T-4944-76
Alain G. L. Gaudet (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Décary—
Ottawa, les 11 mai et 10 juin 1977.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Frais de scolarité — Épouse suit un programme de formation
au sens de la définition de l'art. 110(9)b) — Tous frais
d'entretien assumés par l'époux — L'époux peut-il déduire les
frais? — Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art.
11(1)qc), dans sa forme modifiée par S.C. 1970-71-72, c. 63,
art. 60f), 110(1)g),h),(9)a),b) et c).
L'appel, par voie de procès de novo, attaque le rejet par la
Commission de révision de l'impôt de l'appel du demandeur.
L'épouse du demandeur a suivi au Collège de Ste-Foy un
programme qui relevait de la définition de l'article 110(9)b).
Le demandeur a entièrement assumé les frais d'entretien de son
épouse pendant cette période et a déduit ses frais de scolarité de
son impôt sur le revenu de 1973. Le Ministre a refusé la
déduction _au motif qu'elle n'était pas une étudiante à plein
temps au sens de l'article 110(1)h) et (9) et a confirmé sa
cotisation après que le demandeur eut déposé un avis d'opposi-
tion. Le demandeur en alors appelé à la Commission de révision
de l'impôt puis à cette cour.
Arrêt: l'appel est accueilli. Le fait que l'institution ait consi-
déré l'épouse du demandeur comme étudiante à temps partiel
ne signifie pas qu'elle doit être considérée comme telle pour les
fins de l'impôt sur le revenu. Puisque la loi, à l'article 110(9)b),
pour les fins de l'article 110(1)h) exige un programme d'une
durée minimum de trois semaines et un minimum de dix heures
de travaux par semaine se rapportant aux cours, c'est ce critère
qui doit être utilisé pour déterminer si l'étudiant fréquente à
plein temps l'institution d'enseignement désignée. Puisque
l'épouse du demandeur rencontre toutes les conditions requises
par l'article 110(9)a),b) et c), les dispositions de l'article
110(1)h) s'appliquent et la preuve le démontre.
Distinction faite avec l'arrêt: M.R.N. c. Ritchie 71 DTC
5503. Arrêt examiné: Moore c. M.R.N. 63 DTC 734.
APPEL.
AVOCATS:
Pauline Gaudet pour le demandeur.
Jean-Paul Fortin, c.r., pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Pauline Gaudet, Hull, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE DÉCARY: Il s'agit de déterminer si le
demandeur, époux d'une mère de quatre enfants, a
eu raison de déduire de son revenu pour l'année
1973 les frais scolaires de $180 qu'il a payés pour
son épouse, dont il assumait tous les frais d'entre-
tien, parce qu'elle était étudiante à plein temps
pour les fins de l'article 110(1)h) de la Loi.
Le ministre du Revenu national, par son avis de
nouvelle cotisation en date du 12 mai 1975, a
refusé la déduction de ces frais scolaires. Le
demandeur logea un avis d'opposition contre la
nouvelle cotisation le 23 mai 1975. Le ministre du
Revenu national, par sa notification en date du 26
janvier 1976, a ratifié ladite cotisation du chef que
l'épouse du demandeur n'avait pas fréquenté à
plein temps un établissement d'enseignement dési-
gné au sens des articles 110(1)h) et 110(9) de la
Loi. Le demandeur logea un appel à la Commis
sion de révision de l'impôt et le président rejeta son
appel le 17 novembre 1976, d'où l'appel devant
cette cour, qui est un procès de novo.
L'article 110(1)h) se lit comme suit:
110. (1) Aux fins du calcul du revenu imposable d'un con-
tribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit de
son revenu pour l'année celles des sommes suivantes qui sont
appropriées:
h) lorsque le contribuable était le particulier assumant les
frais d'entretien pendant l'année d'un étudiant fréquentant à
plein temps un établissement d'enseignement désigné et ins-
crit dans cet établissement à un programme de formation, la
fraction
(i) de $50 multipliée par le nombre de mois de l'année au
cours desquels l'étudiant a ainsi fréquenté l'établissement
et a été inscrit au programme,
qui est en sus
(ii) du montant, si montant il y a, du revenu imposable de
l'étudiant pour l'année, calculé avant toute déduction auto-
risée en vertu de l'alinéa g).
Cet article 110(1)h) a été introduit dans la Loi
de l'impôt sur le revenu par S.C. 1973-74, c. 14,
art. 35(6) et s'applique, en vertu du paragraphe
(9) de l'article 35, aux années d'imposition 1972 et
suivantes, qui se lit comme suit:
35....
(9) Les paragraphes (1), (3) à (6) et le paragraphe (8)
s'appliquent aux années d'imposition 1972 et suivantes.
Dans la Loi de 1948, c. 148, Statuts revisés du
Canada de 1952 tels qu'amendés, il n'y avait pas
de dispositions semblables à celles de l'article
110(1)h) de la Loi en vigueur. En effet, l'article
11(1)qc) de la Loi de 1948 prévoyait les conditions
que doit remplir l'étudiant réclamant ces frais,
mais il n'y avait aucune disposition quant à ces
mêmes frais payés par une personne pourvoyant à
l'entretien de l'étudiant.
Cet article 11 (1)qc) se lisait comme suit:
11. (1) Par dérogation aux alinéas a), b) et h) du paragra-
phe (1) de l'article 12, les montants suivants peuvent être
déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition:
qc) si un contribuable a été durant l'année un étudiant
inscrit à une institution d'enseignement au Canada
(i) qui est une université, un collège ou autre institution
d'enseignement où se donnent des cours d'un niveau acadé-
mique post-secondaire,
(ii) qui est une école dirigée par Sa Majesté du chef du
Canada ou d'une province ou en son nom, par une munici-
palité au Canada ou un organisme municipal ou public
remplissant une fonction gouvernementale au Canada,
(iii) qui est une école secondaire où se donnent des cours
conduisant au certificat d'école secondaire ou au diplôme
nécessaire pour s'inscrire à un collège ou une université, ou
(iv) qui est certifiée par le ministre de la Main-d'oeuvre et
de l'Immigration comme étant une institution d'enseigne-
ment où se donnent des cours assurant ou améliorant la
compétence d'une personne à remplir un emploi, exploiter
un commerce ou exercer une profession,
Les dispositions de l'article 11(1)qc) de la Loi
de 1948 sont devenues, dans la Loi de l'impôt sur
le revenu étant S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 60f) de
la Loi en vigueur en 1972 et sont substantiellement
les mêmes que celles de l'article 11(1)qc) de la Loi
de 1948:
60. Peuvent être déduites lors du calcul du revenu d'un
contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes
qui sont appropriées:
J) lorsque le contribuable a été au cours de l'année inscrit
dans un établissement d'enseignement situé au Canada et
que cet établissement est
(i) une université, un collège ou tout autre établissement
dispensant un enseignement de niveau post-secondaire,
(ii) une école relevant de Sa Majesté du chef du Canada
ou d'une province, d'une municipalité canadienne ou d'un
organisme municipal ou public exerçant des fonctions gou-
vernementales ou administratives au Canada,
(iii) une école secondaire dispensant un enseignement con-
duisant au certificat ou au diplôme de fin d'études secon-
daires, qui est nécessaire pour entrer dans un collège ou
dans une université, ou
(iv) reconnu par le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration comme étant un établissement où est dis-
pensé un enseignement qui permet à toute personne d'ac-
quérir ou d'améliorer les connaissances nécessaires pour
occuper un emploi, exploiter une entreprise ou exercer une
profession libérale,
Il faut retenir que ces deux articles ne sont
appropriés qu'au cas où l'étudiant lui-même paie
les frais de scolarité.
Lorsque c'est une autre personne qui paie les
frais de scolarité de l'étudiant, en plus d'assurer les
frais d'entretien de l'étudiant, cette personne doit
être parente à l'étudiant pour avoir droit à la
déduction prévue à l'article 1 10(1)h) puisque les
dispositions de l'article 1 10(9)c) se lisent ainsi:
110. (9) ...
c) «particulier assumant les frais d'entretien» pour une année
d'imposition en ce qui concerne un étudiant désigne un
particulier (appelé au présent alinéa, «parent» de l'étudiant),
qui était, durant l'année, le conjoint, le père, la mère, le
grand-père, la grand-mère, le frère ou la soeur de l'étudiant,
sauf
Il est prouvé que le demandeur assumait les frais
d'entretien de l'étudiante et que cette dernière
était sa conjointe; que le Collège de Ste-Foy, que
fréquentait l'épouse du demandeur, était un éta-
blissement d'enseignement désigné et qu'elle était
inscrite à un programme de formation.
Le programme de formation est défini à l'article
1 10(9)b) qui se lit en partie comme suit:
no....
(9) Aux fins des alinéas (1)g) et h)
b) «programme de formation» désigne un programme d'une
durée non inférieure à 3 semaines consécutives, selon lequel
chaque étudiant qui y participe doit consacrer 10 heures par
semaine au moins à des cours ou à des travaux prévus au
programme, mais, pour un étudiant donné, ne comprend un
tel programme
Cette définition établit deux conditions: le
nombre de semaines consécutives où le cours est
donné et le nombre d'heures par semaine consa-
crées au cours ou à des travaux. Il est en preuve
que le cours, ici, durait plus de 3 semaines et que
l'épouse du demandeur y consacrait au moins 17
heures par semaine, étant 7 heures de cours le soir,
au rythme de deux séances de 3 heures et demi
chacune, et 10 heures de travaux.
Il faut préciser que le contexte de cette expres
sion dans la Loi de 1948 n'est pas le même que
celui de l'article 110(1)h) de la Loi. Cet article
110(1)h) indique les conditions d'application qui
sont définies à l'article 110(9)a),b) et c). A mon
avis, les définitions peuvent influer sur la significa
tion à être donnée à l'expression «étudiant fréquen-
tant à plein temps».
Les différences entre les articles 60J) et
110(1)h) m'apparaissent être les suivantes: le con-
tribuable visé à l'article 60f) est l'étudiant lui-
même qui paie ses cours tandis que le contribuable
visé à l'article 110(1)h) est le parent qui paie les
frais de scolarité de l'étudiant qu'il soutient; à
l'article 60f) le choix des établissements d'ensei-
gnement est très vaste tandis qu'à l'article
110(1)h) il est restreint à l'aide à la formation.
Il me semble qu'il faille considérer ces deux
distinctions en étudiant la jurisprudence, vu que la
Cour n'a jamais eu à décider de la portée des
dispositions de l'article 110(1)h) qui accordent la
déduction des frais scolaires au parent de l'étu-
diant. Je crois qu'il sera quand même utile d'étu-
dier cette jurisprudence en ayant bien soin de ne
pas oublier que le contexte est différent à l'article
110(1)h). Le CEGEP de Ste-Foy où Mme Gaudet
a étudié durant l'année 1973 étant un établisse-
ment d'enseignement prévu à l'article 60J)(iv) de
la Loi déjà cité, elle aurait eu le droit de déduire
ces frais scolaires de son revenu imposable si elle
en avait eu un et si elle avait acquitté elle-même
ces frais.
Dans les affaires jugées par la Commission d'ap-
pel de l'impôt sur le revenu, la Cour de l'Échiquier
et la Cour fédérale, il fallait établir la signification
de l'expression «student in full-time attendance»,
en français «un étudiant qui suivait [les cours] à
plein temps» à l'article 11(1)qb), équivalant à 60f)
de la Loi en vigueur maintenant, régissant le cas
où l'étudiant paie lui-même les frais scolaires.
Il y a deux jugements contraires, l'un de la Cour
de l'Échiquier par le juge Dumoulin, qui a con
firmé par une décision orale sur le banc le juge-
ment de M° W. S. Fisher, alors commissaire à la
Commission d'appel, et l'autre de la Cour fédérale
par le juge Heald. Chacune de ces affaires a été
décidée en vertu des dispositions de l'article
11(1)qb) de la Loi de 1948 où le contexte n'est pas
le même que celui de l'article 110(1)h) de la Loi
en vigueur en 1973. Conséquemment, je ne crois
pas devoir référer à la jurisprudence autrement
que pour les fins de la manière d'interpréter l'arti-
cle 110(1)h), c'est-à-dire, l'interpréter d'une façon
libérale ou d'une façon stricte.
Dans l'affaire Moore c. M.R.N.' feu Me W. S.
Fisher, c.r., commissaire à la Commission d'appel
de l'impôt, dit ceci quant à l'interprétation, pages
735 et 736:
[TRADUCTION] Je conçois nettement qu'il existe une règle
établie par les tribunaux selon laquelle les dispositions d'exemp-
tion, y inclus, sans aucun doute, celles concernant les déduc-
tions, doivent être interprétées de façon stricte. Cependant, il
s'agit là d'une interprétation établie par les tribunaux, qui
touche les lois fiscales et ne se retrouve dans aucun texte
législatif adopté par le Parlement du Canada, en autant que je
sache. De fait, le Parlement du Canada, à l'art. 15 de la Loi
d'interprétation, c. 158, S.R.C. 1952, a prévu ce qui suit:
15. Toute loi, y compris chacune de ses prescriptions et
dispositions, est censée réparatrice, qu'elle ait pour objet
immédiat d'ordonner un acte que le Parlement considère
d'intérêt public ou d'empêcher ou de punir un acte qu'il juge
contraire à cet intérêt, et elle doit donc être interprétée de la
façon juste, large et libérale, la plus propre à assurer la
réalisation de son objet, conformément à son sens, son
intention et son esprit véritables. [Mis en italiques par mes
soins.]
Cette disposition de la loi, dans sa forme adoptée par le
Parlement, est consacrée depuis longtemps et si elle vient en
conflit avec une règle établie par les tribunaux, je suis d'avis
que la loi adoptée par le Parlement doit avoir préséance si le
tribunal ou une commission estime que le sens et l'esprit
véritables de la loi adoptée par le Parlement sont de nature telle
qu'elle ne doit pas être interprétée de façon à donner aux
termes précis contenus dans ladite loi un sens restreint unique-
ment sauf si, bien entendu, il ressort clairement que le Parle-
ment avait l'intention de ne donner aux termes adoptés par lui
qu'une interprétation extrêmement stricte dans le cadre d'une
définition bien établie.
Après avoir lu les dispositions de l'alinéa qb) (précité), je suis
d'avis que le Parlement n'avait pas l'intention de donner à l'une
ou l'autre des expressions «qui suivait à plein temps» ou «autre
institution d'enseignement au Canada» une interprétation trop
stricte. Sans aucun doute, le Parlement n'ignorait pas que de
nombreux étudiants, par exemple, ceux en médecine, ne passent
que quelque sept ou huit mois par année à l'université au cours
des deux ou trois premières années de leur cours et que,
pendant le reste de l'année, ils exercent tous genres d'emplois
afin de gagner un revenu qui leur permette de payer, non
seulement leurs frais de scolarité en médecine, mais également
leurs frais de repas et logement engagés alors qu'ils sont absents
de chez eux, dans le cadre de cours suivis dans une faculté de
médecine.
1 63 DTC 734.
On peut dire la même chose des étudiants en art dentaire, en
théologie, ou des étudiants se dirigeant vers d'autres professions
qui exigent qu'ils aient suivi un programme d'enseignement
déterminé afin d'acquérir la compétence voulue pour exercer
leur profession auprès du public et très certainement, le Parle-
ment avait connaissance de cette situation lorsqu'il a adopté sa
loi et employé l'expression «qui suivait à plein temps, à un[e]
... institution d'enseignement au Canada, un cours d'un niveau
scolaire post-secondaire».
Quant au sens à être donné à «attendance», nous
lisons, dans le même jugement, pages 739 et 740:
[TRADUCTION] Dans son avis d'appel à la Commission,
l'appelant a déclaré que la partie de son programme de forma
tion et d'enseignement qui se faisait sous forme de cours par
correspondance s'étendait «de septembre à avril, inclusivement,
avec une discontinuité de quelques semaines due à un nombre
varié de cours suivis pendant des années différentes» et traitait
des principes de comptabilité. Dans ledit avis, l'appelant a
étudié le sens du mot «attendance» et a fait valoir que la
présence effective à un cours n'était pas un critère obligatoire.
Il a cité la définition d'«attendance» tirée du Oxford English
Dictionary comme étant «le fait de suivre» et puisque «atten-
ding» est le participe présent du verbe «fo attend», il s'est
reporté à la définition d'«attend» qui se lit comme suit: «1.
Porter son attention sur; 2. s'occuper de quelque chose; ou 3.
assister à, suivre.» L'appelant a fait valoir, par conséquent, que,
des faits se rapportant à sa propre cause, il ressortait très
clairement qu'il lui était nécessaire à la fois de «porter son
attention sur» et «s'occuper» du cours en cause, et par consé-
quent, il a soutenu que les exigences relatives à la présence,
telles que stipulées dans la Loi de l'impôt sur le revenu, ont été
remplies, hors de tout doute, en ce qui concerne le cours
conduisant au diplôme de comptable agréé. Il a fait valoir que
la présence effective dans n'importe quelle institution n'était
pas nécessaire bien qu'en fait l'appelant ait été effectivement
présent à son cours puisqu'il recevait son enseignement prati-
que au bureau de son employeur. L'appelant a soutenu que
l'intimé faisait preuve d'une attitude fort peu raisonnable et
très éloignée de la réalité en tentant de restreindre le sens du
mot «attendance» à la troisième définition seulement, et d'ar-
guer que le sens d'«attendance» n'était pas couvert par les deux
premières définitions précitées du verbe «to attend».
et, toujours dans le même jugement, nous trouvons
plus loin, page 741:
[TRADUCTION] A la lumière de toutes ces déclarations, des
faits relatifs à la cause du contribuable en l'espèce, et de ma
compréhension de l'intention du Parlement lorsqu'il a adopté
l'art. 11(1)qb) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et, compte
tenu de mon opinion selon laquelle le libellé dudit alinéa «doit
donc être interprété de la façon juste, large et libérale», je
conclus que le présent appel doit être accueilli pour les motifs
précités et, plus précisément, pour les motifs exposés par l'appe-
lant dans son avis d'appel étayant les interprétations que doi-
vent recevoir, à son avis, les expressions «qui suivait à plein
temps» et «autre institution d'enseignement», interprétations
auxquelles je souscris.
Ce jugement fut confirmé par la décision orale
du juge Dumoulin, déboutant le ministre du
Revenu national de son appel.
La même façon d'interpréter les dispositions de
l'article 11(1)qb) que dans l'affaire Moore c.
M.R.N. fut suivie par le président Cecil L. Snyder,
c.r., de la Commission d'appel de l'impôt dans
l'affaire Carson c. M.R.N. 2 où, à la page 426, il
écrit:
[TRADUCTION] L'appelant a payé des frais de scolarité pour
un cours qu'il était tenu de suivre aux termes de son contrat.
L'article 11(1)qb) de la Loi de l'impôt sur le revenu, en vigueur
en 1963, autorisait la déduction des frais de scolarité versés par
un étudiant qui suivait à plein temps, à une institution d'ensei-
gnement au Canada, un cours de niveau scolaire post-secon-
daire. Cet article a été étudié dans Moore c. Le ministre du
Revenu national, 63 DTC 734, 33 Tax A.B.C. 160, et il a été
décidé que l'enseignement reçu par un étudiant en comptabilité,
en stage chez un comptable agréé membre de l'Institut des
comptables agréés de la Colombie-Britannique, et poursuivant
ses études par voie d'un «cours par correspondance» équivalait à
un cours de niveau scolaire post-secondaire. Il a été statué que
l'appelant dans l'affaire Moore suivait à plein temps un cours à
une institution d'enseignement et avait droit à la déduction de
ses frais de scolarité. En appel, la présente commission a de
plus statué, et sa décision a été confirmée par la Cour de
l'Échiquier du Canada dans un jugement oral, que les disposi
tions de l'article 11(1)qb) doivent recevoir une interprétation
juste, large et libérale afin d'atteindre le but visé par la Loi. Il
appert, de fait, que c'était là l'intention du Parlement puisqu'en
1964, ce dernier adoptait l'alinéa qc) qui prévoyait la déduction
des frais de scolarité payés à une institution d'enseignement
dispensant des cours de niveau scolaire post-secondaire si ce
montant excédait $25. Ce nouvel alinéa n'exigeait pas d'un
étudiant qu'il suive «à plein temps» un cours à une institution
d'enseignement. Bien entendu, l'alinéa qc) ne s'applique pas à
l'année d'imposition 1963 mais semble confirmer l'intention du
Parlement voulant que les frais de scolarité payés par un
étudiant suivant un cours d'un niveau scolaire post-secondaire
soient déductibles de son revenu en tout état de cause. La
preuve de l'appelant a démontré qu'il a poursuivi pendant toute
l'année, avec l'aide du directeur de l'école, ses études qui ont
débuté au cours de l'été 1963. Ce fait, pris en considération
avec la décision rendue dans Moore et l'adoption subséquente
de l'alinéa 11(1)qc), nous amène à conclure que l'appelant doit
être autorisé à déduire de son revenu les frais de scolarité payés
par lui en 1963.
Il faut noter que le président Snyder réfère à
une modification de la Loi de l'année suivante
pour tenter d'établir l'intention du législateur. En
1964 il y eut des dispositions nouvelles adoptées:
celles de l'article 11(1)qc) de la Loi de 1948 et
nous lisons à la page 426 ibid.:
[TRADUCTION] Bien que l'article 11(1)qc), adopté en 1964,
autorise la déduction des frais de scolarité payés par un contri-
2 66 DTC 424.
buable, il faut noter que l'article 5(1)a) qui prévoit spécifique-
ment la nature des déductions s'appliquant à un revenu prove-
nant d'une charge ou d'un emploi n'a pas été modifié en 1964
afin d'inclure la déduction prévue à l'alinéa qc) afférente à un
revenu provenant d'une charge ou d'un emploi. Ce n'était
certainement pas l'intention du Parlement de soustraire les
personnes possédant un emploi à la déduction prévue à l'article
11(1)qc). Une telle interprétation aurait pour effet de fausser
la décision voulant que les dispositions de l'article 11(1)qc)
s'appliquent uniquement à des travailleurs autonomes ou à ceux
qui reçoivent un revenu provenant d'autres sources. Les alinéas
11(1)qb) et qc) ont été adoptés vraisemblablement afin d'en-
courager les étudiants à poursuivre leurs études et le but visé
par les législateurs serait frustré si une interprétation restreinte
était donnée à ces dispositions.
C'est avec déférence que je distingue l'affaire
présente du jugement du juge Heald dans l'affaire
M.R.N. c. Ritchie 3 quant à la façon d'interpréter
de telles dispositions, parce que je crois que le
texte de l'article 110(1)h) requiert une interpréta-
tion libérale et de plus, ce qui, en soi, est suffisant
pour distinguer l'affaire devant moi de l'affaire
Ritchie, c'est que l'affaire présente est régie par les
dispositions de l'article 110(1)h) où le contexte
n'est pas le même que celui de l'article 11(1)qb) de
la Loi de 1948.
Dans l'affaire Ritchie, le juge Heald n'avait pas
à considérer des dispositions semblables à celles
des articles 110(9)a),b) et c) qui définissent au fin
de l'article 110(1)g) et h) les expressions suivantes:
«établissement d'enseignement désigné» à l'alinéa
a); «programme de formation» à l'alinéa b) et
«particulier assumant les frais d'entretien» à l'ali-
néa c).
L'alinéa b) de l'article 110(9) que j'ai cité plus
haut définit «programme de formation» comme
étant celui d'une durée d'au moins 3 semaines
consécutives au cours desquelles l'étudiant doit
consacrer au moins 10 heures par semaine à des
cours ou à des travaux prévus au cours.
Il n'y avait aucune disposition semblable à celles
de l'article 110(9)a),b) et c) dans la Loi de 1948
aux articles 11(1)qb) et 11(1)qc) sinon la réfé-
rence à 13 semaines consécutives pour une univer-
sité à l'extérieur du Canada à l'article 11(1)qb).
Il me semble que si le législateur a requis à
l'article 110(9)b) pour les fins de l'article 110(1)h)
un programme d'une durée minimum de 3 semai-
nes consécutives et des cours ou des travaux requé-
3 71 DTC 5503.
rant 10 heures au moins chaque semaine, ce critère
peut et doit être utilisé pour déterminer si un
étudiant fréquente un établissement d'enseigne-
ment à plein temps.
L'épouse du demandeur suivant un programme
d'une durée de 13 semaines consécutives au
rythme de 7 heures de cours par semaine et de 10
heures de travaux par semaine, et le demandeur
rencontrant les conditions requises par les disposi
tions de l'article 110(9)a) qui définissent un éta-
blissement d'enseignement désigné, et le CEGEP
de Ste-Foy étant un tel établissement, et le deman-
deur rencontrant également les conditions requises
par les dispositions de l'article 110(9)c) qui défi-
nissent l'expression «particulier assumant les frais
d'entretien», à mon avis, les dispositions de l'article
110(1)h) s'appliquent puisque toutes les conditions
requises par l'article 110(1)h) sont remplies, et en
effet la preuve dans l'affaire présente le démontre.
Le demandeur, par conséquent, a droit à la déduc-
tion de $200 de son revenu imposable pour l'année
1973, ce montant étant la somme de $50 pour
chaque mois du cours suivi par son épouse, tel qu'il
est prévu audit article.
C'est mon opinion bien arrêtée que la définition
de «programme de formation» à l'article 110(9)b)
nous donne un critère utile et raisonnable pour
déterminer, aux fins de l'article 110(1)h), quelle
personne est «étudiant fréquentant à plein temps
un établissement d'enseignement désigné». Cette
personne est celle qui fréquente une institution
d'enseignement désignée et y suit un cours de la
durée énoncée à l'article 110(9)b), à savoir un
cours d'une durée minimum de 3 semaines consé-
cutives, et consacre à ce cours où à des travaux
prévus dans ce cours, un minimum de 10 heures
par semaine.
Si le législateur avait voulu que l'on se réfère,
comme on le prétendait au cours de l'audition, aux
qualités personnelles de l'étudiant, je ne vois pas
du tout l'utilité qu'il y aurait eue à légiférer de la
façon établie à l'article 110(9)b).
Cette façon d'interpréter l'article 110(1)h) qui,
d'une part, évite d'examiner la situation de chaque
étudiant quant au temps disponible pour son pro
gramme de formation et qui, d'autre part, permet
de juger de façon bien nette s'il se qualifie comme
étudiant fréquentant à plein temps une institution
d'enseignement désignée, me semble répondre tout
à fait aux intentions du législateur.
Le fait que l'épouse du demandeur ait été consi-
dérée, pour les fins d'établir les frais de scolarité,
c'est-à-dire comme étudiante à temps partiel, par
l'institution d'enseignement qu'elle fréquentait,
n'implique nullement qu'elle doive être considérée
comme telle, c'est-à-dire étudiante à temps partiel,
pour les fins de l'impôt sur le revenu, vu que le
législateur a prévu à l'article 110(9)b) un mini
mum de 3 semaines consécutives et de 10 heures
de cours, ou de travaux se rapportant au cours, par
semaine, pour avoir droit, toutes les autres condi
tions étant rencontrées, à la déduction permise par
l'article 110(1)h) de la Loi.
Cette désignation par l'établissement d'enseigne-
ment ne lie pas plus le Ministre que la désignation
de capital, donnée à un paiement reçu par une des
parties à un contrat, ne peut le lier si ce paiement
est reconnu comme revenu par une disposition de
la Loi ou par la jurisprudence.
De plus, je crois que cette façon d'interpréter
l'article 110(1)h) écarte toute possibilité de discri
mination vu qu'il y a un critère fixe de temps et
aucune référence à la condition individuelle de
l'étudiant.
L'appel du demandeur est accepté et la cotisa-
tion est annulée et la défenderesse paiera les frais
de la cause.
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