance
d'incarcération contre ce dernier. Je ne peux vrai-
ment voir aucune raison qui ait put inciter l'avocat
de la requérante à penser qu'il en serait
différemment.
Dans tous les litiges antérieurs que j'ai mention-
nés, les parties nommées dans l'intitulé de l'affaire
ont été: Central Broadcasting Company Ltd. et
Fraternité internationale des ouvriers en électri-
cité, section locale 529. Le Conseil canadien des
relations du travail a aussi été partie à plusieurs
instances. Le juge de Grandpré, dans les motifs de
l'arrêt où il rejette un appel du jugement rendu par
la Cour d'appel fédérale, fait observer que le Con-
seil a déposé un mémoire plein de longueurs, mais
que sa compétence n'ayant pas été contestée, la
Cour suprême a statué à l'unanimité qu'il n'avait
pas qualité pour comparaître et son avocat n'a pas
été invité à prendre la parole. Je présume qu'il en a
été de même devant les cours d'instance inférieure;
le Conseil n'avait pas non plus qualité pour compa-
raître devant ces cours.
Rawlinson n'a jamais été partie aux litiges
précédents. L'affidavit de Gerecke le mentionne
comme ayant été intimé devant la Cour suprême.
C'est inexact. Il n'est nommé comme tel que dans
l'intitulé du présent avis de requête. Je doute que
cela soit correct, mais rien ne relève cette inexacti-
tude, si inexactitude il y a. Il n'était pas partie
devant le Conseil et l'ordonnance du Conseil ne
s'applique pas à lui.
Rawlinson a été introduit dans le présent avis de
requête en vertu de la Règle 1903, dont voici le
libellé:
Règle 1903. (1) Lorsque
a) une personne requise par un jugement ou une ordonnance
d'accomplir un acte dans un délai qui y est spécifié refuse ou
néglige de le faire dans ce délai, ou, selon le cas, dans le délai
prolongé ou réduit en vertu des présentes Règles, ou que
b) une personne enfreint un jugement ou une ordonnance qui
lui enjoint de s'abstenir d'accomplir un acte,
le jugement ou l'ordonnance peuvent, sous réserve des autres
dispositions des présentes Règles, être exécutés par application
de l'une ou plusieurs des procédures suivantes, savoir:
(i) bref de séquestration visant les biens de cette personne,
avec la permission de la Cour,
(ii) lorsqu'il s'agit d'une corporation, bref de séquestration
visant les biens de tout administrateur ou autre membre de
la direction de cette corporation, avec la permission de la
Cour,
(iii) sauf s'il s'agit d'une ordonnance de paiement d'une
dette ou autre obligation, ordonnance d'incarcération de
cette personne ou, dans le cas d'une corporation, de n'im-
porte lequel des administrateurs ou autres membres de la
direction de la corporation, avec la permission de la Cour.
En examinant à fond l'affidavit de Gerecke, j'ai
trouvé des allégations incidentes qui me permet-
tent de conclure que l'intimée est une corporation
et que Rawlinson en est le président, mais j'aurais
grandement préféré un affidavit spécifique éma-
nant d'une personne ayant connaissance des faits à
établir.
Tout au long des présents motifs, je me suis
constamment et exclusivement référé à Central
Broadcasting Company Ltd. comme «l'intimée» et
lorsque j'ai mentionné Rawlinson, je l'ai nommé
par son nom et non pas «l'intimé».
A mon sens, l'ordonnance du Conseil est si
vague, si incertaine, si imprécise, si ambiguë
qu'elle ne peut pas être exécutée.
Un bref de séquestration s'adresse à quatre com-
missaires au moins et enjoint chacun d'eux, ou
deux ou trois d'entre eux, d'entrer dans les lieux de
prendre possession de tous les biens meubles et
immeubles de l'intimée (et, en l'espèce, de Rawlin-
son) pour percevoir, recevoir et garder le revenu de
ces biens meubles et immeubles et de les garder
sous séquestration jusqu'à ce que l'intimée (et
Rawlinson) se soit conformé à l'ordonnance et se
soit déchargé de son outrage au tribunal. En l'es-
pèce, on ne peut se décharger de l'outrage au
tribunal qu'en se conformant à l'ordonnance du
Conseil et en payant le montant qu'elle ordonne de
payer. Il va sans dire que lorsqu'une ordonnance
du Conseil vise le paiement d'une dette ou autre
obligation, il ne saurait y avoir une ordonnance
d'incarcération.
Le Conseil a ordonné à l'intimée de se confor-
mer à l'article 184 du Code canadien du travail
qui, entre autres, prévoit de façon générale qu'au-
cun employeur ne doit refuser d'embaucher ou de
continuer à employer une personne parce qu'elle
est membre d'un syndicat. Il s'agit ici d'une inser
tion par référence. L'ordonnance déclare ensuite,
de façon plus détaillée, que l'imtimée doit réinté-
grer les employés qu'elle désigne nommément,
dans les emplois qu'ils occupaient avant leur
renvoi, le 2 décembre 1974, au même taux de
traitement, et avec les mêmes privilèges, ainsi
qu'avec toute rémunération et tout privilège dont
ils auraient bénéficié s'ils n'avaient pas été ren-
voyés, et que l'employeur doit leur verser une
somme équivalente à la rémunération qu'ils
auraient touchée pour la période comprise entre le
9 décembre 1974 et la date de leur réintégration.
Dans l'avant-dernier paragraphe de l'ordon-
nance, le Conseil déclare qu'il ne fixera pas le
quantum du montant à payer et, dans le dernier
paragraphe, qu'il se réserve le droit de le fixer, à la
demande de l'une ou l'autre des parties, au cas où
celles-ci ne parviendraient pas à se mettre d'ac-
cord. Si les parties étaient arrivées à une entente
sur le montant à payer et sur leurs destinataires,
elle aurait dû être déposée et enregistrée en com-
plément de l'ordonnance du Conseil et en faire
partie. Il n'en a rien été.
Au cours de l'audition, l'avocat m'a assuré que
les parties n'étaient pas arrivées à une entente et
que ni l'une ni l'autre d'entre elles n'avait demandé
au Conseil de fixer le montant, bien que ce dernier
les y ait invitées. La présence de ces deux paragra-
phes de l'ordonnance, ajoutée aux raisons que j'ai
exposées précédemment, m'a incité à proposer gra-
cieusement, à plusieurs reprises, à l'avocat de la
requérante, de s'adresser directement au Conseil
s'il souhaitait faire modifier l'ordonnance.
Manifestement, l'ordonnance n'a pas un carac-
tère définitif et, pour cette raison, elle ne peut pas
être exécutée par les brefs de la Cour. Elle n'est
que conditionnelle, les conditions étant que les
parties se mettent d'accord sur le «quantum» à
payer et, à défaut d'accord, que le montant soit
fixé par le Conseil. Aucune de ces conditions n'a
été remplie et l'ordonnance reste donc incertaine.
Comme je l'ai déjà mentionnée, le Conseil n'a
fixé dans son ordonnance aucun délai pour le
paiement de montants encore inconnus. C'est com-
préhensible puisque le montant n'a pas encore été
fixé et tant qu'il ne le sera pas, ce qui est une
condition de l'ordonnance, il ne paraît pas oppor-
tun de fixer un délai pour son paiement.
Le Conseil a aussi ordonné à l'intimée de
reprendre à son emploi les employés désignés nom-
mément dans l'ordonnance. En vertu de l'article
1896)(i) du Code canadien du travail, il peut
enjoindre un employeur de reprendre à son emploi
un ancien employé renvoyé en contravention de
l'article 184(3)a). C'est bien ce qu'il a fait, mais il
n'a pas fixé de délai à l'employeur pour se confor-
mer aux termes de son ordonnance. Tout au plus,
celle-ci est-elle susceptible de signifier que la réin-
tégration doit être immédiate. Si on retient cette
interprétation, alors le mot «immédiat» signifie ici
«dans un délai raisonnable», et la question se pose
de savoir qui va déterminer ce qu'on entend par
«délai raisonnable». L'interprétation de l'em-
ployeur à cet égard peut notablement différer de
celle de l'employé. A mon sens, le Conseil aurait
dû prévenir toute possibilité de conflit à cet égard,
simplement en indiquant dans son ordonnance le
délai qui, à ses yeux, est «raisonnable».
Le juge Humphreys, dans un contexte analogue,
a interprété judiciairement le mot «réintégrer» à
propos de l'affaire Jackson c. Fisher's Foils Ltd. 5
Il a adopté les termes du lord juge-greffier Cooper
qui, traitant de la définition du mot «réintégrer»
déclare:
[TRADUCTION] Le sens naturel et primaire du mot «réinté-
grer» appliqué à un homme qui a été renvoyé (ex hypothesi
sans justification) est: le replacer dans l'emploi, dont il a été
renvoyé et donc restaurer le statut antérieur au renvoi.
C'est ce que le Conseil a fait dans son ordon-
nance: il a bien nommé les employés à réintégrer,
mais il a omis d'indiquer pour chacun d'eux dans
quel emploi, comme le font toutes les ordonnances
analogues, dont j'ai eu connaissance. Au cours de
l'audition, j'ai donné un exemple où l'employé
prétend qu'il a été renvoyé d'un poste de directeur
général, alors que l'employeur affirme qu'il l'a été
d'un emploi de commissionnaire. Qui va résoudre
le conflit? Les commissaires qui doivent détenir les
biens de l'intimée jusqu'à ce qu'on se soit conformé
à l'ordonnance du Conseil? Ou bien le gardien de
prison à qui la garde de Rawlinson serait confiée
jusqu'à ce qu'il se soit déchargé de l'outrage au
tribunal en se conformant à l'ordonnance? Ou bien
encore un juge de la Division de première instance
de la Cour fédérale du Canada, qui sera contraint
d'entamer une enquête pour vérifier les faits au cas
où surviendrait un conflit de la nature de celui que
j'ai cité en exemple, possibilité qui n'est nullement
5 [1944] 1 All E.R. 421.
écartée? Il s'agit là de questions de pure forme
auxquelles il faut répondre négativement. De toute
évidence, il incombe au Conseil d'empêcher que
son ordonnance donne lieu à ce genre de conflit sur
les faits, et pour cela il doit, au fur et à mesure
qu'il y désigne nommément les employés, préciser
l'emploi dans lequel chacun doit être réintégré. Il
ne peut agir ainsi que s'il disposait d'éléments de
preuve à cette fin au cours de son enquête.
Si cette Cour doit punir une personne pour ne
pas avoir exécuté une ordonnance du Conseil qui,
en vertu de l'article 123 du Code canadien du
travail est devenue, après son dépôt et son enregis-
trement, une ordonnance de cette Cour aux fins
d'exécution, cette ordonnance doit prescrire les
actes à accomplir en termes clairs et non ambigus,
ce que, pour les raisons que j'ai données, le Conseil
a négligé de faire.
La décision du juge Walsh dans l'affaire Le
Syndicat canadien de la Fonction publique c. La
Société Radio-Canada (supra) est d'une remar-
quable logique. Si cette Cour doit faire exécuter
une ordonnance du Conseil canadien des relations
du travail, comme s'il s'agissait d'une de ses ordon-
nances, elle doit exercer un certain contrôle sur
cette ordonnance, qui doit être déposée et enregis-
trée en conséquence. L'article 123 du Code cana-
dien du travail prévoit ce contrôle dans une cer-
taine mesure lorsqu'il déclare que le défaut de se
conformer à une ordonnance du Conseil, doit être
établi avant de la déposer. Lorsque l'ordonnance
du Conseil est imprécise, comme dans le cas qui
nous occupe, alors il est impossible d'établir qu'il y
a eu désobéissance et le dépôt de l'ordonnance doit
être rejeté.
En outre, si je dois décerner un bref de séques-
tration, il me faut prescrire dans quelles conditions
les commissaires à qui il sera adressé pourront
débloquer les biens sous séquestre et quand l'ou-
trage au tribunal aura cessé. Or, je ne peux pas
prescrire quels sont les actes à accomplir pour se
conformer à l'ordonnance lorsque celle-ci est vague
et incertaine à cet égard.
De plus, il est impossible d'établir qu'une per-
sonne désobéit à une ordonnance si celle-ci ne
précise pas les actes que cette personne doit
accomplir. Si je dois rendre une ordonnance d'in-
carcération contre Rawlinson, je suis obligé d'y
déclarer l'outrage qu'il a commis. Or, je ne peux
pas le faire à partir d'une ordonnance ambiguë. Je
vais encore plus loin. L'ordonnance d'incarcération
a pour effet d'emprisonner l'intimée jusqu'à nouvel
ordre. Or, ce nouvel ordre intervient normalement
lorsque l'intimée s'est déchargé de l'outrage en se
conformant à l'ordonnance à laquelle il avait déso-
béi. Comme je l'ai déjà dit, je ne peux pas envoyer
quelqu'un en prison pour outrage quand il m'est
impossible de constater l'outrage, et je ne peux pas
non plus établir à quel moment aura cessé un
outrage qui n'a pas été constaté.
En l'espèce, l'ordonnance du Conseil signifiée à
l'intimée et à Rawlinson ne portait pas d'avis,
comme le requiert la Règle 1905(4). J'estime que
l'omission d'inclure cet avis dans la copie de l'or-
donnance est rédhibitoire.
Dans Iberian Trust, Limited c. Founders Trust
and Investment Company, Limited 6 , le juge Lux-
moore a statué qu'une ordonnance ne pouvait pas
être exécutée en procédant à la saisie des biens des
administrateurs d'une compagnie, parce que la
copie de l'ordonnance qui leur avait été signifiée ne
portait pas d'avis les informant des conséquences
pénales de leur désobéissance, comme l'exigeait
une règle judiciaire analogue à la Règle 1905(4).
Je ne peux pas m'empêcher de dire que les
membres du Conseil canadien des relations du
travail, sachant qu'une ordonnance, ou une déci-
sion, rendue par eux peut être déposée et enregis-
trée devant cette Cour et a ensuite le même effet
qu'un jugement de cette Cour aux fins d'exécution,
doivent apporter le plus grand soin à s'assurer que
cette ordonnance ou décision a bien été rédigée
dans des termes précis, inconditionnels et non
ambigus, de manière à être exécutable. S'ils ne
savent pas comment y parvenir, il leur incombe
alors de demander des instructions à ce sujet.
A la décharge du Conseil, il se peut que, sachant
que son ordonnance était conditionnelle, il ait
pensé qu'elle ne serait pas présentée pour dépôt
avant que les conditions prescrites n'aient été rem-
plies, après quoi il aurait rendu une ordonnance
précise et inconditionnelle. Cela est pure conjec
ture de ma part, mais si je suis dans le vrai, il
6 [1932] 2 K.B. 87.
aurait dû inclure à son ordonnance un caveat à cet
effet, ce qu'il n'a pas fait.
Néanmoins, l'ordonnance que le Conseil a
rendue le 19 février 1975 entre dans le cadre de
l'article 123 du Code canadien du travail et était
donc susceptible d'être présentée pour dépôt et
enregistrement ultérieur, comme elle l'a été, et, à
mon avis, elle a été acceptée irrégulièrement à ce
double titre.
Vu la longueur démesurée de ces motifs, le
chevauchement inévitable en plusieurs cas et la
nécessité de régler des questions incidentes, j'es-
time opportun d'énoncer sous forme de sommaire
mes conclusions concernant la présente requête.
Les voici donc:
1. Je suis saisi de la question de la validité du
dépôt et de l'enregistrement effectués au Bureau
du greffe à Saskatoon, le 12 mars 1975, de
l'ordonnance rendue par le Conseil le 19 février
1975;
2. En me fondant sur la décision rendue par
mon collègue le juge Walsh dans l'affaire Le
Syndicat canadien de la Fonction publique c. La
Société Radio-Canada, je déclare que le dépôt
de cette ordonnance et son enregistrement ulté-
rieur sont nuls;
3. Je rejette la demande incluse dans le para-
graphe 1 de l'avis de requête, à savoir que
l'ordonnance du Conseil soit maintenant déposée
en application de l'article 123 du Code canadien
du travail, car je ne suis pas convaincu d'après
les affidavits présentés à l'appui de cette
demande que l'intimée et Rawlinson ne se sont
pas conformés à ladite ordonnance. Par ailleurs,
l'intimée et Rawlinson affirment qu'ils s'y sont
bien conformés. Les circonstances particulières
les ont empêchés de contre-interroger les auteurs
des affidavits produits à l'appui de la demande;
ils n'ont donc pas été en mesure de présenter une
défense pleine et entière pour répondre à la
demande. Tant que cette occasion ne leur aura
pas été fournie, il ne peut pas être statué sur la
demande et celle-ci ne peut pas faire l'objet
d'une audition;
4. Je rejette la demande incluse dans le para-
graphe 2 de l'avis de requête, à savoir que cette
Cour doit ni plus ni moins modifier l'ordonnance
rendue par le Conseil, en fixant un délai pour s'y
conformer, car, pour les motifs que j'ai exposés,
je ne pense pas en avoir le pouvoir.
5. Je rejette la demande d'autorisation afférente
à un bref de séquestration visant les biens de
l'intimée et de Rawlinson parce que a) il n'y a
pas d'ordonnance du Conseil déposée et enregis-
trée comme s'il s'agissait d'une ordonnance de
cette Cour à exécuter, b) en tous cas, l'ordon-
nance du Conseil est conditionnelle et les condi
tions n'ont pas été remplies, car certaines des
sommes à payer n'ont pas été fixées par voie
d'entente entre les parties ni par le Conseil, et c)
l'ordonnance du Conseil est si inexplicite à d'au-
tres égards qu'on ne peut pas déterminer les
actes qu'elle ordonne d'accomplir et a fortiori
on ne peut pas établir qu'il y ait eu défaut de s'y
conformer;
6. Pour les raisons énoncées aux alinéas 5b) et
c) ci-dessus, ajoutées à celles énoncées au para-
graphe 3, je refuse d'accepter l'ordonnance du
Conseil aux fins de dépôt, comme le demande le
paragraphe 1 de l'avis de requête, parce qu'il
n'est pas possible de constater qu'il y ait eu
désobéissance à l'ordonnance du Conseil;
7. Je refuse de rendre une ordonnance d'incar-
cération contre Rawlinson pour les mêmes rai-
sons que j'ai refusé de décerner un bref de
séquestration;
8. Je n'ai pas eu besoin de décider s'il y a ou
non une raison spéciale pour accorder l'autorisa-
tion d'appeler des témoins à déposer en audience
publique, mais le fait que cette autorisation ait
été demandée ne dispense pas la requérante
d'étayer l'avis de requête par des affidavits révé-
lant tous les faits sur lesquels la requête se
fonde, comme le requiert la Règle 319; et
9. La copie de l'ordonnance signifiée à l'intimée
et à Rawlinson ne portait pas d'avis les infor
mant des conséquences d'une désobéissance,
comme le requiert la Règle 1905(4), ce qui est
néfaste pour l'exécution de l'ordonnance du
Conseil.
Je rejette donc la requête dans son intégralité.
L'intimée et Rawlinson ont droit immédiatement à
leurs dépens taxés sur la base de dépens entre
parties quelle que soit l'issue de l'action principale.
Vu que leurs défenses respectives face à la requête
étaient en grande partie analogues et que la prépa-
ration s'applique aux deux et a été faite et plaidée
par un seul avocat, il n'y aura qu'un seul mémoire
de frais.
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